Montagne des Pères - Le Centre Spatial Guyanais
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Montagne des Pères - Le Centre Spatial Guyanais
Découverte Montagne des Pères : Sous les radars, l’histoire © 2009 ESA-CNES-ARIANESPACE / Optique Video du CSG - P BAUDON Connue pour abriter les installations radars et télémesures du CNES/CSG, la Montagne des Pères recèle des trésors naturels et archéologiques méconnus. Par un chemin de traverse, pénétrons dans les sous-bois d’un site patrimonial remarquable où la forêt luxuriante dissimule au regard des curieux les vestiges du passé. La fameuse source d’eau minérale de la Montagne des Pères. 38 / LATITUDE 5 / N°87 / JANVIER 2010 Au milieu coule une rivière… Pas un brin de vent. Détaché sur le bleu d’un ciel sans nuages, le fameux radar de la colline Galliot surplombe un paysage édénique. Là, une majestueuse forêt primaire couronne une vaste zone de savane herbacée et une autre plus marécageuse. Là, au cœur du site télémesure du CSG, singes et agoutis côtoient buses, rapaces et autres milans à queue fourchue. Même la harpie féroce s’autorise parfois une apparition remarquée. Classée Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique (ZNIEEF), la Montagne des Pères abrite plus de 40 sortes d’oiseaux, des espèces rares de reptiles, de batraciens et d’insectes qui y ont trouvé refuge. Au gré d’une promenade, les plus audacieux pourraient même y rencontrer l’inquiétant crotale… Mais nous ne nous aventurerons pas sur ce terrain ! A hauteur de la station de pompage de Guatemala, la machette à la main, frayons-nous plutôt un passage parmi les épineux awaras et les palmiers pinots bordant la petite crique qui sinue sur les lieux. Cent cinquante mètres en aval, un trésor nous attend : envahis d’herbes folles, des vestiges témoignent d’une présence humaine bien antérieure à celle de l’ère spatiale. Ici et là, quelques ruines moussues de murets tentent encore de résister aux assauts du temps et au poids accablant des chablis. Epars, à peine visibles parfois, des morceaux de tuiles, éléments de moulin hydraulique et de broyeur indiquent au promeneur averti la présence d’une ancienne habitation. … où vivaient les Amérindiens En ce point, nous ne décèlerons toutefois aucune trace des vestiges de fossés amérindiens découverts en 1965 par Yves Dejean lors des études du site du CSG. Bien que le site soit toujours cité dans la documentation scientifique comme lieu d’implantation d’une possible “montagne couronnée”, un “village fortifié” amérindien fréquenté pendant de longues périodes, il n’a pas jusqu’à présent fait l’objet de fouilles suffisamment approfondies pour livrer tous ses secrets1. En fait, la Montagne dite des Pères a certes probablement accueilli une occupation amérindienne à son sommet. Mais c’est bien dans les récits de pères jésuites du début du dix-huitième siècle que leur présence est le plus souvent attestée. Découverte © 2009 ESA-CNES-ARIANESPACE / Optique Video du CSG - P BAUDON Heurs et malheurs de l’Habitation des Pères Car c’est aux Jésuites installés dans les environs de Kourou dès 1709 que sont attribuées les traces des vestiges aperçus plus avant. Le choix de ces derniers de construire une mission sur les lieux de vie des Amérindiens Kalina afin de faciliter leur travail d’évangélisation a laissé une empreinte durable au cœur de la colline – à qui les Pères ont d’ailleurs donné leur nom. Et pour cause. Après avoir fixé son premier établissement à Kourou, le Père Lombard obtiendra dès le 28 novembre 1735 une concession pour installer un second site sur le lieu alors connu sous le nom de montagne Saint-Xavier. Pendant près de trente ans, les Jésuites s’emploieront à y ériger un établissement capable d’offrir à ses hôtes des nourritures terrestres aussi bien que spirituelles… Tirant parti de la providentielle rivière qui irrigue les lieux, ils mettront en place une habitation sur la colline, cultivant cultures vivrières, coton et cacao. Jusqu’en 1762, les religieux règneront alors en maîtres incontestés sur la seconde plantation de Guyane après l’habitation rémiroise de Loyola. C’est alors que la dissolution de l’ordre des Jésuites en France et dans les colonies met fin à la prospérité de la mission. Expulsés sur ordre du Roi, les Jésuites se voient progressivement confisquer leurs biens dans toute la Guyane. L’habitation des Pères ne fera pas exception. Réquisitionnée au profit des colons de l’expédition de Kourou menée en 1763 sous l’égide du duc de Choiseul pour valoriser les terres arables de la région, abandonnée par les Amérindiens qui fuient de peur d’être réduits en esclavage par les nouveaux arrivants, l’habitation amorce une période de déclin. Dès 1764, les plantations de cacao ont largement dépéri, sans doute du fait d’une mauvaise gestion du gérant de tutelle. Si l’habitation est toujours mentionnée en 1766 dans les cartes royales, il est probable qu’elle se soit progressivement éteinte comme la plupart des exploitations reprises par les colons arrivés par l’expédition de Kourou. Toujours est-il qu’il faudra attendre plus de deux siècles, en 1967, pour que le site en sommeil ne renaisse à l’activité humaine avec l’installation de la station Galliot du Centre Spatial Guyanais. Mais ceci est une autre histoire… (Cf. encadré) 4 Par Sarah Druet-Lamy 1) Guy Mazière; Marlène Mazière, « L'archéologie amérindienne en Guyane. Etat actuel de la recherche » ▲ Info utile pour les aventuriers, l’eau dont cette liane est gorgée est potable ! Insolite en pleine végétation, un broyeur témoigne encore de l’activité passée. ▼ © 2009 ESA-CNES-ARIANESPACE / Optique Video du CSG - P BAUDON Artémis la pionnière Dressée au beau milieu des sous-bois tropicaux de la Montagne des Pères, la première antenne de télémesure Artémis avait bien mérité son nom de déesse mythologique, sans doute hérité de la station télémesure Diane d’Hammaguir d’où provenaient les premiers équipements télémesure du site. Mais c’était sans compter l’esprit frondeur des pionniers qui l’affublèrent d’un surnom moins flatteur, comme en témoigne l’ancien chef de département adjoint de la station Télémesure Michel Jean-Baptiste : « Quand je suis arrivé, en 1968, il n’y avait que les murs de la station. Les singes nous jetaient des bâtons : ils nous prenaient pour des envahisseurs ! Lors de la mise en place de la première antenne, Artémis, nous avons réalisé qu’elle était surdimensionnée en terme de masse. Nous l’avions surnommé “la grosse Bertha” ». Pour en savoir plus sur l’installation des moyens télémesure au CSG, visitez le site consacré aux 40 ans du CSG : http://www.cnes-csg.fr/ LATITUDE 5 / N°87 / JANVIER 2010 / 39