La relation médecin-patient âgée et l`âgisme Relation médecin

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La relation médecin-patient âgée et l`âgisme Relation médecin
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La relation médecin-patient âgée et l’âgisme
Relation médecin patient
L’importance des aspects relationnels dans la pratique médicale remonte à l’antiquité. Une revue de
littérature récente1 montre qu’une meilleure communication dans la relation médecin-patient améliore
le suivi et le résultat du traitement, la qualité de vie du patient, sa satisfaction et celle du médecin.
Différents types de modèles de relations médecin-patient ont été décrits au cours de ces années. Le plus
ancien, « le modèle paternaliste » considère que le médecin sait tout, c’est un expert. Le patient ne sait
rien, c’est un ignorant. Par respect du serment d’Hippocrate le médecin ne doit pas nuire le patient, lce
dernier ne peut qu’acquiescer la thérapie du médecin, mais est libre de changer de médecin traitant.
Les exigences liées à l’information, au consentement éclairé du patient, ainsi qu’à la communication du
dossier médical, ont fait évoluer cette relation d’une position« paternaliste », trop inégalitaire, à une
relation plus « autonome » du patient.2 Le modèle « délibératif ou autonome »3 établit un dialogue
entre le médecin et le patient. Le consentement éclairé du patient est obligatoire. Le médecin ne peut
pas prescrire un traitement ou un médicament au patient sans lui expliquer au préalable, le but et les
conséquences possibles de cette prescription.
Le modèle délibératif présente des limites 4, car même éclairé, le malade n’est pas toujours apte à
décider ensemble avec son médecin des traitements à entreprendre, car le savoir médical entre le deux
n’est pas identique. Très souvent, le patient, soucieux avant tout de recouvrer sa santé, accepte de luimême les décisions de son praticien. D’ailleurs, certains traitements sont administrés selon des
protocoles déjà préétablis, ce qui réduirait la marge de manœuvre, tant au patient qu’au médecin.
Afin de faire face aux limites de deux précédents, un troisième modèle dit « modèle de la décision
partagée » vient instaurer5 un partenariat souple. La compétence médicale du médecin et celle du
patient dans la formulation de ses préférences sont mises ensemble au vu de son état sanitaire. Le
partage constitue une voie fondamentale : partage des connaissances médicales du médecin, partage des
préférences et du contexte psychosocial du patient, partage de la délibération devenue dialogue et enfin
partage de la décision résultant de la réalisation d’un accord entre les deux parties. Il n’est plus question
au médecin de proposer et au patient de consentir, ou au patient de proposer et au médecin d’obéir, ce
qui poserait dans les deux cas un régime d’autorité.
1 Fournier Cécile et Kerzanet Sandra, « Communication médecin-malade et éducation du patient, des notions à rapprocher : apports croisés
de la littérature », Santé Publique, 2007/5 Vol. 19, p. 413-425. DOI : 10.3917/spub.075.0413
2 Pr Thibaut, Pr Lejoyeux (septembre 2007) : PSYCHIATRIE GÉNÉRALE : relation médecin malade, collège universitaire de psychiatrie, p.4
3 Wikipedia : relation médecin-patient Juillet ,2013
4 Les politiques de santé : Groupe n° 14 : Éthique et déontologie de la santé
5 PONS OLIVIER « Éducation thérapeutique et Éducation pour la santé : Deux modèles de pensée » Mémoire pour l’obtention de grade de
Master 2 professionnel en sciences de l’éducation a l’IFCEES de Montpellier section Rééducation et Université de Provence Aix-Marseille I
et de Montpellier III, 2010, p. 46-51
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Quelques caractéristiques de relation médecin malade 6
Cette relation est axée fondamentalement sur l’inégalité et l’asymétrie, puisque le besoin du patient le
rend passif et dépendant; sa souffrance le diminue. C’est une relation d’attente et d’espérance
mutuelle : le malade attend la guérison ou le soulagement, le praticien la reconnaissance de son pouvoir
de guérir ou de soulager. Le lieu d’échange est avant tout le corps, mais où le langage a sa place. C’est
une relation de confiance et de respect de valeurs. La compassion 7 joue un rôle prépondérant.
Relation médecin — personne âgée
Une personne âgée8 peut être définie comme celle dont l'âge est avancé et qui présente les signes
physiologiques et sociaux de la vieillesse tels que décrit par la société . Très souvent, le départ en
retraite représente cette entrée dans la catégorie sociale troisième âge.
Chez la plupart des personnes, le vieillissement se manifeste par 9 une régression des capacités
maximales liée à la diminution des réserves fonctionnelles, responsable d’un état de fragilité. Quelques
personnes maintiennent, même à l’âge avancé, des capacités fonctionnelles optimales. Lorsqu’elle
existe, la diminution des capacités s’amorce dès l'âge adulte et suit une chute progressive. La vieillesse
n'est pas une maladie, mais représente un terrain propice pour le développement des maladies.
La relation « médecin personne âgée » doit tenir compte des caractéristiques physiologiques de cette
tranche d’âge. Les personnes âgées ont 10 le même droit de se décider sur leurs soins comme tout autre
individu autonome. Cependant, elles peuvent présenter des problèmes de santé qui diminuent leur
capacité de décider, dans ce cas le consentement éclairé doit être adapté. Il y a toujours une dimension
éthique dans la démarche médicale en gériatrie.
L’âgisme dans la relation « médecin- personne âgée »
Selon Martine Lagacé11, l’âgisme se manifeste par des croyances et des attitudes qui visent à exclure la
personne sur la base de son âge.
Malgré le fait que la santé et les capacités varient énormément chez les personnes âgées, et que la
majorité d’entre elles sont naturellement en bonne santé mentale et physique, les médecins supposent
que celles-ci sont fragiles ou inaptes, physiquement ou mentalement.
Plusieurs études semblent montrer 12 que l’attitude des praticiens varie en fonction de l’âge des
patients. Les médecins mettent peu de temps en consultation, donnent des informations moins
Pr Thibaut, Pr Lejoyeux (septembre 2007) : PSYCHIATRIE GÉNÉRALE : relation médecin malade, collège
universitaire de psychiatrie, p.4
7 Jose Luis Pelaez, « relation médecin patient », manuel d’éthique médicale-Médecins et patients p.39
8 Wikipedeia : définition de personne âgée
9 Corpus de Gériatrie - Janvier 2000 : La personne âgée malade, p.34
10 Noel Simard (1996) : « Dilemmes éthiques des personnes âgées revue d'intervention sociale et communautaire,
Volume 2, numéro 2, automne 1996, p. 44
11 Gyrophare observatoire vieillissement et santé, vigie âgisme p.21
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détaillées, se montrent moins soutenants, moins égalitaires, moins ouverts aux diverses préoccupations
psychosociales des patients âgés par rapport à celles des plus jeunes, alors que les problèmes de santé
des aînés sont souvent multiples et chroniques.
De cette façon, le médecin aura tendance à utiliser plus le modèle paternaliste dans sa relation avec
l’ainé. Ce qui lui laissera toute la responsabilité de décider sur la prescription médicale. Quand bien
même l’ainé peut se faire accompagner d’une tierce personne, l’inégalité des connaissances médicales
fera que la décision du médecin aura tendance à dominer. La présence fréquente d’une troisième
personne accompagnant la personne âgée lors de la consultation peut paraitre équivoque : d’une part,
elle réconforte le patient, d’autre part, elle intervient de façon contradictoire dans cette relation .Cela
peut conduire le médecin à adopter une attitude moins active, peu ouverte dans les échanges.
Selon Huber13 , différentes études montrent qu’à toutes les étapes de leur formation, les médecins
partagent des perceptions négatives envers les personnes âgées. Ce qui peut avoir des répercussions sur
leur comportement médical. Certains médecins hésitent de traiter les sujets âgés et préfèrent plus les
jeunes. Les considérations âgistes diminuent la compassion et l’empathie du médecin envers l’ainé.
Citons le cas de dépression, peu évaluée chez l’ainée14 suite à la domination de la composante
somatique (insomnie, fatigue, perte d’appétit, etc.), de son association avec des troubles cognitifs ou
encore de croyances âgistes concernant le caractère banal d’une certaine tristesse avec l’âge. Par
ailleurs, certains troubles psychiatriques peuvent être attribués sans raison aux personnes âgées, sans
que soient recherchées d’autres causes potentielles (organiques, iatrogènes ou environnementales).
Notons également que du point de vue psychologique15, les personnes âgées continuent à être
considérées comme rigides, insatisfaites, mentalement détériorées, limitées dans leurs aptitudes de
changement, etc. et sont donc taxées comme des mauvaises candidates pour une psychothérapie .Des
tels stéréotypes âgistes conduisent encore les médecins à utiliser les psychotropes pour soigner leurs
souffrances psychiques , parfois au détriment des bénéfices réels d’un soutien psychothérapeutique .
En guise de conclusion, retenons que la relation médecin malade constitue une pierre angulaire qui
améliore le suivi et le résultat du traitement. Pour donner un consentement éclairé, le médecin sans se
dédouaner de son rôle devra expliquer au patient sa maladie en adaptant son langage à celui du patient.
Le savoir médical du médecin doit être utilisé rationnellement afin de trouver une solution appropriée
aux maux du patient. Le modèle délibératif et le modèle à décision partagées sont à privilégier pour
aboutir aux meilleurs résultats cliniques possibles. L’agisme déforme la relation médecin personne
âgée. Dans un contexte de vieillissement de la population actuelle comme future, il est important de
repenser les représentations, les croyances et les attitudes partagées par les futurs médecins face aux
personnes aînées. La formation des futurs médecins doit tenir compte de ces aspects afin d’armer
suffisamment ceux-ci à faire face à l’âgisme.
Marie Masse et Philippe Meier : “L’âgisme, un concept pertinent pour penser les pratiques de soins aux
personnes âgées?”, 2012 Geriatric Psychol Neuropsychiatr Vieil 2012; 10 (3) : 333-41
13 Huber, P. (1998). “Le médecin face aux plaintes silencieuses en gériatrie”, Cahiers psychiatriques, no 25, p. 167174 Cité par le Conseil des aînés du Québec “Avis sur l’âgisme envers les aînés : état de la situation”, mars 2010
14 Marie Masse et Philippe Meier : “L’âgisme, un concept pertinent pour penser les pratiques de soins aux
personnes âgées?”, 2012 Geriatric Psychol Neuropsychiatr Vieil 2012; 10 (3) : 333-41
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