Annie Goubay - Alembertins

Transcription

Annie Goubay - Alembertins
Annie Goubay : une Grande Dame nous a quittés
A
NNIE GOUBAY, l’épouse de Pierre, nous a quittés le 21 août 2015. Annie, Annette
Mauresmo pour l’état civil, est née à Paris, dans le XIVe arrondissement, le 15 février
1940. Annie avait deux sœurs : Nicole, son aînée, née en 1937 et Évelyne, la
benjamine, née en 1942.
Les événements et les nombreuses
privations imposées aux Parisiens, lors
de la Seconde Guerre mondiale, vont
être un véritable crève-cœur pour Annie.
Très vite, elle sera « privée » de ses deux
sœurs et de son père qui, tous les trois,
décédèrent en l’espace de dix-sept
mois. Sa maman, qu’on affublait du
sobriquet de la « Gaby », reste seule avec
Annie et doit alors se harasser à trouver
un travail pour subsister, bon gré mal
gré, alors que la période « troublée »
n’est pas vraiment propice pour une
femme seule, avec une gamine « sur les
bras ».
Elle fut contrainte de « déposer » Annie
au sein de différentes familles d’accueil,
alors guère mieux « loties » que n’était la
« Gaby » à l’époque. Parmi ces nourrices, il s’en trouva une qui habitait à proximité d’une gare de
triage, là où se constituaient les convois militaires allemands. Cette gare fut constamment la cible
des avions alliés qui bombardaient sans retenue ce point stratégique. Depuis cette période
traumatisante, Annie a développé une phobie (indélébile) du noir, encore plus de la nuit.
Après ces péripéties, Annie sera mise en pension chez les sœurs. Hélas, le traitement qu’elles lui
firent endurer alerta un médecin. Ce dernier, ulcéré, demanda expressément qu’on la retirât au
plus vite de ce « capharnaüm ». Annie développait furonculose, rachitisme et autres maux qu’il
fallait éradiquer au plus vite. Alors qu’elle n’était encore qu’une gamine, elle a su et pu résister à
cette maltraitance. Elle n’a pas encore « fêté » ses 17 ans, mais il est grand temps, pour
l’adolescente, de travailler. Nous sommes alors en 1957, il faut bien faire « bouillir la marmite »,
personne ne le fera à sa place.
Le hasard – la « bonne fortune » – faisant parfois bien les choses, elle fait la connaissance d’une
dame, originaire de Jozerand (Puy-de-Dôme), Francine Papereux, qui lui trouve un emploi dans
l’entreprise où elle-même est salariée.
On ne peut évoquer Annie sans alléguer Pierre, « son » Pierre. Elle l’a rencontré, pour la
première fois, un seau de charbon à la main, alors qu’il grimpait les marches de l’escalier, depuis
la cave pour aboutir à la porte d’un appartement, où elle-même se rendait. Ce logement était
celui de la « bonne fée » Francine Papereux, qui n’est autre, alors, que la correspondante d’un
pupille de l’Assistance publique, un certain… Pierre Goubay, dont la famille nourricière résidait
à Jozerand. Durant six années, Annie et Pierre se « fréquentèrent » assidûment, tels de bons
camarades de classe, sans vraiment penser à ce que pourrait être l’avenir pour eux, les
jouvenceaux qu’ils étaient.
C’est en 1962, au retour de Pierre de la guerre d’Algérie, qu’Annie et Pierre décidèrent qu’ils
étaient faits l’un pour l’autre. L’incendie, qui couvait depuis leur première rencontre, finit par se
déclarer. Pas besoin d’appeler les soldats du feu pour le circonscrire. Il suffit que Pierre déclarât
sa « flamme » à sa princesse, pour que l’idylle entre cette jeune et belle demoiselle et ce grand et
bel éphèbe se transformât en mariage. C’est le 27 juillet 1963, en l’église de Saint-Germain-des-
Prés (Paris-VIe)), qu’ils convolèrent en justes noces, unissant ainsi, pour le meilleur et pour le
pire, leurs deux « indigences ». C’est à deux qu’ils allaient devoir affronter la vie, braver les défis
et tenter de conjurer le mauvais sort qui leur avait été réservé jusqu’alors.
Annie et « son » Pierre partageaient les mêmes valeurs d’honnêteté, de sincérité, toujours
respectueux d’autrui et fidèles à leurs engagements. Comme on l’énonce, dans le langage
courant, « Annie était cette femme avec qui et sur qui on pouvait compter ».
Comme dans toutes les fratries, ils durent faire face aux difficultés du quotidien – trop
nombreuses – mais n’oublions pas les bons moments, qu’ensemble, ils ont pu s’offrir.
Madagascar, où Annie veillait jalousement sur « son » Pierre – on regarde mais on ne touche pas !
– le « grand Vasa blond », qui attirait les concupiscences des jolies Malgaches… La Réunion,
l’Afghanistan, le Sahara, au volant du Combi Volkswagen (l’époque frivole des Hippies, de
l’élevage de chèvres dans le Larzac…). Toujours avec lui, rien que pour lui, pour « son » Pierre,
elle a parcouru – non sans danger – les chemins de l’aventure, où ils ont pu goûter, en amoureux,
aux grands frissons et apprécier les sensations fortes que seuls ces instants magiques de liberté
procurent.
Pour celles et ceux qui ne connaissaient pas bien Annie, elle pouvait paraître inoffensive,
introvertie, délicate… Il n’en était rien, Annie était une « récalcitrante », un « volcan qu’on croyait
éteint », entière dans ses convictions, ses inclinations et ses rapports avec les autres. Quand
Annie donnait sa confiance elle attendait un retour analogue. Elle abhorrait les situations
ambiguës, les non-dits, les personnes totalement infatuées d’elles-mêmes. Elle interprétait,
souvent, ces postures comme une forme de trahison, ce qu’elle honnissait au plus haut point.
Susceptible Annie ? Diantre, est-ce possible ? Certainement, car c’était un être à la sensibilité
exacerbée et vulnérable, sous une carapace en acier trempé.
C’était une passionnée de la vie, sensible et fine dans ses choix et ses goûts, une épicurienne. Elle
adorait « son » Pierre, mais elle aimait les grands espaces, les paysages, les bonnes choses, les
bons mets, notamment ceux du Sud-Ouest (Landaise d’origine) et les… grands vins. Annie, en
plus d’être « un » maître queux, avait un palais et un nez exceptionnels. Les vanilles Bourbon, les
fragrances ou les grands crus devaient se montrer à la hauteur de ce qu’ils prétendaient être
pour recevoir son agrément.
Annie, « la » chef comptable, la trésorière (les réminiscences d’un passé douloureux, sans doute),
cherchait toujours ce qu’il y avait de bien, de bon, mais de moins cher, pour ne pas dilapider
l’argent âprement gagné. Annie régentait au mieux les finances du couple et veillait
scrupuleusement aux intérêts de la « maisonnée ». Elle fit de même au sein des associations,
dont elle était engagée. En un mot, Annie savait administrer, elle était même « comptable » de
leur union avec Pierre, c’est vous dire !
Partis de rien, Annie et Pierre, à la force du poignet, sont – de projets réussis en desseins aboutis,
parvenus, avant la retraite, à concrétiser et assouvir leur « Grand » désir, la construction de leur
belle maison de Piory, sur la commune de Jozerand (63), dont Pierre a dessiné entièrement les
plans. Piory, un petit hameau auvergnat, pas très loin du Bourbonnais, un havre de paix pour y
« couler » des jours heureux, qu’ils s’étaient promis, loin des entraves d’un passé « saumâtre ».
Des jours heureux, il y eut, mais ceux-ci défilent toujours trop vite, si vite que c’est à peine si
nous pouvons (savons) en jouir comme nous le devrions.
Annie et Pierre passaient du bon temps à Piory, voyageaient, rencontraient leurs amis et la
famille d’Alembert, leur seconde fratrie… Tout allait bien ! C’est alors que la maladie (infâme
Folcoche, cette mégère non apprivoisée) est venue frapper à la porte d’Annie, « s’invitant » sans
même s’annoncer au préalable. Annie ne l’a pas entendue – ou n’a pas voulu la percevoir –
excluant de lutter contre ce mauvais farfadet. Comme toujours, cette « ordonnance », elle l’a
prise seule, en son âme et conscience, n’acceptant pas qu’on lui dictât ce qu’il eut été « bon » de
faire en la circonstance. Annie, en femme « forte », « s’accommoda » des souffrances, sans n’en
dire mot et ne rien laisser transparaître sur son visage placide, mais pourtant marqué, sur la fin,
par les stigmates de la maladie qui la « rongeait » de l’intérieur. Jamais elle ne voulut donner
l’alerte sur son état de santé, alors que ses proches, impuissants, restaient interdits par cette
« volonté » de résister plutôt que de se soigner.
Ce qu’Annie a fait, a éprouvé, est hors du commun et respectable, c’est le reflet de son caractère,
de toute une vie, la sienne. Sans concession, intransigeante avec elle-même comme avec les
autres, si ceux-ci venaient à la décevoir. Annie ne supportait pas d’exister sans « son » Pierre.
Alors, par amour, a-t-elle préféré s’abandonner à la douleur et à l’irréparable, plutôt que voir se
dénaturer, contre sa volonté, ces derniers instants de leur union ? Nous ne saurons jamais, seule
Annie connaissait !
Le départ d’Annie, inopiné et si brutal, nous plonge dans une forme de cavité émotionnelle,
emplie de désarroi et de tristesse, que jamais nous n’arriverons à surmonter et à oublier. Nous
devrons nous habituer à vivre avec cette absence, car la souvenance d’Annie jamais ne nous
quittera. Comment pourrions-nous rayer de notre mémoire « Annette », l’épouse de notre copain
Pierre, notre frère Alembertin, qui restera à jamais Annie, cette Grande Dame, trop tôt
disparue.
La famille alembertine, à l’unisson, assure Pierrot de son soutien indéfectible et lui certifie qu’il
peut compter sur nous pour l’aider à surmonter cette terrible épreuve.
Adieu Annie… Bon courage Pierrot.
Guylem Gohory (président des anciens d’Alembert)