Tirés à part n°164 - Citadelle et canal des turbines Clément (pdf

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DR
Histoire
Richesses patrimoiniales d’un quartier
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GDP
Après 1240, un quartier de Mézières s’étend extra
muros, devant la Porte ardennoise 5 , sur l’axe de
l’ancienne voie romaine Reims – Cologne, via
Maceriae. Vers 1270, ce faubourg est enserré de
murailles.
Sa voie principale est alors nommée rue de
l’Entre-Deux-Portes 9 car comprise entre la Porte
ardennoise et la Porte à l’Image (dite aussi Porte de
Bourgogne) 0 , un document de 1273 l’atteste. Un
four banal existe dans le faubourg, dès 1399 : le four
de Portejoye. En 1497, un couvent de béguines « aux
blancs volets » se tient dans la rue de l’Entre-DeuxPortes. La vieille cité de Mézières est séparée de ce
quartier de l’Entre-Deux-Portes par des fossés. En
juillet 1286, les moulins banaux, dont les roues à aube
Le bastion Notre-Dame et les ruines des moulins Pommery, bombardés le 31 décembre
1870, vus de la Porte-Neuve.
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N° 164 - nov. 2012
L’entrée de la citadelle et bastion à orillons Notre-Dame qui s’avançait sur le canal
des Turbines Clément.
sont mues par les eaux des profonds fossés, sont
alors réparés, c’est l’une des premières mentions de
l’existence des moulins (existence attestée dès la
charte communale de 1233), qui se nommeront bien
plus tard, Mazarin (1722), puis Pommery (1853),
avant de laisser la place aux bien connues Turbines
Clément (1897) 4 . En 1300, lesdites douves sont
appelées fossés des moulins, puis, en 1456, rus des
moulins.
Guerres de Religion : la Ligue catholique se retranche à Mézières
La Sainte Ligue perpétuelle,
reconstituée à Péronne, en janvier
1585, envoie Antoine de Monbeton
de Saint-Pol (ou Saint-Paul), en
Champagne, et notamment à
Mézières, afin d’y renforcer le parti
catholique et de repousser les
huguenots dans « leur caverne de
Sedan. » Le 23 mars 1590, les
échevins de Mézières assistent,
médusés, à l’élévation de deux
énormes mottes de terre, des
« cavaliers », afin de monter des
pièces d’artillerie. La construction
de la citadelle venait de débuter,
avec l’aide financière non négligeable de la très catholique
Espagne : 35 000 écus d’or. Les
premières citadelles – de l’italien
cittadella, petite cité – créées en
France sont celles de Doullens,
Maubert-Fontaine et Cambrai (vers 1557). Un pre-
mier front fortifié est conçu face à la ville, composé
des bastions Saint-Antoine 7 , Notre-Dame 6 et
Saint-Paul 8. La Porte ardennoise 5 est alors
démontée. Elle est remplacée par une nouvelle
construction, qui s’élève 30 mètres plus au nord, voisine du palais des Tournelles (aujourd’hui, préfecture
des Ardennes). En moins de deux années, les maisons sont rasées, trois cents familles sont expulsées.
La nouvelle rue des casernes est tracée en décalage
par rapport à l’ancienne rue de l’Entre-Deux-Portes.
En octobre 1591, de nombreux foyers passent d’Est
en Ouest pour s’en aller vivre au village de SaintJulien. Les vieilles tours médiévales sont phagocytées
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En 1590, lors des Guerres de
Religion, un quartier de Mézières est
rasé, ses habitants chassés, pour
laisser place à une citadelle, retranchement militaire réputé imprenable.
Les Macériens vont devoir patienter
365 longues années avant d’être
autorisés à réoccuper l’endroit.
Aujourd’hui, à l’occasion de la réhabilitation du déversoir des Turbines
Clément, où l’on redécouvre de
beaux pans de murailles, retraçons
succinctement l’histoire mouvementée de la citadelle.
GDP
Citadelle et canal des turbines Clément
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La Tour Cauchiette et la Porte-Neuve,
remplacée en 1890 par un pont.
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rues
s
o
n
e
ed
Histoir
7
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Rue du Général-Nouvion
6
0
9
5
4
Sites visibles
0
1
3
8
2
2
3
4
Sites
disparus
5
6
Porte « ardennoise »
Bastion Notre-Dame
7
8
Bastion Saint-Antoine
Bastion Saint-Paul
par le nouveau système bastionné : tour Jolie, tour de
Mohon, tour du Lion, tour d’Arches, tour de la
Demoiselle… Entre 1591 et 1595, le gouverneur de
la citadelle, Jean des Guiots, sieur de La Rivière, fait
édifier une chapelle placée sous l’invocation de saint
Jean. Une troupe de Sedanais calvinistes, commandée par Henri de La Tour d’Auvergne et Robert de La
Vieuville, l’ancien gouverneur royal, opère un coup de
force audacieux, dans la nuit du 29 au 30 juin 1593,
ils tentent de percer les fortifications de la citadelle et
font exploser la tour de Mohon. En vain. Les ligueurs
restent indélogeables. En 1594, la Ligue des Guise est
dissoute, Saint-Paul est, quant à lui, assassiné à
Reims le 25 avril, Jean des Guyots vend la citadelle au
roi de France et de Navarre, Henri IV.
La Porte Neuve : retrouver une sortie
Est pour Mézières
C’est alors qu’un second front bastionné, face
aux escarpements de Berthaucourt, est conçu. Fin
XVIe – début XVIIe, le bastion de La Renardière sort
de terre. Un culot d’échauguette de ce bastion est
toujours bien visible au-dessus de la Meuse. En 1601,
on travaille à l’édification du bastion Dauphin (ou
Neuf), c’est là que se situent, aujourd’hui,
les Archives départementales. La
construction de la citadelle a coupé la
communication entre Mézières et le vieux
village de Berthaucourt, qui se trouvait au
sommet du plateau du même nom.
Comme de nombreux villages – j’en ai
répertorié des dizaines dans les Ardennes –,
Berthaucourt est appelé à disparaître. Et
l’autorisation royale, survenue en 1606,
de construire contre la tour Cauchiette, la
Porte Neuve 3 – dite aussi Porte du
Theux ou du Luxembourg -, afin de retrouver une ouverture Est à Mézières, n’empêchera pas la mort de Berthaucourt, ses
habitants préférant aller vivre dans la cité
neuve alors en construction : Charleville.
En 1757, la Porte Neuve est profondément remaniée. Dans les années 1770,
Gaspard Monge, professeur de mathématiques à l’école du génie 1 , y résidera quelques années. Au cœur de la cita-
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Porte de
Bourgogne
école du génie
(Préfecture)
Tour Cauchiette
Porte Neuve
(bibliothèque)
Turbines Clément
Rue de l’Entre-Deux-Portes
L’entrée fortifiée de la citadelle
delle, en 1687, sont érigés trois poudrières et corps
de casernes. Un château d’eau est conçu au bord du
fossé pour réceptionner les eaux arrivant par l’aqueduc de Berthaucourt. La citadelle devra, par deux fois,
résister à de longs sièges : le premier, du 29 juin 1815
au 3 septembre 1815, et le second, du 2 septembre
1870 au 2 janvier 1871. Face au caractère obsolète
des fortifications, la place de Mézières est déclassée
en 1885. De nombreuses constructions disparaissent. Des remparts sont percés. Toutefois, l’armée ne
quitte pas la citadelle.
Caserne Bayard
Les pioupious du 91e RI vont continuer à se
plaindre de l’humidité des chambrées de la caserne
Bayard. Les bâtiments sont numérotés : « B.A, B.B,
B.C… ». Ainsi, la tour d’Arches devient cette fameuse
« tour B.K ». En 1890, la Porte Neuve est fermée, le
bastion Saint-Paul voisin est rasé pour permettre de
jeter une passerelle au-dessus du canal. En 1897, l’industriel Adolphe Clément décide de construire à l’emplacement des moulins Pommery, détruits lors des
bombardements de 1870, les Turbines hydroélectriques Clément 4 . En 1902-1903, le bastion SaintAntoine, face à la préfecture 1 , est démantelé. Le 10
novembre 1918, les Allemands bombardent les bastions Notre-Dame et de Bourgogne. Le 31 juillet 1932,
un monument dédié aux victimes des 91e RI, 291e RI
et 45e RIT, œuvre d’Henri Louis, est inauguré au bord
du canal des turbines Clément ; il devait malheureusement s’effondrer dans le ravin en tuant un ouvrier (ce
monument fut reconstruit dans le square du 91e RI).
Le 9 septembre 1954, est conclu un traité de rétrocession de la citadelle par l’état à la Ville de Mézières.
Le 22 mai 1955, des fêtes sont organisées à l’occasion de la démilitarisation de la citadelle. En décembre
1962, les dernières voûtes de la citadelle sautent à la
dynamite. Un quartier administratif et résidentiel voit le
jour.
Gérald Dardart
Sources :
- Gustave Saige et Henri Lacaille, Trésor des chartes du
comté de Rethel publié par ordre de SAS le prince Albert
Ier de Monaco, en 5 volumes, 1902.
- René Robinet, Histoire de la citadelle de Mézières, 1955.
- Christian Duguet, Centrale Mazarin, 1999.
G
DP
Le général Jean-Baptiste Nouvion
est l’un des 35 généraux
d’Empire nés dans les
Ardennes. Six ont vu le jour
dans notre ville : Edmond
Dubois-Crancé, Charleville,
1767 ; Bernard Duvigneau,
Mézières 1770 ; Jean-François
Maucomble, Charleville, 1776 ;
Jean de Monard, Charleville, 1750 ; Jean-Baptiste
Morin, Charleville, 1776… Et Jean-Baptiste
Nouvion, né à Mézières, dans la rue d’Arches, le
26 janvier 1753. En février 1771, il débute comme
simple garde-magasin à l’école militaire, puis est
employé dans les poudres et salpêtres. Il va progressivement gravir tous les grades. En 1789, au
début de la Révolution, il se trouve affecté au 10e
régiment de Chasseurs à Gray en Franche-Comté.
Nouvion réprime l’insurrection vendéenne
En mars 1793, Nouvion est promu au grade de
colonel. Immédiatement appelé à Niort, comme
chef d’état-major du général Beaufranchet-Dayat. Il
s’agit alors d’écraser l’insurrection des Vendéens
refusant de répondre à la levée. Le 16 mai 1793,
Nouvion bat à Fontenay les Vendéens, blancs,
royalistes et catholiques, mais ces derniers prennent leur revanche sur les « Bleus », les républicains, dans la même ville le 24 mai. À Angers, en
tant que général de brigade, il réorganise l’armée
républicaine des Côtes de La Rochelle. Mais le
30 septembre, Nouvion est destitué de son grade,
suite à des rivalités intestines teintées de jalousies.
Les Chouans subissent une très lourde défaite à
Cholet, le 17 octobre 1793. écœuré, souffrant,
Nouvion se retire à Bourbonne-les-Bains. Les généraux Marceau et Kléber interviennent alors en sa
faveur. Il est réintégré le 1er mars 1795, et entre au
service de Pichegru, commandant de l’Armée du
Rhin.
Propagateur de la Révolution en Suisse
À partir de 1793, souhaitant notamment contrôler
les cols alpins, la France révolutionnaire augmente
la pression sur la Confédération des cantons helvétiques. En février 1797, Nouvion et sa brigade
entrent en Suisse ; et prennent la ville de Bienne. Le
1er mai 1798, Nouvion est à Zurich. En 1799, il est
chargé de la direction de la place de Lucerne. La
Confédération laisse la place à la République helvétique sur le modèle français. Mis à la retraite en
1806, malade, Nouvion est pourtant rappelé le 31
décembre 1815 afin de prendre le commandement
de la citadelle de Besançon, il ne reste à ce poste
que durant quatre mois. Le 4 août 1825, il décède
dans sa propriété de Delémont en Suisse. Un de
ses fils deviendra ambassadeur de France à Rome.
Le 29 juillet 1912, le Conseil municipal de Mézières
décide de débaptiser l’ancienne rue Pérot, au faubourg d’Arches, pour la nommer « rue du GénéralNouvion. »
Gérald Dardart
N° 164 - nov. 2012
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