clifford worley

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clifford worley
100 icônes badass du cinéma
Les années 90
• John Plissken •
CLIFFORD WORLEY
P
Interprété par Dennis Hopper
• Le film : True Romance (1993). Réalisé par Tony Scott •
arfois, une scène, une seule, suffit à asseoir la réputation du badass pour l’éternité. Et ce quel
que soit son statut social,
son âge ou sa tronche. Prenez
donc Clifford Worley (Dennis
Hopper), daron de Clarence
Worley (Christian Slater) dans
True Romance. Côté standing, le mec ne vaut pas
une portion de tripes comme ex-flic reconverti en
vigile croupissant avec son chien dans une caravane
miteuse de Detroit. Un beauf gras du bide et probablement pas le genre à soutenir le mariage pour
tous. Et pourtant, Worley Sr. est un vrai badass
daddy : lorsque son fiston, en cavale avec la prostipute Alabama (Patricia Arquette) après avoir buté
son mac (Gary Oldman), débarque pour lui demander de l’aide, Clifford se plie en quatre alors
qu’ils ne se causent plus depuis une paie.
Une fois Clarence et Alabama partis à Los
Angeles, Clifford va montrer de colossales bollocks
pour les couvrir lorsque sa caravane est investie
par le mafieux Don Vincenzo Coccotti (Chris
Walken, parfait !) et ses molosses. Vincenzo sait
que le couple est passé, il veut savoir où il est
parti. Face à l’élégance vulgaire et au ton comminatoire faussement policé du gominé, Worley,
assis et encerclé, joue d’abord au con. Première
beigne : Vincenzo n’a pas son pareil pour repérer
les mimiques des menteurs. Le ton de la scène
bascule alors du jouissif au carrément grandiose :
en une lueur dans le regard et une question à Walken (“ Je peux avoir une cigarette ? ”), Dennis
Hopper nous fait comprendre que son personnage
a saisi qu’il était foutu. Qu’il balance son fils ou
non n’y changera rien.
Autant partir sur un acte de bravoure et, au
passage, connaître si possible une mort douce et
rapide plutôt qu’une longue agonie. Clifford
Worley se lance alors dans l’un des monologues
les plus extraordinaires entendus à l’écran : une
“ leçon d’Histoire ” à l’attention de Vincenzo sur
les racines noires des Siciliens. Le condamné à
mort prend son temps pour exposer patiemment
son raisonnement kamikaze face à un Don
Vincenzo autant interloqué qu’amusé. Écrite par
Tarantino (encore lui !), la scène se savoure à plusieurs niveaux : la complicité palpable entre
Walken et Hopper à l’écran (amis très proches
dans la vie, ça aide), la mise en place dramaturgique
du sacrifice de Worley sur fond de musique opératique, les mots désopilants qu’il choisit pour
humilier son adversaire et enfin une issue forcément
tragique et poignante.
La provoc de Worley a payé : Don Vincenzo
laisse finalement sa rage éclater et abat froidement
le papa téméraire, lui qui “ n’avait tué personne
depuis 1984. ” Magnifique. Blague de sale gosse
typiquement tarantinienne : un porte-flingue de
Vincenzo découvrira juste après l’adresse de
Clarence à Los Angeles… sur un Post-it collé au
frigo. Tarantino expliquera plus tard que le monologue de Dennis Hopper sur les Siciliens lui a
été inspiré par un “ type black ” qui vivait chez lui
à l’époque de ses années vidéoclub. Quant à
Worley sénior, il l’aurait directement modelé sur
le souvenir de son propre beau-père. La “ Sicilian
scene ”, truffée du terme “ niggers ” abhorré par
Spike Lee, reste en tout cas l’une des préférées de
son auteur. Et Clifford Worley assurément l’un
des badass éphémères les plus héroïques de
l’histoire du cinéma.
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