FINANCE NEWS HEBDO –14/06/2012 Marché des capitaux : «Il faut

Transcription

FINANCE NEWS HEBDO –14/06/2012 Marché des capitaux : «Il faut
FINANCE NEWS HEBDO – 14/06/2012
Marché des capitaux : «Il faut un Big Bang de la réglementation financière
marocaine !»
Nécessité de moderniser rapidement la réglementation financière pour construire un environnement
favorable à la croissance du secteur financier.
Il faut passer du modèle de réglementation à celui de régulation.
Le point avec Maître Jérémie Duhamel, avocat à la Cour et associé au cabinet Duhamel Blimbaum.
- Finances news hebdo : Aujourd’hui, quel modèle de réglementation financière faut-il pour le Maroc
?
- Jérémie Duhamel : Le Maroc est aujourd’hui à la croisée des chemins. La réglementation financière
existante s’est largement inspirée du droit français en vigueur dans les années 90. Mais le droit
financier français a, depuis, substantiellement évolué sous l’influence du droit européen et anglosaxon. La réforme actuelle du droit financier européen, sous l’effet de la crise, ne fait qu’accentuer
cette tendance.
Le droit financier marocain doit donc être revu à l’aube des nouvelles règles financières
internationales. Il doit s’opérer un passage du modèle de réglementation au modèle de régulation.
Cela signifie notamment plus de liberté contractuelle, une plus grande souplesse dans l’application
des règles, mais aussi un renforcement des pouvoirs de contrôle et de supervision. Autant de choses
que nous ne connaissons pas ou peu.
Il faut un Big Bang de la réglementation financière marocaine ! C’est à la fois une nécessité et un
immense défi. Une nécessité car c’est une condition absolue pour construire une place financière
régionale. Un immense défi car il s’agit de concilier standards internationaux et usages locaux. Je
pense que nous pouvons relever ce défi.
- F. N. H. : Quel serait l’apport du processus d’élaboration des textes pour une réglementation à la
fois conforme aux standards internationaux et compétitive ?
- J. D. : Le processus d’élaboration des textes est une des clés du succès pour qu’une place financière
dispose d’une réglementation attractive pour les investisseurs internationaux. Pour la forme, ce
processus doit permettre l’implication des principaux acteurs des marchés financiers, opérateurs,
régulateurs, ministère des Finances, etc. Pour le fond, il s’agit de hiérarchiser les degrés
d’intervention des décideurs. Sur le plan politique, les grandes orientations de la réglementation
financière et les choix stratégiques au régulateur, au gouvernement l’élaboration et la cohérence des
règles, et, enfin, pour l’organe de gestion de la place financière et les associations professionnelles
l’adoption de normes professionnelles et l’évaluation des textes en vigueur. Cette répartition des
tâches est déjà en route, il s’agit maintenant de l’institutionnaliser.
La formalisation d’un tel processus a permis à certaines places financières, comme le Luxembourg en
Europe ou l’ile Maurice en Afrique, de définir de véritables stratégies d’attractivité du cadre
juridique. Il ne faut pas oublier qu’au-delà du processus normatif national, les places financières, y
compris africaines, se livrent à une véritable concurrence pour attirer les investisseurs
internationaux. Ainsi, il n’est pas encore possible de créer au Maroc des ETF, des fonds immobiliers
ou des compartiments de la Bourse spécifiques aux PME, alors que d’autres places financières
africaines, comme le Ghana, l’ile Maurice ou la Côte d’Ivoire, se sont engagées sur cette voie.
- F. N. H. : Quel devrait être le positionnement du Maroc par rapport aux grands enjeux du droit
financier international ?
- J. D. : La place financière marocaine est pour l’instant encore peu «connectée» aux autres centres
internationaux. Si elle dispose d’acteurs financiers de poids à l’échelle africaine, sa voix a encore du
mal à être entendue dans les grandes réunions internationales. Elle est donc obligée de suivre, mais
elle peut aussi innover. «Suivre», cela signifie aligner son droit sur les dernières évolutions des
standards internationalement admis, notamment en ce qui concerne le droit boursier, l’asset
management et le droit des titres, de manière à attirer les investisseurs européens et anglo-saxons.
«Innover» implique d’explorer des gisements de croissance encore peu exploités. L’intégration
financière régionale et la finance islamique sont deux pistes qui pourraient encore être approfondies.
- F. N. H. : Comment protéger son industrie financière naissante et assurer son intégration dans le
système financier international ?
- J. D. : L’ouverture internationale de la place financière de Casablanca entraînera très logiquement
l’arrivée d’acteurs internationaux autrement plus puissants que les acteurs existants. Dans ces
circonstances, le véritable enjeu sera de canaliser l’action de ces acteurs tout en s’assurant d’éviter
les comportements opportunistes pouvant altérer l’indépendance des acteurs nationaux. Pour
autant, cette intégration dans le système financier international ne doit pas être redoutée, mais
anticipée. Elle permettra un renforcement des sources de financement pour les sociétés marocaines
et, certainement, une augmentation de la concurrence avec des gains de compétitivité. Sur le plan
réglementaire, l’enjeu est de créer un environnement devant susciter l’intérêt et la confiance des
investisseurs internationaux, et préserver un certain nombre d’acquis en évitant de tomber dans un
protectionnisme qui serait fatal.
Concrètement, une modernisation rapide de la réglementation financière marocaine est nécessaire
pour que les acteurs existants puissent s’approprier rapidement ces marchés.
Propos recueillis par S. Zeroual