Automobile, auto subtile - Institut de l`entreprise
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Automobile, auto subtile - Institut de l`entreprise
DOSSIER IntroductIon Automobile, auto subtile Jean-Marc danIel P armi les événements les plus marquants de la crise, il y a la faillite annoncée puis digérée de General Motors. Tout le monde a en tête la formule « Tout ce qui est bon pour General Motors est bon pour l’Amérique ». En fait, sous cette forme, cette formule est un peu arrangée ; et, sortie de son contexte, elle a pris un sens qui ne correspond pas au sens initial voulu par celui qui la prononça(1) . Mais justement ce qui est important, c’est ce sens nouveau attribué à ce propos, qui assimile le destin d’une grande économie à celui de son industrie automobile. La constitution d’une industrie automobile puissante a correspondu pour de nombreux pays à leur montée en puissance économique. La France de 1914, largement sous-estimée dans sa réalité productive par ses adversaires et, depuis, par les historiens, était à l’avantgarde dans ce secteur, ce qui lui a permis de tenir le choc de la guerre ; elle a même remporté, grâce à sa maîtrise de l’automobile, des victoires spectaculaires comme celle de la Marne ou celle de Verdun. Il ne s’agit pas ici d’évoquer cet événement ancien uniquement pour le plaisir de l’anecdote, mais bel et bien de souligner qu’en prenant de l’avance dans l’automobile, la France avait pris une avance générale sur le plan technique. Des changements techniques déterminants Aujourd’hui encore, l’automobile est un lieu important de progrès technique où se joue l’avenir de la croissance. Ainsi, dans ce dossier, plusieurs intervenants offrent l’occasion de mettre en lumière les mutations qui s’annoncent et modifient en profondeur le paysage automobile. Le passage au véhicule électrique va non seulement transformer les usines des grands constructeurs automobiles mais aussi imposer des adaptations dans toute une série de secteurs d’activité. Si le lithium devient la matière incontournable des batteries de demain, la Bolivie, un des pays les plus pauvres de la planète, va bénéficier d’une rente incroyable qui en fera, selon certains, l’Arabie du XXIe siècle. Si l’électricité s’impose, ce sera pour réduire la pollution et singulièrement les émissions de gaz carbonique. Les moteurs thermiques actuels dégagent 100 g de CO2 par km ; mais, eu égard à son parc actuel de centrales, EDF qui fournira le courant des voitures électriques de demain rejettera 130 g de CO2 par km… Il faut donc que les techniques de production électrique évoluent parallèlement à la mise sur le marché 4 ème trimestre 2010 • 35 Automobile de nouveaux moteurs pour faire en sorte que l’objectif de réduction des émissions de CO2 soit réellement atteint. Le dossier multiplie ces exemples de transformations que le monde économique et notre vie sociale vont connaître dans le transport, et donc dans l’automobile, dans les années à venir. Un enjeu politique Mais par-delà ces considérations techniques, pour revenir à l’esprit des propos prêtés à CharlesWilson, le PDG de GM dans les années 1950, il ne faut pas oublier que l’automobile a un contenu hautement politique. La crise l’a confirmé : chaque gouvernement s’est précipité au secours de son industrie automobile directement ou par des mesures d’incitation à l’achat. Chaque changement de propriétaire pour des marques prestigieuses a été analysé et interprété selon une grille de lecture très politique. Le fait que la marque Jaguar appartienne à un groupe indien a donné lieu à des gloses infinies sur le passage historique de relais du Royaume-Uni à son ancienne colonie. Et, par-delà le symbole des évolutions dans les changements de propriétaires, qu’il nous soit permis de considérer à plus court terme qu’un des ressorts de la guerre monétaire larvée que se livrent les États-Unis et le Japon et accessoirement l’Europe tourne autour du devenir des industries automobiles. Le yen, l’euro et le dollar sont des « auto-devises » et les parts de marché, très dépendantes des prix, se font 36 • Sociétal n°70 en partie sur la base des taux de change. En entretenant la hausse du yen, les autorités de Washington espèrent conforter le maintien d’industries automobiles sur leur territoire, industries japonaises venant s’implanter pour contourner un dollar à 80 yens, industries américaines regagnant de la compétitivité. À ce jeu, Japonais et Allemands espèrent s’en sortir par la qualité. Force est de constater que, pour l’instant, cela semble payant pour les marques allemandes puisque les carnets de commande sont pleins et que les délais de livraison s’allongent. Pour les marques françaises, la situation est moins nette. Il leur faut trouver le moyen de se maintenir dans la course, alors que de plus en plus de dirigeants américains hurlent contre la volonté de certains de détruire l’euro et réclament sa consolidation dans une dynamique d’appréciation face au dollar. La France à la croisée des chemins Quoi qu’il en soit, l’industrie automobile est devenue un domaine tellement mouvant que rien n’est définitif. Fiat, donné autrefois comme moribond, a connu ces trois dernières années un redressement spectaculaire tandis que Toyota, incontestable leader mondial, a failli être emporté par des déboires techniques sur les accélérateurs de ses véhicules les plus courants. Pour la France, on voit que le secteur est à la croisée des chemins. La balance extérieure Automobile, auto subtile automobile était excédentaire avant la crise. Mais cet excédent n’a cessé de s’amenuiser au point de s’être transformé désormais en déficit. La valeur ajoutée de l’automobile représentait 1,5 % du PIB de 1972 et 0,8 % de celui de 2007. En outre, la part des constructeurs dits nationaux est passée en dix ans, c’est-àdire entre 1997 et 2007, de 65 % à 38 %. Parallèlement à ces évolutions plutôt négatives, il reste que, directement ou indirectement, 800 000 emplois en France sont concernés par l’automobile et que ce secteur constitue la première branche d’activité en termes de dépenses de R&D (ainsi la dépense en recherche de l’industrie automobile a été en 2006 de 4,2 milliards d’euros contre par exemple 3,3 milliards pour les industries phar- maceutiques). Et les marques françaises sont à l’avant-garde dans des domaines comme le véhicule électrique ou le véhicule low cost. Si Renault n’a jamais prétendu jouer le rôle de GM, il n’en est pas moins un symbole de l’industrie française. C’est pourquoi, en donnant la parole à Patrick Pélata, son directeur général, nous avons voulu éclairer nos lecteurs tant sur l’avenir en général de l’automobile française que sur l’avenir d’une entreprise et d’une marque. Par-delà Renault, avant de vous laisser découvrir les articles de ce dossier, nous joignons à ce propos introductif quelques éléments factuels permettant de cerner l’état des lieux. Tableau 1 • Production mondiale de véhicules particuliers Évolution sur quelques années Production mondiale de voitures particulières Production européenne (y compris Europe de l’Est et Russie) Production États-Unis Production allemande Production japonaise Production française Production chinoise 1980 1990 2000 2009 29,7 35,8 41,2 48 11,9 15,2 17,4 15,1 6,4 6 5,5 2,2 3,5 4,6 5,1 4,9 7 10 8,3 6,8 2,9 3,3 2,9 1,8 négligeable négligeable 0,6 10,3 Unités : millions de véhicules. Source : Comité des constructeurs français d ’automobiles. 4 ème trimestre 2010 • 37 Automobile Tableau 2 • Principaux constructeurs 1) Toyota (japonais) Production en 2009 de voitures particulières (en millions) 6,1 2) GM (États-Unis) 5 3) Volkswagen (allemand) 6 Principaux constructeurs 4) Ford (y compris Volvo ) (États-Unis ) 3 5) Hyundai Kia (sud-coréen) 4,2 6) PSA Peugeot Citroën (français) 2,7 7) Honda (japonais) 3 8) Nissan (franco-japonais) 2,4 9) Fiat-Iveco-Irisbus (italien) 2 10) Renault Dacia Samsung (français) 2 Source : Comité des constructeurs français d ’automobiles. Le classement repose sur l’ensemble des véhicules produits, le chiffre donné correspondant uniquement aux véhicules particuliers produits. Certains classements positionnent, entre Fiat et Renault, Suzuki. Tableau 3 • Zone de production par constructeur Constructeur Part dans leur production de la zone de référence BMW Union européenne : 87 % Fiat Union européenne : 54 % PSA Union européenne : 71 % Renault Union européenne : 63 % GM Alena : 30 % Ford Alena : 40 % Toyota Japon : 50 % Honda Alena 35 % (production au Japon : 28 %) Constructeurs chinois Chine : 90 % ; Corée du Sud : 10 % Source : Comité des constructeurs français d ’automobiles Pour en savoir plus, outre notre dossier, on pourra se référer au site du Comité des constructeurs français d’automobiles ; et, sur le site de l’Insee, à une étude de Thierry Méot (département des Comptes nationaux) intitulée : « L’industrie automobile en France depuis 1950 : des mutations à la chaîne ». 38 • Sociétal n°70