comparaison des lasers femtoseconde
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comparaison des lasers femtoseconde
à savoir Comparaison des lasers femtoseconde Partie 1 : Chirurgie cornéenne Dr Michael Assouline* Introduction Le Lasik a été révolutionné par l’introduction du premier laser femtoseconde (IntraLase en 2001 par Abbott Médical Optics). La réalisation du volet au laser femtoseconde a amélioré la sécurité et la précision optique de l’intervention et est devenue la technique de choix pour tous les chirurgiens ayant accès à la technologie. D’autres applications sont apparues rapidement dans le domaine de la chirurgie cornéenne : • incisions relaxantes arciformes ; • kératoplasties lamellaires ; • kératoplasties à géométrie de bord mécaniquement stable (en “champignon”, en “chapeau” en “sapin de noël” ; • correction de la presbytie par kératotomies annulaires relaxantes intrastromales concentriques (IntraCor). Cinq modèles de lasers femtoseconde sont actuellement disponibles pour la chirurgie cornéenne : • IntraLase FS150 (Abbot Medical Optics)*; • LDV Da Vinci (Ziemer) ; • Femtec (Technolas Perfect Vision) ; • Visumax (Zeiss Meditec)*; • UltraFlap 200 (Wavelight Alcon). Quatre modèles sont ou seront proposés commercialement à court terme pour la chirurgie de la cataracte, et seront abordés plus en détails dans la deuxième partie de cet article : • Lensar ; • LensX ; • Optimedica ; • Femtec (Technolas Perfect Vision)*. * dont nous disposons à la Clinique de la Vision – Paris * Centre Iéna Vision & Clinique de la Vision, Paris www.ienavision.fr Pratiques en Ophtalmologie • Février 2012 • vol. 6 • numéro 51 Principes généraux Pulse Les lasers femtoseconde utilisent une longueur d’onde de 1 053 nm dans l’infrarouge proche, similaire à celle du laser Nd YAG mais avec des durées de pulse beaucoup plus courtes (de l’ordre d’une femtoseconde au lieu d’une nanoseconde). L’effet disruptif obtenu par ce temps très court du claquage optique limite les lésions tissulaires adjacentes et peut être modulé par la variation de quelques paramètres simples : • disposition géométrique des pulses ; • fréquence (durée ou taux de répétition) des pulses ; • énergie des pulses ; • taille des spots. Clivage du tissu Le claquage optique dépend d’une relation entre la durée et l’énergie du pulse (un pulse plus long nécessite une énergie plus élevée). Ce claquage optique induit la formation d’un plasma ionisé et d’une bulle de cavitation, dont l’expansion permet le clivage (disprution) du tissu. La taille des bulles de cavitation détermine l’énergie et l’espacement requis pour obtenir un clivage continu du tissu (faible énergie petite bulle espacement plus réduit nécessaire, avec une augmentation du nombre et un éventuel chevauchement des impacts). Ouverture numérique optique L’ouverture numérique optique du laser permet de régler le diamètre et le volume des spots. Une ouverture plus élevée améliore la focalisation et la précision de la profondeur du traitement et diminue l’énergie nécessaire en réduisant la dispersion. Fréquence Les premiers modèles avaient une fréquence faible (15 KHz) et une énergie très élevée, entraînant la formation de bulles de grandes tailles et d’une interface 57 à savoir de dissection plus grossière que celle obtenue avec les modèles plus récents (150-1 000 KHz). Les fréquences élevées, avec une petite taille de spot et une faible énergie, contribuent à l’obtention de surfaces plus lisses et à réduire l’inflammation induite par l’onde de choc mécanique associée à l’effet tissulaire. Cette onde de choc est responsable par exemple du syndrome de photophobie transitoire (TLS pour transient light sensitivity) observé avec les premiers modèles. Durée de la procédure Le temps de la procédure est également réduit par une fréquence plus élevée (plus de 30 secondes initialement et 6 à 17 secondes actuellement pour un volet de Lasik). Disposition géométrique La disposition géométrique des impacts dans l’espace est extrêmement variée pour un même modèle, en fonction des applications souhaitées, et selon les modèles de laser. Cette disposition géométrique doit tenir compte de l’interférence des nouveaux impacts avec les bulles de cavitation déjà formées dans le tissu, notamment lors des superpositions destinées à la création d’incisions verticales (bord du volet, anneau limitant d’une kératoplastie, incisions relaxantes cornéennes, anneaux de l’IntraCor). Modes de découpes Les modes de découpes lamellaires “horizontales” actuels sont soit de type raster (balayage horizontal linéaire analogue à celui d’une télévision) soit de type spirale (débutant au centre et s’étendant vers la périphérie ou l’inverse). L’interface semble plus lisse avec le mode raster que le mode spirale pour l’Intralase, mais d’autres modèles (Visumax par exemple) utilisent préférentiellement le mode spirale. Anneau de succion En chirurgie cornéenne, la précision de la délivrance géométrique des impacts est garantie par l’aplanation mécanique de la cornée et la solidarisation de l’interface laser avec la surface oculaire au moyen d’un anneau de succion. Les modèles utilisant une interface plane (AMO IntraLase, Waveligh Alcon, et LDV Ziemer) nécessitent une pression plus forte pour aplatir la forme cornéenne. Les modèles utilisant une interface concave de courbure proche de celle de la cornée (Visumax Zeiss Meditec, Femtec Technolas Perfect Vision) apportent le bénéfice d’une pression “d’aplanation” plus faible et également d’une moindre distorsion de la forme cornéenne lors de la délivrance des impacts, ce qui permet une meilleure exactitude géométrique de leur disposition effective (par exemple meilleure circularité des volets de Lasik et des tunnels pour implantation de segments intracornéens, meilleure orthogonalité des anneaux de l’IntraCor). La succion exercée par l’interface patient (PI) est localisée à la sclère pericornéenne, et peut être pénalisée par un chémosis conjonctival (inflammatoire lié à une conjonctivite ou mécanique, par exemple à la suite de la répétition infructueuse de plusieurs tentatives d’aplanation). Dans le Visumax, la succion est apliquée directement au limbe et à la cornée périphérique. Focalisation En chirurgie intraoculaire de la cataracte, le contrôle de la focalisation précise du laser au niveau du tissu cible (capsule et noyau cristalliniens notamment) nécessite l’emploi d’une technologie spécifique d’imagerie 3D en temps réel, de haute résolution par OCT ou microscopie confocale, capable d’intégrer les variations minimes mais significatives de position de ces structures avec les modifications peropératoires de la pression intraoculaire ou artérioveineuse. Ces systèmes seront peut-être appliqués à la cornée par la suite. Spécificités de chaque plateforme Chacune des plateformes femtoseconde cornéennes présente des spécificités propres. Laser Intralase FS150 (Abbot Medical Optics) (Fig. 1) Le type de cet anneau de succion (aussi appelé PI pour patient interface) et la pression d’aspiration varient selon les modèles. Le laser Intralase FS150 (Abbott Medical Optics) est la 5e génération de laser femtoseconde pour cette marque. Le dernier modèle offre une fréquence nettement améliorée (de 15 à 150 KHz) ainsi que des possibilités de programmation très étendues, notamment pour les chirurgies cornéennes comme les volets de Lasik (Flap procedures, Intralasik ou UltraLasik), l’implantation d’anneaux intracornéens (Ring pro- 58 Pratiques en Ophtalmologie • Février 2012 • vol. 6 • numéro 51 Comparaison des lasers femtoseconde lement) dans le but de façonner un biseau permettant l’engrènement périphérique du volet et d’améliorer sa stabilité en réduisant le risque d’invasion épithéliale. L’intérêt de cette capacité d’ajustement est également diminué par la nécessité de réduire, dans le cas d’un angle de découpe élevé, le diamètre maximum du volet réalisable. Pour les kératoplasties, la qualité de la découpe lamellaire profonde (au-delà de 250 µm) paraît insuffisante pour rivaliser avec les techniques manuelles prédescemétiques. L’interface patient plane nécessite une pression de succion assez élevée pour garantir la stabilité de l’immobilisation du globe et la qualité de la découpe. Figure 1 - IntraLase FS150 AMO. cedures), les incisions arciformes relaxantes (IEK) , et les kératoplasties lamellaires ou transifixiantes. C’est celui que nous utilisons le plus actuellement (et depuis 2005) pour la découpe des volets, les IEK et les segments intracornéens pour le kératocône. Ce laser utilise des pulses d’énergie assez élevée (1,2 à 1,8 MJ selon les procédures). La principale conséquence de cette énergie élevée est la formation de la couche de bulles opaques (OBL pour Opaque Bubble Layer), qui pénalisent l’homogénéité de l’effet photoablatif du laser excimer et l’utilisation d’Eyetracker basés sur la reconnaissance de la microtexture de l’iris. Il est possible de programmer une poche d’expansion permettant l’évacuation de ces bulles, mais ceci se fait au détriment du diamètre maximum du volet. Il est également possible d’attendre quelques minutes la dissipation des bulles disruptives, ou de les “effacer” par friction, notamment si la photoablation périphérique, au niveau de la charnière, jouent un rôle important pour l’effet réfractif attendu. Cette pression élevée utilisée crée un risque non négligeable (et concrétisé au moins une fois, à notre connaissance, par l’un de nos collègues britanniques) d’hémorragie expulsive lors de la découpe nécessaire aux kératoplasties transfixiantes. Par ailleurs, la pression élevée requise pour l’aplanation au moyen d’une interface plane crée une distorsion plus importante de la forme cornéenne, qui pénalise légèrement l’exactitude géométriques des tracés en cas de déformation cornéenne préexistante. Par exemple, dans le kératocône, la tunnellisation requise pour l’implantation de segments intracornéens est moins circulaire et parfois mois facile à centrer, sans que ces problèmes entraînent une limitation significative de l’efficacité clinique. La pression de succion s’accompagne également volontiers (de façon quasi constante) d’ecchymoses conjonctivales bénignes et transitoires mais esthétiquement gênantes dans le contexte d’une chirurgie réfractive avec réhabilitation visuelle immédiate. Laser Femtec (Technolas Perfect Vision) (Fig. 2) Pour la réalisation des volets cornéens, l’IntraLase offre une qualité de contrôle visuel (à l’écran) du positionnement de la découpe très performante en cas notamment de difficulté de centrage de l’anneau de succion. Cependant, le recentrage digitalisé de la découpe entraîne souvent une réduction du diamètre possible de la découpe (normalement jusqu’à 9,50 mm) qui limite l’utilité de cette capacité d’ajustement. Une amélioration a été introduite dans la dernière version pour modifier l’angle de découpe des bords du volet (normalement de 80°, possible jusqu’à 120° actuel- Le laser Technolas Femtec utilise une interface concave et une faible pression d’aplanation. Sa fréquence insuffisante jusqu’ici le rendait moins efficace pour la réalisation des volets de Lasik et nous ne l’avons utilisé jusqu’ici que pour l’application IntraCor, pour la correction multifocale de la presbytie chez les sujets emmétropes. L’intérêt de ce laser va donc se renforcer du fait de l’augmentation de la fréquence et de l’adjonction sur la même plateforme d’un système dédié à la chirurgie de la cataracte au laser femtoseconde, incluant, outre les interfaces patients spécifiquement adaptées et les fonctions logiciel, un système de contrôle en temps réel 3D OCT performant et un microscope opératoire de qualité chirurgicale. Pratiques en Ophtalmologie • Février 2012 • vol. 6 • numéro 51 59 à savoir Figure 2 - Femtec Technolas Perfect Vision. Figure 3 - LDV (Da Vinci) Ziemer. Laser LDV (Ziemer) (Fig. 3) Le laser Da Vinci LDV (Ziemer) est une plateforme très compacte et efficace, peu coûteuse, pouvant être transférée d’un centre à l’autre du fait de sa mobilité. Ce laser travaille avec une fréquence très élévée (1 MHz) avec des pulses de très faible énergie (1 NJ), dans le but d’améliorer la régularité de l’interface de découpe en réduisant la formation de la couche de bulles opaques (OBL). Nous l’avons vue fonctionner de nombreuses fois mais nous n’en avons pas d’expérience personnelle. L’interface patient nécessite l’utilisation d’une substance viscoélastique (comme pour un verre à 3 miroirs) et la présence d’air peut interférer avec la qualité de la découpe. Dans ce modèle, il n’existe pas de contrôle visuel direct ou indirect en cours de découpe (une simulation informatique renseigne simplement l’opérateur sur l’état d’avancement de la découpe). Il n’existe pas non plus de possibilité de découpe verticale, et l’anneau limitant des volets est découpé à la façon d’un microkératome, par extension horizontale de la découpe. Principalement dédié au volet du Lasik, ce laser permet également la réalisation de tunnellisation pour le kératocône et de kératoplasties lamellaires. Figure 4 - Visumax Zeiss Meditec. Le laser Visumax (Zeiss Meditec) utilise un système original de succion limbique cornéenne au moyen d’une interface patient concave avec une très faible pression. Nous apprécions particulièrement la simplicité d’emploi, l’absence de bulles opaques et d’ecchymoses conjonctivales. Par contre, dans notre expérience (encore restreinte, comparativement à celle de l’IntraLase), il semble que les volets soient d’un diamètre plus petit que ceux que nous obtenons avec l’IntraLase. La fréquence du laser est de 500 KHz, ce qui permet une faible énergie des pulses (inférieure à 1 µJ). Cette plateforme assez encombrante mais au design très réussi permet également de réaliser des procédures réfractives 100 % femtoseconde, sans utilisation de laser excimer, par le biais d’une découpe lenticulaire intrastromale avec extraction d’un disque réfractif soit après découpe d’un volet classique (procédure Flex), soit après découpe lamellaire et ouverture d’une petite incision (procédure Smile). Cette dernière approche présente plusieurs avantages théoriques : • éviter l’emploi d’un deuxième laser (suppression de l’excimer : gain de temps et de coût) ; • éviter la découpe complète de l’anneau limitant du 60 Pratiques en Ophtalmologie • Février 2012 • vol. 6 • numéro 51 Laser Visumax (Zeiss Meditec) (Fig. 4) Comparaison des lasers femtoseconde volet classique et éviter de ce fait la section des nerfs cornéens périphériques, responsable des sécheresses oculaires transitoires observées avec les volets conventionnels ; • améliorer la prédicitibilité des traitements périphériques (médiocre pour le laser excimer). Laser WaveLight FS200 UltraFlap (Alcon) (Fig. 5) Le dernier laser disponible est le WaveLight FS200 UltraFlap (Alcon) qui utilise un système d’aplanation similaire à celui de l’IntraLase. Sa fréquence plus élevée et la plus faible énergie des pulses permettent d’espérer une réduction des bulles opaques (OBL). Le volet est typiquement réalisé en 6 secondes. Le système de succion est contrôlé automatiquement pour réduire la pression et la distorsion cornéenne qui en résulte. Le centrage du volet peut être modifié après installation de la succion. La focalisation précise permet une qualité de découpe améliorée. Le contrôle automatisé de la focalisation axiale (“z”), de la température des composants et le calibrage du faisceau contribuent également à réduire la déviation standard de la profondeur de découpe, permettant la réalisation fiable de volets très fins. Ce laser peut être intégré dans le réseau diagnostic et de traitement constitué par la plateforme Wavelight analyzer et le laser excimer Wavelight EX500. Figure 5 - Wavelight UltraFlap 200 Alcon. Le tableau 1 résume les caractéristiques techniques de ces lasers. n Mots-clés : Laser femtoseconde, Chirurgie cornéenne, IntraLase, Femtec, LDV, Visumax, UltraFlap 200 Tableau 1 - Comparatif technique des différents lasers femtoseconde. Modèle Intralase FS150 LDV Da Vinci Femtec Visumax UltraFlap 200 Fabricant Abbott Medical Optics Ziemer Technolas Perfect Vision Zeiss Meditec Waveligth Alcon Fréquence des pulses 150 KHz 1 MHz 80 KHz 500 KHz 200 KHz Durée du pulse 500 fs 250 fs 500 fs 400 fs 350 fs Taille des spots 5 µm 1 µm 2 µm 1 µm 5 µm Energie des spots 500-1 300 nJ 100 nJ 500 nJ 300 nJ 300-1 500 nJ Interface patient Plane Plane Concave Concave Plane Succion Elevée Basse Basse Basse Elevée Contrôle succion Manuelle Ordinateur Capteur Ordinateur Manuelle Bulles opaques oui non non non non ? Diamètre max volet 9,5 mm 10 mm ? 9 mm ? Tunnellisation pour segments oui oui oui oui oui Spécificité • a ngle découpe volet 120° • k ératoplasties autoétanches • incisions arciformes relaxantes • pas de contrôle visuel découpe • pas de découpe verticale • transportable • compact • peu coûteux • Flex • intraCor • Smile •p lateforme cataracte possible • Succion limbique Pratiques en Ophtalmologie • Février 2012 • vol. 6 • numéro 51 61