La ligniculture dans le cadre du zonage de la triade/quad

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La ligniculture dans le cadre du zonage de la triade/quad
La ligniculture dans le cadre du zonage de la triade/quad :
une vision novatrice du développement durable
pour le Québec forestier
Mémoire présenté à la
COMMISSION D’ÉTUDE SUR LA GESTION
DE LA FORÊT PUBLIQUE QUÉBÉCOISE
Par
LE RÉSEAU LIGNICULTURE QUÉBEC
RÉDACTION : BRIGITTE BIGUÉ, ING.F., M.SC.
COORDONNATRICE EN CHEF
Juillet 2004
Table des matières
Introduction....................................................................................................................................... 1
1.
Profil du Réseau Ligniculture Québec...................................................................................... 2
2.
1.
2.
3.
La ligniculture, une composante importante du concept de la Triade ...................................... 4
Contexte forestier international............................................................................................ 4
Le contexte forestier canadien............................................................................................. 4
Le contexte forestier québécois........................................................................................... 5
1.
2.
3.
4.
5.
La ligniculture au Québec ........................................................................................................ 8
Productivité des essences à croissance rapide : un rendement accru ................................ 8
Production de peupliers et de mélèzes hybrides au Québec............................................... 9
Intérêt pour la ligniculture dans les régions ....................................................................... 10
Une industrie forestière prête et qui a le vent dans les voiles............................................ 10
Enjeux socio-économiques de la culture d’essences à croissance rapide......................... 11
3.
4.
La recherche en ligniculture : une place prépondérante ........................................................ 17
1. La recherche en ligniculture au Québec a près de 40 ans................................................. 17
2. Le transfert de connaissances........................................................................................... 17
Conclusion...................................................................................................................................... 19
Références ..................................................................................................................................... 20
ANNEXE 1...................................................................................................................................... 21
ANNEXE 2...................................................................................................................................... 22
Rédaction et conception : Brigitte Bigué, coordonnatrice en chef du RLQ
Révision : Christian Messier et Louis Bernier, co-directeurs scientifiques du RLQ
Nous tenons à remercier tous ceux qui ont contribué, par leurs commentaires, à parfaire le contenu
de ce mémoire.
i
Introduction
Ce mémoire est préparé à l’intention des commissaires de la Commission d’étude de la forêt publique
québécoise afin d’alimenter leur réflexion sur l’avenir de la gestion de la forêt publique québécoise. La
vision présentée dans ce mémoire s’inspire du cadre de réflexion proposé dans le document préparatoire à
la consultation publique. Elle reflète l’expérience vécue à ce jour par le Réseau Ligniculture Québec (RLQ)
ainsi que la philosophie qui a inspiré la création du RLQ. Nous croyons que l’avenir de la forêt québécoise
peut être considérée comme une source d’approvisionnement pour l’industrie des produits du bois et aussi
comme un patrimoine collectif dans lequel la conservation et le multiple usage des ressources forestières
pourraient cohabiter harmonieusement. Quelques pistes de solutions sont proposées, elles tiennent compte
des dimensions environnementales, sociales et économiques du développement durable.
Mémoire présenté par le Réseau Ligniculture Québec
1
1.
Profil du Réseau Ligniculture Québec
En activité depuis novembre 2001 grâce à une subvention de Valorisation-Recherche Québec accordée
pour quatre ans, le Réseau Ligniculture Québec est un regroupement de recherche et de développement
novateur réunissant les forces vives en ligniculture au Québec. Cela comprend des partenaires de milieux
aussi diversifiés que les universités, les industriels forestiers, les gouvernements fédéral et provincial et des
organismes du secteur privé. Un des principaux objectifs poursuivis par les partenaires est l’acquisition de
connaissances et le développement d’une expertise québécoise en ligniculture.
Réseau Ligniculture Québec
Subvention de 1,7 million $ sur 4 ans de Valorisation-Recherche Québec
a permis :
§
de créer une SYNERGIE entre les chercheurs universitaires, les gouvernements, les
industriels et le secteur privé en foresterie;
§
de mettre en place un RÉSEAU DE COORDONNATEURS RÉGIONAUX qui
oeuvrent en ligniculture aux quatre coins de la province;
§
de PROMOUVOIR la LIGNICULTURE dans le cadre du concept de la
TRIADE/QUAD comme moyen de réaliser la « foresterie durable » au Québec;
§
d’établir une multitude de DISPOSITIFS sur le terrain un peu partout au Québec;
§
la tenue d’événements axés sur la ligniculture et des activités de TRANSFERT DE
CONNAISSANCES.
Mission du Réseau Ligniculture Québec est de :
§ coordonner, soutenir et dynamiser les efforts québécois de recherche, de développement et de transfert de
technologie en ligniculture, en collaboration avec les partenaires universitaires, industriels, gouvernementaux
et régionaux;
§ démarrer de nouveaux projets prioritaires incluant de nouveaux dispositifs de recherche dans toutes les
régions ciblées par le Réseau ainsi que la recherche de financement complémentaire;
§ réaliser des activités de diffusion et de promotion des résultats de la R&D en ligniculture au Québec incluant
le transfert de technologie;
§ créer à terme un organisme de R&D en ligniculture au Québec à but non lucratif de type coopératif;
§ faire la promotion d’idées novatrices pour faire avancer le concept de ligniculture.
Cinq principaux champs de recherche sont visés :
§ amélioration génétique et physiologie;
§ croissance et rendement des plantations;
§ maintien de la santé des plantations;
§ maintien de la fertilité des sols;
§ stratégie de déploiement et d’implantation des plantations et analyse des impacts aux plans environnemental
et socio-économique.
Partenaires du Réseau Ligniculture Québec :
Au total, 17 organismes partenaires et plus de 50 personnes impliquées directement dans les activités de RLQ qui se
répartissent comme suit :
Mémoire présenté par le Réseau Ligniculture Québec
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§
§
§
§
six universités: Université Laval, Université du Québec à Montréal (UQAM), Université de Montréal,
Université de Sherbrooke, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, Université McGill;
six industriels forestiers: Domtar, Smurfit-Stone, Louisiana Pacific, Norampac, Chaire industrielle CRSNGUQAM-UQAT, Tembec, Abitibi-Consolidated;
les gouvernements: ministère des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs du Québec (MRNFP) :
Direction de la recherche forestière (DRF), Direction des programmes forestiers et Direction de
l’environnement forestier; Ressources naturelles Canada (Service canadien des forêts, Centre de foresterie
des Laurentides);
des organismes du secteur privé: Forintek, Regroupement des sociétés d’aménagement du Québec
(RESAM) et FÉRIC.
Activités du Réseau Ligniculture Québec :
§ 43 projets de recherche en ligniculture développés en partenariat qui répondent aux besoins des régions et
permettent le recrutement d’une meilleure expertise scientifique et technique (34 chercheurs impliqués).
§ Conférences : réunions annuelles, séminaires, colloques, ateliers régionaux.
§ Mise en place d’un réseau de dispositifs expérimentaux en plantation dans plusieurs régions du Québec.
§ Transfert technologique : articles dans des revues spécialisées, réalisation de revues de la littérature, de
notes techniques, d’articles de journaux, de vulgarisation scientifique et de communications publiques. Site
WEB .
Mémoire présenté par le Réseau Ligniculture Québec
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2.
La ligniculture, une composante importante du concept de la Triade
La ligniculture peut être définie comme une culture intensive des arbres en plantation de courte révolution
en vue d’obtenir le maximum de rendement de matière ligneuse.
CONSTATS
PRESSIONS INTERNATIONALES SUR LES FORÊTS DE LA PLANÈTE
§
§
§
§
La FAO prévoit qu’en 2050, 75% du bois récolté à des fins commerciales proviendra de
plantations à croissance rapide et qu’elles couvriront 5 à 10 % de la superficie forestière
mondiale.
Les superficies en plantation à l’échelle mondiale ont quadruplé en 10 ans, de 1990 à 2000,
elles sont passées de 43,6 M ha à 187 M ha.
L’accord de Rio sur la biodiversité montre que les forêts contribuent à la préservation de la
biodiversité et qu’elles abritent les 2/3 des espèces terrestres. De ce fait, l’Union internationale
pour la conservation de la nature recommande de protéger 12 % des forêts naturelles.
L’accord de Kyoto vise la réduction des gaz à effet de serre et les forêts sont considérées
comme un puits potentiel pour contrecarrer l’émission de ces gaz.
Le Québec, avec son vaste territoire forestier, n’est pas à l’abri de ces pressions et doit se
positionner avantageusement pour préserver ce patrimoine collectif que sont les forêts.
Des moyens novateurs doivent être envisagés tel un volet LIGNICULTURE comme
composante importante d’une stratégie de zonage du type TRIADE / QUAD.
1. Contexte forestier international
À l’échelle internationale, la demande en bois est croissante. Depuis 1960, cette production s’est accrue de
50%. On prévoit que pour la période 2000-2020, la demande en bois rond devrait progresser de l’ordre de
20 à 50% pour répondre aux besoins créés par la hausse constante de la population mondiale. On
constate une progression importante des plantations forestières dans la décennie 1990-2000. Celles-ci ont
évolué de 43,6 millions d’ha en 1990 à 187 millions d’ha en 2000, un effort considérable réalisé à l’échelle
mondiale en 10 ans. Ces 187 millions d’ha représentent 4,8% de la superficie forestière totale et 30% des
besoins de la planète en bois rond. De ces plantations, 83% ont une fonction industrielle et leur principal
objectif est de fournir du bois pour la production de sciage, de panneaux dérivés du bois et de la pâte.
Parmi les pays les plus actifs on compte la Chine et l’Inde qui à eux seuls détiennent 61% de toutes les
plantations industrielles de la planète. Viennent ensuite la Russie et les États-Unis (9% à eux deux) et enfin,
le Japon, l’Indonésie et le Brésil qui détiennent respectivement 6 %, 5% et 3% du total des superficies
plantées.
2. Le contexte forestier canadien
Le secteur forestier canadien constitue un moteur important de l’économie du pays. En 2002, l’exportation
de produits forestiers a en effet totalisé 32,6 milliards de dollars et représentait 68% de la balance
commerciale canadienne de 47,9 milliards de dollars. Malgré une volonté de conserver cet important
secteur économique, les pressions sociales sont de plus en plus grandes pour diminuer les coupes en
forêts naturelles ou primaires. Dans la foulée du rapport Brundtland et du développement durable, les
mentalités concernant l’utilisation du milieu forestier évoluent. Dès 1990, le Conseil canadien des ministres
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des forêts (CCMF) se dote d’une Stratégie nationale sur les forêts dans laquelle il est question, dorénavant,
d’aménagement forestier durable. Cette stratégie d’aménagement de l’écosystème forestier vise à la fois le
maintien de l’intégrité et la santé des écosystèmes forestiers et des apports socio-économiques. Plus
récemment, avec son concept de Forêt 2020, le CCMF établissait un dialogue avec les concitoyens pour
connaître leur opinion sur une nouvelle approche de développement durable qui intégrerait une politique de
reboisement et plus spécifiquement de plantations à croissance rapide. Cette approche permettrait une
augmentation significative du rendement à l’hectare de nos forêts pour répondre dans une plus grande
proportion aux besoins en bois sur une plus faible portion du territoire. On pourrait ainsi satisfaire la
demande croissante des produits du bois tout en assurant la conservation désirée des écosystèmes
forestiers et une augmentation des retombées socio-économiques tirées des ressources forestières. Les
résultats de ce dialogue se sont avérés positifs pour la mise sur pied de plantations d’essences à
croissance rapide lorsque celles-ci étaient considérées dans un cadre où l’on faisait une foresterie
écosystémique sur une grande proportion du territoire et où l’on augmentait la proportion d’aires protégées.
La foresterie intensive est donc considérée comme un élément essentiel à toute stratégie canadienne
destinée à élargir l’approvisionnement en bois qui est nécessaire pour conserver la compétitivité du secteur
forestier.
3. Le contexte forestier québécois
AU QUÉBEC
§
§
§
On prévoit une PÉNURIE anticipée de bois d’ici 2020, la demande serait de 50,4 M de m3
alors que la possibilité forestière serait d’un gradient allant de 46,9 M de m3 à 50,3 M de m3
(CNIAF, 2003).
La forêt au Québec représente le secteur qui contribue le plus à son économie et de loin.
Principaux enjeux forestiers québécois :
ü augmentation des aires protégées;
ü conservation de la biodiversité ainsi que des aspects récréatifs et culturels qu’offre la
forêt;
ü production de fibres ligneuses pour alimenter une industrie prospère et présente dans
les régions du Québec contribuant ainsi à préserver les aspects socio-économiques.
Solution proposée : stratégie de ligniculture dans le cadre d’un zonage du type TRIADE / QUAD
Un exemple possible de QUAD pour le Québec
Conservation
intégrale
Aménagement
écosystémique
Aménagement
Aménagement
intensif
super intensif
traditionnel
(ligniculture)
Superficie forestière productive et utilisable (millions ha) du Québec
4,1 (12%)
26,6 (74%)
3,9 (10%)
1,4 (4%)
3
Production totale estimée (millions de m / année)
Aucune
26,6
15,6
12,6
Productivité moyenne utilisée dans les calculs (m3 / ha / année)
1,0
4,0
9,0
Permettrait de répondre à nos besoins environnementaux, économiques, sociaux et culturels,
les principaux éléments d’une foresterie durable.
Mémoire présenté par le Réseau Ligniculture Québec
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La forêt québécoise est aussi soumise à différentes pressions qui sont directement liées à celles exposées
précédemment aux échelles internationale et canadienne. Les principaux enjeux québécois associés à la
forêt vont du développement d’usages multiples : aires protégés, conservation de la biodiversité, aspects
récréatifs et culturels, etc., à la production de fibres ligneuses pour alimenter une industrie génératrice
d’emplois dans l’économie québécoise. De récents constats montrent une pénurie anticipée de bois d’ici
2020 (Comité d’intensification de l’aménagement forestier, 2003). En effet, la demande en bois rond devrait
atteindre un total de 50,4 M de m3 de bois alors que la possibilité forestière pourrait varier de 46,9 M de m3
à 50,3 M de m3. Actuellement, la possibilité forestière a atteint ses limites dans certaines régions malgré
l’augmentation importante des activités d’aménagement. On note même une réduction de cette possibilité
en 2002 alors qu’elle avait toujours connu une croissance depuis le début des années 1970. De 2030 à
2060, on anticipe des périodes critiques en termes d’approvisionnement des usines de transformation dans
certaines régions. Il faut avoir à l’esprit que les retombées du secteur forestier québécois sont manifestes
avec plus de 22 milliards $ en produits livrables en 1999. Ce secteur occasionne également de multiples
retombées dans les diverses régions du Québec plus particulièrement le maintien de 85 000 emplois
directs, sans compter les emplois indirects et la réalisation d’activités récréo-touristiques en forêt. Pris
individuellement, c’est le secteur qui contribue le plus à l’économie du Québec et de loin.
Pour répondre aux pressions socio-économiques, le Québec doit trouver des moyens novateurs et viables
économiquement pour produire plus de fibres ligneuses tout en consentant des efforts accrus et
grandissants à la conservation de ses forêts et aux usages multiples que la société lui réclame.
PROPOSITIONS
q
q
q
La ligniculture ou culture d’essences à croissance rapide sur de courtes rotations, dans le
contexte d’un zonage de la forêt, nous apparaît offrir une des avenues des plus intéressantes pour
répondre à cette commande économique, sociale et environnementale. L’introduction d’une
sylviculture intensive de petites portions du territoire pourrait avoir des effets bénéfiques, à savoir,
combler le manque à gagner appréhendé de matière ligneuse et permettre de diminuer la récolte
sur de vastes territoires en y pratiquant un aménagement plus écologique (écosystémique). Enfin,
sur la tierce partie du territoire, des aires protégées pourraient ainsi être créées.
Cette façon de concevoir l’aménagement du territoire forestier reflète un principe auquel nous
adhérons, basé sur un scénario d’allocation du territoire en trois ou quatre zones, le principe de la
triade ou de la quad (annexe 1). Ce principe intègre les notions de conservation du territoire et
de production de matière ligneuse. Ainsi, l’aménagement forestier actuel appliqué sur de grands
territoires pourrait être allégé en y pratiquant, par exemple a) un aménagement écosystémique sur
74% du territoire méridional (dont l’objectif est d’exploiter la forêt en s’inspirant de la dynamique
des perturbations naturelles et donc, de tenir compte de l’écosystème dans son ensemble); b)
mise ne place d’aires protégées sur 12% du territoire et c) un aménagement intensif sur 14% du
territoire. De ce 14%, une sylviculture intensive pourrait être appliquée sur 10% du territoire
(utilisation d’essences indigènes) alors qu’une sylviculture très intensive ou ligniculture d’essences
à croissance rapide serait pratiquée sur 4% du territoire. Ceci permettrait de maintenir les activités
de récolte tout en maintenant la pérennité du patrimoine biologique. Rappelons aussi que les aires
protégées au Québec représentent actuellement 5 % du territoire. L’application du principe de la
quad permettrait de dépasser ce 5 % et même d’atteindre 12 %, le niveau de référence
souhaitable fixé par les participants à la Conférence de Rio. Enfin, l’aménagement intensif (sur 14
% du territoire) maintiendrait l’approvisionnement des usines en région et les activités socioéconomiques de l’industrie forestière au Québec.
Pour réaliser ce type de zonage, il faut modifier le cadre de gestion actuel des forêts publiques
et développer une mosaïque du territoire qui autorise la création de quatre zones d’aménagement
dans les aires jugées propices.
Mémoire présenté par le Réseau Ligniculture Québec
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q
Il faut modifier le manuel d’aménagement pour y permettre à la fois une culture plus intensive de
la forêt sur une partie du territoire et un aménagement beaucoup moins intensif sur la majeure
partie du territoire (par ex. favoriser l’aménagement écosystémique).
Mémoire présenté par le Réseau Ligniculture Québec
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3.
La ligniculture au Québec
La sylviculture d’essences à croissance rapide existe au Québec depuis près de quarante ans à l’échelle
expérimentale et ce dans toutes les régions du Québec. Ce n’est que tout récemment (quelque six à huit
ans) que la ligniculture s’est développée à une échelle opérationnelle. Sous l’impulsion de certaines
compagnies forestières, cette avenue intéressante a pris de l’ampleur pour permettre l’approvisionnement
des usines de transformation.
CONSTATS
1. Productivité des essences à croissance rapide : un rendement accru
Les principales essences à croissance rapide considérées au Québec sont les peupliers et les mélèzes
hybrides, l’épinette blanche génétiquement améliorée et l’épinette de Norvège. Les rendements de ces
essences varient selon les sites où elles sont plantées et les efforts d’aménagement consentis.
Les rendements liés à la plantation d’essences à croissance rapide sont importants si on les compare aux
essences principalement utilisées pour le reboisement. On constate que depuis les années 1980, l’épinette
noire est l’essence la plus utilisée pour le reboisement alors qu’il s’agit de l’essence la moins productive
(Prégent, 1999) bien que sa fibre soit mondialement reconnue.
Pour établir le potentiel de production des plantations on considère principalement : l’essence à reboiser, la
qualité de la station et l’effort d’aménagement. En comparant différentes essences sur des sites dont
l’indice de qualité de station (IQS) est moyen, voici les rendements obtenus selon les différentes essences.
Rendement selon diverses essences
AAM (m 3/ha)
(IQS moyen, esp. : 2 X 2 m ; Bolghari et Bertrand 1984 + Prégent et al., 1996)
12
10
8
6
4
2
0
11,6
9,1
6,5
7,1
5,2
4,1
EPN
PIG
Épinette
noire
Pin gris
EPØ
MEE
Épinette
de Norvège
Mélèze
européen
PIR
Pin
rouge
PEH
Peuplier
hybride
Il y a un rendement accru lié à la plantation comparativement à la régénération naturelle. Il y a un gain (en
volume marchand sur une rotation de 50 ans) lié au choix de l’essence lorsque comparé à un site régénéré
naturellement (ci-dessous).
Rendement accru lié au choix de l’essence *
(référence : EPN; IQS moyen; 50 ans)
EPO
+ 120 m3/ha
MEE
+ 150 m3/ha
PIR
+ 250 m3/ha
PEH
+ 375 m3/ha
* Tiré d’une conférence donnée par M. Guy Prégent lors du colloque sur le reboisement, 1999.
Mémoire présenté par le Réseau Ligniculture Québec
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En respectant les exigences de culture des essences à croissance rapide, les rendements s’avèrent
supérieurs aux essences indigènes les plus communément utilisées en plantation au Québec. C’est le PEH
qui offre les rendements les plus élevés. Sur un site de fertilité moyenne le rendement est évalué à 11,6
m3/ha par année alors qu’il pourrait atteindre 21,2 m3/ha par année sur un site dont la fertilité est élevée et
les conditions climatiques propices.
D’autres références nous apprennent qu’au cours des 30 dernières années, plus de 3 700 clones différents
de PEH ont été testés dans tout le Québec. Des croissances annuelles de 1,0 m à 1,80 m en hauteur et de
1,0 à 2,5 cm en diamètre sont fréquentes selon la région, la qualité des sols et l’intensité de culture. En
moyenne, les rendements escomptés des plantations de peuplier hybride sont de 8 à 12 m3/ha par année
(soit 160 à 240 m3/ha en volume marchand à 20 ans). Sur les stations les plus fertiles, situées plus au sud
de la province, les accroissements pourraient atteindre les 12 à 15 m3/ha par année (240 à 300 m3/ha à 20
ans). Sur les meilleures stations, et dans des conditions de culture exceptionnelles, les rendements
peuvent atteindre 20 m3/ha par année (300 m3/ha à 15 ans) si l’on applique une sylviculture appropriée.
L’âge de rotation des plantations de peuplier hybride est de deux à trois fois inférieure à l’âge des rotations
observées dans les peupleraies naturelles (Périnet, 1999).
Actuellement, il n’existe pas de table de rendement pour ces essences selon les sites et les régions; il est
donc difficile, dans ce cas, d’évaluer la réelle possibilité forestière et le potentiel optimal d’utilisation de ces
essences.
2. Production de peupliers et de mélèzes hybrides au Québec
Le programme de reboisement du Ministère offre actuellement une petite niche à la ligniculture. En 2002, la
production de PEH et en moindre proportion de MEH représentait à peu près 2% de plants livrés.
L’évolution de la production de PEH a progressé comme suit : en 1998, c’était 200 000 plants de PEH qui
étaient produits, en 1999-2000 le nombre s’élevait à 500 000 plants pour atteindre 1 500 000 plants en
2001-2002 (note : en 2002, la demande de PEH était de 2 millions de plants mais la Direction de la
production des semences et des plants du MRNFP n’a pu atteindre cette production).
Les peupliers hybrides en 2003*
Production de PEH
1 520 483 plants
Demande de plants
- Par la forêt privée
769 640 plants
- Par les industriels
1 079 120 plants
- Par les autres utilisateurs
164 000 plants
Demande totale
2 012 760 plants
(- 492 277 plants)
* Source : Direction de la production, des semences et des plants du MRNFP, 2004.
Malgré les demandes croissantes pour le PEH, on note une certaine stagnation dans les pépinières
gouvernementales. Il semble que les orientations de la Stratégie de protection de forêt adoptée par le
Ministère en 1994 favorise la régénération naturelle et freine la production de plants en pépinière. Nous
pensons que malgré cette orientation, il pourrait y avoir une place accrue pour la ligniculture tout en
respectant les orientations ministérielles. Une politique d’intensification de l’aménagement aiderait à
maintenir et à augmenter la production de plants d’essences à croissance rapide, ce qui aurait comme effet
le développement de cette culture.
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3. Intérêt pour la ligniculture dans les régions
Toutes les régions productives du Québec en termes de matière ligneuse offrent un potentiel intéressant
pour la culture d’essences à croissance rapide. Ce sont 44 clones de PEH qui sont recommandés par la
DRF du MRNFP selon les sous-régions écologiques du Québec méridional, alors que 9 espèces de
mélèzes et des hybrides sont adaptées pour six régions écologiques. L’amélioration génétique de clones
performants et adaptés régionalement constitue un atout important; ce processus est en constante évolution
au MRNFP. Il s’appuie sur une expertise unique et enviée à l’échelle canadienne.
À la lecture des mémoires déposés à ce jour devant cette Commission, plusieurs de ceux-ci dans nombre
de régions (Saguenay, Bas-Saint-Laurent, Abitibi-Témiscamingue, Mauricie, etc.) font état de leur intérêt
croissant pour la culture d’essences à croissance rapide dans leur région respective sur les sites
appropriés. Cela pourrait combler la pénurie de bois appréhendée à court et moyen termes et contribuer à
maintenir l’activité économique régionale. À long terme, l’implantation de la ligniculture pourrait aider à
stabiliser l’économie des régions et être à la base d’un plan de développement d’une industrie du bois axée
sur les produits à valeur ajoutée.
4. Une industrie forestière prête et qui a le vent dans les voiles
Longtemps ignoré, le peuplier est une essence de plus en plus transformée par les industriels forestiers.
Ainsi, en 1996-1997 le volume de bois de peuplier récolté au Québec était évalué à 3 008 300 m3 et il
augmentait à 4 062 000 m3 en 2001-2002 (Parent, 1999, 2003) soit une hausse de 35 %. Autre signe d’une
demande accrue de peuplier, l’attribution de bois de cette essence sur les terres publiques a progressé de
1 840 500 m3 en 1991, à 2 776 000 m3 en 1995 pour atteindre 3 172 350 m3 en 2000. Cette année, on
dénombre près de 50 usines de transformation qui récolteront du peuplier sur les terres publiques pour
combler leurs besoins (Charest, 2004). Toutefois, cette donnée ne tient pas compte des industries qui
s’approvisionnent exclusivement sur les terres privées ou à partir de copeaux d’usine de sciage, telles
Domtar en Estrie et Norampac dans le Bas-Saint-Laurent. Par conséquent, le nombre d’industries qui
utilisent du bois de peuplier est probablement plus élevé que ne l’indiquent les statistiques.
Même si l’attribution du bois de peupliers atteint 70% de la possibilité pour cette essence au Québec,
l’avenir ne garantit pas nécessairement des volumes suffisants pour répondre aux besoins croissants de
l’industrie. Des signes avant coureur de pénurie de bois se dessinent. À cet égard, nous pouvons donner
comme exemple la compagnie Domtar en Estrie qui prévoit d’ici 15 ans une offre inférieure à ses demandes
en raison de la rareté de ce bois due, entre autres choses, à la baisse des attributions sur les terres
publiques et à une plus grande utilisation par d’autres industries (celle des panneaux par exemple). La
consommation annuelle de peuplier pour Domtar est de l’ordre de 10% actuellement mais pourrait doubler
d’ici 10 ans si la fibre était disponible. De la même façon, la compagnie Norampac située à Cabano dans le
Bas-Saint-Laurent possède un plan de développement visant une augmentation progressive de sa
production pour les prochaines années. Or, ce plan nécessite des besoins supplémentaires en matière
ligneuse comprenant 50 000 m3 de peuplier mais la possibilité forestière de cette essence ne le permet pas
dans la région actuellement. Ces constats pourraient représenter un obstacle majeur au développement
futur de l’industrie forestière utilisatrice de peupliers.
Pour assurer un certain approvisionnement, quelques industries utilisant le peuplier se sont lancées, il y a
quelque 6 ans, dans la culture d’essences à croissance rapide. Au Québec, cela représente
approximativement 1 500 ha de PEH mis en terre annuellement, ce qui concorde avec le niveau de la
production de cette essence par la DPSP qui atteint, bon an mal an, 1 500 000 plants.
Mémoire présenté par le Réseau Ligniculture Québec
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Principaux utilisateurs de peupliers hybrides au Québec
et les superficies plantées annuellement
Depuis
Superficie approximative plantée
en 2002
Domtar (Windsor)
1998
600 ha
Smurfit-Stone (Fort-Coulonge)
1998
20 ha
Fraser (Outaouais)
-
200 ha (objectif)
Norampac (Cabano)
1996
50 ha
Norbord
1990
5 à10 ha
n/d
20 à 30 ha
Tembec-Malette (Mauricie)
1999
50 à 100 ha
Louisiana-Pacific (Chambord)
1997
300 ha
Utilisateur
Tembec (Abitibi)
De plus, cette liste exclut les superficies qui ont été reboisées en forêt privée (environ 700 ha en 2002).
Dans cette veine, les projections de 2020 pour la demande en bois rond de peupliers montrent une
augmentation de l’ordre de 33 % par rapport à la consommation effective de 2001 (Comité national sur
l’intensification de l’aménagement forestier, 2003 (CNIA)). De plus, on estime que l’écart entre la possibilité
forestière de cette essence et la demande en bois rond en 2020 sera négative de 14 %, donc que le
Québec manquera de peupliers. Pour combler ce manque à gagner en 2020, le Québec pourrait saisir
rapidement l’opportunité que présente la populiculture.
5. Enjeux socio-économiques de la culture d’essences à croissance rapide
Au plan économique la culture d’essences à croissance rapide est-elle rentable? Comme cette culture vise
une productivité élevée sur une courte période de temps, des investissements importants doivent être
consentis pour atteindre les résultats escomptés. Il existe cependant peu d’études sur la rentabilité
économique de cette culture au Québec. Par contre, les quelques rapports existant indiquent que l’on doit
considérer l’ensemble des avantages socio-économiques qui sont engendrés et RLQ est également de cet
avis.
À l’heure actuelle, on envisage utiliser les peupliers à croissance rapide principalement pour la fabrication
des panneaux OSB ou de pâte feuillue. Il pourrait aussi être question davantage de sciage ou de
déroulage. Comme mentionné précédemment, l’offre en peupliers rencontre difficilement l’accroissement de
la demande de cette essence d’où l’intérêt de développer des plantations de PEH. Le coût élevé
d’établissement et d’entretien de ces plantations vaut-il l’investissement pour la société? Comme on
s’attend à ce que l’État finance en tout ou en partie ces activités, il convient d’analyser quelles en seraient
les retombées et la rentabilité pour la société, les industries forestières et les propriétaires privés. Une étude
réalisée par la firme DGR nous éclaire sur cette question. Une autre analyse réalisée par Laliberté et al.
(2000) compare un investissement par l’État dans des plantations de PEH, de plantations mixtes et de
plantations d’épinettes blanches (EPB). Les faits saillants de ces deux études sont exposés dans le texte
ci-dessous.
Mémoire présenté par le Réseau Ligniculture Québec
11
Investissement de l’État sur les terres publiques en ligniculture (Côté, 2004)
L’analyse (annexe 2) présentée propose un scénario d’aménagement forestier destiné à produire de la
matière ligneuse qui implique au départ d’investir des sommes d’argent qui auront un effet d’entraînement
sur différents secteurs d’activité économique. L’analyse repose sur le modèle intersectoriel du Bureau de la
Statistique du Québec (BSQ) et sur celui du modèle développé au MNRFP pour inclure les effets induits et
les hypothèses sur la main-d’œuvre saisonnière. L’analyse utilise comme référence des dollars constants
de l’année 2004 et comme taux réel d’actualisation, la valeur de 4%. Les coûts d’aménagement utilisés aux
fins des simulations proviennent de diverses sources associées à des plantations de PEH réalisées sur les
terres publiques ou privées; on considère ces coûts conservateurs (ils ont été établis à près de 3 400 $/ha).
Les hypothèses associées aux revenus générés pour l’État sont les redevances forestières et les
retombées économiques aux gouvernements provincial et fédéral. Comme les redevances forestières en
2004 sont corrélées à la distance de transport entre la forêt et l’usine et les fortes fluctuations de prix qui
caractérisent les marchés des panneaux OSB actuellement, les activités de foresterie intensive devrait se
limiter à un rayon de 100 Km des usines. Par ailleurs, pour les fins des calculs de l’analyse, la valeur
marchande des bois sur pied considérée est de 8 $/m3. Les simulations ont été faites selon quatre
scénarios de plantations de PEH. Les mêmes hypothèses de coûts s’appliquent mais les rendements
escomptés sont respectivement de 8, 10, 12 et 15 m3/ha par an pour des volumes marchands bruts à
récolter à l’âge de 20 ans de 160, 200, 240 et 300 m3/ha respectivement. Les scénarios sont tous
rentables pour la société lorsqu’on tient compte de la totalité des impacts sur les finances publiques. Du
scénario le moins productif au scénario le plus productif, la valeur actuelle nette varie de 3 800 $/ha à 8 800
$/ha pour l’utilisation du territoire au cours des 20 prochaines années seulement. Le rapport bénéfice / coût
varie de 2,2 à 3,7 ce qui veut dire que dans le scénario le moins productif, l’État (provincial et fédéral)
récupère 2,20 $ pour chaque dollar qu’il investit en populiculture.
La démonstration faite à partir de cette analyse économique souligne l’impact positif d’un investissement
dans un projet de ligniculture sur les finances publiques.
Rentabilité d’un investissement de l’État en ligniculture sur les terres privées (Côté, 2004)
Nous avons aussi considéré la rentabilité économique pour des projets de ligniculture qui seraient réalisés
sur les terres privées compte tenu de leur proximité par rapport à l’emplacement des usines et des sites
souvent favorables (friches agricoles) pour l’établissement des plantations de PEH.
Pour des projets qui seraient réalisés en terres privées, selon les modes actuels de partage du financement
de l’aide à la forêt privée, la contribution de l’État aux déboursés serait de l’ordre de 2 275 $/ha, soit 100%
des coûts de production des plants et 60% des autres coûts. En contrepartie, les retombées totales aux
gouvernements seraient amputées de la valeur applicable pour les redevances forestières; dans le scénario
considérant un rendement de 10 m3/ha par année (200 m3/ha à 20 ans), la valeur actualisée à considérer
atteint 6 450 $/ha, de sorte que la valeur actualisée nette (VAN) demeure fort intéressante, à 4 175 $/ha.
Dans ce même cas, le ratio bénéfice / coût (B/C) passe alors à 2,8.
Toujours pour des projets réalisés en terres privées, la rentabilité du point de vue du producteur demeure
intéressante elle aussi. Suivant le même exemple, le propriétaire privé débourse l’équivalent de 20% des
coûts d’établissement (mais 0% pour les coûts de production des plants), soit 481 $/ha. Il obtiendra, pour la
seule valeur de son bois, un revenu actualisé de 697 $/ha, soit un bénéfice de 216 $/ha en sus d’un
rendement de 4%. Mais il obtiendra encore davantage pour la rémunération de son travail de récolte et de
livraison du bois. En effet, par comparaison avec un peuplement forestier, la plantation permet un gain de
productivité de la machinerie de récolte, donc un coût moindre. De plus, par une situation géographique
avantageuse en termes de distance et de coût de transport à l’usine, la marge entre le coût de production
au producteur privé et le prix de vente négocié par l’organisme de mise en marché du bois de forêt privée
Mémoire présenté par le Réseau Ligniculture Québec
12
sera supérieure à celle prévue pour d’autres bois de peupliers issus de forêts naturelles. En supposant une
marge différentielle de l’ordre de 10 $/m3 à l’avantage du bois des plantations de peupliers hybrides, le
producteur est en mesure d’encaisser un montant additionnel de 2 000 $/ha (pour 200 m3/ha). Lorsque le
producteur privé est une société industrielle consommatrice de ce type de fibre, cette marge favorable se
traduit par une économie de ses coûts d’approvisionnement.
Ainsi, tant le producteur, l’industriel et l’État peuvent y trouver leur compte dans les travaux de
ligniculture. Des maillages entre la forêt privée et la forêt publique sont des scénarios à explorer car ils
pourraient offrir d’intéressantes synergies en ce domaine. La populiculture mérite une attention spéciale de
l’État, parce que les sommes qui y seraient consacrées offrent un effet de levier qui procure des impacts
totaux sur les finances publiques supérieurs aux montants investis. La populiculture ou la ligniculture en
général peut devenir une activité structurante pour le développement de l’emploi et de l’économie des
milieux régionaux.
Rentabilité et retombées économiques de la plantation de peupliers hybrides pour la société
(1 111 plants / ha)
(Côté, 2004)
Rendements
Redevances
Gouvernement
du Québec
($ 2004/ha)
Retombées
économiques
aux
Gouvernements
Coûts
actualisés
Revenus
actualisés
($ 2004/ha)
($ 2004/ha)
Revenus
nets
actualisés
Rapport
bénéfices
/ coûts
Taux de
rendement
interne
($ 2004/ha)
($ 2004/ha)
8 m3/ha-an
558 $
6 481 $
3 237 $
7 039 $
3 802 $
2,2
10,1 %
697 $
7 771 $
3 237 $
8 468 $
5 232 $
2,6
11,4 %
837 $
9 061 $
3 237 $
9 898 $
6 661 $
3,1
12,2 %
1046 $
10 996 $
3 237 $
12 042 $
8 805 $
3,7
13,5 %
(160m3à20 ans)
10 m3/ha-an
(200m3à20 ans)
12 m3/ha-an
(240m3à20 ans)
15 m3/ha-an
(300m3à20 ans)
§
§
§
§
Les scénarios sont tous rentables pour la société lorsqu’on tient compte de la totalité des
impacts sur les finances publiques.
L’État (provincial et fédéral) récupère de 2,20 $ à 3,70 $ pour chaque dollar qu’il investit en
ligniculture.
Le taux de rendement interne varie de 10 % à 14 %, ce qui veux dire qu’en faisant abstraction du
choix d’un taux d’intérêt de 4 %, les taux d’intérêt réels (dégonflés de l’inflation), selon les divers
scénarios, sont de 6 % à 10 % à ce que l’État serait en droit de s’attendre d’un placement
garanti.
L’exécution de travaux de production de plants, de préparation de terrain, de mise en terre et
d’entretien entraîne des retombées économiques aux deux gouvernements d’environ 0,40 $ pour
chaque dollar investi et ce, dès l’année du traitement.
Comparaison relative de la rentabilité d’un investissement de l’État dans des plantations de PEH, mixtes et
d’épinettes blanches (Laliberté et al., 2000)
Pour les fins de l’analyse, la simulation a été faite à l’aide du système Forexpert. L’analyse d’un
investissement de l’État a été faite à partir du modèle intersectoriel du BSQ. Trois scénarios ont été testés,
la plantation de PEH (1 100 tiges/ha), la plantation mixte (1 000 tiges d’EPB et 415 tiges PEH/ha), et la
Mémoire présenté par le Réseau Ligniculture Québec
13
plantation conventionnelle d’épinette blanche (2 200 tiges/ha). Les investissements font référence aux
coûts des travaux tout au long de la rotation (on a exclu la production de plants). La valeur actualisée nette
(VAN) est calculée à partir d’un taux de 3,5 %, la production cumule l’ensemble des volumes récoltés tout
au long de la rotation (éclaircies et coupe finale). Les résultats pour la société d’un investissement de l’État
dans les trois scénarios montrent que la VAN est de 3,2 M $ pour la plantation de PEH, alors qu’elle est de
2,5 M $ pour la plantation mixte et de 0,7 M$ pour la plantation d’EPB (ces calculs sont basés sur 100 ha
de plantation). Ces résultats montre ainsi un rendement supérieur pour la plantation de PEH.
Ce même exercice a été fait du point de vue d’un propriétaire privée qui a le choix d’investir dans une de
ces trois plantations et qui assume l’ensemble des coûts sauf ceux de la production de plants (tableau cidessous). La plantation de PEH offre une meilleure rentabilité que la plantation mixte alors que la plantation
d’épinette n’est pas rentable sans aide financière. Dans la plantation mixte, la diversité des produits est
plus grande et la récolte du PEH permet d’amortir entièrement l’investissement de départ.
Analyse de scénarios en fonction de la valeur ajoutée
(calculs basés sur 100 ha de plantation)
(Laliberté, 2004)
Scénario
Valeur des
livraisons
(M $)
Investissement Valeur
($ actualisé)
ajoutée
(M $)
Rotation
(Années)
Plantation
de PEH
Plantation
mixte
Plantation
EPB
8,2 $
182 600 $
5,9 $
7,3 $
222 400 $
4,0 $
221 100 $
§
§
25
Taux
rendement
interne Société
17 %
VAN
Société à
3,5 %
(M $)
3,2 $
5,3 $
25/50
14,9 %
2,5 $
2,9 $
50
7,9 %
0,7 $
En utilisant la modélisation, l’État peut évaluer la pertinence de certains projets et leurs
impacts sur le développement économique.
Cette évaluation peut servir à orienter les décisions d’investissement d’un projet par rapport à
un autre.
Comparaison des résultats pour le propriétaire qui investit dans des plantations
(Laliberté, 2004)
Volume produit (m3)
Horizon
PEH
(ans)
Déroulage Sciage
PEH
Mixte
EPB
§
§
25
25/50
50
147
104
127
93
Pâte
94
63
EPB
Sciage Pâte
120
171
11
68
VSP
Investisdes
sement
coupes VAN
$
$
$
actualisé constant
2 211
4 970
3 044
2 224
4 217
2 159
1 826
1 608
(75)
À un taux d’opportunité de 3,5 %, la plantation d’épinette n’est pas rentable sans obtenir d’aide
financière et ce même si les coûts sylvicoles sont les moins élevés des trois scénarios.
La plantation de PEH offre une meilleure rentabilité que la plantation mixte (les coûts
sylvicoles sont similaires).
Mémoire présenté par le Réseau Ligniculture Québec
14
Autres considérations économiques
À noter que tous ces bénéfices chiffrés n’incluent pas d’autres avantages découlant directement de
l’existence des plantations de peupliers hybrides qui sont plus difficilement quantifiables, mais néanmoins
réels. Ces « externalités » ou bénéfices intangibles sont entre autres : la possibilité d’augmenter les aires
protégées et de mettre en place l’aménagement écosystémique, ce qui favoriserait la certification des forêts
et l’acceptabilité sociale de la pratique forestière en général, l’amélioration de la qualité du paysage, la
création d’habitats fauniques propices pour la chasse à la perdrix, par exemple, la fréquentation par
diverses espèces d’oiseaux et la pratique de l’ornithologie, la séquestration de CO2 et la production
d’oxygène, la protection des sols contre l’érosion et la constitution d’une couche d’humus, etc.
PROPOSITIONS
Découlant de ces constats, la culture d’essences à croissance rapide doit faire partie des options pour
permettre le développement d’une foresterie axée sur le maintien de son apport socio-économique actuel et
futur aux régions et à la conservation du territoire forestier. Pour une ligniculture viable et performante au
Québec on doit :
q
mettre sur pied une politique permettant l’intensification de l’aménagement forestier incluant une
ligniculture adaptée régionalement;
q
évaluer la possibilité d’un rendement accru sur les terres publiques dans un contexte d’usage
multiple de la forêt et découlant de cette évaluation, établir des orientations concernant la culture
d’essences à croissance rapide à l’échelle régionale;
q
mettre sur pied un système de monitoring permettant d’évaluer, sur une base continue et
permanente, le rendement des essences à croissance rapide dans les différentes régions du
Québec;
q
voir à assurer une production constante et même croissante d’essences à croissance rapide (PEH
et MEH) qui reflète, à tout le moins, la demande (offre versus demande) de façon à ne pas freiner
toute initiative contribuant au développement de cette culture;
q
mettre sur pied un système permettant d’évaluer et d’identifier les sites propices à l’implantation
des plantations à croissance rapide en forêt publique et aussi en forêt privée;
q
voir à créer des partenariats : forêt publique / forêt privée / industriel / utilisateurs du milieu pour
assurer l’implantation d’une ligniculture régionale rentable et efficace;
q
créer un système de veille pathologique et entomologique pour assurer l’atteinte des rendements
escomptés. L’investissement important consenti nécessite que ce volet soit considéré à court et
moyen termes. Il faut prévoir mettre sur pied un système de monitoring qui permettra la détection
précoce des maladies et des insectes donc, développer un programme de protection de ces
plantations;
q
questionner le volet « Stratégie de protection des forêts » du MRNFP qui n’autorise aucun
herbicides sur les terres publiques. N’y aurait-il pas une gain économique important à faire en
utilisant ces produits pour la préparation et l’entretien des sites de ligniculture ainsi qu’un gain en
Mémoire présenté par le Réseau Ligniculture Québec
15
termes de rendement forestier des plantations? Voir à mettre en parallèle le décret ministériel qui
autorise la culture du bleuet en terres publiques et incidemment l’utilisation d’herbicides dans la
culture d’un petit fruit que nous consommons ET la culture d’arbres à croissance rapide. Ne
pourrait-on pas s’inspirer de cette approche pour permettre une ligniculture encore plus
performante et viable au Québec?
Mémoire présenté par le Réseau Ligniculture Québec
16
4.
La recherche en ligniculture : une place prépondérante
CONSTATS
1. La recherche en ligniculture au Québec a près de 40 ans
En amont de tout développement en ligniculture il faut maintenir et accroître les connaissances dans
plusieurs disciplines. Jusqu’à tout récemment, les efforts en ligniculture ont misé davantage sur
l’amélioration génétique (plus de 30 ans de compétence à la Direction de la recherche forestière du
MRNFPQ et au Service canadien des forêts) et dans la production de plants de PEH, de MEH, d’EPB et
d’EPO. Outre l’amélioration génétique (qui est fondamentale en ligniculture), on s’interroge à l’heure
actuelle sur nombre de questions touchant la sylviculture, la protection des plantations, la fertilité des sols,
les aires de déploiement, les aspects socio-économiques, etc. En l’absence d’études scientifiques qui
permettraient d’enrichir notre bagage de connaissances dans tous ces champs de compétences, il apparaît
difficile de réaliser une ligniculture adéquate.
Compte tenu de toutes les disciplines que la ligniculture interpelle : amélioration génétique, sylviculture,
fertilité des sols, protection des plantations, stratégies de déploiement, aspects socio-économiques, etc. et
des disparités biophysiques à l’échelle provinciale qui nécessitent des études régionales, le renforcement
des synergies entre tous les intervenants (chercheurs, industriels, gouvernements) sera une des clés de la
réussite pour les prochaines années.
Mentionnons que le Réseau Ligniculture a servi d’élément catalyseur depuis trois ans pour réunir les forces
vives en ligniculture au Québec. Cette synergie a permis de développer un noyau de compétence unique
qui regroupe à la fois les chercheurs et les utilisateurs qui oeuvrent en régions ainsi qu’à favoriser le
financement des projets.
Force est de constater que de nombreuses interrogations se posent de la part des intervenants régionaux
(choix des sites, préparation de terrain, mise en terre, entretien, protection, considérations économiques et
sociales, etc.). Le RLQ a développé en partenariat 43 projets de recherche dans plusieurs champs de
compétence dont des dispositifs de recherche d’envergure dans quatre (bientôt cinq) régions répondant aux
priorités des intervenants régionaux.
2. Le transfert de connaissances
Les connaissances acquises par les travaux de recherche doivent faire l’objet d’un transfert constant aux
utilisateurs. Sans cet effort, les travaux de recherche en cours risquent de ne pas être pris en compte pour
améliorer le processus de culture opérationnelle des essences à croissance rapide.
PROPOSITIONS
q
Il faut maintenir et intensifier la recherche en ligniculture dans chacun des domaines de recherche
mentionnés ci-dessus, et ce dans chacune des régions afin d’optimiser les scénarios de
rendement.
q
Il faut encourager la synergie entre tous les intervenants pour développer des projets de recherche
adaptés régionalement, favoriser la coordination interrégionale en recherche pour éviter les
chevauchements, partager les connaissances et profiter des expertises développées et acquises.
Mémoire présenté par le Réseau Ligniculture Québec
17
q
Il faut consolider (permettre le financement) les initiatives de synergie en recherche déjà existantes
afin d’éviter le perpétuel recommencement et assurer un développement structuré de la recherche
où toutes les voix intéressées sont unies pour discuter des priorités à établir et dans un esprit de
confiance mutuelle.
q
Plusieurs moyens peuvent être retenus pour assurer un transfert de connaissances efficace. Les
colloques, les conférences, les ateliers et les démonstrations sur le terrain sont parmi ces moyens
à privilégier. De plus, et de façon prioritaire, il faut produire des écrits pour que la connaissance
reste et évolue dans un processus d’amélioration continue. Parmi ces écrits, outre les publications
scientifiques, il faut considérer les outils de vulgarisation scientifique tels que les guides et les
fiches techniques, la veille technologique quotidienne et hebdomadaire, le site WEB, les rapports
de recherche, les résumés de ces rapports, les documents explicatifs sur des sujets précis, la
banque de littérature, les bulletins d’information, etc.
q
Il faut donc privilégier la mise en place d’un système qui assurera que les connaissances acquises
soient écrites, vulgarisées et transférées aux utilisateurs.
Mémoire présenté par le Réseau Ligniculture Québec
18
Conclusion
La pression du public pour l’utilisation des ressources forestières selon les objectifs du développement
durable est réelle et grandissante. De ce fait, nous devons mettre en place, avec célérité, des moyens
novateurs d’aménager ce patrimoine collectif pour éviter les ruptures de stock de matière ligneuse
appréhendées dans certaines régions du Québec tout en favorisant les intérêts culturel, social,
environnemental et économique liés à l’existence de la forêt.
Sans être exhaustives, les pistes de solutions proposées dans ce mémoire telles la ligniculture dans le
cadre d’un zonage basé sur le principe de la TRIADE/QUAD permettraient de pallier au manque de bois
dans les régions, aux entreprises québécoises de rester compétitives et autoriseraient une conservation sur
une plus grande superficie de la forêt publique. Dans cette perspective, cette vision novatrice permettrait
l’atteinte des objectifs du développement durable à l’échelle du territoire forestier québécois.
Tous les éléments convergent pour le plein épanouissement de la ligniculture au Québec comme en font
état les constats présentés dans ce mémoire. Il faut maintenant une volonté politique permettant d’établir
les bases d’une structure solide assurant une ligniculture viable et performante au Québec.
Mémoire présenté par le Réseau Ligniculture Québec
19
Références
Bolghari, H.A. et V. Bertrand. 1984. Tables préliminaires de production des principales essences résineuses
plantées dans la partie centrale du sud du Québec. Ministère de l'Énergie et des Ressources, Service
de la recherche, Mémoire no 79. Québec. 392 pages.
Charest, G. 2004. Répertoire des bénéficiaires de CAAF, version du 31 mars 2004. Direction de la gestion
des stocks forestiers, Ministère des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs du Québec. 92
pages.
Comité national sur l’intensification de l’aménagement forestier. 2003. Pistes d’intensification de
l’aménagement forestier en vue du maintien du niveau de développement économique des régions du
Québec. État des travaux pour la période du 31 mai 2002 au 1er juin 2003. Texte remis au Ministère
des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs du Québec. 70 pages + annexes.
Côté, J.-F. 2004. Rentabilité et retombées économiques de la populiculture pour la société. Consultants
forestiers DGR inc. 14 pages.
Laliberté, F., G. Vallée et L.-J. Lussier. 2000. Dispositif de plantation mixte avec essences à croissance
rapide à Notre Dame de Lourdes – Rapport de suivi opérationnel après une saison de croissance.
Conseillers forestiers de la région de Québec inc. Septembre 2000. 22 pages.
Laliberté, F. 2004. Modélisation économique et ligniculture. Présentation donnée dans le cadre du colloque
« La ligniculture au Québec : de la théorie à la pratique » tenu à l’Université du Québec à Montréal les
11 et 12 mai 2004 dans le cadre du 72e Congrès de l’Acfas.
Messier, C., B. Bigué et L. Bernier. 2003. « L’utilisation des plantes à croissances rapide pour promouvoir la
protection des écosystèmes forestiers au Canada. » In Unasylva, vol. 54, p.59-64.
Parent, B. 1999. Ressources et industries forestières, portrait statistique, édition 1999, Ministère des
Ressources naturelles du Québec. 231 pages. Code de diffusion : RN99-3033.
Parent, B. et C. Fortin (collaborateur). 2003. Ressources et industries forestières, portrait statistique, édition
2003, Édition complète. Ministère des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs du Québec.
Code de diffusion 2003-3511.
Périnet P. 1999. « Les programmes d’amélioration génétique : bilan des réalisations, les peupliers. » In
L’amélioration génétique au Québec : où en sommes-nous ? Actes du colloque tenu à Rivière-duLoup, p. 107-115.
Prégent, G. 1999. Rendement accru et reboisement. Présentation donnée dans le cadre du colloque « Le
reboisement, un outil pour augmenter la productivité forestière » tenu à Québec les 9 et 10 juin 1999.
Prégent, G, V. Bertrand et L. Charrette. 1996. Tables préliminaires de rendement pour les plantations
d'Épinette noire au Québec. Ministère des Ressources naturelles, Direction de la recherche forestière.
Mémoire de recherche forestière no 118. 70 pages.
Mémoire présenté par le Réseau Ligniculture Québec
20
ANNEXE 1
Principe de la TRIADE (ou QUAD) pour un aménagement forestier durable
Aménagement écosystémique (74%)
• Une production de bois réduite
• Rotation plus longue et diversification des coupes
• Maintien d’un certain patrimoine biologique
• Aménagement au niveau du territoire
La TRIADE
Protection intégrale (12%)
• Représentée par tous les
types d’écosystèmes
• Témoins nécessaires
Aménagement intensif (10%)
• Constitué d’espèces indigènes
• Traitements sylvicoles traditionnels
Ligniculture (4%)
• Constitué d’essences à croissance
rapide
Mémoire présenté par le Réseau Ligniculture Québec
21
ANNEXE 2
Jean-François Côté, 2004
Mémoire présenté par le Réseau Ligniculture Québec
22
Jean-François Côté, 2004
Mémoire présenté par le Réseau Ligniculture Québec
23
Jean-François Côté, 2004
Mémoire présenté par le Réseau Ligniculture Québec
24
Jean-François Côté, 2004
Mémoire présenté par le Réseau Ligniculture Québec
25