Quand la musique est bonne

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Quand la musique est bonne
Quand la musique est
bonne
Le 11 novembre dernier se tenait à Villeneuve la 4e Bourse aux disques Riviera-­‐Chablais. Mais qu’est-­‐ce que le vinyle a encore à offrir à l’heure du mp3? Le fameux disque noir a-­‐
t-­‐il encore sa place dans notre discothèque? Christophe Pulfer, collectionneur depuis plus de trente ans et organisateur de l’événement, répond à nos questions. Support musical mythique, emblème de toute une époque, le vinyle a eu son heure de gloire. Il connaît son premier essor aux Etats-­‐Unis, au milieu des années 1940. Véritable révolution, ce nouveau procédé permet de réduire les bruits de fond de l’enregistrement et d’en augmenter la gamme des fréquences. La musique enregistrée prend une nouvelle dimension. Pourtant, dès les années 1980, l’arrivée du CD compromet son ascension. Plus pratique, moins sensible, le disque compact prend la tête des ventes, et tant pis si la qualité sonore n’est pas au rendez-­‐vous. Les jadis révolutionnaires disques noirs sont détruits en masse ou tout simplement relégués dans les caves et greniers. Si dans les années 1980 on était prêt à l’enterrer, trois décennies plus tard, ce n’est plus la même chanson; le vinyle connaît une nouvelle ascension sur le marché et suscite l’intérêt comme jamais. «On a les chiffres pour 2012, commente Christophe Pulfer, spécialiste du fameux support. Le mp3 commence à souffrir terriblement, les ventes de CDs sont quasiment mortes, mais par contre, le vinyle connaît une augmentation de 16% de ses ventes. Il y a rarement eu autant de vinyles neufs qui se sont vendus!» Un revival? Pas vraiment: «On croit que le vinyle s’est arrêté, mais ce n’est pas vrai, il y a toujours eu une production. Les gens commencent simplement à réaliser que, qualitativement, ce support reste le meilleur de tous les temps pour la diffusion de la musique.» Si au niveau de l’ergonomie les nouveaux supports ont l’avantage, du point de vue de la qualité effective du son, spécialistes et musiciens s’accordent en effet pour dire que le microsillon reste largement en tête. Un spectre sonore très large permet au vinyle d’offrir une plus grande précision dans le rendu des tonalités aiguës, et on mentionne souvent le grésillement ou les sonorités «chaudes» du support, en opposition au son synthétique du CD. C’est aussi l’objet en lui-­‐même qui séduit. Des disques colorés à l’image de la pochette, certaines réalisations passent pour de véritables œuvres d’art. On se souviendra notamment de la fameuse braguette de Sticky Fingers des Stones ou de la banane phallique du Velvet, toutes deux imaginée par Andy Warhol. Plus minimalistes, les Beatles sont aussi rentrés dans l’histoire avec leur double blanc, un must-­‐have sorti en édition limitée. Mais là où le vinyle sait le mieux se distinguer, c’est dans le rituel qui l’entoure. «Quand on met un disque, nous décrit Christophe, on écoute vraiment la musique, on l’apprécie. Ce n’est pas comme la consommation qu’on peut faire avec le mp3. Souvent, les gens ont les écouteurs dans les oreilles mais ne savent même pas ce qu’ils écoutent. Avec le vinyle, on redécouvre le plaisir de prendre le temps, de découvrir qui a composé le morceau, qui l’a joué.» Une fois séduit, la tâche du collectionneur n’est pas facile. Que ce soit pour du neuf ou de l’occasion, l’achat d’un vinyle est une vraie chasse au trésor. D’autant plus qu’avec le regain d’intérêt qu’il suscite, les prix sont en hausse et les arnaques fréquentes. Pour les puristes à la recherche d’un premier pressage, les bourses aux disques sont des mines d’or. Leur intérêt? On y trouve des choses qui n’existent plus aujourd’hui. On peut aussi s’y faire conseiller par des spécialistes, qui connaissent leur stock sur le bout des doigts et peuvent gager de sa qualité. «Le budget des jeunes est souvent limité, ils posent donc beaucoup de questions pour comprendre ce qui justifie le prix d’un disque.» Ces rencontres de connaisseurs et connaisseuses sont l’endroit idéal pour cela, et le meilleur moyen de trouver une pièce rare, sans pour autant se faire avoir sur le prix. Les conseils de Christophe pour éviter les arnaques? En premier lieu, regarder l’état du disque. Ensuite, s’intéresser à la date de sortie de l’album, au pays d’origine, au Label et surtout au pressage. Ce sont tous ces éléments qui vont définir le juste prix de l’objet, qui peut aller jusqu’à plusieurs centaines de francs pour une pièce de collection. Pour un disque neuf, la valeur s’estime différemment: le disque doit faire 220 grammes, une qualité irréprochable, et posséder un enregistrement remasterisé. S’il y a des titres inédits dessus, c’est un plus. Malgré le développement incessant de nouveaux supports, le microsillon semble avoir de beaux jours devant lui. «On est allé jusqu’au bout de ce que la technologie permettait, mais au final on en revient. Que ce soit pour la qualité du son ou pour le marketing, les groupes comprennent que sortir leur album sur vinyle les fait gagner en crédibilité. C’est une bonne carte de visite.» Et le public, toujours plus jeune, suit le mouvement. En avant la musique! 

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