Chapitre 6 : Conflits et mobilisation sociale
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Chapitre 6 : Conflits et mobilisation sociale
Chapitre 7 : Conflits et mobilisation sociale Problématiques : Dans quelle mesure les transformations du marché du travail expliquent-elles l'émergence des nouvelles formes d'actions collectives ? Nous assistons depuis les années 70 à une crise du syndicalisme, vous analyserez ce phénomène. Peut-on affirmer que nous assistons à la fin de la classe ouvrière ? L'action collective : moteur ou frein du changement social ? I) Les conflits du travail dans la société industrielle : Remarque préliminaire : définition du conflit et du mouvement social Définition du conflit : Traduction d'oppositions entre des individus ou des groupes ayant des intérêts et des idées momentanément ou durablement incompatibles. On distingue les conflits individuels (entre les individus) et les conflits collectifs (entre les groupes). Exemple : un salarié est opposé à son employeur pour un licenciement (conflit individuel). Les salariés manifestent contre la fermeture d'une usine (conflit collectif). Définition du mouvement social : Ensemble des actions des organisations qui s'opposent à un ordre social et veulent le modifier. La définition du mouvement social d’après Alain Touraine Le principe d'identité : les membres du mouvement social ont conscience de leurs intérêts communs. Le principe d'opposition : ce mouvement social se constitue contre des acteurs. Le principe de totalité : les acteurs souhaitent un changement profond de la société (pas seulement un changement corporatiste ou sectoriel). On constate donc que tous les conflits ne prennent pas forcément la forme d'un mouvement social. Sont considérés comme des mouvements sociaux, les conflits qui ont pour objectif de transformer la société et non pas de répondre à un problème ponctuel. Le conflit ouvrier est un mouvement social car il réunit les trois principes d'Alain Touraine : Le principe d'identité : les ouvriers partagent des caractéristiques communes et ont conscience de leurs intérêts communs (mêmes conditions de travail, travail d'exécution...) Le principe d'opposition : les ouvriers s'opposent aux employeurs. Le principe de totalité : le mouvement ouvrier est porteur d'un projet de société globale dans lequel se retrouvaient de multiples communautés. Les principales avancées sociales sont le 166 résultats des différents conflits du travail menés par les ouvriers (hausse des salaires et congés payés, réduction du temps de travail, convention collective en 1936...). A) La classe ouvrière : acteur central des conflits sociaux 1) Des inégalités subies par la classe ouvrière… Les débuts de l'industrialisation sont marqués par une insécurité du travail et par l'absence totale de garanties pour les salariés. Le patronat recrute en fonction des besoins et le travail varie en fonction de la conjoncture. En période de récession économique, l'ouvrier peut être licencié sans aucune garantie (pas d’allocations chômage). Enfin, le décret d'Allarde et la loi Le chapelier de 1791 suppriment les associations professionnelles permettant jusqu'alors aux ouvriers de défendre leurs intérêts. 2) …à la naissance d'une classe sociale : Il n’existe pas de véritable théorie marxiste unifiée des classes sociales car Marx lui-même en distingue un nombre variable selon ses ouvrages. Néanmoins on peut considérer que son analyse des classes sociales au sein de la société capitaliste s'organise autour du thème de la bipolarisation de la société. La société capitaliste serait caractérisée par la coexistence de deux classes sociales : - - Le prolétariat constitué de l'ensemble des individus qui ne disposent que de leur force de travail. Ils sont contraints, pour assurer leur subsistance, de la vendre aux capitalistes en échange d'un salaire. La bourgeoisie constituée de l'ensemble des individus propriétaires des moyens de production (les capitalistes). Ainsi le critère essentiel permettant de définir les classes sociales est la place occupée dans les rapports de production (= relations sociales qui se nouent dans le cadre du processus de production) qui, dans la société capitaliste est déterminée par la place occupée par rapport à la détention des moyens de production. Une des caractéristiques essentielles de ces rapports de production est qu'il s'agit d'un rapport d’exploitation : la bourgeoisie exploite le prolétariat en s'accaparant une partie de la richesse créée par le prolétariat. Concernant le travail, Marx distingue deux types de valeurs : - La valeur d'échange de la force de travail qui correspond au prix de la force de travail, c'està-dire au montant du salaire versé aux prolétaires en contrepartie de son offre de travail. Cependant, ce salaire n'est qu'un salaire de subsistance car il n'a pour but que d'assurer la reproduction de la force de travail. Pour désigner cette valeur d'échange de travail, Marx emploie le concept de valeur de la force de travail (= salaire). - La valeur d'usage qui correspond à la valeur de la production réalisée par la force de travail. Pour désigner la valeur d'usage de la force de travail, Marx emploie le concept de valeur du travail (= valeur produite). 167 Ainsi, la plus-value va correspondre à la différence entre la valeur du travail et la valeur de la force de travail. Plus-value = valeur d'usage de la force de travail - valeur d'échange de la force de travail Plus-value = valeur du travail - valeur de la force de travail Plus-value = valeur de la production - salaire versé Marx distingue deux types de plus-value qui sont en fait 2 façons distinctes de faire augmenter la plus-value : la plus-value absolue et la plus-value relative. La plus-value absolue correspond à une augmentation de la plus-value qui est obtenue en augmentant la durée du travail. Exemple : pour un même niveau de salaire, le capitaliste augmente la durée du travail en réduisant les temps de pause. La plus-value relative correspond à l'augmentation de la plus-value qui est obtenue grâce à l'augmentation de la productivité du travail. Exemple : pour un même niveau de production, une augmentation de la productivité du travail se traduit par des licenciements et par une baisse des prix des produits consommés ce qui permet au capitaliste de réduire la part des salaires par rapport à celle de la plus-value. Ces plus-values étant accaparées par le capitaliste car il est le propriétaire des moyens de production. Dans ces conditions, au sein de la société capitaliste, les rapports sociaux de production sont forcément conflictuels du fait des antagonismes (oppositions) existants entre les 2 classes sociales. La bourgeoisie dont l'objectif est l'accumulation du capital par le réinvestissement de la plusvalue a intérêt à voir les salaires diminuer pour augmenter ses profits (intérêt à l'intensification de l'exploitation). Les prolétaires ont au contraire intérêt à voir disparaître cette exploitation. Conclusion : la lutte des classes est inévitable Les ouvriers constituent une classe « en soi » car ils peuvent être définis à partir de 2 critères objectifs : Ils occupent la même place au sein des rapports sociaux de production. Ils ne disposent que de leur force de travail, ce qui les conduit à se soumettre aux exigences des capitalistes. Ils ont des intérêts communs : voir leurs salaires augmenter ou ne pas diminuer de telle sorte que leur exploitation soit moindre ou pas plus poussée. Les ouvriers constituent une classe « en soi » mais pas « pour soi » car ils sont dépourvus de conscience de classe, c'est-à-dire du sentiment d'appartenance à un groupe ayant des intérêts communs. Selon Marx, ce qui permet de faire émerger cette conscience de classe, c'est la lutte des classes entre prolétaires et bourgeois. 168 En effet, grâce à la lutte menée contre la bourgeoisie pour diminuer leur exploitation d'abord de manière individuelle, les ouvriers en se regroupant, en formant une coalition prennent progressivement conscience de leurs intérêts communs et de la nécessité de s'associer à l'action pour se défendre face à leur seul adversaire : le capitaliste. Conclusion : c'est l’émergence puis le développement des conflits sociaux qui permettent de faire naître cette conscience de classe. Pour illustrer cette distinction « classe en soi » « classe pour soi », Marx prend l'exemple de la paysannerie. Les paysans forment une classe en soi car ils occupent une place particulière dans les rapports de production mais pas une classe pour soi car ils n'ont pas conscience du rôle qu'ils pourraient jouer du fait qu'ils entretiennent peu de relations entre eux. 3) Objets et formes des conflits menés par la classe ouvrière : Revendications offensives Augmentation des salaires, agir sur le partage de la valeur ajoutée au bénéfice des salaires et au détriment des profits Revendications défensives Lutter contre le licenciement individuel ou collectif Lutter contre la précarité et la flexibilité de l'emploi Amélioration des conditions Lutter contre l’insécurité au de travail travail Réduction du temps de travail Lutter contre des cadences excessives Lutter pour l'application des droits syndicaux ou sociaux. Les moyens utilisés : pétitions, débrayages (interruption du travail), grèves plus ou moins longues, occupations des locaux, manifestations, actions insurrectionnelles (prises en otage de la direction, détérioration des équipements de l'usine). Remarque préliminaire : des exemples de conflits du travail Une grève est une cessation collective du travail décidée par les salariés afin de faire pression sur l'employeur. En même temps qu'ils se privent de salaire, les grévistes privent l'entreprise du revenu de ses ventes. Une grève peut donc fragiliser l'entreprise qui risque de perdre des clients. Ses fournisseurs et ses clients sont indirectement affectés par le mouvement de protestation. En 1791, la loi Le chapelier interdisait les grèves et les syndicats. Ce n'est qu'en 1864 que le droit de grève sera reconnu et à partir de 1884 que les syndicats seront autorisés par la loi Waldeck Rousseau. La constitution de 1946 reconnaîtra explicitement le droit de grève dans son préambule. Le Luddisme est un mouvement ouvrier d'origine anglaise qui s'oppose à l’introduction du machinisme dans l'industrie textile de 1911 à 1916. Organisés en bandes, les luddistes brisent 169 les machines et se mettent en grève spontanément. La révolte des Canuts était un mouvement insurrectionnel des ouvriers de la soie provoquée par le refus des fabricants de respecter les tarifs de salaire précédemment acceptés. Les principaux conflits du travail sont à l'origine des principales avancées sociales en France. Les grèves de 1936 et de 1968 ont favorisé le développement social : augmentation des salaires, congés payés, convention collective... Le conflit du travail favorise donc le changement social. Le déroulement des principaux conflits : Les grèves de 1936 sont à l'origine des accords de Matignon : hausse des salaires, établissement immédiat des conventions collectives, respect des libertés syndicales, semaine de 40 heures et 2 semaines de congés payés… Grèves de 1968 : révolte étudiante qui prit naissance au sein des universités. Les étudiants réclament des moyens matériels supplémentaires. Des affrontements naissent entre étudiants et forces de l'ordre au quartier latin qui dégénèrent en émeutes. On compta 400 blessés. Plusieurs syndicats organisèrent une grande manifestation contre la répression policière assortie d’une grève générale. 4) De la formation à l'affirmation de la classe ouvrière : Les résultats des luttes sociales sont nombreux : reconnaissance du droit de grève (1864), reconnaissance des syndicats (1884), création des bourses de travail, création de la CGT (1895), place centrale de la question ouvrière sur la scène sociale et politique... B) L’effacement des ouvriers en tant que classe sociale : 1) Les manifestations : - La diminution de la part des ouvriers dans la population active : Chaque année, on compte de moins en moins d’ouvriers. À son apogée la PCS des ouvriers représentait 40 % de la population active. Elle ne représente plus que 28 % de la population active aujourd'hui. Alors que la PCS des ouvriers représentait la majorité de la population active jusqu'au début des années 90, aujourd'hui ce sont les employés qui représentent la majorité de la population active. Ils représentent 30 % de la population active. - Le recul de la représentation politique ouvrière : On assiste au déclin du PC (Parti communiste) et l’identité politique de la classe ouvrière est éclatée. - Le recul de la représentation syndicale ouvrière : En 1949, 40 % des salariés étaient syndiqués. En 2001, le taux de syndicalisation était égal à 9,1%. 170 On assiste également à une diminution du taux de participation aux élections professionnelles. En 2002, le taux d'abstention à ces élections avoisinait les 65 %. - Le recul des conflits du travail : En France, le nombre de journées de grève a été divisé par 10 entre 1970 et aujourd’hui. - Le recul du sentiment d'appartenance à une classe sociale : Les Français n’ont plus le sentiment d’appartenir à une classe sociale, entraînant un déclin de la conscience de classe et de la classe ouvrière. 2) Les explications : - Le développement du chômage et de la précarité : Sur 100 chômeurs, 14,8 sont ouvriers. Les ouvriers ont beaucoup perdu de leur capacité à peser dans la société. Le chômage modifie les rapports de force entre les salariés et les employeurs. OT > DT => perte de capacité des salariés au niveau de la négociation vis à vis de l’employeur En période de faible croissance, la participation à un conflit est moins attractive. Comme le PIB ralentit et que cette faible progression est synonyme d’une faible création de richesses, les ouvriers sont moins enclins à faire grève en raison de la faiblesse des résultats espérés. Le chômage rend difficile la participation à un mouvement de grève. Par crainte de perdre leur emploi, les ouvriers participent de moins en moins aux mouvements revendicatifs et se syndicalisent moins. Les ouvriers sont fortement touchés par le chômage ; certains ouvriers suite à un licenciement quittent l’entreprise. La baisse de l’effectif au sein de l’entreprise participe à la diminution de la conscience collective favorisant le déclin de la classe ouvrière. Chômage => effectifs => peur de perdre son emploi => aucune participation à une grève ou à un syndicat => conscience collective => de la classe ouvrière Chômage => peur de perdre son emploi => aucune participation à une grève ou à un syndicat => conscience collective => de la classe ouvrière Le développement de la précarité est à l'origine d'une multiplication des emplois (emplois intérimaires, CDD, temps partiel...). Chacun a un statut différent et peu sûr ce qui rend la syndicalisation plus risquée (être mal vu peut impliquer un non renouvellement du contrat). La participation à un mouvement de grève est également plus risquée pour les mêmes raisons. Précarité => peur de perdre son emploi => aucune participation à une grève => conscience collective => de la classe ouvrière … objectif CDI pour le travailleur précaire => non adhésion à 1 syndicat => pas de participation à 1 grève => conscience collective => classe ouvrière 171 Précarité (CDD, stages, contrats aidés) => plus de caractéristiques communes => faible conscience de classe => classe ouvrière - Les travailleurs précaires ou à temps partiel sont faiblement intégrés dans l’entreprise : ils sont souvent de passage dans l’entreprise et sont faiblement intégrés (à la fin de l’emploi précaire il y a souvent une période de chômage ; de même si le salarié occupe un emploi à temps partiel sa présence est < à 35h dans l’entreprise). Ils ne peuvent pas se forger une identité professionnelle forte et ont une faible conscience de classe. Précarité => contrat limité dans le temps => passage dans l’entreprise => pas les mêmes préoccupations que les salariés permanents => faible conscience de classe => classe ouvrière Travailleur à temps partiel => rémunération sur 20h/semaine => ne peut pas se permettre de perdre une journée de salaire => non participation aux grèves => conscience collective => de la classe ouvrière Cotisation élevée pour adhérer à 1 syndicat => salaire insuffisant => conscience collective => … Travailleur à temps partiel => durée limitée => passage dans l’entreprise => pas les mêmes préoccupations que les salariés permanents => faible conscience de classe => classe ouvrière - Le secteur industriel traditionnel (industries textiles, sidérurgiques et métallurgiques) est touché par la crise : les industries ne sont plus compétitives par rapport à la concurrence étrangère, elles substituent du capital au travail pour gagner en productivité et en compétitivité au détriment des emplois peu qualifiés. Le développement des technologies a entraîné de nombreux licenciements des OS dans l'industrie. En effet, le Toyotisme fait appel à l'automatisation du système de production, les emplois proposés sont plus qualifiés et les ouvriers spécialisés ne le sont pas suffisamment pour occuper ces nouveaux emplois. Déclin de la compétitivité du secteur industriel traditionnel => substitution du capital au travail => suppression d'emplois peu qualifiés => déclin de la classe ouvrière Délocalisations => Emplois => déclin de la classe ouvrière. On parle d'une certaine tertiarisation du groupe ouvrier : les emplois industriels déclinent, de plus en plus d'emplois ouvriers sont des emplois de services (transport, logistique, entretien...). Le tertiaire a fortement eu recours à la flexibilité, à la rotation des postes, aux emplois atypiques. On assiste donc à un éclatement des lieux de travail qui nuit à la conscience de classe des ouvriers. Auparavant, ils travaillaient dans des usines qui rassemblaient de nombreux ouvriers. - La politique d'individualisation des salaires : Elle est également à l'origine d’une diminution du sentiment de la classe en soi. La rémunération du salarié comprend le salaire de base (salaire fixe) et les éléments extérieurs (prime d’intéressement…). Cette part variable représente 30 % de la rémunération des salariés. En effet, le salaire est aujourd'hui déterminé à partir de la productivité réelle du travailleur. On rémunère le travailleur en fonction des richesses qu’il a créé et de son mérite. 172 Cette individualisation des salaires pratiquée par les entreprises vise à rendre plus difficile les revendications syndicales et à amoindrir la conscience de classe des ouvriers. Le salaire n'est donc plus un élément d'identification. Si le salarié souhaite voir son salaire augmenter, il s’adresse individuellement à l’employeur et non plus aux syndicats. La négociation porte sur les compétences des individus. - L’émergence de la classe moyenne : la classe ouvrière ne sait pas paupériser comme le pensait Marx, elle a vu au contraire son niveau de vie fortement augmenté grâce à la croissance économique et elle a désormais accès à la société de consommation. En effet, pendant les Trente glorieuses les salaires des ouvriers ont augmenté (grâce aux gains de productivité) et ils ont pu s'équiper et adhérer à la société de consommation. Sur 100 ouvriers, 40 pensent appartenir à la classe moyenne. (Henri Mendras) Les jeunes ouvriers n'échappent pas à la scolarisation prolongée, ils sont de plus en plus nombreux à faire des études supérieures, facteur de promotion sociale. La classe moyenne regroupe des catégories très hétérogènes : cadres moyens, professions intermédiaires, employés, ouvriers qualifiés. Ces PCS ont une faible conscience de classe en raison de leur hétérogénéité (la PCS « employés » regroupe à la fois le personnel des services et les militaires et policiers). Enfin le niveau de vie de la classe moyenne est satisfaisant. Les cadres moyens ont une forte rémunération car ils sont fortement qualifiés. Ces salaires satisfaisants ont pour conséquence la réduction des mouvements revendicatifs ayant pour objet l'augmentation des salaires. La moyennisation de la société est une société dans laquelle la satisfaction des besoins primaires est atteinte. - Le paradoxe d’Olson : l’individu est rationnel. Si un individu ne participe pas à l’action collective, il obtiendra néanmoins des avantages. C’est le passager clandestin (free rider), car un passager clandestin bénéficie des éventuels avantages procurés par la lutte sans en payer les coûts. Il résulte que si un individu a intérêt à ce que des actions collectives soient menées, il a intérêt à ne pas y participer : c'est le paradoxe d’Olson. C'est un individu rationnel qui après une étude coûts/avantages peut déduire qu'il n'a pas intérêt à participer à un arrêt de travail : perte de salaire, risque de sanction. Cependant, il bénéficiera des résultats éventuels de la grève (l'amélioration des conditions travail par exemple). - La nature des conflits a changé : aujourd’hui les revendications portent moins sur le partage la valeur ajoutée et l'augmentation des salaires mais plus sur des revendications culturelles, identitaires comme la reconnaissance des femmes, la protection de l'environnement, la reconnaissance des minorités... C) Cependant la question ouvrière demeure : 1) La PCS « ouvriers » représente encore 28 % des d'actifs : La condition ouvrière continue à être une réalité économique puisque La PCS « ouvriers » représente une part importante de la population active (PA) bien plus que les agriculteurs, les artisans, commerçants et les cadres réunis. La catégorie ouvrière étant plutôt masculine, les ouvriers représentent encore aujourd'hui près du tiers des chefs de ménages. 40 % des enfants sont aujourd'hui encore socialisés dans une famille ouvrière. Enfin, 56 % des ouvriers travaillent dans le secteur tertiaire (entretien, transport, logistique). Si l'on additionne les ouvriers et les employés ensemble, ils représentent 60 % de la 173 population active. Plutôt que de parler de classe ouvrière, ces différentes évolutions conduisent à parler d’une « classe populaire » incluant la partie la plus prolétarisée des employés. 2) La PCS « ouvriers » subie de nombreuses inégalités qui peuvent faire l'objet de nombreuses revendications : Les ouvriers et les employés sont majoritairement touchés par le chômage et la précarité de l'emploi, par les inégalités (de salaires...). (Cf. Chapitre 5 sur les inégalités) 3) Un fort taux de reproduction sociale et un fort taux d’homogamie populaire : (Cf. Chapitre 5 sur la mobilité sociale) II) La crise des syndicats : Remarque préliminaire : historique De la loi Le chapelier (1791) qui interdisait toute forme de groupement et d'association au nom du libéralisme à la loi de 1864 qui reconnaissait le droit de coalition et de grève, le rôle des syndicats s'est considérablement accru. Mais ce ne sera qu'en 1884 avec la loi Waldeck Rousseau que les syndicats seront officiellement reconnus comme les représentants des travailleurs. L'institutionnalisation du syndicalisme est progressive dans les économies occidentales. Elle s'est faite plus ou moins difficilement selon les pays. C'est le cas notamment en France où l'institutionnalisation se fait difficilement en raison d'une attitude conflictuelle de la part du patronat qui pendant longtemps a combattu les syndicats mais aussi de la part des syndicats qui remettent en cause du moins en théorie le capitalisme (CGT). Le syndicalisme à la française prétend être révolutionnaire contrairement au Trade Unionism des Etats-Unis (même si parfois, ils sont aussi intransigeants). Malgré les apparences, l'institutionnalisation des syndicats se développe peu à peu et ils deviennent de plus en plus des organes de négociation. Le rôle des syndicats va surtout se développer dans le cadre du compromis Fordiste. Abandonnant à la direction l'organisation du travail, les syndicats obtiennent en contrepartie une augmentation des salaires. Mais, à partir des années 70, alors que le compromis Fordiste commençait à fonctionner en France et que leur rôle en apparence était confirmé et renforcé par les lois Auroux (1982), les syndicats se heurtent à des difficultés. Ils connaissent dans tous les pays développés une crise grave. Après avoir rappelé les manifestations cette crise, nous essaierons d'en analyser les causes. A) Les manifestations : - La diminution importante des adhésions : Le taux de syndicalisation est la part des salariés qui adhèrent à un syndicat. Le taux de syndicalisation est passé de 25 % en 1950 à 7 % en 2005. Il a été divisé par 3,5. 174 - La diminution des mouvements revendicatifs c'est-à-dire des grèves : (voir III. La diminution des conflits du travail). - La diminution de la participation aux élections professionnelles : En 1979, en ce qui concerne les syndicats patronaux, le taux d'abstention aux élections prud'homales était de 50 %, et de 80 % en 1997. De même, en ce qui concerne les syndicats salariés, le taux d'abstention aux élections prud'homales était de 38 % en 1979 et de 64 % en 1997. On constate également que les non syndiqués obtiennent la majorité des suffrages exprimés. B) Les facteurs explicatifs de la crise du syndicalisme : 1) Les causes économiques : a) L'augmentation du chômage et de la précarité : Sur 100 salariés occupant un CDI à temps plein, 9,5 sont syndiqués. Sur 100 salariés occupant un CDI à temps partiel, 6,1 sont syndiqués. Sur 100 salariés occupant un CDD ou en intérim, 2,4 sont syndiqués. Source : DARES, Premières synthèses, octobre 2004. Se syndiquer peut être mal vu par l'employeur. En effet, les actifs ne se syndiquent pas car ils ont peur de perdre leur emploi. L'augmentation du chômage a modifié les rapports de force dans l'entreprise entre le salarié et l'employeur. Chômage massif => peur de perdre l'emploi => refus de se syndiquer La précarisation de l'emploi est également une explication d'une diminution du taux de syndicalisation. Travailleur précaire => objectif = CDI => non participation à des syndicats (mal vu par l’employeur) Travailleur précaire => passage dans l’entreprise (fin du CDD = chômage) => faible intégration => non participation à des syndicats Travailleur a temps partiel => 20h/semaine => peu de temps dans l’entreprise => non participation … Développement de l’emploi atypique => multiplication des statuts => difficultés pour le syndicat de représenter 1 groupe de travailleurs hétérogènes Développement de l’emploi atypique => multiplication des statuts => faible conscience de classe => non adhésion … b) La crise économique : Les ouvriers acceptent la pénibilité des conditions de travail tayloriennes en échange de salaires conséquents : c’est le compromis Fordiste. 175 Malgré l’augmentation du niveau de vie, les revendications continuent de porter sur les salaires puisque ces derniers compensent la pénibilité des conditions de travail. Depuis 1974, l'ensemble des pays développés connaisse une crise économique qui remet en cause le compromis Fordiste. La croissance est molle et les richesses créées sont plus faibles. Il y a donc moins de surplus à répartir. Les salariés ont intériorisé le fait qu'il était de plus en plus difficile d'obtenir une augmentation des salaires dans une période de croissance molle. Dans ce contexte, le rôle des syndicats est amoindri. Crise économique => épuisement des gains de productivité => difficile des salaires => abaissement du rôle des syndicats c) La taille de l'entreprise et le caractère public /privé de l’établissement : Aujourd'hui, les salariés pour 90 % d'entre eux travaillent dans des petites entreprises de moins de 20 salariés. On constate une corrélation entre la faiblesse de l'action syndicale et la taille l'entreprise. Plus la taille de l'entreprise est réduite, plus l'action syndicale est faible et inversement. Peut-être que les salariés dans les petites entreprises ne souhaitent pas se syndiquer par crainte d'être mal vu par l'employeur. En 2004, sur 100 salariés travaillant dans une entreprise de plus de 500 salariés, 8,7 sont syndiqués. En 2004, sur 100 salariés travaillant dans une entreprise de moins de 50 salariés, 3,5 sont syndiqués. Source : DARES, Premières synthèses, octobre 2004. Petites entreprises => peur de se syndiquer pour ne pas être mal vu par l’employeur Sur 100 salariés travaillant dans le public (Etat, collectivités, hôpitaux publics, sécurité sociale, entreprises publiques), 15 sont syndiqués. Sur 100 salariés travaillant dans les entreprises privées, seulement 5,2 sont syndiqués. Source : DARES, Premières synthèses, octobre 2004. Dans la fonction publique, les fonctionnaires ont été recrutés sur concours et disposent d'un contrat à durée indéterminée. Par ailleurs, la fonction publique est fortement représentée par les syndicats. La sécurité de l'emploi et la forte représentation syndicale dans la fonction publique expliquent le fort taux de syndicalisation des fonctionnaires. En revanche, les salariés du privé se syndiquent moins car ils ont peur d'être mal vu par l'employeur. d) Les politiques gouvernementales libérales et la faible progression du pouvoir d'achat : Certains gouvernements ont refusé de négocier (politique de rigueur en France en 1983, les faibles hausses de pouvoir d'achat rendu possibles par la crise amènent à réduire les possibilités d'octroyer des avantages supplémentaires aux travailleurs) ou ont même combattu les syndicats rendus responsables des trop grandes rigidités sur le marché travail. En exigeant une hausse des salaires, de fait, une indexation des salaires sur les prix, les syndicats 176 empêchent la loi de l'offre et de la demande de jouer son rôle de régulation. Par ailleurs, un coût salarial élevé explique un taux de chômage important pour les libéraux. C'est vrai pour les États-Unis où le Closed shop (monopole de l'embauche pour le syndicat) fut interdit et fortement réduit en Grande-Bretagne (interdiction des piquets dissuasifs, obligation de réaliser un referendum avant toute grève illimitée). Les syndicats sont jugés responsables des rigidités présentes sur le marché travail. Politique libérale => mettre fin aux principales rigidités => syndicats responsables des rigidités (car ils demandent des hausses de salaires) => combattre les syndicats e) Les nouvelles formes d'organisation du travail : De plus, alors que le Taylorisme et le Fordisme constituaient pour le syndicat un enjeu essentiel, ces formes d'organisation du travail vont être remplacées par une nouvelle forme inspirée du modèle japonais : le Toyotisme. Le pouvoir des syndicats est donc remis en cause ainsi que le compromis Fordiste. Face à l'introduction de ces nouvelles méthodes que l'on nomme « Management participatif » les syndicats se voient dépossédés. Dans les cercles de qualité, les groupes s'organisent eux-mêmes réglant tous les problèmes qui se posent à eux (conditions travail, salaires, horaires...). Les nouvelles méthodes réduisent l'impression d'étouffement de l'ouvrier qui autrefois justifiait un fort taux de syndicalisation (rotation du personnel, groupes semi-autonomes...). De même, le Toyotisme (plus précisément la méthode Kanban) exige une adhésion des travailleurs qui peut remettre en cause le rôle des syndicats : zéro stock = zéro grève. Management participatif (cercles de qualité) => ouvriers qui se gèrent eux-mêmes => méthode qui vise à court-circuiter les syndicats Zéro stock = zéro grève => non participation à l’action syndicale f) L'individualisation des salaires : Le développement de l'individualisation des salaires pose le problème de la convergence des revendications salariales et plus globalement de la solidarité entre salariés. L’individualisation des salaires bouscule les stratégies syndicales car les revendications des salariés sont par la même éclatées, voire en concurrence. Ils ne répondent plus au même mot d'ordre et les salariés se sentent moins bien représentés d’où la baisse du nombre de syndiqués. Les conflits du travail ont tendance à se régler à l'intérieur de l'entreprise. Indiv. des salaires => revendication des salariés éclatées => préférence pour demander individuellement 1 des salaires auprès de l’entreprise au lieu de passer par le syndicat Multiplication des statuts => difficulté pour un syndicat de représenter un groupe de salariés de plus en plus hétérogène 2) Les transformations sociales et culturelles : a) Les causes sociales : - La tertiarisation : 177 La crise a touché les industries traditionnelles (métallurgie, textile, mines...) qui constituaient les principaux bastions du syndicalisme. Les syndicats sont bien représentés dans ces secteurs de l'économie dont les effectifs ont le plus baissé. Les syndicats risquent d'être de plus en plus mal à l'aise dans une société de moins en moins industrielle. Le secteur secondaire regroupe un peu plus de 28 % des actifs contre 76 % pour le secteur tertiaire. La tradition syndicale est moins forte dans les services principaux créateurs d'emplois. Les services sont peu syndicalisés mis à part les banques et les assurances. Le secteur tertiaire regroupe de multiples emplois avec des statuts différents. Cette hétérogénéité des emplois dans le tertiaire due à la flexibilité bouscule les traditions syndicales. Il est de plus en plus difficile d'établir une plate forme de revendications communes entre tous les salariés car ils n’occupent pas les mêmes emplois, sont parfois en concurrence du fait de la diversité des statuts, des rémunérations et des qualifications. Forte flexibilité dans le secteur tertiaire => multiplication des statuts => difficulté pour représenter un groupe de plus en plus hétérogène - La féminisation de l'emploi : Les femmes ont une faible tendance à l'adhésion et à l'action syndicale. Elles apportent un nouveau rapport au travail et participent au développement du travail à temps partiel (lorsqu’il est choisi). Pour les syndicats, les revendications des femmes ne sont pas toujours louables notamment lorsqu'elles demandent à travailler à temps partiel, contrat de travail contre lequel les syndicats combattent. Les femmes n’ont pas de culture syndicale en raison de leur arrivée tardive sur le marché du travail. Arrivée tardive des femmes sur le marché du L => peu de culture d’entreprise => pas d’action syndicale Femmes demandant un temps partiel choisi => contrat de travail combattu par les syndicats - La montée des qualifications : On assiste à une mutation des qualifications du fait de la démocratisation de l'école et du développement des nouvelles technologies. Or les travailleurs qualifiés n’ont pas de culture syndicale et sont plutôt méfiants à l’égard des syndicats. Forte qualification => rémunération satisfaisante => pas de revendication salariale - Le déclin et l'éclatement de la classe ouvrière : La classe ouvrière décline en nombre, mais elle a aussi tendance se fractionner, la fraction supérieure tendant à se rapprocher de la classe moyenne (ouvriers qualifiés). Déclin de la classe ouvrière => de l’adhésion à des syndicats => crise du syndicalisme b) La montée des valeurs individualistes : Le paradoxe d’Olson : (Voir précédemment) 178 c) La crise de légitimité des syndicats : La loi éclaire précisément le rôle des syndicats dans l’entreprise. En 1945, la loi établit les délégués du personnel (les entreprises d’au moins 11 salariés doivent obligatoirement en désigner) et les comités d’entreprise. Les délégués syndicaux sont les partenaires obligatoires des employeurs dans le débat d’entreprise. Les lois Auroux, les lois Aubry et Fillon, développent le rôle de la négociation. Plus les entreprises sont grandes, plus la présence syndicale est forte. Les salariés des grandes entreprises sont mieux protégés et accèdent à plus de service (CE). Les lois Auroux rendent régulières et obligatoires les négociations collectives. L’institutionnalisation des conflits a pour but d’encadrer et de maîtriser l’action collective. L'obligation de négocier semble avoir pour effet de limiter les conflits. Le dialogue entre les partenaires sociaux permet une régulation des conflits. Définition de l’institutionnalisation des conflits : processus de création d'instances représentatives, ou de lieux réservés aux procédures de négociation et d'arbitrage entre les parties d'un conflit. Dans le monde du travail, les instances sont multiples : les syndicats mais aussi les cercles de qualité, les comités d'entreprise en sont de nombreux exemples. Les lois Auroux (1982) ont rendu obligatoire des négociations collectives chaque année dans les entreprises françaises. Dans le cas d’un conflit déclaré, des procédures de conciliation, de médiation et d'arbitrages ont été créés afin d'en faciliter la résolution. 38 % des français ne se syndiquent pas car ils n'ont pas le sentiment que les syndicats comprennent bien leurs préoccupations. 25 % des français ne se syndiquent pas parce qu'ils pensent que les syndicats ne sont pas efficaces. Les nombre de réunions sont amplifiées, formelles, informelles ou plénières. Tout naturellement la direction de l’entreprise met en oeuvre toute une pédagogie séductrice pour persuader les syndicalistes du bien fondé et de la justesse de ses positions. La crainte est que les élus syndicaux passent sous l'influence des partenaires patronaux, qu’ils pensent plus à faire carrière qu'à représenter leurs mandats, qu’ils s'éloignent peu à peu des syndiqués et des salariés. On leur reproche désormais leur caractère bureaucratique, leur inefficacité, leur manque de combativité. C'est la loi d'Airain : au fur et à mesure qu’un syndicat se développe, il s’identifie de moins en moins à la classe qu'il représente. C) Les syndicats restent utiles et appréciés, ils doivent s'organiser pour continuer à jouer leur rôle : Les syndicats formulent des revendications au nom des salariés. Celles-ci portent sur les salaires, la duré et les conditions de travail mais aussi et plus largement sur les problèmes sociaux (sécurité sociale, retraite, chômage...). Pour promouvoir ces revendications, les syndicats réalisent des actions multiples allant de la pétition jusqu'à l'arrêt de travail, les débrayages et les grèves. 179 La baisse du taux de syndicalisation n’implique pas un affaiblissement du rôle des syndicats. Neuf salariés sur dix sont abrités par une convention collective et de plus en plus de salariés sont représentés par des syndicats sur leur lieu de travail. Les syndicats interviennent dans les organisations de sécurité sociale, à l’UNEDIC, dans les prud’hommes, les conseils économiques nationaux et régionaux… Conclusion : La crise des syndicats n'est que trop évidente sur tous les plans. Mais, il n'est pas certain qu'il faille s'en réjouir. La meilleure preuve en est qu'on voit des chefs d'entreprise déplorer cette évolution car ils n'ont plus d'interlocuteurs en face d’eux, ce qui favorise le déclenchement de mouvements difficilement contrôlables (grèves sauvages) et la non résolution des conflits ou malaises qui restent à l'état latent. Les syndicats doivent se recentrer sur leur fonction de représentation des salariés en se rappelant qu'ils n'ont jamais eu la partie facile dans les entreprises. C'est un enjeu important pour l'équilibre de la société. Quel peut être l'avenir ? Rendre obligatoire une cotisation syndicale sur les salaires. Quoiqu'il en soit, les syndicats doivent sans doute abandonner leur discours « ouvriériste » traditionnel et adopter des thèmes et des méthodes qui leur permettent de s'adapter à une population qui a beaucoup changé : syndicalisme de service, auprès des jeunes et des femmes. III) La diminution des conflits du travail : A) Le constat : Depuis 1976, il semble bien que l'on assiste à la diminution de la grève : En 2000, il y a eu environ 809.000 journées individuelles non travaillées hors fonction publique. - On notera malgré tout que l'on observe des pics de conflictualité du travail en 1968, en 1995, en 1999 et en 2003 : En 1995, on assiste à un mouvement social de grande ampleur suite au plan de réforme de la sécurité sociale proposé par Alain Juppé. Enfin à partir de 1999, on assiste à une reprise des conflits du travail, la France a partir de 1998 connaît une période de forte croissance, les richesses produites augmentent et les salariés souhaitent bénéficier des fruits de la croissance. Il existe une corrélation entre la reprise des conflits et la croissance économique (surplus à répartir). Inversement, en période de récession économique, on assiste à un affaiblissement des conflits (les résultats attendus de la grève sont plus faibles car il y a peu de richesses à répartir). 2003 : grève contre la réforme Fillon sur les retraites. Limites de l'analyse : 180 Les journées individuelles non travaillées (JINT) ne mesurent qu’un type de conflit possible c'est-à-dire les actions nationales et minimisent les conflits locaux, plus nombreux depuis vingt ans. Les conflits du travail ne se limitent pas à la grève. L'augmentation du taux d'absentéisme, le turnover, le gaspillage, les malfaçons, la fréquence des litiges individuels, le refus d'effectuer des heures supplémentaires et la démotivation sont des signes révélateurs de l'action des salariés. Les conflits du travail peuvent avoir des objets différents : Conflit de droits : il s'agit souvent de licenciements jugés abusifs par le salarié. Conditions de travail : conditions d'hygiène, respect des pauses. Aménagement et réduction du temps de travail : annualisation du temps de travail. Les salaires : les conflits portent essentiellement sur l'augmentation des salaires surtout en période d'inflation. L'emploi : il s'agit ici de se battre pour préserver son emploi ou pour la création de nouveaux emplois (exemples : Continental, New Fabris…). B) Les explications : 1) Les explications économiques : - Le chômage et le développement des emplois atypiques : Chômage massif => modification du rapport de force entre le salarié et l’employeur => peur de perdre son emploi => des conflits du travail Précarité => peur de perdre son emploi => moins de grèves => des conflits du travail Travailleur précaire => objectif CDI => non participation à la grève (peur d’être mal vu par l’employeur) => des conflits du travail Travailleur précaire => passage dans l’entreprise (fin du CDD = chômage) => pas les mêmes préoccupations que les permanents => faible identité dans l’entreprise => des conflits du travail Précarité => multiplication des statuts => développement du chacun pour soi => des conflits du travail Travailleur précaire => faible pouvoir d’achat (CDD) => ne peuvent se permettre de participer à une grève - La crise économique : Crise économique => moins de richesses à distribuer => des conflits du travail - Les nouvelles formes d’organisation du travail : Méthode Kanban => réponse immédiate à la D => 0 grève car 0 stock => des conflits du travail Management participatif (cercles de qualité) => ouvriers qui se gèrent eux-mêmes => des grèves 181 - La politique d'individualisation des salaires : Salaire fixe + salaire variable => plus de caractéristiques communes => fin de la classe en soi => des conflits du travail 2) Les explications sociales : - La tertiarisation de l'économie : Forte flexibilité dans le secteur tertiaire => multiplication des statuts => difficulté de représenter un groupe de plus en plus hétérogène Faible tradition syndicale dans le tertiaire => des conflits du travail - Le déclin et l'éclatement de la classe ouvrière (étudier précédemment) : Déclin des industries traditionnelles principal bastion de recrutement pour les syndicats => part des ouvriers dans la population active => de l’adhésion à des syndicats => des conflits du travail - La crise du syndicalisme (étudier précédemment) : - La féminisation de l'emploi : Arrivée tardive des femmes sur le marché du L => peu de culture d’entreprise => moins de grèves => … - La moyennisation de la société française : Forte qualification => rémunération satisfaisante => des conflits du travail - L’institutionnalisation des conflits (étudier précédemment) : - Le paradoxe d’Olson (étudier précédemment) : C) L'émergence des nouveaux mouvements sociaux (NMS) : 1) De multiples exemples : Le conflit est polymorphe, il est le support de causes variées : féminisme, antiracisme, sanspapiers, homosexuels. 182 Mouvement des femmes Mal logés, chômeurs Étrangers, sans papiers Reconnaissance des droits propres aux femmes : procréation, sexualité, avortement, parité politique Droits à des conditions de vie décentes : lutte contre l'exclusion sociale Reconnaissance des droits de résident, régularisation de situations intolérables (salaires, logements etc.) Égalité des droits Résultats : Les lois sur contraception, l’avortement Homosexuels Reconnaissance mêmes droits que accordés hétérosexuels : contre le sida des ceux aux lutte Rendre normale la Accéder à la citoyenneté condition sexuelle Changer les commune différente règles de droit privé Résultats : Résultats : Résultats : la Loi sur logements sociaux les Régularisation Le PACS Création du ministère de l’identité nationale Loi sur le vote des RMI femmes Loi sur la CMU Loi sur la parité Loi sur le logement opposable 2) En quoi les NMS sont-ils nouveaux ? a) De nouveaux acteurs : Les acteurs ne sont pas les organisations syndicales et ne se limitent pas au monde ouvrier ou salarié. Les nouveaux acteurs sont : la coordination étudiante, les organisations féministes, les unions de consommateurs, les régionalistes, les mouvements beurs, les homosexuels, les chômeurs, les SDF, les collectifs de sans papiers, les associations de malades (sida) Les nouveaux acteurs ne s'inscrivent pas dans une logique de classe, de domination (classe ouvrière, patronat) mais de rapports sociaux, c'est-à-dire qu'ils s'intéressent à l'ensemble des membres de la société par la définition d'un projet social, culturel, politique... b) De nouvelles revendications : Ils portent sur d'autres sujets que les conditions de travail et la rémunération ou la répartition de la valeur ajoutée. Ils portent sur des questions plus qualitatives comme le droit des minorités, les revendications égalitaires, la préservation de l'environnement, le respect des différences, le droit au logement, l'accès à la protection sociale, la solidarité, les droits de l'homme, le refus du racisme. Les NMS portent sur les valeurs. c) De nouvelles actions collectives : 183 Les actions sont plus variées que la grève ou que la simple manifestation. Les nouvelles formes d'action sont : les ports de badges, les pétitions publiques, les campagnes médiatiques, les concerts, les poursuites judiciaires, les actions de commandos, le lobbying, le contre forum... d) Les NMS constituent des groupes de pression : - Une volonté d'orienter les décisions politiques : Les NMS ne cherchent pas à s'emparer du pouvoir politique comme cela a été le cas pour le mouvement ouvrier à travers le parti communiste, mais à constituer un véritable contre pouvoir ; il décrit davantage une contestation de la société civile face à l'État. Leurs revendications sont fondées sur des valeurs d'égalité, de liberté de solidarité, ils ne remettent pas en cause le régime politique mais son application et son fonctionnement. - Une volonté de médiatiser le mouvement social et de toucher l'opinion publique : La stratégie des acteurs est de médiatiser le plus possible le conflit, de privilégier la légitimité publique, la popularité des enjeux au sein de la société civile pour forcer le débat politique et l'orienter. Exemple : L’objectif est de sensibiliser l’opinion publique dans le but de faire fléchir les pouvoirs publics. Le relais donné à ces mouvements par les médias pousse les pouvoirs publics à s’engager. Cela se traduit par la production de lois (trêve hivernale, droit au logement opposable). Un groupe de pression cherche à influencer le pouvoir politique pour qu'il prenne une décision en revanche, il ne vise pas à remplacer le pouvoir. - Une organisation en réseau : L'organisation en réseau consiste à mobiliser les acteurs en provenance de milieux différents (employés, ouvriers, cadres, retraités…), de régions différentes... Cela signifie qu'un individu peut agir (par exemple pour la cause des femmes alors qu'il n’est pas directement concerné) cette organisation en réseau est facilitée par les médias, Internet ; le net est un instrument qui permet de s'ordonner et surtout qui permet de grouper les informations et de les communiquer gratuitement à un grand nombre de personnes militantes ou non. D) Les NMS n’ont pas remplacé les conflits du travail : 1) Les conflits du travail sont plus localisés : S'ils n'occupent plus le centre de la vie sociale, les affrontements entre ouvriers et patrons dans les entreprises sont encore très fréquents. On peut penser à Continental, New Fabris… 184 2) Les conflits du travail sont plus durs et plus défensifs : Les salariés ne se battent plus pour obtenir une augmentation des salaires mais pour éviter une aggravation de leur condition notamment une privation d'emploi. Les conflits du travail sont souvent défensifs. Les revendications autrefois offensives (augmentation des salaires) sont désormais défensives (défense de l’emploi). Alors que la tendance est à la précarisation des emplois, les conflits portent sur la préservation des avantages acquis. Ils sont également plus durs : séquestration de la direction, pris en otage du patron, démantèlement de l'usine, menace de déverser des produits chimiques ou de faire exploser des bouteilles de gaz… IV) Les conflits et le changement social : A) Les conflits et l'action collective sont les moteurs du changement social : 1) Les conflits du travail ont transformé la société : Le développement du salariat a favorisé des conflits portant sur le partage la valeur ajoutée, le temps de travail ou les conditions de travail. Le conflit est à l'origine de nouvelles règles, de nouvelles normes. En effet, les conflits du travail sont à l'origine de nouvelles normes du travail : - 1864 : droit de grève 1884 : liberté syndicale 1919 : durée du travail à 8 heures par jour 1936 : semaine de 40 heures, 15 jours de congés payés, convention collective 1945 : création de la sécurité sociale 1950 : création du salaire minimum 1956 : 3ème semaine de congés payés 1968 : création des sections syndicales 1969 : 4ème semaine de congés payés 1982 : 5ème semaine de congés payés et semaine de 39h 2000 : 35 heures de travail hebdomadaire 2) Pour Marx, le conflit du travail est le principal moteur du changement social : Reprendre la théorie marxiste. Les inégalités et les différences jugées illégitimes donnent naissance à des conflits. Parler des revendications offensives : conditions de travail, la question des rémunérations... 3) Les nouveaux mouvements sociaux sont facteurs de changement social : Les NMS favorisent les transformations dans le domaine social. Le conflit féminin a abouti à l'émergence des nouvelles règles sociales et juridiques : 185 - 1945 : droit de vote des femmes - 1956 : création des maternités - 1970 : création du Mouvement de Libération de la Femme - 1974 : contraception - 1975 : droit à l'Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) - 1980 : loi sur le viol - 1983 : remboursement de l'IVG - 1992 : loi contre le harcèlement sexuel - 2000 : loi sur la parité politique 4) Le changement social peut être source à son tour de conflits : Les conflits peuvent déboucher sur un changement social qui s'achève par l'adoption de la loi (nouveau changement social). Mais cela ouvre la possibilité de nouveaux conflits. Exemple : les homosexuels ont obtenu le PACS c'est-à-dire la possibilité de vivre ensemble. Mais ce changement social est à l'origine d'un nouveau conflit : ils luttent désormais pour obtenir le droit à l'adoption d'enfants. Toute nouveauté, enfin, est susceptible de créer des conflits dès lors que les relations sociales sont affectées. B) Le conflit est un frein au changement social : 1) Lorsque les conflits du travail sont porteurs de revendications défensives, ils constituent un frein au changement social : - Lutter contre un licenciement abusif. Sauvegarder les emplois menacés par une délocalisation. Maintenir un avantage social : le temps de pause. Lorsque le conflit du travail porte sur des revendications défensives, il vise le maintien des lois ou de la situation existante. 2) Les nouveaux mouvements sociaux peuvent être des freins au changement social : Exemple : 1995 manifestations contre le plan Juppé réformant la sécurité sociale. Diverses manifestations pour le maintien des retraites et les avantages sociaux ont eu lieu en France (manifestation contre le démantèlement des bureaux de poste). 186