les cuillers en argent
Transcription
les cuillers en argent
LES CUILLERS EN ARGENT La fable que voici, date de mille neuf cent. Elle n’est pas d'aujourd’hui, le lecteur me pardonne L’avarice mérite bien, l‘entorse au règlement On est dans un schtetel, à l’Est de la Pologne. « Dans ces communautés, le rabbin est le juge » Todie a des idées, des combines ingénieuses Pour faire de bonnes affaires, devenir riche et célèbre Mais il n’a pas de chance, et elles s’avèrent foireuses Sa femme le lui reproche, sans être pourtant mégère. A l’inverse de Todie, Lyzer lui est prospère Il prête de l’argent, et plus il en reprend A des petits paysans, y a pas de justice sur terre Todie vaut mieux que lui, entend-t-on dire souvent. La grande fille de Todie, présente son fiancé Il vient ce soir dîner, il n’y a plus d’argenterie Le père inemployé, se rend chez l’usurier Emprunte une grande cuiller, qu’il lui rendra mardi. Le mardi il rapporte, la grosse cuiller d'argent Et aussi une petite, «accouchée» dans la nuit. Lyzer empoche les deux, sans faire d’embarassement Deux autres fois encore, l’histoire se reproduit. Le banquier est ravi, des trois événements Todie surgit chez lui, cette fois elle se marie Tes deux lourds lustres d’or, conviendraient parfaitement. Espérant une naissance, Lyzer lui expédie. Les noces à peine finies, Todie les lustres vend Et achète à sa femme, avec ces kilos d'or Ce dont elle a manqué, et même un diamant. Puis raconte à Lyzer, que ses bougeoirs sont morts. Dans ces communautés, le Rabin est le juge Lyzer se plaint à lui, mais celui-ci de rire. Quoi ! Pour tes chandeliers, tu te plains qu’on te gruge Mais c’est tout naturel, que si vieux ils expirent. D’après Todie la Ruse et Lyzer le Roi des Avares de Isaac Bashevis Singer Moi et le village : Marc Chagall : 1887-1985