Montagne des Pères - Le Centre Spatial Guyanais

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Montagne des Pères - Le Centre Spatial Guyanais
Découverte
Montagne des Pères :
Sous les radars, l’histoire
© 2009 ESA-CNES-ARIANESPACE / Optique Video du CSG - P BAUDON
Connue pour abriter les installations radars et télémesures du CNES/CSG, la Montagne
des Pères recèle des trésors naturels et archéologiques méconnus. Par un chemin
de traverse, pénétrons dans les sous-bois d’un site patrimonial remarquable où la forêt
luxuriante dissimule au regard des curieux les vestiges du passé.
La fameuse source d’eau minérale
de la Montagne des Pères.
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Au milieu coule une rivière…
Pas un brin de vent. Détaché sur le bleu d’un
ciel sans nuages, le fameux radar de la colline
Galliot surplombe un paysage édénique. Là,
une majestueuse forêt primaire couronne une
vaste zone de savane herbacée et une autre plus
marécageuse. Là, au cœur du site télémesure
du CSG, singes et agoutis côtoient buses,
rapaces et autres milans à queue fourchue.
Même la harpie féroce s’autorise parfois une
apparition remarquée. Classée Zone Naturelle
d’Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique
(ZNIEEF), la Montagne des Pères abrite plus
de 40 sortes d’oiseaux, des espèces rares
de reptiles, de batraciens et d’insectes qui y ont
trouvé refuge. Au gré d’une promenade, les plus
audacieux pourraient même y rencontrer
l’inquiétant crotale… Mais nous ne nous
aventurerons pas sur ce terrain !
A hauteur de la station de pompage de
Guatemala, la machette à la main, frayons-nous
plutôt un passage parmi les épineux awaras
et les palmiers pinots bordant la petite crique
qui sinue sur les lieux. Cent cinquante mètres
en aval, un trésor nous attend : envahis
d’herbes folles, des vestiges témoignent d’une
présence humaine bien antérieure à celle de
l’ère spatiale. Ici et là, quelques ruines moussues
de murets tentent encore de résister aux assauts
du temps et au poids accablant des chablis.
Epars, à peine visibles parfois, des morceaux
de tuiles, éléments de moulin hydraulique et
de broyeur indiquent au promeneur averti
la présence d’une ancienne habitation.
… où vivaient les Amérindiens
En ce point, nous ne décèlerons toutefois
aucune trace des vestiges de fossés amérindiens
découverts en 1965 par Yves Dejean lors des
études du site du CSG. Bien que le site soit
toujours cité dans la documentation
scientifique comme lieu d’implantation d’une
possible “montagne couronnée”, un “village
fortifié” amérindien fréquenté pendant de
longues périodes, il n’a pas jusqu’à présent fait
l’objet de fouilles suffisamment approfondies
pour livrer tous ses secrets1. En fait, la
Montagne dite des Pères a certes probablement
accueilli une occupation amérindienne à son
sommet. Mais c’est bien dans les récits de pères
jésuites du début du dix-huitième siècle que
leur présence est le plus souvent attestée.
Découverte
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Heurs et malheurs de l’Habitation des Pères
Car c’est aux Jésuites installés dans les environs de Kourou dès
1709 que sont attribuées les traces des vestiges aperçus plus avant.
Le choix de ces derniers de construire une mission sur les lieux
de vie des Amérindiens Kalina afin de faciliter leur travail
d’évangélisation a laissé une empreinte durable au cœur de la
colline – à qui les Pères ont d’ailleurs donné leur nom. Et pour
cause. Après avoir fixé son premier établissement à Kourou, le Père
Lombard obtiendra dès le 28 novembre 1735 une concession pour
installer un second site sur le lieu alors connu sous le nom
de montagne Saint-Xavier. Pendant près de trente ans, les Jésuites
s’emploieront à y ériger un établissement capable d’offrir à ses hôtes
des nourritures terrestres aussi bien que spirituelles… Tirant parti
de la providentielle rivière qui irrigue les lieux, ils mettront en place
une habitation sur la colline, cultivant cultures vivrières, coton
et cacao. Jusqu’en 1762, les religieux règneront alors en maîtres
incontestés sur la seconde plantation de Guyane après l’habitation
rémiroise de Loyola.
C’est alors que la dissolution de l’ordre des Jésuites en France
et dans les colonies met fin à la prospérité de la mission. Expulsés
sur ordre du Roi, les Jésuites se voient progressivement confisquer
leurs biens dans toute la Guyane. L’habitation des Pères ne fera pas
exception. Réquisitionnée au profit des colons de l’expédition
de Kourou menée en 1763 sous l’égide du duc de Choiseul pour
valoriser les terres arables de la région, abandonnée par les
Amérindiens qui fuient de peur d’être réduits en esclavage par
les nouveaux arrivants, l’habitation amorce une période de déclin.
Dès 1764, les plantations de cacao ont largement dépéri, sans doute
du fait d’une mauvaise gestion du gérant de tutelle. Si l’habitation
est toujours mentionnée en 1766 dans les cartes royales, il est
probable qu’elle se soit progressivement éteinte comme la plupart
des exploitations reprises par les colons arrivés par l’expédition
de Kourou. Toujours est-il qu’il faudra attendre plus de deux siècles,
en 1967, pour que le site en sommeil ne renaisse à l’activité
humaine avec l’installation de la station Galliot du Centre Spatial
Guyanais. Mais ceci est une autre histoire… (Cf. encadré) 4
Par Sarah Druet-Lamy
1) Guy Mazière; Marlène Mazière, « L'archéologie amérindienne en Guyane.
Etat actuel de la recherche »
▲ Info utile pour les aventuriers, l’eau dont cette liane est gorgée est potable !
Insolite en pleine végétation, un broyeur témoigne encore de l’activité passée. ▼
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Artémis la pionnière
Dressée au beau milieu des sous-bois tropicaux de la Montagne des
Pères, la première antenne de télémesure Artémis avait bien mérité
son nom de déesse mythologique, sans doute hérité de la station
télémesure Diane d’Hammaguir d’où provenaient les premiers
équipements télémesure du site. Mais c’était sans compter l’esprit
frondeur des pionniers qui l’affublèrent d’un surnom moins flatteur,
comme en témoigne l’ancien chef de département adjoint de
la station Télémesure Michel Jean-Baptiste : « Quand je suis arrivé,
en 1968, il n’y avait que les murs de la station. Les singes nous
jetaient des bâtons : ils nous prenaient pour des envahisseurs !
Lors de la mise en place de la première antenne, Artémis, nous
avons réalisé qu’elle était surdimensionnée en terme de masse.
Nous l’avions surnommé “la grosse Bertha” ».
Pour en savoir plus sur l’installation des moyens télémesure
au CSG, visitez le site consacré aux 40 ans du CSG :
http://www.cnes-csg.fr/
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