Mina Small - Origines musicales et Albums

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Mina Small - Origines musicales et Albums
Mina Small - Origines musicales et Albums
Jean Daniel Burkhart journaliste,
anime une radio jazz à Strasbourg.
Jean Daniel Burkhardt : Aujourd’hui j’interviewe Mina Small, chanteuse, auteur et
compositrice de Jazz.
Mina Bonjour
Mina Small : Bonjour Jean Daniel
J.D.B. : Vous êtes française, née à San Francisco, vous avez grandi et étudié au Danemark.
Est-ce que cette double ou triple culture pourrait-on dire a formé votre rapport à la langue
et à une musique libre, transgenre, et votre intérêt pour les autres cultures qui se retrouve
dans votre musique ?
MS : Oui, déjà par le fait d’être née à San Francisco, qui est une ville où il se passe plein
de choses, ça m’a donné envie d’être très ouverte aux cultures du monde ; et j’ai passé
mon adolescence au Danemark, j’ai pu en tant qu’adolescente me promener dans la
grande ville, entendre du jazz dans des lieux très sympathiques.
J.D.B. : Comment avez-vous découvert le Jazz ?
MS : A Copenhague, dans des immeubles transformés en restaurants végétariens, à
côté il y avait le club de jazz, l’ambiance était assez sympathique et chaleureuse.
On écoutait des groupes locaux, Marilyn Mazur au vibraphone, des orchestres de
style jazz Latin, il y avait des percussionnistes qui jouaient des congas. Il y avait un
saxophoniste ténor, des clarinettes, des clarinettes basses.
J.D.B. : Quel fut votre premier choc musical Jazz au disque ?
MS : Flamenco Sketches avec Miles Davis, et puis « Haitian Fight Song » de Mingus, ce
sont des musiques qui m’ont surprises et attirées.
J.D.B .: En Concert ?
MS : Des groupes qui venaient des Etats Unis, des groupes Afro Américains comme
«l’Art Ensemble de Chicago», Sun Ra. Je trouvais cela magnifique. Je venais d’une
éducation musicale classique et le jazz fut un choc très positif.
J.D.B. : Quelle fut votre formation musicale ?
MS : j’ai étudié le violon au conservatoire, en musique classique, et puis à Copenhague
j’ai joué de la musique folklorique scandinave, c’était beau, il y avait plein de violons,
on jouait pour des bals, il fallait tenir le coup pendant 5h, j’avais 16 ans. Jusqu’à l’âge de
19ans j’ai continué le classique et puis à 2O ans j’ai attaqué le jazz, et à 25 ans je me
suis inscrite dans les 3 écoles de jazz de Paris ou il y avait des cursus complets sur une
année. J’ai commencé par le CIM, puis l’IACP et j’ai terminé avec l’American School of
Modern Music ou Steve Carbonara nous enseignait le rythme, François Fichu l’harmonie.
J.D.B. : Comment avez-vous commencé votre carrière ?
MS : Je faisais partie de plusieurs groupes à Caen, le Duo Mina Martial, «l’Atelier 4
Plus». On tournait dans toute la Normandie.
J.D.B. : Dans quels styles vous êtes-vous illustrée sur scène en dehors du jazz?
MS : La musique traditionnelle, la chanson réaliste, les chansons théâtrales, Piaf, Berthe
Sylva, Kurt Weill, Boris Vian, j’ai chanté des poèmes de Andrée Chedid, et puis j’ai aussi
joué du tuba dans la fanfare «Les Théroclytes», on faisait de la musique de rue.
J.D.B. : Quelles ont été vos principales influences ?
MS : En jazz c’était vraiment la musique Afro Américaine, pour l’énergie, et pour le
chant j’ai écouté Meredith Monk, j’ai beaucoup écouté Ella Fitzgerald et toutes les
chanteuses de jazz, et puis j’ai écouté du chant indien.
J.D.B. : Vous composez vos textes et vos musiques. Le texte vous vient-il en premier ou la
mélodie ?
MS : C’est souvent le texte qui vient en premier, ensuite la mélodie. C’est difficile
d’improviser un texte. Je n’écris pas tous les textes, j’improvise en chantant sur des
poèmes déjà écrits que j’ai choisi pour ce qu’ils contiennent.
J.D.B. : Vous servez-vous tout de même de la technique de la vocalise pour trouver des
textes sur vos musiques ou l’inverse ?
MS : Oui, je l’ai fait sur des thèmes Be Bop, « Le Diable et l’Argent » est un texte
que j’ai écrit sur « Antropology » , pour imiter le travail de Mimi Perrin, ou de
John Hendricks.
WAITING
J.D.B. : Vous avez enregistré « WAITING » en 1997 à New York,
Comment vous êtes vous retrouvée à New York ?
MS : Par le biais d’une amie saxophoniste et compositrice qui
est partie s’installer là-bas, Sonia Jacobsen. Elle connaissait
ma musique, elle m’a invité, elle connaissait beaucoup de musiciens, elle m’aidé à
organiser ce projet en étant la directrice artistique. Je suis allée cinq fois à New York
pour faire ce disque. L’enregistrement a duré trois heures !
J.D.B. : Comment avez-vous rencontré ces musiciens ?
MS : ’ai rencontré Georges Kaye en allant écouter du jazz, Brad Shepik m’a été présenté
par Sonia, c’est un chef d’équipe, il est très fort, il joue aussi des musiques des pays de
l’est avec une grande précision rythmique. Roland Schneider jouait avec Sonia dans un
groupe, il est merveilleux à la batterie.
J.D.B. : Etiez vous arrivée avec un répertoire pré écrit ou avez-vous improvisé certaines
parties sur le vif ?
MS : Le répertoire était prêt, écrit, et je l’avais rodé avec plusieurs groupes en France.
On a laissé de l’espace pour les improvisations.
J.D.B. : Vous avez écrit « Two Worlds » pour cet album, en quel sens ? Car l’intro est calme,
puis la chanson s’envole à la Flora Purrim dans « Return To Forever » ? On peut être en
Occident et en Afrique ? Ecrit puis improvisé ?
MS : « Two Worlds » est un poème japonais de Yamazaki Eiji que j’ai découvert dans
une traduction en anglais. C’est un poème sur l’amour de deux êtres, «2 mondes» qui
vont voir la vie avec un seul et même regard. Comme ça m’a inspiré, j’ai commencé à
chanter dessus et puis j’ai écrit un morceaux.
(on écoute Two Worlds)
J.D.B. : Sonia Jacobsen improvise un peu à la Steve Lacy au sax soprano, Georges Kaye à la
contrebasse, Mina à la voix.., Brad Shepik à la guitare, Roland Schneider à la batterie.
« Out Of The Sand » est très court, rapide, Free, sur une rythmique très rapide. Est-ce une
improvisation et pourquoi ce titre ?
MS : C’est un morceaux qui est écrit et au milieu du morceau il y a une improvisation
libre. « Out of the Sand », ce sont des choses qui poussent dans le sable. Le texte est
de Iijima Koichi. C’est un texte qui parle de la difficulté de vivre. C’est un poème du
XXème siècle.
J.D.B. : Vous avez ensuite enregistré « Prospice »...
MS : Prospice est le titre d’un poème de Robert Browning.
PEDAGOGIE / POURQUOI
J.D.B. : Passons à une autre de vos activités, vous êtes professeur de
chant pour les enfants. Qu’est ce qui vous intéresse dans ce travail et
comment l’avez-vous commencé ?
MS : J’ai été embauchée pour travailler dans les écoles primaires,
il y a une vingtaine d’années de cela, j’ai beaucoup aimé ce travail parce que les
enfants sont plein de joie et d’énergie, on a fait de la musique en nous amusant.
On a chanté, tapé dans les mains, écouté des musiques, dansé, fait des choses courtes
et variées qui suscitent l’intérêt des enfants pour la musique. En CM1, CM2 on a pu
aborder le jazz.
J.D.B. : Vous avez d’ailleurs enregistré en 2003 « POURQUOI », des chansons pour enfants
de 8 à 12 ans, mais pas bêtas. Aviez-vous l’intention d’en faire des citoyens du monde
ouverts aux autres cultures musicales, car les musiques sont inspirées du Tango, mais aussi
du Klezmer, des vocalises pygmées d’Afrique, de la pop mélancolique avec des claves,
il y aussi une flûte à la King Crimson, du Flamenco Arabo Andalou lunaire, un steel band
Trinidadien ?
MS : Rire, vous avez tout dit, oui, c’est important de faire écouter aux enfants des
musiques du monde entier, pour leur faire aimer le monde.
J.D.B. : C’est peut-être le seul de vos trois disques où l’on entend les influences d’« Haitian
Fight Song » de Mingus dans « Sentimentale Mimi », du standard « It’s Only A Paper
Moon » en mode steel band Trinidadien ou de « Attends Ou Va-t-en » de France Gall dans
« Toum Toum ». Y a-t-il ici une volonté pédagogique de votre part, pour leur apprendre le
répertoire ?
MS : Oui, c’est une volonté pédagogique sans que je ne m’en rende compte, ce sont des
chansons, il y a un sens de la mélodie, avec un début et une fin, ce sont des mélodies
que les enfants peuvent apprendre par cœur sans difficulté.
J.D.B. : Il y a aussi dans « Trop Tard Trop Tôt » un côté free comme avec l’ARFI ou avec Steve
Warring.
MS : J’ai beaucoup aimé découvrir les chansons de Steve Warring, dans les cours que je
donnais aux enfants je leur faisais écouter ses chansons, sur lesquelles je leur faisais
faire des petites chorégraphies gestuelles, ça leur plaisait beaucoup.
(on écoute Les Animaux et leurs Petits)
J.D.B.: Rires, c’est une vraie ménagerie !
MS : Oui, c’est une ménagerie, et je voudrai dire en écoutant cette chanson que c’est
grâce aux musiciens que j’ai pu faire des disques, ils travaillent souvent bénévolement,
font des répétitions, on entre par là dans un travail d’équipe et d’amitié. Pour le CD
«SONGES», j’ai choisi une équipe de musiciens bretons, auxquels j’ai rajouté des
musiciens du Cd «POURQUOI», et en plus une soliste de Paris, Victoria Rummler.
SONGES
J.D.B. : Enfin, vous avez sorti plus récemment en 2010
« SONGES », pour tous publics, et inspiré par les musiques
traditionnelles du monde.
Comment avez-vous découvert les musiques
traditionnelles bretonnes ?
MS : D’abord par les disques que je prenais à la médiathèque, Myrdhin à la harpe,
j’aimais le coté apaisant de la harpe ; et puis je suis partie vivre en Bretagne, pendant
six ans.
J.D.B. : Quel est pour vous le lien possible entre Jazz et Musiques Traditionnelles ?
MS : C’est important que ces musiques s’entremêlent. Le jazz est une musique qui
est quand même difficile à écouter, difficile à jouer, difficile à mettre en place, qui
demande un niveau musical très élevé. On peut jouer les musiques traditionnelles avec
un niveau musical moindre, et elles ont des bases mélodiques et rythmiques qui sont
dans la mémoire des gens. Quand on mélange les deux, cela donne une musique avec
des bases rythmiques traditionnelles. Le jazz va lui apporter le coté improvisation. La
liberté en fait, la liberté d’improviser sur un thème.
J.D.B. : On trouve dans Ulysse un côté oriental (arabo-andalou) proche de ce que fait
Ferran Savall. Il y a aussi un côté Jazz dans le scat et l’improvisation qui rappelle Elizabeth
Kontomanou. Vous vous êtes aussi inspirée du flamenco sur ce thème ?
MS : Oui, c’est marrant parce que en fait Elizabeth Kontomanou est grecque, Ulysse
c’est l’histoire d’un grec. Il y aussi un petit côté Angelique Ionatos, avec la mer, la voix
au dessus. (on écoute Ulysse)
J.D.B. : On trouve aussi des techniques de chant indien dans « En route pour l’Inde ».
Quand, où et avec qui avez-vous appris le chant indien ?
MS : J’ai découvert le chant indien en concert avec « Les Bauls du Bengale », puis j’ai
écouté des disques, et pris des cours de chant indien à Paris pendant un an avec
Yvan Trunzler, et puis surtout avec un CD de Narajan Jhaveri, un professeur de chant
indien à New York auquel j’avais envoyé mon CD « Waiting ». En retour il m’a envoyé
sa méthode de chant, un recueil avec un CD. La voix, ça peut se travailler tout seul, en
faisant des exercices tous les matins.
J.D.B. : Là on entend «Colours» vous associez les couleurs aux pays, aux cultures du
monde ?
MS : C’est l’histoire d’enfants auxquels on donne des pots de peinture, pour faire de la
peinture avec les doigts, alors tous les enfants se mettent à délirer,(rires) jettent de la
peinture partout, et finissent par se peindre eux-même, par se peinturlurer, fatalement
ils deviennent rouges, jaunes, marrons, et finissent par dire : « voilà, c’est ça le monde,
le monde est plein de couleurs ! » AH, ils deviennent chinois, indiens, africains...
J.D.B. : On va maintenant écouter « En Route Pour l’Inde ». Enfin, vous avez écrit un texte en espagnol, « Eye’s Tango ». est-ce différent d’écrire dans
une langue que vous n’avez pas apprise depuis toujours comme l’anglais ou le français ?
MS : le texte n’est pas de moi. J’avais écrit la musique pour un atelier de jazz à Valence
et une élève adulte, qui était dans l’atelier a dit «j’ai été professeur d’espagnol, je
peux écrire un texte sur ta musique», c’était Samantha Guéry, elle était douée, elle est
devenue musicienne. Caroline, une Argentine m’a fait travailler la prononciation.
J.D.B. : Tout de suite, on va écouter « Eye’s tango »
Merci beaucoup Mina pour cette interview et à bientôt je l’espère sur le web, en disque ou
en concert !
MS : Merci beaucoup Jean Daniel, a bientôt
AU REVOIR !