Biographie de Roland Garros

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Biographie de Roland Garros
Roland Garros, 2013 centenaire de la traversée de la méditerranée
Biographie de Roland Garros
par Joël VERGNE
mission mémoire de l'aviation civile
Sommaire
• De sa naissance à sa découverte de l’aviation
• Ses premiers pas de pilote
• Roland GARROS un homme de meetings aériens
• Une extraordinaire conversion comme pilote de courses aériennes
• Pilote de meetings et de courses, il s’illustre également dans les records
et les raids
• Roland GARROS dans la tourmente de 14 – 18, un parcours exemplaire
• Le souvenir d’un pilote à la carrière courte, mais empreinte d’une
polyvalence hors du commun
Roland GARROS - Biographie
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Roland GARROS - biographie
Sommaire
De sa naissance à sa découverte de l’aviation
Roland GARROS nait le 6 octobre 1888 dans l’île de la Réunion, à Saint-Denis, au 17 rue de
l’Arsenal, artère qui, aujourd’hui, porte son nom.
Premier enfant du couple, son père exerce la profession d’avocat.
Vers la fin de l’année 1892, il quitte l’île de la Réunion pour une autre colonie française, celle de la
Cochinchine, où son père a décidé de fonder, à Saigon, un cabinet d’avocat.
Recevant, par manque de structures scolaires, une instruction primaire dispensée par sa mère, il
est obligé de quitter l’Indochine, et le cocon familiale, en avril 1900, il n’a pas encore 12 ans, pour
poursuivre, à Paris, des études secondaires à Stanislas, dans le quartier de Montparnasse.
Développant, en peu de temps, des ennuis de santé et notamment des troubles respiratoires, il
est dirigé vers une annexe de Stanislas à Cannes. Le climat plus clément, ainsi que la pratique
intense de l’exercice physique, lui font recouvrer rapidement la santé. Preuve éclatante, s’il en est,
de son rétablissement, lors de l’année scolaire 1904 - 1905, élève en classe de 1ère au lycée de
Nice, il remporte le championnat de France scolaire, avec l’équipe de football de son lycée, dont il
est le capitaine.
De retour à Paris, pour effectuer l’année scolaire 1905 – 1906, il fréquente la terminale
philosophie du lycée Janson-de-Sailly où il obtient le baccalauréat.
Reçu, en août 1906, au concours d’entrée à HEC, il s’inscrit, pour faire plaisir à son père, qui voit
en lui un avocat, en faculté de droit.
En cette même année, il décroche, endossant un pseudonyme pour l’occasion, le titre de
champion de France cycliste interscolaire de vitesse. Sportif de haut niveau, les portes du très
sélect Stade français lui sont ouvertes par cooptation.
Diplômé en 1908 d’HEC, et de la chambre de commerce britannique, il se fait embaucher, en
septembre de la même année, sans aucune expérience, comme commercial chez le constructeur
d’automobiles Grégoire.
Vendeur hors pair, il se met à son compte dans le courant de l’année 1909 ouvrant, au 6 avenue
de la Grande Armée, adresse prestigieuse, à eux pas de la place de l’Étoile, l’enseigne Roland
GARROS automobiles et voiturettes de sport. Ne se limitant pas uniquement à la vente, il conçoit,
dans la gamme Grégoire, un modèle sport, de type baquet, qui rencontre un grand succès.
Sa vie bascule en août 1909, où il assiste à la Grande semaine, du 22 au 29, de l’aviation de
Champagne. Fasciné par le monde de l’aérien, il revient avec un objectif, celui de devenir pilote.
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Roland GARROS - biographie
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Ses premiers pas de pilote
Désireux de posséder son propre avion, il se rend au 1er salon de la locomotion aérienne, qui se
tient au Grand Palais, et passe commande d’une Demoiselle, avion le moins cher du moment,
proposé à 7 500 francs (27 000 €), conçu par SANTOS-DUMONT, fabriqué par la firme ClémentBayard et qui connait un grand succès à la vente.
Le délai d’attente, allongé pour cause de la grande crue de 1910, Roland GARROS perçoit son
avion vers le mois de mai et apprend, comme souvent à cette époque, seul à piloter.
Voler à Issy-les-Moulineaux n’est pas chose facile, le terrain militaire est clôturé par un mur et les
portes ne sont pas assez larges pour permettre le passage d’un avion. Reste comme solution de
hisser, par-dessus le mur de 1,8 m, les aéroplanes avec l’aide des soldats, moyennant la petite
pièce pour le service rendu. A cette facilité, s’ajoute la présence requise, pour chaque pilote, de 9
militaires, pour le service d’ordre, soit une dépense supplémentaire de l’ordre de trois fois le
salaire journalier d’un ouvrier qualifié par séance.
Enfin, pour ce qui est des horaires, l’aviation est tolérée hors les plages d’usage du champ de
manœuvre à savoir : de 4 à 6 heures le matin, de 12 à 14 heures, et de 16 heures à la tombée de
la nuit.
La première tentative de vol de Roland GARROS, en mai 1910, tourne à la catastrophe. En phase
de roulage, il est percuté par Voisin.
Sain et sauf, par miracle, il voit sa Demoiselle totalement détruite à l’exception du moteur.
Par chance, le pilote de l’avion abordeur est Maurice CLÉMENT, le fils du directeur des
établissements Clément-Bayard. Ce dernier, heureux que GARROS soit indemne, se déclare
totalement responsable de l’accident et s’engage à ce que la maison prenne en charge tous les
frais de remise en état.
Au cours de sa carrière de pilote Roland GARROS, comme beaucoup de sa génération, connaîtra
plusieurs accidents, sans trop de dommages corporels, hormis celui qui lui sera fatal le 5 octobre
1918.
L’avion remis à neuf, il reprend ses tentatives et mettant en commun leurs compétences avec un
autre « demoiselliste » Edmond AUDEMARS, qui deviendra son ami, il réussit dans le courant du
mois de juin de beaux vols.
Marqué par le souvenir de son auto-formation à la pratique du pilotage, et de l’extrême
dangerosité que cela représente, il conçoit un Guide de l’aviateur qui sera édité en 1913 et où il
avance de nombreuses idées novatrices ainsi l’organisation d’un véritable enseignement de
l’aviation dans notre pays.
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Roland GARROS - biographie
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Roland GARROS un homme de meetings aériens
En dépit du fait qu’il n’est pas breveté et que son expérience aérienne, en juillet 1910, se limite à
moins de 3 heures de vol, en 12 sorties, dont les quatre premières ne totalisent pas 5 minutes, il
est engagé, fruit de désistements successifs, pour participer aux journées d’aviation de Cholet du
14 au 17 juillet de cette même année.
Les meetings aériens attirent les foules, outre le fait que cela est bon pour le commerce, les
politiques locaux perçoivent très rapidement tout l’intérêt de ces manifestations et de nombreuses
villes se dotent ainsi de semaine de l’aviation.
Si l’accueille réservé à Cholet aux pilotes est extraordinaire, ils sont exhibés comme des héros
aux quatre coins de la ville, l’humeur des spectateurs va se dégrader à un rythme égal à celui des
conditions météorologiques qui viennent perturber les vols.
Le terrain est envahi, les avions et les pilotes sont menacés. Roland GARROS, prenant des
risques extrêmes, sur un appareil très sensible au vent, va toutefois réaliser quelques vols qui
temporairement appaisent le public.
La semaine achevée, il reste à Cholet où, le 19 juillet, sur le terrain de la Papinière, aujourd’hui
aérodrome Roland GARROS, il se voit attribuer le brevet de pilote, sous le numéro 149, par l’Aéro
club de France, autorité légalement autorisé, depuis 1908, à le décerner.
L’expérience Choltaise n’est pas de nature à décourager Roland GARROS de la pratique des
meetings. Il participe ainsi à ceux de Rennes, où dans des conditions météorologiques très
délicates, il s’obstine à voler et réalise, involontairement un looping, figure non maitrisée à cette
époque et à l’issue très souvent mortelle, puis de Saint-Malo, Dinard, Evreux La Ferté-Vidame.
Dans le courant de 1’année 1910, des fortunes américaines souhaitent organiser un meeting de
grande envergure à New-York, sur le terrain du Belmont Park. A cette époque, la réputation des
pilotes français est telle qu’il est inconcevable, si l’on souhaite attirer le public américain, de ne
pas faire figurer à l’affiche une forte délégation française.
En dépit d’une expérience limitée à six meetings Roland GARROS est retenu avec trois autres
pilotes pour l’aventure américaine.
Le meeting, qui débute le 22 octobre et dure jusqu’au 31 octobre 1910, est un grand succès
populaire et pour Roland GARROS c’est l’occasion de côtoyer les plus grands de l’aviation du
moment.
Belmont Park achevé, pour Roland GARROS l’aventure américaine va se poursuivre avec John
MOISANT, qu’il à connu à Issy-les-Moulineaux, pour une tournée aux Etats-Unis, au Mexique et à
Cuba au sein de la Moisant’s international aviator.
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Roland GARROS - biographie
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Le périple se fait à bord d’un train spécial, comme pour le cirque Barnum, qui emporte de villes en
villes les pilotes, les personnels et les avions démontés ainsi qu’une puissante voiture Fiat de 100
ch pour les courses avion et auto toujours appréciées du public.
Rolland GARROS va se produire dans de nombreuses villes de la cote Est et dans le Sud.
A plusieurs reprises, le temps inclément génère des comportements similaires à ceux de Cholet,
mais à l’américaine cette fois. Ainsi à Chattanooga où aux menaces s’ajoutent les coups de feu ce
qui fera dire quelques années après à Roland GARROS « il fallait choisir entre la mort par
aéroplane ou la mort par le revolver de gros calibre ………nous préférons l’aéroplane pour lequel
nous sommes plus entraînés ». A Houston ce sont les tribunes qui sont incendiées.
Ayant le souci constant de satisfaire le public, Roland GARROS, prend l’air souvent dans des
conditions atmosphériques limites mettant très souvent en jeu sa vie. Au fil des exhibitions, il
affine son pilotage et devient un virtuose sur un avion dont le pilotage reste toutefois très délicat.
Une de ses spécialités est d’entrer dans un nuage et d’y rester un temps suffisant pour déclencher
l’inquiétude des spectateurs puis de réapparaitre brusquement. Cette démonstration lui vaut le
surnom de Cloud kisser.
Moment tragique de cette tournée, le 31 décembre 1910, ou John MOISANT voulant remporter la
coupe Michelin d’endurance se tue non loin de la Nouvelle-Orleans.
Le spectacle néanmoins continu, proche de la frontière avec le Mexique où la révolution sévit et à
cette occasion Roland GARROS avec les pilotes BARRIER et SIMON effectuent des
reconnaissances aérienne, du 7 au 10 février, au dessus les forces insurgées ce qui constitue une
première mondiale en la matière.
Passé au Mexique, le Moisant’s international aviator remporte de grands succès notamment celui
de parvenir à faire décoller un avion depuis Mexico, ville réputée comme impropre à l’aviation,
compte-tenu de son altitude de 2 240 mètres.
Après le Mexique c’est La Havane qui les accueille où Roland GARROS bat un record d’altitude
certes local qui tiendra pendant de nombreuses années.
De retour à Paris, en mai 1911, Roland GARROS, tout en se dirigeant un temps vers une autre
forme d’aviation, ne va pas abandonner les meetings qu’il pratiquera jusqu'à la déclaration de
guerre.
Ainsi, il est embauché, en décembre 1911, pour effectuer une tournée au Brésil et en Argentine
pour les festivités du centenaire de l’indépendance au sein de la Queen aviation company limited.
Dans ce premier pays, outre des premières comme la traversée de la baie de Rio ou le vol SãoPaulo - Santos aller et retour, qu’il réalise, il se voit confier la mission de tester lors d’un premier
vol des officiers destiner à fonder l’aviation militaire brésilienne, la Força aérea brasileira, dont
notamment le lieutenant Ricardo KIRK.
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En Argentine, on continue à apprendre aux élèves du primaire que Roland GARROS a été l’un
des premiers hommes à avoir survolé Buenos-Aires.
Outre les meetings de pure exhibition aérienne, il participe à des meetings où la compétition à sa
place ainsi, à l’été 1912, il est vainqueur de celui de Vienne, en Autriche. Il participe à ses éditions
ultérieures en juin 1913 et juin 1914. Ce dernier sera d’ailleurs son ultime apparition en public.
Depuis son premier meeting de Cholet, la démonstration aérienne à évolué surtout depuis les
expérimentations d’Adolphe PÉGOUD qui a maitrisé, en septembre 1913, le vol tête en bas et le
looping, avec une première présentation au public le 21 de ce même mois.
Figure jadis considérée comme incident gravissime, très souvent fatale, elle devient, en peu de
temps, une figure incontournable de tout rassemblement de qualité.
Roland GARROS, auteur d’un looping involontaire à Cholet, va rapidement assimiler les nouvelles
techniques de vol et devenir un excellent pilote d’acrobatie, simulant, pour la première fois, devant
un public émerveille, un combat aérien au dessus du terrain de Juvisy, le 10 mai 1914, avec son
ami de toujours Edmond AUDEMARS ; exhibition prémonitoire.
Devenu célèbre, tant pour ses exploits lors des courses aériennes, ses records d’altitudes où son
raid au dessus de la Méditerranée, il accède au statut d’authentique star dont l’unique présence à
l’affiche du meeting est l’assurance de son succès ainsi, le 29 septembre 1913, au meeting de
Reims où il est longuement ovationné.
Homme d’une grande générosité, il le prouve lorsque Jules VÉDRINE, excellent aviateur,
vainqueur du Paris - Madrid, mais au tempérament bouillant, se retrouve sans avion et sans
constructeur, à l’état de chômeur, en lui offrant son avion qui lui permettra d’effectuer ainsi son
plus grand exploit un Villacoublay - Le Caire.
Il le prouve à nouveau lorsque le constructeur automobile Ettore BUGATTI, fuyant l’Alsace, alors
territoire allemand, vient se réfugié en France et connait de graves difficultés financières, en
mettant, le 15 avril 1915, à sa disposition sa fortune personnelle de l’ordre de 200 000 francs
(540 000 €).
Il fonde également une association appelée le Groupe qui réunit une quinzaine de pilotes qui,
comme lui, vivent bien de l’aviation et dont le but est de venir en aide à des camarades dans le
besoin et à leur famille.
Le premier et dernier meeting caritatif mené par Roland GARROS se tiendra le 14 mai 1914 à
Juvisy, réunissant un plateau de rêve, avec tous les plus grands noms du moment, la
manifestation dégage une recette conséquente.
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Une extraordinaire conversion comme pilote de courses aériennes
Homme de meeting incontesté Roland GARROS va s’orienter à son retour d’Amérique, en mai
1911, à l’issue de son temps au sein du Moisant’circus dans une forme d’activité aérienne
nouvelle : la course de ville à ville, épreuve sportive déjà très en vogue pour le cyclisme et
l’automobile et qui à son tour vient toucher l’aviation.
Si la pratique du meeting nécessite des capacités de manœuvrier que Roland GARROS maitrise
parfaitement, la course requiert, quant à elle, des compétences dans l’art de la navigation
aérienne. A cette époque, les aides disponibles sont la boussole et la carte, et la tâche, déjà peu
facile par beau temps, devient très délicate par visibilité réduite, voire impossible.
Même bien interprétés, les indications données par les cours d’eau, les points remarquables
naturels ou résultat de la construction de l’homme, voire les voies ferrés et les routes restent d’une
aide toute relative.
Dans le domaine de la navigation aérienne Rolland GARROS s’est documenté mais ne dispose
que d’une expérience limitée quand il s’engage dans cette nouvelle pratique aérienne.
La course exige également la capacité de rester en vol pendant de longues heures, exposé au
vent relatif, aux intempéries et aux projections d’huile et dans ce domaine le vécu de Rolland
GARROS est réduit. Son vol le plus long est d’une durée d’une heure au dessus de Dallas où il se
perd d’ailleurs.
Néanmoins, outre sa constitution d’athlète, qui lui est d’un grand secours, il apprend très vite.
Le 21 mai 1911, il est au départ du Paris – Madrid, course de 1 163 km, organisée par le quotidien
Le Petit Parisien, qui apparaît à l'époque comme une tentative surhumaine tant par la longueur du
parcours qu'elle impose aux concurrents que par les difficultés qu'elle semble accumuler, surtout
en territoire espagnol. Aux commandes d’un Blériot XI, Roland GARROS prend l’air, à 5h 16,
devant une foule estimée à plus de 200 000 spectateurs.
Sur les 27 concurrents engagés, GARROS est le seul à réaliser, le jour même, la première étape
(Issy-les-Moulineaux – Angoulême) et est rejoint, le lendemain, par deux autres ce qui donne au
classement général provisoire VÉDRINE, GARROS, GIBERT. Un seul arrivera à Madrid-Getafe,
Jules VÉDRINE, en 12 h 18 minutes (le train le plus rapide de cette époque met quant à lui 26
heures 7 minutes).
Roland GARROS se voit déclaré second en dépit d’un atterrissage forcé dans un torrent près d’Andoain, au
pays basque espagnole, il est en effet, après le vainqueur celui qui est allé le plus loin.
Outre les problèmes techniques, qui furent légion, l’épreuve est endeuillée, dès ses débuts,
lorsque l’avion de Emile TRAIN en retour terrain à 6h 30 percute et blesse grièvement Maurice
BERTEAUX, ministre de la Guerre, qui meurt quelques minutes plus tard et Ernest MONIS,
président du Conseil. Sont moins gravement atteintes Henry DEUTSCH de la MEURTHE,
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Roland GARROS - biographie
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bienfaiteur de l’aéronautique, un des créateurs en 1898 de l’aéro-club de France, ainsi que deux
autres victimes.
Renté à Paris le 26 mai, en fin de journée, après un périple en train de plus de 24 heures, Roland
GARROS entame, le lendemain 27, le Paris - Rome course patronnée par Le Petit Journal avec
21concurrents inscrits.
Parti du terrain de Buc, plus éloigné de Paris et donc moins susceptible d’être envahi par la foule
difficilement contrôlable, Roland GARROS se classe second derrière BEAUMONT à Avignon et à
Nice mais fini par prendre la tête à Pise.
Lors de l’ultime étape, suite à un grave problème moteur, il effectue un atterrissage d’urgence non
loin de la ville de Cecina où l’appareil est détruit ce qui permet à BEAUMONT d’arriver le 31 mai à
Rome.
Parvenant à percevoir un appareil de replacement, Roland GARROS reprend l’air mais arrive
dans la Ville éternelle le 1er juin, dans l’après midi, se classant second.
Le 18 juin, le Circuit européen, course organisée par le quotidien Le Journal devant relier les villes
de Paris, Reims, Liège, Bruxelles, Calais, Londres et Paris part depuis Vincennes sur le champ de
manœuvre.
Le départ se fait dans des circonstances dramatiques, outre des violents heurts avec les forces de
l’ordre qui n’arrivent pas à canaliser la foule estimée entre 500 000 et 1 000 000, trois pilotes
trouvent la mort, le lieutenant PINCETERAU sur le terrain d’Issy-les-Moulineaux, en voulant
rejoindre Vincennes, LEMARTIN quelques minutes après son décollage, et enfin LANDRON près
de Château-Thierry. Au total 41 concurrents prennent le départ.
GARROS se voit contraint de faire trois retours terrain pour des ennuis mécaniques.
Outre un temps qui devient rapidement peu propice au vol, il est frappé par une crise de
paludisme alors qu’il est en route vers Liège et se voit obliger de faire des efforts surhumains pour
piloter son avion. On lui conseille, à plusieurs reprises, et notamment des médecins,
d’abandonner.
7ème à la première étape, il remonte, preuve de sa pugnacité dans le classement à Utrecht se
hissant à la 3ème place.
Sa santé s’améliore à Bruxelles et Rolland GARROS revient en seconde position derrière
BEAUMONT.
Lors de l’étape Calais - Douvres, le 3 juillet, ce sont onze avions qui franchissent la Manche dans
la matinée, et 9, le 6 juillet, lors de l’étape inverse Douvres - Calais. Deux années seulement les
séparent de l’exploit de Louis BLÉRIOT.
Arrivée devant BEAUMONT à Vincennes Roland GARROS croit un moment tenir la victoire.
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Il n’en est rien, BEAUMONT arrive à son tour et lui ravit, cette fois encore, la première place au
classement général.
Roland GARROS se voit alors qualifier par la presse d’éternel second. Chose réelle certes mais
qui indique, avec certitude, l’avènement proche d’un pilote d’exception.
En effet la situation va changer l’année suivante, en 1912, notamment avec le circuit d’Anjou la
seule épreuve intéressante selon Roland GARROS de cette saison.
Il s’agit d’accomplir 7 fois en deux jours, le 16 et 17 juin le circuit Angers - Cholet – Saumur Angers soit une distance de 1 102 km.
La course attire le plus beau plateau de pilotes et de machines que l’on puisse espérer et tous les
grands de la politique du moment sont venus apporter leur soutien.
Roland GARROS vole sur Blériot XI.
La course part dans un temps épouvantable, mélange de vent violent et de pluie, qui n’empêche
pas Roland GARROS de s’élancer et de prendre la première place dès le premier tour, moment
de la course où ne restent déjà plus que quatre concurrents en lisse, nombre bientôt réduit à deux
Roland GARROS et Marcel BRINDEJONC des MOULINAIS, un jeune espoir.
A l’issue du second tour, dans des conditions climatiques qui ne se sont pas arrangées, Roland
GARROS, aux limites de l’épuisement, pense être seul en course et termine le troisième tour en
mois de 8 heures. BRINDEJONC qui a repris la course après un long arrêt boucle son troisième
tour, après la fin du contrôle, ce qui a pour effet de le mettre hors course.
La seconde journée ne sera qu’une formalité et Roland GARROS est déclaré vainqueur du Circuit
d’Anjou et se voit remettre le Grand Prix de l’Aéro-club de France pour 1912. A cette occasion
l’éternel second de 1911 se voit qualifié de champion des champions.
Lors des compétitions Roland GARROS connait des pannes multiples l’obligeant à effectuer des
atterrissages en campagne pour réparer par lui-même, lorsque cela est possible, ou trouver de
l’essence ou prévenir l’équipe logistique. Ses qualités de coureur à pied et de cycliste seront d’un
grand secours pour, au milieu de nulle part, rejoindre un village.
Le paroxysme de ces situations, impensables de nos jours, est peut être lors du Paris - Rome où,
seul dans la campagne italienne, il se campe au milieu d’une voie ferrée et arrête un train dont le
mécanicien ne fait aucune difficulté à le déposer à la gare la plus proche où il pourra obtenir de
l’aide. Dans tous les cas les témoins de ses atterrissages forcés, gens simples le plus souvent qui
n’ont jamais vu de près un avion et un homme volant, font preuve de la plus extrême gentillesse
pour lui venir en aide.
Le 16 avril 1913, en dépit d’une expérience sur hydravions récente, et d’un Morane-Saulnier sousmotorisé par rapport aux autres candidats, il se classe troisième lors de la première édition de la
coupe Schneider à Monaco.
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La même année, on le retrouve, le 6 octobre, au départ du circuit des lacs, première course
d’hydravions organisée en Italie aux commandes d’un Morane-Saulnier.
Lauréat de l’épreuve de vitesse et en dépit de problèmes mécaniques le forçant à un abandon
temporaire, il est déclaré, en application d’un règlement aussi subtile qu’étrange, vainqueur.
Le 14 avril 1914, il participe au circuit de Monaco épreuve organisée par la quotidien Le Journal.
L’épreuve se compose de 7 trajets égaux venant de plusieurs pays avec un regroupement à
Marseille puis d’un parcours maritime jusqu’à Monaco et pour se terminer par un circuit de 20 km
devant la principauté.
Lors de cette épreuve Roland GARROS, parvenu au sommet de son art, va réaliser une
performance sans précédents en remportant les 2 premiers prix et 4 prix spéciaux.
Pilote de meetings et de courses, il s’illustre également dans les records et les
raids
De retour de sa tournée américaine, en mai 1911, Roland GARROS souhaite inscrire son nom
dans la discipline des records et notamment celui d’altitude qui lui parait être le plus utile pour
concourir au développement de l’aviation.
Lorsqu’il décolle, le 4 septembre 1911, de Cancale, sur Blériot XI, le record à battre est de 3 350
m et date seulement du 8 août de la même année. Après une montée sans problème technique,
mais gêné par le froid et un intense bourdonnement d’oreille, il se pose croyant avoir atteint 4 250
m. Le barographe scellé, posée par l’Aéro club de France, ne retiendra que 3 950 soit toutefois un
gain de 600 m. Roland GARROS signe ainsi son premier record.
Un an après, toujours sur un Blériot XI, mais avec une motorisation plus puissante et en dépit de
la casse dudit moteur, suivi d’un atterrissage d’urgence, il porte, le 5 septembre 1912, le record
d’altitude à 4 960, avec l’aide d’une assistance respiratoire sommaire, en tétant de l’oxygène, soit
plus de 1 000 m au regard de sa dernière performance.
Ce record est battu le 17 septembre par LEGAGNEUX avec une montée à 5 450 m sur MoraneSaulnier.
Déçu, mais caressant un projet personnel de liaison Tunis - Rome, il se transporte en Tunisie et,
avant d’entreprendre ce raid, il tente de regagner son record d’altitude. Après deux tentatives
infructueuses, il atteint, sur Morane-Saulnier, avec le même principe d’assistance respiratoire, le
11 décembre 1912, l’altitude de 5 610 m.
Une semaine après cet exploit, il se lance dans le raid Tunis - Rome.
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La première étape le conduit, le 18 décembre 1912, de Tunis à Trapani (Sicile) soit un parcours
de 285 km dont 228 sont effectués au-dessus de la mer. L’événement est de dimension mondiale,
il s’agit en effet de la première liaison intercontinentale et d’un record de distance au dessus de la
mer.
Le 21 décembre 1912, après un magnifique parcours littoral, il achève la liaison Trapani - SantaEufenia soit 415 km.
Le lendemain, il décolle de Santa-Eufenia, fait une escale à Naples et enfin touche Rome après
un périple de l’ordre de 500 km, ovationné par une foule nombreuse. La longueur des étapes
dépasse tout ce qui à été réalisé auparavant et notamment avec trois records de distance audessus de la mer.
En début d’année 1913, il se voit attribuer le Prix de l’Académie des sports (Prix Henri Deutsch de
la Meurthe) au titre de l’année 1912.
Ses exploits en annonce un autre encore plus grand, la traversée de la Méditerranée, initiative
personnelle réalisée à ses frais.
L’avion retenu, comme pour le Paris - Rome, est un Morane-Saulnier de type H à moteur Gnome
de 60 ch spécialement équipé pour recevoir 200 litres d’essence et 60 litres d’huile de ricin, soit
une autonomie de huit heures de vol consécutives.
Peu de gens sont au courant de cette tentative.
Le 23 septembre 1913, à 5 h 47, il décolle du terrain du centre d’aviation de la Marine de Fréjus.
Après une heure de vol le moteur enregistre une première avarie mais continue de tourner
émettant, avec régularité toutefois, un bruit anormal.
Il est aperçu vers 8h au dessus des iles Sanguinaires puis c’est la Sardaigne, qu’il passe
lentement du fait des vents contraires, enfin on le signale à Caligari vers 11 h 30.
Se sachant en retard et soucieux de ménager son carburant, il prend de l’altitude.
Réduisant le régime moteur à son maximum, il frôle le calage, et sachant qu’il ne pourra pas
atteindre Tunis, destination initiale, il envisage de toucher à Bizerte, à 60 km au Nord de sa
destination initiale.
N’ayant plus que 10 litres de carburant, il aperçoit enfin les côtes africaines et se pose a 13 h 40,
après un vol de 7h 53 mn sur le terrain de manœuvre de Bizerte (Fréjus - Bizerte, 729 km) où
personne ne l’attend, avec en réserve 5 lites d’essence.
Compte tenu de la route suivie par GARROS, il a parcouru 400 km au dessus de la mer sur un
parcours estimé à 800 km compte-tenu de son crochet vers Ajaccio.
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Roland GARROS dans la tourmente de 14 – 18 un parcours exemplaire
Lors du mois de juillet 1914 GARROS, accompagné de SAULNIER sont en Allemagne à
l’invitation du pilote Helmuth HIRTH pour visiter des constructeurs.
Encore présent à Berlin, le 29 juillet, ils rentrent en France juste avant la fermeture de la frontière.
Non soumis aux obligations militaires en sa qualité d’originaire d’une colonie il souscrit, aux
premiers jours d’août 1914, un engagement pour la durée de la guerre.
Incorporé pour ordre au 27ème bataillon de chasseurs à pied, il est détaché immédiatement dans
l’aéronautique militaire qui n’étant pas une arme spécifique dépend de l’Armée de terre.
Affecté à la MS 23 en cours de constitution et seule unité à être composées de Morane-Saulnier
de type parasol, il monte en première ligne.
Le 20 août, il effectue sa première mission de reconnaissance dans le secteur de Nancy puis est
dirigé vers Amiens donnant, à chaque fois que cela est possible, la chasse aux avions allemands
rencontrés. Les combats de cette époque se limitent à des tirs de mousqueton effectués par le
passager observateur.
Le 7 octobre, il participe à une mission de bombardement vers Bapaume.
Le 12 octobre, il est affecté au Camp retranché de Paris, officiellement pour concourir à la défense
aérienne de la capital et réellement pour la mise au point de la mitrailleuse fixe tirant dans le
champ de rotation de l’hélice, à la demande expresse de Raymond SAULNIER, qui à travaillé sur
la question, ainsi que pour la conception du premier chasseur monoplace de l’histoire de l’aviation.
De cette époque, on doit également à Rolland GARROS un mémoire, de bonne facture, adressé
au Grand quartier général sur l'avion de chasse tel qu'il le conçoit et qui sera utilisé à travers le
monde dans les prochaines décennies preuve, si besoin est, de la qualité de son jugement.
Parvenu, après bien des hésitations, à un résultat acceptable, il retrouve le front, en février 1915,
au sein de la MS 26 qu’il rejoint, dans le secteur de Dunkerque, à bord de son Morane-Saulnier L
Parasol équipé de son système de tir.
Le 1er avril 1915, muni du dispositif qu’il a mis au point, il remporte une première victoire sur un
Albatros, suivi le 15, d’une autre sur un Aviatik et enfin le 18 avril, au matin, une troisième victoire
sur un autre Albatros vient s’ajouter à son palmarès. Avec un total de trois victoires en quinze
jours, Roland GARROS a réalisé une première mondiale qui suscite bien des interrogations chez
l’ennemi.
Dans l’après-midi de ce même 18 avril, lors d’une mission de bombardement, Roland GARROS
doit se poser en territoire ennemi, vers Courtrai, en Belgique.
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Roland GARROS - biographie
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N’étant pas parvenu à incendier en totalité son avion, il est fait prisonnier et les restes de l’appareil
sont confiées à Anthony FOKKER, ingénieur néerlandais réputé, travaillant pour les Allemands,
qui adapte le dispositif en moins d’une semaine.
Prisonnier en Allemagne Roland GARROS va connaître dés les débuts une détention très dure.
Détenu récalcitrant, ne songeant qu’à s’évader, il est transféré de camp en camp à de
nombreuses reprise ce qui ne l’empêche pas, à chaque fois, de concevoir un plan nouveau.
Il parvient notamment à faire parvenir en France une grille qui lui permettra, à partir de lettres
banales, de donner des informations précises sur sa détention. Ainsi, courant octobre 1917, il
commence à bâtir avec ses amis en France, dont SAULNIER, un plan où le terrain de football du
camp pourrait être transformé en zone d’atterrissage.
Engagé avec ses camarades dans la construction d’un certain nombre de tunnels, il connait le
transfèrement, quelque fois à seulement quelques mètres de la sortie, quant ce n’est pas
l’abandon du projet achevé, ainsi lors d’un ouvrage débouchant dans un cimetière, fruit d’une
topographie des lieux mal maîtrisée.
Le 15 février 1918, déguisé en officier allemand, avec un compagnon d’infortune nommé
MARCHAL, pilote lui aussi, mais qui a pour particularité de parler l’allemand comme un originaire,
ils réussissent à sortir du camp, trompant les multiples contrôles, et vêtus par la suite en civil, ils
gagnent les Pays-Bas puis l’Angleterre.
Revenu en France, ils sont reçus par Georges CLÉMENCEAU qui, médecin de formation,
constate que la condition physique de Roland GARROS a beaucoup souffert de la détention
notamment la vue, et lui offre un poste de conseiller technique qu’il refuse.
La convalescence achevée, il entreprend une formation de remise à niveau car en près de trois
années, les avions ont bien changés.
Il retrouve son ancienne unité la MS 26, le 20 août 1918, devenue la SPA 26, qui fait désormais
partie du GC 12 (le Groupe de combat 1/2) qui regroupe les quatre plus prestigieuses escadrilles
des Cigognes.
Le 2 octobre 1918, il remporte une victoire sur Fokker soit un total de 4 victoires homologuées.
Le 5 octobre, suite à un combat aérien, à Saint-Morel dans les Ardennes, un témoin voit son avion
se désintégrer.
La dislocation de l'appareil pourrait être due à un dérèglement du système de synchronisation qui
aurait amené une balle à sectionner une des pales de l'hélice, l'autre pale, continuant à tourner,
aurait pu, par la force d'inertie, détruire l'appareil en plein vol.
Le 12 octobre 1918, les troupes françaises libèrent Vouziers (08), et découvrent la tombe de
Roland GARROS.
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Roland GARROS - biographie
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Le souvenir d’un pilote à la carrière courte mais empreinte d’une polyvalence
hors du commun
La carrière aéronautique de Roland GARROS est courte (mai 1910 - octobre 1918) et il convient,
sur cette période, de retirer 34 mois de captivité ce qui fait en gros une pratique aérienne de
l’ordre de 59 mois si l’on ne tient pas compte des 8 derniers mois de sa vie.
En dépit de cette brièveté, le nom GARROS n’est pas tombé dans l’oubli. De nombreuses
communes de France, de la grande ville au petit village, et de toute sensibilité politique, ont tenu à
donner de nom de Roland GARROS à une artère.
Son île natale est allée plus loin dans le domaine du souvenir. Outre la rue de sa naissance, à
Saint-Denis, sa statue le représentant appuyé sur une hélice s’élève sur la place du Barachois,
haut lieu dionysien.
Les sites aéronautiques de l’ile ne sont pas en reste. le principal aéroport international de l’ile, à
Sainte-Marie, a aujourd’hui pour appellation commerciale Aéroport de La Réunion Roland-Garros.
Portent également son nom sur la plate-forme, l’aéro-club, la base aérienne 181 : Lieutenant
Roland GARROS où, sa statue œuvre du sculpteur réunionnais Marco AH KIEM a été inaugurée,
en juin 2008. Enfin, le lycée du Tampon porte lui aussi son patronyme.
Le nom de Roland GARROS est si fortement attaché au tennis que certains en viennent à penser
qu’il fut une sorte de Yannick NOAH dans une époque forte ancienne.
Il est exact que Roland GARROS avant de se dédier à l’aviation était un sportif de haut niveau
dans la catégorie universitaire. Il contribue à mener au titre de champion de France scolaire de
football son équipe du lycée de Nice, puis il est champion de France cycliste, interscolaire, en
vitesse, en 1906.
Il se lie d’amitié avec Emile LESIEUR un condisciple d’HEC passionné de rugby à XV, qui sera
même international, auteur du premier essai français, du premier match, du premier Tournoi des
cinq nations, qui le parraine pour entrer au très sélect Stade français.
Quant au tennis, Roland GARROS le pratique, il est vrai, mais seulement en amateur.
En 1927, Emile LESIEUR, devenu président du Stade français impose, avec toute la force d’un
ancien international de rugby, le nom de son ami disparu au combat, le 5 octobre 1918, au futur
stade de tennis à construire pour accueillir les épreuves de la Coupe Davis qui doivent se dérouler
à Paris en 1928.
Pour mémoire, il convient de ne pas oublier que le complexe Roland GARROS, dédié à la
pratique du tennis, fut dévoyé de sa fonction, sous l’occupation, pour y interner des juifs
originaires d’Allemagne et d’Autriche, qui avaient fui le régime nazi.
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