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Observatoire du Management Alternatif
Alternative Management Observatory
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Fiche de lecture
Les guerres du climat
Pourquoi on tue au XXIème siècle
Harald Welzer
2008
Jean-Baptiste Rouphael – Décembre 2013
Majeure Alternative Management – HEC Paris – 2013-2014
Rouphael J-B – Fiche de lecture : «Les guerres du climat» – Décembre 2013
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Les guerres du climat - Pourquoi on tue au XXIème siècle
Cette fiche de lecture a été réalisée dans le cadre du cours « Grands Défis» coordonné par
Hubert Bonal au sein de la Majeure Alternative Management, spécialité de troisième année
du programme Grande École d’HEC Paris.
Folio Actuel, Paris, 2009
Résumé : Les guerres du climat, pourquoi on tue au XXIème siècle est un essai du sociologue
allemand Herald Welzer de 2008. Le postulat de l’auteur est que les hommes ont une
tendance naturelle à la violence pour satisfaire leurs besoins, et que la crise climatique
actuelle risque de provoquer des guerres dont les plus pauvres seront les premières victimes.
L’auteur appuie sa thèse par l’analyse de conflits anciens et récents dont il démontre les
ressorts écologiques. Catastrophiste pour certains, visionnaire pour d’autres : Welzer divise et
divisera experts et lecteurs qui s’intéressent à la résolution des grands défis globaux.
Mots-clés : Crise, Darfour, Ecologie, Guerre, Réchauffement climatique, Sociologie.
Climate Wars - What People Will be Killed for in the 21st
Century
This review was presented in the “Major Challenges” course of Hubert Bonal. This course
is part of the “Alternative Management” specialization of the third-year HEC Paris business
school program.
Folio Actuel, Paris, 2009
2008
Abstract: Climate Wars: What People Will be Killed for in the 21st Century is an essay by
German sociologist Herald Welzer published in 2008. The author claims that people have a
natural inclination to violence in order to satisfy their needs. Indeed, the current climate
change crisis may cause wars whose first victims would be the poorest. The author justifies
his views by demonstrating the environmental factors of past and current conflicts.
Catastrophic views for some, visionary book for others: Welzer’s essay divides experts and
readers interested in global issues.
Key words: Crisis, Darfour, Environment, Global Warming, Sociology, War.
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Table des matières
1. L’auteur et son œuvre....................................................................................................... 4 1.1. Brève biographie .......................................................................................................... 4 1.2. Place de l’ouvrage dans la vie de l’auteur.................................................................... 4
2. Résumé de l’ouvrage......................................................................................................... 5 2.1. Plan de l’ouvrage ......................................................................................................... 5 2.2. Principales étapes du raisonnement et principales conclusions ................................... 6
3. Commentaires critiques.................................................................................................... 8 4. Bibliographie de l’auteur................................................................................................ 10 Rouphael J-B – Fiche de lecture : «Les guerres du climat» – Décembre 2013
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1. L’auteur et son œuvre
1.1.
Brève biographie
Harald Welzer est un sociologue allemand, directeur de recherches en psychologie sociale
à l’Université de Witten. Auteur de nombreux essais, ses thèmes de prédilections sont, d'une
part, l'analyse des comportements humains en cas de crise et, d'autre part, les implications
sociales du changement climatique développées dans ce livre. Son livre le plus célèbre – après
celui traité ici – est Les exécuteurs, consacré à analyser la psychologie des tueurs de masse.
Welzer est un sociologue respecté en Allemagne, notamment pour ces travaux sur la
mémoire de l'holocauste, mais demeure un auteur confidentiel. Les guerres du climat, qui
traite d'un sujet qui n'est pas a priori sa spécialité, est paradoxalement son premier succès
hors de ses frontières.
Bien qu’il ne soit ni un climatologue ni un expert des questions environnementales, Welzer
tente dans Les guerres du climat de montrer que la plupart des conflits modernes, et même
anciens, peuvent s’expliquer par une grille de lecture écologique. Ce parti pris qui consiste à
mêler sciences naturelles, sciences sociales et histoire constitue à la fois la force et la faiblesse
de ce livre.
1.2.
Place de l’ouvrage dans la vie de l’auteur
Ce livre est un essai publié en 2008 dans un contexte de forte médiatisation du changement
climatique, trois ans après la publication du rapport Stern et un an avant la conférence de
Copenhague.
Les guerres du climat est un ouvrage de type journalistique, bien que l’auteur soit un
académique : Welzer fait l’effort de ne pas employer un jargon scientifique afin que le livre
puisse être lu par tout public.
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2. Résumé de l’ouvrage
2.1.
Plan de l’ouvrage
Cet ouvrage d’environ 350 pages est découpé en XI chapitres à l’enchaînement limpide :
• Une introduction où l’auteur narre l’histoire de l’Eduard Bohlen, navire allemand
échoué en 1909 le long des côtes de Namibie, aujourd’hui perdu dans le désert (voir la
photographie de couverture). Pour l’auteur il s’agit d’un symbole des liens entre
colonisation, guerres et changements climatiques ;
• Le chapitre I, II et III ; « Conflits climatiques », « Réchauffement et catastrophes
sociales » et « Changement climatique, un bref survol » théorisent les liens entre
changement climatiques et violence ;
• Les chapitres IV, « Tuer hier » et V, « Tuer aujourd’hui. Ecocides » sont des
illustrations passées et présentes de conflits teintés de problèmes écologiques. C’est
dans le chapitre V qu’est effectuée l’analyse controversée de la situation du Darfour ;
• Les chapitres VI, VII et VII ; respectivement intitulés « Tuer demain. Guerre
perpétuelles, purifications ethniques, terrorisme, déplacements de frontières » ; « Les
hommes ont changé, les réalités aussi » et enfin « La renaissance des conflits anciens :
foi, classes, ressources et l’érosion de la démocratie » sont des anticipations des
conflits et massacres sociaux-climatiques à venir, à faire froid dans le dos ;
• Enfin les chapitres X et XI sont deux chapitres de conclusion. Le chapitre X, intitulé
« Ce qu’on peut faire et ne pas faire I » ; est une tentative d’ouverture. Toutefois le
chapitre XI, « Ce qu’on peut faire et ne pas faire II » est un nouveau réquisitoire des
lâchetés occidentales qui s’achève par un pessimisme assumé.
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2.2.
Principales étapes du raisonnement et principales
conclusions
Welzer commence ce livre non pas avec une nième – bien que toujours nécessaire – litanie
des effets catastrophiques de nos modes de vie sur la planète, mais en s’interrogeant sur la
violence. Pour lui les situations de paix pèsent peu face aux guerres innombrables qui
peuplent l’Histoire et qui sont le fruit des besoins humains. L’auteur craint que le XXIème
siècle soit celui du retour de la violence et de la barbarie généralisée.
Que justifie un tel pessimisme ? Le changement climatique, bien sûr. Nos modes de vie
poussent un nombre croissant d’hommes à se battre pour un nombre toujours plus limité de
ressources. Les changements climatiques sont la clef de compréhension de nombreux conflits
actuels et permettent d’appréhender ceux de demain. Il est ainsi plus que jamais nécessaire de
lier les problématiques sociales et environnementales, à tel point que l’auteur estime de
manière provocante que d’ici peu, on ne distinguera plus les réfugiés politiques des réfugiés
environnementaux.
Pour donner corps à cette thèse, l’auteur choisit de disséquer de nombreux conflits. On
développera ici celui du Darfour, le plus emblématique et le plus controversé. Pour l’auteur,
des journalistes manichéens et paresseux se trompent lourdement en analysant ce conflit selon
le prisme ethnique – Arabes contre Noirs. Cette grille de lecture charrie son lot de clichés : les
Arabes du nord soutenus par le gouvernement de Khartoum seraient les oppresseurs des Noirs
du Sud, pauvres et arriérés. En réalité, pour l’auteur, il s’agit d’un conflit comme il y en a eu
des centaines dans l’histoire de l’humanité, entre des nomades et des paysans sédentaires. Ce
conflit entre les nomades arabes et les paysans noirs déchire d’ailleurs le Soudan depuis plus
de 70 ans. Qu’est ce qui explique pour autant le basculement d’un conflit à de véritables
tueries de masses et crimes contre l’Humanité ? Pour l’auteur, la grande sécheresse de 1984 a
accéléré l’érosion des sols et détruits les pâturages, poussant les paysans à interdire leurs
champs aux troupeaux des Arabes. Cette sécheresse n’est pas un épiphénomène : En dix ans,
les pluies ont diminué d’un tiers dans la région. Privés de leurs lieux traditionnels de
transhumance, les Arabes ont attaqué les paysans noirs et déclenché le cycle infernal de la
violence que l’on connaît aujourd’hui.
Faut-il s’attendre alors, en allant au bout de la logique de l’auteur, à connaître demain la
guerre de tous contre tous ? Pas pour tous, répond l’auteur, car l’Occident s’est ingénié à faire
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porter l’essentiel des conséquences du réchauffement climatique sur les plus pauvres. En effet
les richesses et les technologies du Nord permettent de maintenir le mode de vie de l’Occident
«non négociable », pour reprendre le célèbre mot de Bush. Ce n’est naturellement pas le cas
en Afrique ou au Bengladesh. Ainsi le réchauffement climatique provoque une double
injustice insoutenable : les pays pauvres vont subir presque seuls les conséquences d’un
phénomène dont ils ne sont nullement responsables. L’auteur en vient presque à espérer que,
de la même manière que les migrants viennent s’échouer à Lampedusa symbolisent la face
sombre de la mondialisation ; des hordes de réfugiés climatiques convergent vers l’Occident
pour lui rappeler de s’acquitter de sa dette climatique.
Après avoir dressé ces constats implacables et effroyables, l’auteur s’attelle tout de même à
réfléchir à une alternative à cette catastrophe annoncée. Welzer revêt sa casquette
d’ethnologue pour invoquer Claude Levi-Strauss dans sa conclusion. Qu’est ce qui peut
sauver les hommes des massacres qui s’annoncent ? La culture. Après tout l’Occident a bien
été capable de créer et de promouvoir l’Humanisme, le Droit, et la Raison. La figure de LeviStrauss, si attentive à l’altérité et soucieuse de la nature, semble rassurer l’auteur sur la nature
humaine. Toutefois Welzer ne développe pas la façon dont les Hommes pourraient reprendre
le dessus, et ce premier chapitre de conclusion s’achève avec goût d’inachevé. C’est alors
qu’à la grande surprise du lecteur s’ouvre un deuxième chapitre de conclusion, avec en
chapeau cette terrifiante citation de Heiner Muller que l’auteur reprend à son compte :
« l’optimisme est un simple manque d’information ». Welzer explique alors que l’Histoire de
l’Occident est une grande dialectique entre l’Histoire glorieuse des Lumières et sa face
sombre faites d’esclavage, de colonisation et de productivisme. A en juger par la façon dont
les Hommes ont détruits en 250 ans ce que leur avaient légué près de 40000 ans de vie sur
terre, Welzer est persuadé que le mal finira par l’emporter et que la nature humaine court à sa
perte.
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3. Commentaires critiques
On sort de la lecture de ce livre avec un profond sentiment de malaise : qu’on soit révolté
ou dépité, d’accord ou pas d’accord, ce livre ne peut laisser personne indifférent. Welzer n’est
pas un véritable spécialiste des questions climatiques et cela se voit par les multiples emprunts
à la sociologie et l’obsession de l’auteur pour la guerre et la violence. Ce regard iconoclaste
de l’auteur peut s’avérer fort intéressant : ainsi Welzer est très convaincant lorsqu’il explique
l’aveuglement des hommes face à la dégradation de la nature par la théorie de la shifting
baseline (dérive de la ligne de référence) : il s’agit du phénomène qui consiste à imaginer
comme naturel l’état de son environnement qui coïncide avec sa durée de vie et de son
expérience. Cette théorie a été mise en évidence par des scientifiques lors d’entretiens avec
des pécheurs : pour les plus jeunes, il était inconcevable qu’on puisse pécher le long des côtes
car ils n’y avaient jamais vu de poisson, contrairement aux anciens. De même, nous pouvons
considérer la vision d’une plaine et de montagnes comme superbement naturelle sans nous
figurer qu’il s’agit d’un antique bois déchiffré par l’Homme des siècles auparavant. Cette
théorie explicite à mon sens de manière convaincante notre aveuglement face à des
phénomènes comme la fonte des glaces.
En revanche, ce livre a été critiqué par des climatologues qui ont vu de nombreuses
approximations dans les théories de l’auteur sur le changement climatique, ainsi que par des
activistes comme Philippe Ryfman de La Revue Humanitaire qui dénonce un coup de pub
d’un auteur non spécialiste à la veille de Copenhague1.
Enfin ce livre sous forme de cri d’alarme manque à mon avis clairement de vision
pédagogique et peut même s’avérer contre-productif. En effet ce livre risque de ne parler qu’à
des gens convaincus et possédant déjà quelques notions sur le sujet. Pire, son catastrophisme
excessif risque de rebuter beaucoup de lecteurs. C’est cette situation qu’a connu Nicolas
Hulot en 2011 avec Le syndrome du Titanic, film poignant mais excessivement sombre et à
charge, d’où un échec commercial retentissant. Mon opinion est que pour sensibiliser les gens
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Philippe Ryfman, blog de La Revue Humanitaire, 23 décembre 2009
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aux enjeux réels du réchauffement climatique il faut, non pas en minimiser la gravité, mais
faire attention à dresser un tableau nuancé et à offrir des pistes de réflexion réalistes pour
changer les choses.
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4. Bibliographie de l’auteur
Ci-dessous les essais de l’auteur traduits en français :
•
Mai 2013 – Soldats : Combattre, tuer, mourir : procès-verbaux de récits de soldats
allemands, avec Sönke Neitzel, et Olivier Mannoni, nrf essai Gallimard
o 2011 - Soldaten. Protokolle vom Kämpfen, Töten und Sterben. S. Fischer.
Avec Sonke Neitzel.
•
Novembre 2007- Les exécuteurs : Des hommes normaux aux meurtriers de masse,
nrf essai Gallimard
o 2005 - Täter. Wie aus ganz normalen Menschen Massenmörder werden.
Unter Mitarbeit von Michaela Christ. S. Fischer, Frankfurt .
Autres ouvrages :
•
2013 - Selbst denken. Eine Anleitung zum Widerstand, S. Fischer Verlag, Frankfurt
am Main
•
2012 - Der FUTURZWEI-Zukunftsalmanach 2013: Geschichten vom guten
Umgang mit der Welt. Fischer-Taschenbuch, Frankfurt. Avec Stefan Rammler.
•
2011 - Das Menschenmögliche. Zur Renovierung der deutschen Erinnerungskultur.
Edition Körber-Stiftung, Hamburg. Avec Dana Giesecke
•
2010 - Erinnerung und Gedächtnis. Ein interdisziplinäres Handbuch. Metzler,
Stuttgart. Avec Christian Gudehus et Ariane Eichenberg
•
2009 - Das Ende der Welt, wie wir sie kannten. Klima, Zukunft und die Chancen
der Demokratie. S. Fischer, Frankfurt. Avec Claus Leggewie
•
2007 - Der Krieg der Erinnerung. Holocaust, Kollaboration und Widerstand im
europäischen Gedächtnis, von Harald Welzer (Hrsg.), S. Fischer, Frankfurt/M.
•
2006
-
Warum
Menschen
sich
erinnern
können.
Fortschritte
in
der
interdisziplinären Gedächtnisforschung. Klett-Cotta, Stuttgart. Avec Hans J.
Markowitsch
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•
2005 - Das autobiographische Gedächtnis. Hirnorganische Grundlagen und
biosoziale Entwicklung. Klett-Cotta, Stuttgart. Avec Hans J. Markowitsch
•
2002
-
Opa
war
kein
Nazi.
Nationalsozialismus
und
Holocaust
im
Familiengedächtnis. Sous la direction de Mitarbeit von Olaf Jensen und Torsten
Koch. Fischer-Taschenbuch-Verlag, Frankfurt 2002. Avec Sabine Moller & Karoline
Tschuggnall
•
2002 - Das kommunikative Gedächtnis. Eine Theorie der Erinnerung. Beck,
München
•
2001 - Das soziale Gedächtnis. Geschichte, Erinnerung, Tradierung. Hamburger
Edition, Hamburg
•
1999 - Auf den Trümmern der Geschichte. Gespräche. Edition diskord, Tübingen.
Avec Raul Hilberg, Hans Mommsen et Zygmunt Bauman
•
1997 - „Was wir für böse Menschen sind!“ Der Nationalsozialismus im Gespräch
zwischen den Generationen. Edition diskord, Tübingen. Avec Robert Montau &
Christine Plaß
•
1997 - Verweilen beim Grauen. Essays zum wissenschaftlichen Umgang mit dem
Holocaust. Edition diskord, Tübingen
•
1995 - Das Gedächtnis der Bilder. Ästhetik und Nationalsozialismus. Edition
diskord, Tübingen
•
1993 - Nationalsozialismus und Moderne. Edition diskord, Tübingen
•
1990
-
Zwischen
den
Stühlen.
Eine
Längsschnittuntersuchung
zum
Übergangsprozess von Hochschulabsolventen. Deutscher Studien-Verlag, Weinheim
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