RADON ET RADIATIONS IONISANTES

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RADON ET RADIATIONS IONISANTES
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Radon et radiations ionisantes
Boris Melloni
Service de Pneumologie
Limoges
L’homme est exposé à une irradiation X naturelle de cause cosmique, tellurique et
alimentaire et une irradiation artificielle provenant essentiellement de l’imagerie
médicale et exceptionnellement des activités nucléaires civiles ou militaires. Cette
irradiation est évaluée en unité d’équivalent de dose ou millisieverts (mSv).
L’irradiation tellurique, liée essentiellement à l’inhalation du radon et de ses
descendants constitue la première cause d’irradiation humaine (2 mSv par an).
L’utilisation médicale des rayons X à des fins diagnostiques délivre en moyenne
1mSv par an. Nous allons donc voir les deux expositions majeures pour l’homme,
l’exposition naturelle au radon et l’irradiation liée aux examens radiologiques. Nous
insisterons sur les mesures préventives nécessaires.
1. Exposition au radon et risque de cancer bronchique primitif
1.1 Le radon
Le radon est un gaz inerte, radioactif, provenant de la désintégration naturelle de
l’uranium-238 contenu dans les sous-sols granitiques et volcaniques. Le radon est un
émetteur alpha à demi-vie courte (3,5 jours) qui diffuse à travers les roches pour se
disperser dans l’atmosphère à faible concentration (1,2). Cependant, le radon peut
se concentrer dans les mines, l’eau, les matériaux de construction et les habitations
elles-mêmes. Le radon donne naissance à des petites molécules solides (Fig. 1).
Ces descendants particulaires peuvent s’associer à des poussières, être inhalés et
se déposer sur l’épithélium le long des voies aériennes. Ces derniers, principalement
le polonium-218 et le polonium-214, peuvent délivrer une irradiation alpha au niveau
des noyaux des cellules épithéliales. La particule alpha est composée de deux
protons et de deux neutrons, l’irradiation résultante a un trajet court avec une forte
énergie. Cela induit des modifications génétiques irréversibles, aboutissant à un
processus de cancérisation (1). Le risque lié au radon est avant tout celui de
développer un cancer broncho-pulmonaire.
1.2 Exposition chez les mineurs
Les études épidémiologiques ont permis de montrer une association significative
entre le risque de cancer pulmonaire et l’exposition au radon avec une relation dose
effet (2). Les niveaux d’irradiation pour les mineurs d’uranium ou d’autres minerais
sont en moyenne 10 à 100 fois plus élevés que le niveau des expositions
domestiques. De plus, les travailleurs sont exposés à d’autres agents cancérigènes :
arsenic, silice, amiante, chrome, cobalt ou substances organiques (diesel, fumées).
Le tabac reste le facteur confondant majeur des études épidémiologiques. En tenant
compte du tabagisme, l’excès de risque relatif propre au radon est 2 fois plus
important chez les non-fumeurs que chez les fumeurs (3,4).
2
1.3 Exposition domestique
Depuis les années 1970-1980, l’accent est mis sur le rôle du radon dans l’irradiation
naturelle qui constitue 80 % de notre exposition aux radiations ionisantes (3,5,6).
Des concentrations élevées de radon ont été retrouvées dans des habitations aux
États-Unis, en Scandinavie et en France. L’exposition domestique est exprimée en
becquerel par mètre cube (Bq/m3) ; le becquerel est l’unité internationale de
radioactivité qui correspond à une désintégration par seconde. Le risque de cette
exposition a d’abord été extrapolé à partir des données obtenues chez les mineurs,
sujets masculins, adultes et souvent fumeurs. L’exposition environnementale est
chronique sur l’ensemble d’une vie. Les études épidémiologiques ont alors été
développées selon deux approches : les études écologiques et les études cas
témoins (4) :
- Les études écologiques sont des études descriptives qui comparent le taux
moyen de radon d’une région avec les taux d’incidence de cancers du
poumon ou de décès par cancer du poumon. Les résultats de ces études sont
contradictoires. L’erreur méthodologique probable repose sur le fait que
l’exposition moyenne d’une population ne peut pas déterminer la moyenne du
risque. De plus, le tabagisme, facteur de risque majeur du cancer du poumon,
est un facteur confondant majeur de ces études.
-
Les études cas témoins évaluent le risque individuel de cancer du poumon
lié à l’exposition au radon dans les habitations. Plus de 30 études ont été
publiées à ce jour. Les études réalisées depuis 1990 ont permis d’effectuer
des mesures directes de concentration de radon au sein de l’habitat. Les
biais de ces études sont multiples, mais l’individualisation de la relation
exposition effet limite l’erreur. La concentration de radon au sein de
l’habitation varie en fonction de la saison, en fonction du temps (travaux de
rénovation) et en fonction de l’étage de la pièce, de son type de chauffage
ou d’aération (5). Les personnes exposées au radon domestique peuvent
également changer d’habitation et être exposées sur leur lieu de travail.
D’autres expositions sont possibles et le tabagisme reste un facteur
confondant majeur. Pour pallier le manque de puissance de chaque étude,
l’analyse conjointe de plusieurs études nord-américaines ou européennes
a été entreprise. Les résultats des méta-analyses sont concordants et
retrouvent un risque de cancer du poumon lié à l’exposition domestique au
radon. Les estimations ont été faites en fonction du niveau ajusté
d’exposition (Tableau I). La relation paraît compatible avec une relation
linéaire sans seuil. Le rôle de l’exposition au radon peut être évalué à 10 %
des cas de cancer du poumon (6).
3
Niveau
d’exposition
Bq/m3
50
100
150
200
255
Odd Ratio
1,07
1,11)*
1,15
1,24)*
1,24
1,38)*
1,33
1,54)*
1,43
1,72)*
(1,04(1,07(1,11(1,15(1,19-
Tableau I : Résultats des méta-analyses sur l’exposition domestique au radon et
cancer du poumon. * Intervalle de confiance à 95 % (6).
1.4 Mesures préventives
Les résultats des études épidémiologiques doivent faire envisager un principe de
précaution dans la gestion du risque radon et exposition domestique (4). Sur la base
d’un modèle linéaire sans seuil, il est nécessaire de diminuer l’exposition domestique
en la ramenant au niveau de la concentration de radon à l’extérieur qui varie en
France entre 4 et 40 Bq/m3. En France, les disparités régionales sont importantes,
certains départements ont des moyennes supérieures à 150 Bq/m3 : Creuse, HauteVienne, Corrèze, Loire, Finistère et Corse. Dans ces régions, certaines habitations
ont été recensées à plus de 1000 Bq/m3. La Direction régionale de la santé et le
conseil supérieur d’hygiène publique ont diffusé en 1999 une circulaire préfectorale
sur la gestion du risque radon en France. Trois niveaux ont été distingués : < 400
Bq/m3 pas d’action ; > 400 et < 1000 Bq/m3 actions correctrices simples ; > 1000
Bq/m3 actions urgentes. Il faut séparer les nouvelles normes pour la construction et
les mesures d’assainissement des maisons anciennes. Pour les nouvelles
constructions, une valeur guide de 200 Bq/m3 est préconisée. Les actions permettant
de limiter le niveau de radon dans les habitations sont simples et peu coûteuses :
amélioration de la ventilation, drainages, aérations. En France, la priorité a été faite
sur des zones cibles : écoles, lieux de travail, bâtiments publics. Pour l’habitat privé,
une campagne d’information a été réalisée dans les départements concernés.
Au total, le radon est le deuxième agent carcinogène impliqué dans la genèse du
cancer du poumon mais son implication est moindre que le tabac. Néanmoins, il
paraît fondamental de poursuivre des campagnes de réduction de l’exposition de
l’être humain au radon.
2. Irradiation médicale et ses risques
Une radiographie thoracique correspond à une irradiation de 0,2 à 0,3 mSv et un
scanner thoracique à 0,2 à 6 mSv. Le risque est important pour les sujets sensibles
4
aux radiations comme les enfants, les adolescents, les jeunes femmes et les femmes
enceintes. Les prescriptions d’examens radiologiques doivent donc être limitées. Les
indications d’examens radiologiques doivent être pesées dans le cadre du
diagnostic, du traitement et de la surveillance des maladies respiratoires. Sur le plan
technologique, les doses administrées se réduisent avec les progrès de l’imagerie
médicale. Le pneumologue doit donc essayer de réduire l’irradiation de ces patients
et le radiologue doit veiller à une évolution permanente technologique permettant la
réduction de l’irradiation (7).
5
Bibliographie :
1. Melloni B, Vergnenègre A, Lagrange P, Bonnaud F. Radon et exposition
domestique. Rev Mal Respir 2000 ; 17 : 1061-71.
2. Darby S, Hill D, and Doll R. Radon: a likely carcinogen at all exposures.
Annals of Oncology 2001 ; 12 : 1341-51.
3. National Research Council. Health Effects of Exposure to Radon (BEIR VI).
Washington, DC : National Academy Press, 1998.
4. De Brouwer C, Lagasse R. Le principe de précaution appliqué au risqué de
cancer du poumon causé par le radon domestique. Rev Epidemiol Santé
Publique 2002 ; 50 : 147-57.
5. Baysson H, Tirmarche M. Exposition domestique au radon et risque de cancer
du poumon : bilan des études cas-témoins. Rev Epidemiol Santé Publique
2002 ; 52 : 161-71.
6. Pavia M, Bianco A, Pileggi C, Angelillo IF. Meta-analysis of residential
exposure to radon gas and lung cancer. Bulletin of the World Health
Organisation 2003 ; 81 : 732-38.
7. Rémy J, Rémy-Jardin M, Mastora I. Faut-il réduire l’irradiation en imagerie
thoracique ? Lettre du Pneumologue 2002 ; 6 : 235-42.

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