Patrimoine de France
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Patrimoine de France
Carrément réussi publié le 10/05/2013 Le Carré d’Art-musée d’art contemporain fête ses vingt ans et rend hommage à son architecte. « L’audace, ça marche » pouvait-on lire, il y a 25 ans, sur une affiche nîmoise célébrant les premiers travaux du « Carré d’Art », œuvre de l’architecte Norman Foster. La Maison Carrée vue terrasse du Carré d’Art © photo G.Hébert Vingt années après son inauguration, le musée d’art contemporain qui communie avec La Maison Carrée romaine, « s’est assis confortablement parmi ses voisins », selon les mots de son concepteur, au cœur de la cité. Raisons de s’enthousiasmer de cette réussite architecturale et de fréquenter l’exposition de quelques 70 artistes de 17 pays réunis, pour cet anniversaire, par Norman Foster, comme « une extension de mon (son) espace privé » Un retour en arrière s’impose pour apprécier la qualité architecturale de Carré d’Art et son intégration harmonieuse. Avant de voir disparaître la façade de l’ancien théâtre et sa colonnade néo-classique, conservées après l’incendie de 1950, en lieu et place du monument actuel, on peut dire aujourd’hui sans réveiller de querelles anciennes, que le temple du 1ier siècle après Jésus Christ souffrait de cette proximité. Depuis 1993, les deux ouvrages se mettent en valeur. Sans agressivité, la réalisation High Tech de verre, d’acier et de béton sert de miroir au temple. Ne dépassant pas les constructions voisines et ne reniant rien de l’histoire du lieu. Les dix grosses colonnes de l’ancien théâtre ont laissé place à des colonnes cylindriques plus discrètes, précédées d’un auvent pare-soleil, soutenu par cinq fins poteaux d’acier. Sur deux tiers de la façade, s’avance une partie du bâtiment comme pour le péristyle de l’ancien théâtre. Elle accueille au dernier niveau un toit terrasse protégé par l’auvent et ombragé par la verdure d’un arbre intelligemment conservé. De là, où un restaurant-salon de thé est installé, la Maison Carrée et les toits de la ville sont à portée de main. Et l’on ne manquera pas de savourer les délicieux instants que le lieu distille à toute heure du jour. Et plus spécialement quand le soleil couchant embrase la « cinquième façade » du centre nîmois ancien. Escalier de l’atrium © photo G.Hébert Quant au volume intérieur qui laisse apparaître l’importante partie enterrée de l’édifice, il offre une sorte d’immense atrium, bénéficiant à la fois d’un éclairage zénithal et latéral. Cet imposant puits de lumière est occupé par une magistrale volée d’un escalier de verre aux teintes irisées de vert. Desservant les galeries supérieures comme le niveau bibliothèque et les salles d’exposition du sous-sol. Bref, un ensemble sobre mais qui procure un bonheur indiscutable. Comme la déambulation au milieu des œuvres choisies par Norman Foster pour l’exposition « Moving. Norman Foster on Art », présentée jusqu’au 15 septembre 2013. Abandonnant sa casquette d’architecte pour celle de commissaire d’exposition, Lord Norman Foster révèle pour la première fois ses choix plastiques et partage sa « passion pour quelques-uns de ces artistes, dont les créations embellissent notre domicile et nos espaces de travail » . Continuant à expliquer, dans le catalogue publié à l’occasion de l’exposition, qu’avec sa femme Elena, « nous avons acquis des toiles, des sculptures, des photographies et des vidéos principalement crées par des artistes modernes ou contemporains », dont « le seul objectif a été de les combiner, pour notre plaisir, dans les espaces domestiques que nous habitons et utilisons en famille ». C’est donc cette sorte d’alchimie que nous proposent le commissaire et Jean-Marc Prévost, directeur du musée d’art contemporain, dans les beaux volumes de Carré d’Art. Et ça marche. On y apprécie des œuvres de grands maîtres de la modernité (Turner, Boccioni, Giacometti, Calder, Hockney, Rothko…) au côté de la création la plus émergente. Un choix assumé par le collectionneur qui ne présente pas sa collection personnelle mais fait découvrir des talents créatifs du monde entier, souvent sans grande reconnaissance médiatique. Des installations spécialement conçues pour Carré d’Art ont aussi leur place. Pour quelques mois, ce « musée imaginaire » tel qu’André Malraux le définissait tentera d’émouvoir les visiteurs. Par sa diversité, il pourra s’adresser aux fonctions cérébrales et à celles plus viscérales, comme l’explique Norman Foster. N’aspirant à aucune prétention académique, il avoue « Chez nous, si nous suspendons une toile abstraite du jeune peintre berlinois Daniel Lergon à côté d’une sculpture de Giacometti côtoyant un portrait de Francis Picabia, nous ne sommes pas tenus de donner une explication à quiconque ». Et si cette vision était la plus naturelle qui soit. Que chacun appréciera ou rêvera d’organiser ! Petite histoire du projet Jean Bousquet et Norman Foster le 2 mai 2013 © photo G.Hébert En 1984, Jean Bousquet, maire de Nîmes et patron de Cacharel, lance un concours d’architecture pour la réalisation d’un bâtiment réunissant un musée d’art contemporain et une bibliothèque. Norman Foster est retenu parmi de grands architectes : César Pelli, Arata Isozaki, Frank Gehry et Jean Nouvel. Il faut la volonté d’entreprendre et la force de conviction de l’édile pour mener à bien le projet, des opposants allant jusqu’à s’enchaîner aux colonnes de la façade de l’ancien théâtre. En 1988, alors que seules les excavations sont creusées, on peut avancer l’idée qu’elles ont permis l’écoulement des eaux, protégeant la Maison Carrée des terribles inondations ayant ravagé la ville. Carré d’Art sera inauguré le 7 mai 1993. Il réunit un musée d’art contemporain disposant de près de 400 œuvres illustrant la période de 1960 à nos jours et une médiathèque dont plus de 20 000 documents consacrés à l’art des XXe et XXIe siècles. Pour la petite histoire, en plus d’imposer une architecture contestée à l’origine, le musée a dû aussi faire accepter l’art contemporain. Le 25 août 1993, y fut présenté le ready-made de Marcel Duchamp baptisé « Fountain » qui n’est autre qu’un urinoir. Dans le cadre de sa première exposition « L’objet dans l’art au XXe siècle », prêtée par le Centre Pompidou. Présent au vernissage, l’artiste Pierre Pinoncelli s’approcha de l’œuvre, se déboutonna, urina dedans, avant de la fracasser à coup de marteau… Un début percutant ! Guy Hébert Quelques mots sur Norman Foster Anglais né en 1935, il fait des études d’architecture et d’urbanisme en Angleterre et aux États Unis. Émule de Buckminster Fuller, il est l’un des principaux représentants de l’architecture High Tech avec Richard Rogers, avec lequel il a travaillé. Quand il gagne le concours du Carré d’Art, c’est sa première réalisation en France. Il recevra en 1999 le Pritzker Price, la plus importante reconnaissance mondiale en architecture. La même année, il est fait pair du royaume par la reine Elisabeth II. Dans le monde, plus de mille personnes travaillent pour lui. Dans l’Hexagone, il a une petite dizaine de projets à son actif. Le plus emblématique étant le viaduc de Millau, en 2004, réussite technologique et véritable œuvre d’art dans le ciel du Larzac. Pour 2013, à l’occasion de l’évènement « Marseille, capitale européenne de la culture », Norman Foster s’est vu confier la rénovation du vieux port avec le paysagiste français Michel Desvisgnes. Une manifestation d’envergure internationale à laquelle Nîmes est associée en tant que ville invitée. Escalier en trompe l’oeil conduisant à l’expo "Livresque des profondeurs" © photo G.Hébert Exposition « Moving. Norman Foster on Art », présentée jusqu’au 15 septembre 2013. En même temps que cette exposition, « une plongée insolite dans les réserves de la bibliothèque à la découverte de trésors et pièces curieuses d’hier et d’aujourd’hui » vous attend dans les profondeurs de Carré d’Art. Descendez l’escalier en trompe l’œil du photographe Patrice Lebon. Vous êtes entourés de hublots. Embarquement immédiat pour une exploration de l’histoire du livre. Pour « une immersion sonore proposée par Daniel Martin-Borret et une navigation dans des fac-similés numériques sur table tactile » Noter aussi qu’à partir du 28 juin, et pendant la durée de l’exposition de Norman Foster, le musée d’art contemporain propose une sélection de ses œuvres au Musée des Beaux-Arts, à celui du Vieux Nîmes et à l’École des Beaux-Arts. Vernissages le 27 juin, respectivement à 18h, 18h45 et 19h30. Carré d’Art Musée d’Art Contemporain 16 Place de la Maison Carrée 30000 Nîmes 04.66.76.35.70 Ouvert de 10h à 18h tous les jours, sauf le lundi. Carrément réussi en images Reflet de la Maison Carrée sur la façade de Carré d’Art © photo G.Hébert