Programme des concerts 2009
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Programme des concerts 2009
LE CHŒUR DE LIMOURS Le Chœur de Limours est un chœur amateur fondé en 1971 par Pierre Bénichou. Il est dirigé depuis 1989 par Ariel Alonso. Son répertoire est varié : il a interprété des œuvres peu connues et souvent difficiles. Certaines œuvres ont été données “ a cappella ” (motets de Mendelssohn, Marienlieder de Brahms, motets de Poulenc) d’autres avec orchestre (Requiem de Duruflé, Misa Criolla de Ramirez, Messe en Sol de Schubert). D’autres œuvres parmi lesquelles figurent Les sept paroles du Christ de César Franck, Paukenmesse de Haydn, Requiem Allemand de Brahms et Requiem de Fauré dans sa version originale ont été interprétées avec une formation orchestrale réduite. La Messe N°4 de Saint-Saëns avec accompagnement d’orgue et la Petite Messe Solennelle de Rossini avec accompagnement de piano font partie du répertoire. Depuis 2000, le Chœur de Limours a produit avec une formation orchestrale professionnelle, l’Académie Symphonique de Paris : le Gloria de Vivaldi, la Grande Messe en Ut mineur de Mozart, la Messe solennelle en la bémol majeur de Schubert, la Messe du Couronnement de Mozart, les Stabat Mater de Rossini puis de Dvořák et enfin des psaumes de Mendelssohn et la Messa di Gloria de Puccini. Le Chœur de Limours a parallèlement continué sa collaboration avec les meilleurs orchestres amateurs de la région. Il s’est ainsi associé à l’Orchestre et au Chœur du Campus d’Orsay pour interpréter en 2000 Israël en Égypte de Haendel, et en 2001 le Requiem de Verdi. Ces mêmes partenaires se sont à nouveau associés en 2005 pour exécuter la IXe Symphonie de L. Van Beethoven pour célébrer le 50e anniversaire de la création de la Faculté. Le Chœur a plus récemment présenté le Requiem de Mozart avec l’Orchestre Ut cinquième et la Messa di Gloria de Puccini avec l’Odyssée Symphonique. Le Chœur de Limours a participé aux concerts d’inauguration de la cathédrale d’Évry et à de nombreux concerts à caractère humanitaire. CHŒUR DE LIMOURS ACADÉMIE SYMPHONIQUE DE PARIS Direction : Ariel ALONSO SOLISTES : Delphine DORIOLA, soprano Catherine CARDIN, contralto Jean-Louis SERRE, baryton Johannes Brahms (1833 - 1897) Pl du général de Gaulle 91470 LIMOURS www.choeurlimours.com Samedi 6 juin 2009 Limours, église Saint-Pierre Mardi 9 juin 2009 Paris, église ND des Blancs Manteaux - 12 - -1- Catherine CARDIN – alto Première partie Vier Gesänge für Frauenchor, 2 Hörner und Harfe Op. 17 Quatre chants pour chœur de femmes accompagnement de deux cors et une harpe. avec 1. Es tönt ein voller Harfenklang 2. Lied von Shakespeare 3. Der Gärtner 4. Gesang aus Fingal Cors : Vincent Leonard, Sylvain Delcroix Harpe : Gudrun Hummer Rhapsodie für Alt, Männerchor und Orchester Op. 53 Rhapsodie pour contralto, chœur d’hommes et orchestre. Contralto : Catherine Cardin Seconde partie „Ein deutsches Requiem“ Op. 45 Oratorio allemand, pour solistes chœur mixte à quatre voix et orchestre, sur des textes tirés de la bible par J. Brahms. 1. Selig sind, die da Leid tragen 2. Denn alles Fleisch es ist wie Gras 3. Herr, lehre doch mich Baryton : Jean-Louis Serre 4. Wie lieblich sind deine Wohnungen 5. Ihr habt nun Traurigkeit Soprano : Delphine Doriola 6. Denn wir haben hier keine bleibende Statt Baryton : Jean-Louis Serre 7. Selig sind, die Toten -2- Professeur d'Art Lyrique au Conservatoire de Courbevoie, elle est aussi pianiste et professeur d'éducation musicale. Encouragée dans le travail du chant par Arthur Oldham, chef du Chœur de l'Orchestre de Paris, elle devient l'élève de Maria Gracia Dilluvio, puis de Marguerite Pifteau, avant de se perfectionner auprès de Gabriel Bacquier, Andréa Guiot, Régine Crespin... Elle débute sa carrière de soliste d'oratorio dans le cadre des grands concerts parisiens, se distinguant dans tous les répertoires, de Carissimi à Messiaen et donne de remarquables interprétations du Requiem de Verdi, saluées par la critique à Cannes. Elle incarne également Orphée, Dalila et on a pu l'applaudir dans les « Dialogues des Carmélites » de Francis Poulenc, avec l'Orchestre National d'Ile de France, ainsi que dans “ la Vida Breve ” de Manuel De Falla, et plus récemment dans « Hansel et Gretel » de Humperdinck. Elle s'illustre par ailleurs régulièrement dans des récitals et a participé aux émissions d'Ève Ruggieri Musiques au cœur ainsi qu'à celle de Jean-Michel Damian sur France Musiques consacrées toutes deux à Manuel Rosenthal. Elle enseigne également la technique vocale au chœur d'enfants de Créteil « Sotto Voce » et organise des masterclass pour les plus grands. Pour le disque, elle a enregistré notamment les Requiem de Verdi, Mozart et Duruflé, les litanies à la Vierge de Monteverdi, et en création mondiale, le Requiem d'Ignaz Pleyel et des mélodies avec orchestre d'Alain Krotenberg. Jean-Louis SERRE – baryton Après des études universitaires en Allemagne, Jean-Louis Serre entre au CNSM de Paris où il suit les cours de Jane Berbié. Il y obtient un Prix de Musique de Chambre. Il a chanté de nombreux opéras: Carmen, La Traviata, Cosi fan Tutte, La Flûte enchantée, Les Contes d’Hoffmann, La Femme sans ombre, Le Roi d’Ys, Iolanta, Rigoletto, Le Téléphone, Le Voyage à Reims... En oratorio, il a chanté tous les grands classiques avec des orchestres et des chœurs renommés; en musique baroque, il a travaillé avec Marc Minkowski, Christophe Rousset, Jean-Claude Malgloire... En 2001/2002, on a pu l’entendre dans le rôle d’Escamillo de Carmen de Bizet, du Comte des Noces de Figaro de Mozart, il a participé aux productions telles que Don Carlo de Verdi au Festival d’Orange et d’Enée dans Didon et Enée de Purcell. En 2003, il s’est produit dans Médée, une création de M. Réverdy à l’Opéra de Lyon et dans le Requiem de Brahms sous la direction de Michel Piquemal. Parmi ses enregistrements, citons: Les Amours de Ragonde de Mouret avec Les Musiciens du Louvre (Diapason d’or), Les Cantiones de K. Huber avec « Les Jeunes Solistes », le Requiem de Fauré avec Les Petits Chanteurs de Versailles, des Motets de Franck avec l’Ensemble Vocal Jean Sourisse (Choc du Monde de la Musique), le Requiem et la Missa cum Jubilo de Duruflé (Choc du Monde de la Musique), L’Enfance du Christ de Berlioz sous la direction de JeanPierre Loré. - 11 - Delphine DORIOLA – soprano JOHANNES BRAHMS (1833 – 1897) Delphine Doriola a découvert très tôt le plaisir de la scène au sein du Chœur d'enfants de l'Opéra de Montpellier dans Werther, Tosca, Carmen, La Gioconda... Elle a également pratiqué la danse classique durant plusieurs années et intégré une troupe de danse pour enfants. Ses études lui ont permis d'obtenir le 1er Prix de Chant Lyrique et le Prix d'Excellence du Conservatoire International de Musique de Paris (1997), le Prix du Conservatoire National de Région de Rueil-Malmaison (2001), la Médaille d'Or à l'unanimité du Conservatoire National de Région de Versailles, ainsi que le 1er prix du Concours Européen de Musique de Picardie (2002). En complément de sa formation vocale, elle a suivi un apprentissage théâtral (Cours Charles Dullin) et pratiqué l'escrime de théâtre auprès de maîtres d'armes enseignants à l'ENSATT. Elle a déjà interprété deux cents fois La Vie Parisienne de Jacques Offenbach (mise en scène : Jérôme Savary) à l'Opéra-comique de Paris ou encore des créations comme Signé Vénus de Kurt Weill (Opéra de Lyon) en 2006 et 2007. A l'instar de Denise Duval, elle chante avec bonheur les œuvres de Francis Poulenc, des Mamelles de Tirésias au Stabat mater. On a pu l'entendre au Kennedy Center de Washington, à l'Opéra de Shanghai, au Château de Compiègne, et à Paris Salle Cortot, Salle Pleyel ou à l'Hôtel de Ville. Elle a été invitée en tant que soliste par l'Orchestre des Hôpitaux de Paris, l'Orchestre Eugénie, l'Orchestre Bernard Thomas, par le Festival international de Musique du Portugal, et à Milan pour un concert en hommage à Maria Callas. Elle a dernièrement participé à la première session Voix Célestes de l'Abbaye de Royaumont (95) sous la direction de Bernard Tétu, Joris Verdin et Joël-Marie Fauquet. Elle s'est ainsi familiarisée avec la musique sacrée française du XIXème siècle pratiquée avec orgue ou harmonium (César Franck, Théodore Dubois, Massenet, Gounod, SaintSaëns,…). Actuellement élève de Christine Schweitzer, Delphine Doriola se tourne désormais vers le répertoire d'opéras français et italiens, ouvrages dans lesquels s'expriment pleinement la puissance et les couleurs de sa voix. « Aimez-vous Brahms ? » …demande un héros de Françoise Sagan à la jeune femme qu’il veut inviter à un concert. Si la question nous était ainsi posée : « comment l’aimezvous ? », nous vous répondrions en chœur : léger, subtil, fin, délicat, aérien, diaphane… Mais encore ? Charnel, sensuel, aux vives et longues étreintes entrecoupées de profondes respirations… À l’opposé de rapides analyses le faisant passer pour lourd et jouisseur, Brahms est l’amoureux tendre et passionné de celle qu’il idéalise : Clara Schumann quand d’autres femmes, celles des bars de Hambourg où il gagne sa vie en jouant du piano, initient l’adolescent aux réalités prosaïques de la vie. Par-delà cette personnalité singulière, Johannes Brahms est un véritable génie de la musique, maîtrisant parfaitement les bases théoriques de la musique chorale et celles, diamétralement opposées, du clavier au tempérament moderne, si représentatif du romantisme allemand. Ami très proche et admirateur de Robert et Clara Schumann, il a comme eux participé à porter ce style à son apogée. Il a, comme Beethoven qu’il admirait, résisté aux modes du temps. En créant une musique d’un extraordinaire modernisme théorique, il ne s’est jamais compromis dans un quelconque abandon ni dénigrement des styles du passé. Il les a maîtrisés et fondus dans ses compositions, toujours originales et un peu hors du temps. - 10 - DES ŒUVRES DE JEUNESSE Les œuvres choisies pour le programme de ce concert sont toutes de cette période de jeunesse, pleine de romantisme. „Ein deutsches Requiem“ La mort de Robert, en 1856 inspire à Johannes une œuvre sacrée qui serait un hommage, « une sorte de requiem allemand » à la mémoire de Robert. Cette grande composition est commencée dès 1857, à l'âge de 24 ans. Incomplète à cette date et sûrement insatisfaisante au regard de l'exigence extrême du compositeur, elle a été constamment reprise et complétée, notamment après la mort de sa mère en 1865 Clara Schumann pour être finalement éditée sous sa forme actuelle en décembre 1868, soit à l'âge de 35 ans. Il faut toutefois ne pas réduire cette œuvre à la commémoration de deux événements douloureux particuliers, mais au contraire la considérer comme un - 3- 3- - témoignage global de sa pensée construit au fil d’une longue période. Quatre chants pour chœur de femmes avec harpe et cors Entre temps, en 1860, Brahms édite „4 Gesänge für Frauenchor, 2 Hörner und Harfe Op.17“. Donc, à l'âge de 27 ans. Toujours dans cette période de jeunesse, toujours chef de chœur mais féru d’orchestration et génial assembleur de timbres, il ose cet inédit ensemble de quatre chants pour chœur de femmes, avec une harpe et deux cors. Comment apprêter la polyphonie du chœur, le tempérament égal de la harpe et les gammes naturelles des cors ? En les faisant se répondre plutôt qu’en les superposant, répondrez-vous fort justement. Mais quel ravissement ! Rhapsodie pour contralto, chœur d’hommes et orchestre Bien plus tard, en 1870 soit à l'âge de 37 ans, il compose et édite „Rhapsodie für Alt, Männerchor und Orchester op. 53“. Brahms est un homme plus mûr. Il a accepté l’idée que Clara resterait une très bonne amie et une compagne de génie musicologique. C’était sans compter sur la ressemblance de sa fille Julie avec sa mère et donc une fatale attirance vers elle. Espoir déçu, désespoir même. D’où ce cri mis en musique dans cette étrange pièce où l’alto incarne la douleur en un style quasiment avantgardiste. Julie Schumann Ce n’est qu’à la troisième et dernière strophe que le chœur entre en jeu pour rasséréner le poète dans des tonalités douces et classiques. La période romantique est achevée. - 49--8 - Ariel ALONSO Né en Argentine, Ariel Alonso obtient ses diplômes de piano (Médaille d'or) et de direction au Conservatoire de Buenos Aires, sa ville natale et en France, le Diplôme Supérieur de Direction d'Orchestre dans la classe de Dominique Rouits. Après avoir acquis une solide expérience, il est titulaire en 1998 du Certificat d'Aptitude aux fonctions de professeur de chant choral, direction d'ensembles vocaux. Il complète ensuite sa formation lors de classes de maîtres avec Helmut Rilling (direction de chœur), Patrick Marco (direction de chœur d'enfants), Pierre Cao (direction d'orchestre), Marie-Claire Cottin (technique vocale pour les chefs de chœur), Eric Ericson (direction de chœur) et Laurence Equilbey (direction de chœur). Ariel Alonso dirige le Chœur de Limours depuis 1989. Depuis plusieurs années, il est professeur de chant choral au Conservatoire Maurice Ravel (Paris 13e) et depuis 2000, titulaire de la classe de direction de chœur et dirige les chœurs d'enfants et d'adultes au sein de l'École Nationale de Musique de Créteil. Il dirige aussi l'orchestre du Conservatoire de Neuilly. Cette diversité l'amène à aborder un large répertoire pour grand chœur et orchestre, chœur d'enfants et chœur de chambre. Il est fondateur et chef du chœur de chambre « Mélanges ». Ariel Alonso anime des stages de direction de chœur et de chant choral. Il est chef invité pour la session de stages 2005-2006 et 2006-2007 de l'Association Argentine des Chefs de Chœur (ADICORA). Ces dernières années l'ont amené en tant que chef invité à diriger les Chœurs de l'Université de Medellin dans le cadre du 19e Festival de Medellin en 2000 et le Chœur Polyphonique National d'Argentine en 2001. L'Académie Symphonique de Paris Cet ensemble à géométrie variable, qui peut se produire en formation de chambre, en formation Mozart ou en formation symphonique, a été fondé notamment par le violoncelliste Jérôme Treille, dans le but de proposer aux différentes chorales peu habituées à l'accompagnement d'orchestre un outil professionnel de qualité, à la hauteur de leurs ambitions et des chefs d’œuvre qu'elles sont amenées à interpréter. Sans chef permanent, il regroupe en son sein les meilleurs instrumentistes, soucieux de mettre leur art et leur technique au service de l'oratorio, et tous issus des plus prestigieuses phalanges parisiennes. Des saisons passées, on retiendra plus particulièrement la force et la justesse d'interprétation de la Messe en si de Bach, du Requiem de Mozart, du Messie de Haendel, du Requiem Allemand de Brahms, des Stabat Mater de Rossini et de Dvořák et du Gloria de Vivaldi. Son violon solo, Valérie Beutin, a suivi ses études musicales au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris où elle a obtenu en 1988 un prix d'harmonie dans la classe de Roger Boutry, un premier prix de violon dans la classe de Davy Erilih et un premier prix de musique de chambre dans la classe de Régis Pasquier en 1989. Parallèlement, elle a été récompensée par un prix de musique de chambre au concours international de Paris en 1989. -9- 6. „Denn wir haben hie keine bleibende Statt“ (Hébreux XIII) Ce mouvement colossal proclame la victoire de la vie sur la mort. Il est construit en progression vers la fugue finale. La première partie rappelle l’errance de l’humanité sur terre, sorte de marche sans but transcrite musicalement par les pizzicati de l’orchestre qui semblent tourner en rond. La deuxième partie dévoile quelques mystères, “Nous ne mourrons pas tous, mais nous serons tous changés“. Chaque intervention du baryton annonce une phase plus tendue, plus oppressante, qui semble vouloir nous conduire vers le mouvement rapide du trombone du jugement dernier, „Denn es wird die Posaune schallen“ Enfin une fugue massive et brillante éclate après des accords de plus en plus angoissés du chœur „Herr, du bist würdig“. 7. „Selig sind die Toten“ « Heureux sont à présent les morts ». Ce mouvement très solennel se caractérise par un langage clair, simplifié, voire apaisé, et une orchestration allégée. Il s’inspire du premier mouvement dont il reprend quelques phrases. La partie centrale fait entendre un chant quasi bucolique avant que ne revienne le climat initial de béatitude qui répond à toutes les inquiétudes de mort et de souffrance des autres mouvements. (Avec la permission du Chœur du Campus d’Orsay) Johannes Brahms vers 1853 -8- « UN REQUIEM ALLEMAND » Sa genèse En 1853 Schumann écrit ces paroles encourageantes au sujet du jeune Brahms : « S’il plonge sa baguette magique dans le gouffre où les masses du chœur et de l’orchestre lui prêtent leur puissance, nous pouvons alors nous attendre à des aperçus plus merveilleux encore des mystères du monde et de l’esprit ». « Un requiem allemand » qui rayonne au cœur de l’œuvre brahmsienne, réalise cette prédiction. S’il n’est pas au niveau de sa forme aussi parfait que la Quatrième symphonie, s’il n’exprime pas avec autant de force la douleur humaine que la Rhapsodie pour alto, si sa vision romantique du monde et de la valeur humaine n’égale pas les Quatre chants sérieux, il domine de très haut les autres productions du compositeur sans se prêter à aucune comparaison pour autant. C’est la première œuvre colossale de Brahms. La musique pure qui l’opposera à Wagner s’impose : le canon plus académique laisse la place au style fugué. La genèse en fut longue, de 1854 à 1868. Dans son propre catalogue thématique, Brahms n’indiqua que l’été 1866, “Baden Baden et Zurich”. On peut malgré tout distinguer deux phases de composition : - de 1854 à 1861 : peut-être marqué par la disparition de « son père musical » Robert Schumann (1810-1856), Brahms écrit la partie la plus ancienne, la marche funèbre „Denn alles Fleisch“. Quelques semaines avant la disparition de sa mère, il songe à la composition d’une cantate funèbre (numéros 1, 2, et 4), et confie à Clara Schumann “une cantate pour chœur... sorte de requiem en allemand”. - à la fin de l’année 1861, il ajoute le n°3. La fugue lui pose problème. Brahms prend conseil de son ancien professeur Marxsen. Il crée lui-même son œuvre en 1868, arrivant au bras de Clara Schumann (s’assurant de la sorte une immense reconnaissance à l’époque). Ce n’est qu’à la fin de l’année qu’il annonce à son éditeur le rajout du n°5, partie avec la soprano solo. Il ne faut cependant pas relier à une suite d’événements tragiques et douloureux dans la vie de Brahms la genèse de cette œuvre. Elle est le fruit, aux yeux du compositeur, d’une longue réflexion sur la condition humaine et la conception tragique du monde. Elle illustre sa pensée. Alors âgé de trente ans, Brahms déclare : « Je n’ai pas besoin de vous dire qu’intérieurement je ne ris jamais ». L’intitulé même de cette œuvre, le « un » placé devant le mot « requiem », la situe en dehors de la musique religieuse allemande. Il paraît même que Brahms voulait remplacer « allemand » par « humain ». L’homme souffrant est en effet au centre de l’œuvre, mais le titre « requiem » ne lui confère aucun caractère catholique. A l’inverse d’un Berlioz ou d’un Verdi, illustres par leur « Dies irae », Brahms livre une prière luthérienne humble et confiante. -5- Sans aucun lien avec la liturgie, il se place dans la continuité des cantates funèbres baroques, comme les Exequien de Schütz par exemple. Brahms accorda beaucoup de temps à la sélection des textes, pour la plupart issus du Nouveau Testament. La prière du Requiem catholique (supplication, jugement, repos de l’âme) est remplacée ici par la consolation destinée aux vivants qui sont dans la peine. A la crainte du « Dies irae », Brahms substitue sa confiance en la bonté divine, son attente de la résurrection. Le mode mineur utilisé habituellement s’efface ici, laissant le mode majeur apaiser la vision de la mort. Brahms essuya pour ces raisons quelques controverses. Il expliqua qu’il ne voulait pas aborder le dogme avec l’art, et qu’il jugeait poétiques les textes de la Bible. Il dut, lors des premières représentations, intégrer un air du Messie de Haendel, jusqu’à l’ajout de l’air de soprano, plus porteur du message christique. Pourtant farouchement opposé à l’art wagnérien, Brahms utilise un choral (sorte de leitmotiv), pour unifier son Requiem allemand. Il s’agit du choral „Wer nur den lieben Gott lässt walten“, déjà utilisé par Mendelssohn dans Paulus et par Schumann dans ses Liederkreis. Mais son caractère est moins prononcé qu’un véritable leitmotiv ; il constitue davantage une sorte d’obsession symbolisant la mort. La création fut aussi une longue aventure. Le 1er décembre 1867, Un requiem allemand est créé avec les trois premiers mouvements. La première version (sans le n°5) est dirigée par Brahms le 10 avril 1868. Le cinquième mouvement fut joué lors d’une audition privée le 17 septembre 1868. Enfin, Brahms dut attendre le 18 février 1869 pour donner la version intégrale. Robert Schumann -6- Les sept parties 1. „Selig sind, die da Leid tragen“ C’est un mouvement lent en fa majeur. Il suit un schéma en trois parties ABA chères aux romantiques. L’orchestre est sombre, les violons ne jouent pas. Brahms utilise le registre grave. L’introduction sort du néant sur une pulsation régulière des contrebasses. Les violoncelles et les altos, divisés, font entendre un chant noble, humble et fervent. La partie centrale (B) est, elle, plus douce et angélique. La harpe illumine la fin de ce mouvement. 2. „Denn alles Fleisch…“ (Pierre, I-24) C’est une marche funèbre à trois temps. Le chœur est asservi à l’orchestre, tel un nouvel instrument. Le thème descend, gémissant, aux couleurs glacées par les sourdines des cordes, tandis que la timbale martèle des rythmes incessants et parfois angoissants. La partie centrale est plus animée, plus élégiaque. Ce mouvement se termine par une fausse fugue, au thème bien affirmé par les basses. Cela constitue un bel exemple de figuralisme musical, puisque le texte annonce la joie future de la résurrection. 3. „Herr, lehre doch mich“ (psaume 39, Sagesse de Salomon) Ce troisième mouvement se présente comme un grand prélude. Il exhorte à la résignation : la vie sur terre n’est qu’un passage. Le baryton représente l’humanité, tout comme dans la Neuvième symphonie de Beethoven. Le chœur reprend la musique exposée par le soliste. Puis soliste et choeur vont s’unir sur un accompagnement d’orchestre plus pressant, avant que n’explose la fugue finale en ré majeur (ton humaniste), entièrement écrite sur une pédale (même note de ré tenue du début jusqu’à la fin), qui symbolise la persévérance de la Foi solide et confiante. 4. „Wie lieblich sind deine Wohnungen“ (Psaume 94) Ce chœur modéré en mi bémol majeur est le centre lumineux de l’œuvre. Il chante la joie. L’orchestre y est gracieux, l’accompagnement allègre et léger. La construction est encore en trois parties, et l’on entend clairement le thème principal énoncé au début par les bois, repris en résonance à la fin par le chœur. 5. „Ihr habt nun Traurigkeit“ (St Jean, XVI-22) Le texte reprend deux canons de la foi chrétienne : la résurrection et la consolation. Seule “entorse” à la volonté universelle et non “dogmatique” du message brahmsien dans cette œuvre, “Je veux vous consoler comme une mère console son enfant“ est confié à une voix maternelle de soprano. -7-