SCPD : un guide pour les médecins de famille
Transcription
SCPD : un guide pour les médecins de famille
Chapitre 4 SCPD: déclin grave – Concentration sur le delirium Dr John Puxty Dre Marie-France Rivard Dr Ken Le Clair SCPD – Médecins de famille SCPD – Médecins de famille Table des matières Aperçu ....................................................................................................1 Concepts clés..........................................................................................1 Introduction au delirium ...........................................................................1 Définition...............................................................................................................1 Facteurs de risque et causes................................................................................3 Prévalence............................................................................................................3 Pronostic...............................................................................................................3 Détection, évaluation et supervision du delirium ..................................... 6 Distinction du delirium des SCPD.........................................................................6 Instruments d'évaluation et de supervision……………………………………………….8 Méthode d’évaluation de la confusion (CAM) ........................................................8 Instrument de la méthode d’évaluation de la confusion (CAM) – Questionnaire....9 Algorithme diagnostique du CAM en cas de soupçon de delirium.......................10 Échelle de confusion de Neecham ......................................................................10 Prise en charge du delirium....................................................................11 Prévention ...........................................................................................................11 Approches générales de prise en charge ............................................................11 Directives suggérées pour la prise en charge pharmacologique avec symptômes ............................................................................................................................12 Utilisation d’halopéridol........................................................................................12 Utilisation d’antipsychotiques atypiques ..............................................................13 Delirium causé par le sevrage d’alcool ou des benzodiazépines.........................13 Inhibiteurs de la cholinestérase ...........................................................................13 Étude de cas : Mme G. ............................................................................14 Ressources recommandées...................................................................15 SCPD – Médecins de famille SCPD – Médecins de famille 1 de 15 pages Aperçu Le delirium est une complication fréquente de la démence. Il peut s’agir d’un comportement nouveau ou d’une détérioration du comportement qui peut ou non faire office de symptôme psychologique chez une personne atteinte de démence. Sans traitement, un delirium peut mener à une gamme de résultats négatifs incluant la mort. Ce chapitre donne un aperçu des approches générales en matière de prise en charge du delirium dans les cas de démence. Les outils, les algorithmes et les mnémotechnies utiles guidant l’évaluation et la supervision du delirium seront présentés, de même que les lignes directrices en matière de prise en charge pharmacologique. Une étude de cas utilisant l’approche U.R.A.F. (compréhension, réflexion, actions et suivi) illustrera l’utilité d’une approche méthodique en ce qui a trait au diagnostic et à la prise en charge du delirium dans les cas de démence. Concepts clés 1. Le delirium est un problème commun qui est fréquemment non détecté, ou encore évalué inadéquatement. Il est souvent mal diagnostiqué comme étant une détérioration de la démence ou une intensification des SCPD. 2. Le delirium va vraisemblablement entraîner des répercussions négatives pour la personne qui, atteinte ou non de démence, va subir une perte soutenue de ses facultés cognitives et fonctionnelles, risquer davantage d’être transférée dans un établissement de soins de longue durée et de mourir. 3. Même si les répercussions du delirium peuvent être atténuées et traitées efficacement, sa prévention est beaucoup plus puissante que son traitement. Introduction au delirium Définition Le delirium est une perturbation de la conscien ce avec une capacité ré duite à dirig er, soutenir ou rediriger l’attention. Il s’agit d’un changeme nt dans la cognition q ui se produit au cours d’une période de t emps brève et qui tend à flu ctuer au cours d’un e journée (Milisen et coll. 2001). – Traduction libre SCPD – Médecins de famille SCPD 2 de 15 pages Figure 1 : Les critères du DSM-IV-TR pour le delirium © Tous droits réservés CSAH 2009 Perturbation de la conscience (c’est-à-dire baisse d’une prise de conscience claire de l’environnement) avec diminution de la capacité à diriger, focaliser, soutenir ou mobiliser l’attention. Modification du fonctionnement cognitif (telle qu’un déficit de la mémoire, une désorientation, une perturbation du langage) ou bien survenue d’une perturbation des perceptions qui n’est pas mieux expliquée par une démence préexistante, stabilisée ou en évolution. La perturbation s’installe en un temps court (habituellement quelques heures ou quelques jours) et tend à avoir une évolution fluctuante tout au long de la journée. Mise en évidence, d’après l’histoire de la maladie, l’examen physique ou les examens complémentaires que la perturbation est due aux conséquences physiologiques directes d’une affection médicale générale. SCPD – Médecins de famille 3 de 15 pages Facteurs de risques et causes Le delirium est commun chez les personnes âgées, particulièrement chez celles qui souffrent d’un trouble cognitif préexistant, d’un trouble psychiatrique ou de multiples malaises physiques. Les risques et les causes sont des facteurs additifs, de sorte que, chez une personne ayant des risques multiples, un précipitant relativement mineur comme des infections urinaires peut provoquer un delirium. Le delirium découle d’une baisse de l’irrigation, de l’oxygénation ou du métabolisme du cerveau. Le delirium découle donc généralement : o d’un trouble physique sous-jacent; o d’un trouble métabolique; o d’un effet secondaire lié à un médicament, une drogue ou une substance. Les causes communes du delirium comprennent : o les infections; o le sevrage (les benzodiazépines/l’alcool); o les causes métaboliques aiguës (liquides/électrolytes); o les traumatismes (douleur); o une pathologie du SNC; o l’hypoxie; o les carences (ex. B12, folate, thiamine); o les anomalies endocriniennes; o les accidents vasculaires aigus; o les médicaments (ex. halopéridol); o les toxines et métaux lourds. Un delirium a souvent plus d’une cause, de sorte que de multiples interventions s’imposent pour régler chacune d’elles. Deux acronymes anglais, I WATCH DEATH et DELIRIUMS, peuvent aider le médecin clinicien à dépister les causes possibles d’un delirium (voir figures 2 et 3). Prévalence Le delirium est un problème clinique fréquent. On estime que la prévalence de delirium au moment de l’admission à l’hôpital varie de 10 à 18 % et augmente de 20 à 40 % au cours de l’hospitalisation. Pronostic Le delirium est un indicateur indépendant de perte soutenue des facultés cognitives et fonctionnelles de la personne atteinte ou non de démence, laquelle risque davantage de mourir au cours de l’année suivant son admission médicale à l’hôpital. Parmi les personnes atteintes de démence, la présence de delirium augmente le risque de placement dans un établissement de soins de longue durée. SCPD – Médecins de famille SCPD 4 de 15 pages Figure 2 : Acronyme anglais « I WATCH DEATH » pour dépister les causes possibles de delirium © Tous droits réservés CSAH 2009 I WATCH DEATH I Infections – urinaires, pulmonaires, encéphalite, etc. W Sevrage – d’alcool, des benzodiazépines, des sédatifs, des hypnotiques A Troubles métaboliques aigus – déséquilibre électrolytique, déshydratation, insuffisance rénale ou hépatique T Toxines, drogues et médicaments – opiacés, médicaments anticholinergiques et antiparkinsoniens, les salicylés, le dilantin, les stéroïdes, etc. C Pathologie du SNC – AVC, AIT, tumeurs, crises d’épilepsie, hémorragies, infections H Hypoxie – anémie, insuffisance cardiaque ou pulmonaire, hypotension D Carences – en thiamine causée par l’alcoolisme, B12 E Endocrinien – thyroïde, hypo et hyper glycémie, dysfonctionnement des surrénales et parathyroïdes A Aiguë – encéphalopathie vasculaire hypertensive aiguë T Traumatisme – traumatisme crânien, postopératoire, hypo et hyperthermie H Métaux lourds – empoisonnement au plomb, au mercure et au manganèse SCPD – Médecins de famille 5 de 15 pages Figure 3 : Acronyme anglais « DELIRIUMS » pour dépister les causes possibles de delirium © Tous droits réservés CSAH 2009 CAUSES DE DELIRIUM D Médicaments – sur ordonnance, en vente libre, herbes médicinales, alcool > minimisent la charge anticholinergénique E Émotions – dépression, manie/dépression et environnement L Faible % d’O2 – IM, ICG, MPOC, embolie pulmonaire I Infection – pulmonaire, urinaire, abdominale, cutanée : escarre de décubitus R Rétention – urinaire et fécale I Ce qui provoque une crise - Petit mal U Manque – d’hydratation, de nutrition et de sommeil M Changements métaboliques – glycémie, calcium et sodium S Défaillance systémique – AVC, sous-dural et stress SCPD – Médecins de famille SCPD 6 de 15 pages Détection, évaluation et supervision du delirium Jusqu’à présent, nous avons revu l’importance de relever la présence du delirium et de ses facteurs précipitants afin d’amorcer le traitement et d’éviter les résultats négatifs et un mauvais pronostic. D’un point de vue clinique, le delirium demeure un état qui passe souvent inaperçu ou qui est mal évalué. La figure 4 énumère les symptômes cliniques et les attitudes des aidants associés à une reconnaissance insuffisante du delirium en milieu clinique. Figure 4 : Facteurs associés à une reconnaissance in suffisante du delirium en milieu clinique • Delirium hypoactif chez un patient de 80 ans ou plus, atteint de démence et d’un trouble visuel. • L’absence de reconnaissance du delirium en tant que symptôme cliniqu e d’une urgence médicale p ossible (éta t(s) sous- jacent(s) entr aîne l’alt ération de l’irrigation, de l’oxygénation ou du métabolisme du cerveau). • Une attitude discrimina toire fondée sur l’âge stipulant « qu’on s’atten ques personnes plus âgées deviennent confuses ». • L’incapacité des aida nts à reconnaît re les changements dans la conscience ou les comportement des personnes atteintes de démence. d à ce Ainsi, dans les établissements de soins de longue durée où des aidants qui offrent des soins multiples participent également à la prestation des soins d’une personne, la continuité des soins peut s’avérer insuffisante pour déceler des fluctuations dans les degrés de conscience qui peuvent se produire au cours d’une journée. De plus, les médecins et le personnel infirmier qui travaillent dans ces établissements peuvent ne pas solliciter activement les observations des aides-soignantes qui sont pourtant celles qui ont le plus de contacts avec les pensionnaires et donc, celles qui ont le plus de chances de remarquer de façon précise tout changement et toute fluctuation qui se produisent au cours de la journée. Distinction du delirium des SCPD Le delirium est une complication fréquente de la démence. Il peut se présenter comme une détérioration apparente du comportement ou un symptôme psychologique chez une personne atteinte de démence. La figure 5 énumère les caractéristiques qui distinguent le delirium de la démence et qui peuvent aider le médecin dans son évaluation et son diagnostic. Les points importants suivants doivent être pris en considération au moment de distinguer le delirium de la démence : 1. Un delirium peut se produire en l’absence d’un diagnostic de démence ou de trouble cognitif patent. Il est toutefois à noter qu’un trouble cognitif est un facteur prédisposant commun au développement d’un delirium, puis qu’un delirium peut dévoiler une démence précoce. SCPD – Médecins de famille 7 de 15 pages 2. Un delirum prolongé n’équivaut pas à la présence d’une démence. Un delirium ne devrait pas être faussement considéré comme un signe de détérioration de la démence ou des SCPD, simplement parce qu’il ne s’est pas dissipé après quelques jours ou semaines, surtout si des contraintes chimiques ou physiques sont utilisées. 3. Une altération du niveau de conscience suggère fortement la présence de delirium, surtout si sa survenue est aiguë et proéminente, ou encore manifeste des fluctuations imprévisibles de symptômes au cours d’une période de 24 heures. Les comportements ou les symptômes psychologiques qu’une personne atteinte de démence manifeste sont moins instables et souvent « prévisibles » à la lumière de l’environnement et des situations de prestation de soins (ex. résistance opposée pendant les soins intimes, états crépusculaires). 4. Bien que des hallucinations visuelles soient communes et soient fréquemment accompagnées d’agitation, un delirium apathique et tranquille est néanmoins possible. Figure 5 : Distinction des caractéristiques du delirium et de la démence © Tous droits réservés CSAH 2009 SCPD – Médecins de famille SCPD 8 de 15 pages Distinguer le delirum de la démence Caractéristique Delirium Démence Survenue Soudaine Insidieuse Évolution au cours de 24 h Fluctuations Conscience Réduite Stable Claire Durée d’attention Désorientation globale Relativement normale Cognition Désorientation globale Incapacité globale Hallucinations Communes Habituellement absentes Psychomotricité Augmentée ou réduite Souvent normale Parole Souvent incohérente Pauvreté du vocabulaire Mouvements involontaires Astérixis ou tremblements fréquents Souvent absents Instruments d’évaluation et de supervision L’utilisation d’évaluations normalisées aide au médecin clinicien à déterminer la présence de delirium et à superviser l’efficacité du traitement des causes sous-jacentes. Dans cette partie, nous présentons deux évaluations largement utilisées, soit la méthode d’évaluation de la confusion (CAM) et l’échelle de confusion de Neecham. Méthode d’évaluation de la confusion (CAM) La méthode CAM est un outil utile pour le dépistage du delirium. Elle détient une sensibilité et une spécificité relativement élevées (Ann Intern Med 1990; 113:941; Arch Intern Med. 1995; 155:301). Le questionnaire et l’algorythme de la CAM sont présentés à la figure 6. SCPD – Médecins de famille 9 de 15 pages Figure 6 : Instrument de la méthode d’évaluation de la confusion (CAM) - Questionnaire Questionnaire 1. Début soudain Y a-t-il évidence d’un changement soudain de l’état mental du patient de son état habituel? 2. Inattention* A. Est-ce que le patient avait de la difficulté à focaliser son attention, par exemple à être facilement distrait ou à avoir de la difficulté à retenir ce qui a été dit? • Présent à aucun moment de l’entrevue. • Présent à un moment donné de l’entrevue, mais de façon légère. • Présent à un moment donné de l’entrevue et de façon marquée. • Incertain. B. (Si présent ou anormal) Est-ce que ce comportement a fluctué lors de l’entrevue, à savoir, est-ce qu’il a eu tendance à être pré sent ou absent, ou encore à augmenter et diminuer en i ntensité? Veuillez d écrire le comportement. • Oui. • Non. • Incertain. • Ne s’applique pas. 3. Désorganisation de la pensée Est-ce que la pensée du patient était désorga nisée ou in cohérente, t elle qu’une conversation décousue ou non pe rtinente, ou une suite vague ou ill ogique des idées, ou encore passait-il d’un sujet à l’autre de façon imprévisible? 4. Altération de l’état de conscience Dans l’ensemble, comment évalueriez-vous l’état de conscience de ce patient? • Alerte (normal). • Vigilant (hyper-alerte, excessivement sensible aux stimuli de l’environnement, sursaute très facilement). • Léthargique (somnolent, se réveille facilement). • Stupeur (difficulté à réveiller). • Coma (impossible à réveiller). • Incertain. 5. Désorientation Est-ce que le patient a été désorienté à un certain moment lors de l’e ntrevue, tel que penser qu’il éta it a illeurs qu ’à l’hôpital, util iser le mau vais lit ou se tromper concernant le moment de la journée? 6. Troubles mnésiques Est-ce que le patient a démontré des problèmes de mémoire lors de l’entrevue, tels qu’être incapable de se souvenir des événe ments à l’hôpital ou de la difficulté à se rappeler des consignes? SCPD – Médecins de famille SCPD 10 de 15 pages 7. Anomalies de perception Est-ce qu’il y avait é vidence de tro ubles perceptuels chez le patient, p ar exemple hallucinations, illu sions ou erreurs d’interprétation (tels que penser qu e quelque chose avait bougé alors que ce n’était pas le cas)? 8. a) Agitation psychomotrice À un moment donné lors de l’entrevue, est-ce que le patient a eu une augmentation inhabituelle de son activité motrice, telle que ne pas tenir en place, se tortiller ou gratter les draps, taper des d oigts ou changer fréqu emment e t soudainement de position? b) Retard psychomoteur À un moment donné lors de l’entrevue, est-ce que le patient a eu une diminution inhabituelle de son activité motrice, telle qu’une lenteur, un regard fixe, rester dan s la même position pendant un long moment, ou se déplacer très lentement? 9. Perturbation du rythme veille-sommeil Est-ce qu’il y a eu évidence de changement dans le rythme veille-sommeil chez le patient, telles que somnolence excessive le jour et insomnie la nuit? *Les questions sous ce symptôme ont été répétées pour chaque symptôme où cela était applicable. Algorithme diagnostique du CAM en cas de soupçon de delirium L’algorithme comprend quatre critères principaux de delirium : 1. début soudain et fluctuation des symptômes 2. inattention 3. désorganisation de la pensée 4. altération de l’état de conscience o alerte (normal) o vigilant (hyper-alerte, excessivement sensible aux stimuli de l’environnement, sursaute très facilement) o léthargique (somnolent, se réveille facilement) o stupeur (difficulté à réveiller) o coma (impossible à réveiller) o incertain On devrait soupçonner un delirium si les critères (1) et (2), ainsi que (3) ou (4) sont présents. Le cas échéant, des études plus poussées sont menées au besoin pour confirmer un diagnostic de delirium. Échelle de confusion de Neecham Cet outil est fréquemment utilisé par le personnel infirmier pour superviser le delirium. (Neelon, V., Champagne, M., McConnell, E., Carlson, J. & Funk, S. « Use of the Neecham Confusion Scale to Assess Acute Confusion States of Hospitalized Older Patients. », (chapitre 27, p. 278-288) dans Key Aspects of Elder Care: Managing Falls, Incontinence and Cognitive Impairment (1992) S.G. Funk, E.M. Tournquist, M.T. Champangne & R.A. Wiese (Eds.), Springer Publishing, New York.). SCPD – Médecins de famille 11 de 15 pages Prise en charge du delirium Prévention Il est essentiel de comprendre que la prévention du delirium est beaucoup plus puissante que son traitement. Les médecins doivent donc garder l’œil ouvert pour déceler tout signe de delirium et tenter de mettre en oeuvre des stratégies pour sa prévention. Il était particulièrement important de cibler les six facteurs de risque suivants dans la prévention ou la résolution du delirium (Inouye SK et coll. N Engl J Med. 1999; 340: 669) : • troubles cognitifs • privation de sommeil • immobilité • déficience visuelle • déficience auditive • déshydratation Ces facteurs de risque ont des interventions praticables en milieu hospitalier actuel. Les interventions connexes ont des avantages considérables rattachés à la prévention ou à la l’atténuation du délire, incluant : • • • une réduction de 30 % de la fréquence du delirium; une réduction de 30 % de la durée du séjour lié au delirium; une réduction de 25 % du risque de perte fonctionnelle. Les médecins de famille peuvent également participer à la prévention du delirium en revoyant périodiquement les médicaments prescrits de façon à éviter les médicaments ayant une activité anticholinergique ou à n’utiliser que la dose la plus faible possible de ceux-ci, car ils sont souvent en cause lorsqu’une personne a des idées délirantes. Approches générales de prise en charge 1. Déterminer toutes les causes contributives possibles, y compris la douleur, en plus des causes les plus communes comme les médicaments (anticholinergiques, opiacés, dopaminergiques, en vente libre et les herbes), les infections, les sevrages aigus de l’alcool ou des benzodiazépines, ou encore de petits AVC. Utiliser un acronyme tel que « I WATCH DEATH » ou « DELIRIUMS » (déjà présenté dans ce chapitre) comme outil de dépistage systématique. 2. Optimiser le statut physiologique fondamental par une hydratation, une nutrition et un sommeil adéquats, de même qu’en maximisant toute pathologie qui peut être traitée. 3. Se concentrer sur les causes fondamentales du delirium. 4. Participer à l’éducation sur le delirium et à la planification des soins en collaboration avec d’autres aidants. Il est important d’inclure les membres de la famille dans ces processus. SCPD – Médecins de famille SCPD 12 de 15 pages 5. Minimiser les facteurs prédisposants (éclairage, audition, etc.) : Stabiliser l’environnement et réorienter. Encourager les visages connus, car ils apportent du réconfort (ex. les membres de la famille). • Stimulation faible – éviter les bruits excessifs. 6. Puisque l’immobilité est un facteur de risque pour le développement du delirium, veiller à ce que la personne ait suffisamment l’occasion de bouger (avec de l’aide, au besoin), puis éviter les contraintes physiques et chimiques, si possible. N’utiliser de contraintes que si la personne doit être étroitement supervisée et que des contraintes sont requises pour effectuer les analyses essentielles ou pour administrer un traitement primordial. • • 7. Minimiser l’administration de médicaments, surtout de ceux qui peuvent contribuer au delirium. 8. N’utiliser de sédatifs qu’en cas d’agitation grave et que lorsque le risque est imminent. 9. Éviter l’utilisation de médicaments PRN lorsque cela est possible. 10. Lorsqu’une prise en charge pharmacologique symptomatique s’impose, n’administrer que la posologie la plus faible possible. Malheureusement, les doses de psychotropes utilisées pendant une crise de delirium sont souvent excessives. Leur administration se poursuit longtemps après la période de traitement souhaitée, ce qui mène à une dépression avec modification du sensorium et retarde le rétablissement du delirium. Directives suggérées pour la prise en charge pharmacologique avec symptômes Utilisation d’halopéridol La meilleure preuve jusqu’à présent suggère l’utilisation de faibles doses d’halopéridol (0,25 – 1 mg par dose ou 1 à 2 mg par day), le moins longtemps possible (en jours), au cours d’un épisode de delirium aigu qui ne découle pas d’un sevrage d’alcool ou de benzodiazépines (Lignes directrices sur l’évaluation et le traitement du delirium de la Coalition canadienne pour les aînés, 2006). Un électrocardiogramme de référence est recommandé, en cherchant les intervalles QTC supérieurs à 450 msec ou 25 % de plus que la ligne de base en vue d’obtenir une consultation en cardiologie ou d’envisager une cessation. Même si l’utilisation prolongée d’halopéridol risque de causer des symptômes parkinsoniens inacceptables, le mésylate de benztropine ne devrait pas être utilisé de façon prophylactique en raison de ses propriétés anticholinergiques. L’akathisie (un état d’agitation interne qui se manifeste sous forme d’incapacité à demeurer immobile) est un autre effet secondaire commun et insuffisamment reconnu des antipsychotiques qui peut être confondu avec un delirium persistant. Ainsi, l’utilisation d’halopéridol peut exacerber le delirium. L’halopéridol devrait être entièrement évité si le patient a été diagnostiqué comme souffrant de démence à corps de Lewy. SCPD – Médecins de famille 13 de 15 pages Utilisation d’antipsychotiques atypiques Alors que les antipsychotiques atypiques sont devenus le traitement de première ligne dans la prise en charge des patients atteints d’agitation grave et persistante ou de démence avec psychose, nous ne disposons néanmoins que de données limitées sur leur utilisation dans le traitement spécifique de l’agitation causée par le delirium. Ils peuvent être considérés comme des produits de rechange chez les personnes atteintes de la maladie de Parkinson ou de la démence à corps de Lewy, de même que chez celles qui ont connu des effets secondaires graves au cours d’une utilisation antérieure d’halopéridol. La posologie devrait être faible (ex. rispéridone : 0,5 mg par jour; ou quétiapine : 25 mg une ou deux fois par jour; ou olanzapine : 2,5 mg par jour). Delirium causé par le sevrage d’alcool ou des benzodiazépines Dans les cas de delirium aigu accompagné de sevrage d’alcool ou de benzodiazépines, des benzodiazépines à action plus courte, tels que le lorazépam est privilégié pour sa facilité d’administration (voie parentérale et sublinguale), sans oublier sa demie-vie d’élimination, qui permettront un titrage sécuritaire jusqu’à une légère somnolence, tout en minimisant les risques de sédation excessive. Les antipsychotiques peuvent être ajoutés, mais seulement lorsque les symptômes d’agitation et de psychose liés au sevrage d’alcool ne peuvent être contrôlés que par l’administration de benzodiazépines. Il est important de souligner que certaines personnes atteintes de delirium deviennent plus agitées lorsqu’elles prennent des benzodiazépines et que les benzodiazépines aggravent certains états délirants (ex. delirium causé par une insuffisance hépatique). Il est donc important de suivre étroitement la réaction au traitement. Inhibiteurs de la cholinestérase La documentation signale que les inhibiteurs de la cholinestérase ont été utilisés avec des effets variables. Il existe des rapports d’utilisation réussie de donépézil dans le traitement de delirium surajouté chez les personnes déjà atteintes de la maladie Alzheimer. Les inhibiteurs de la cholinestérase peuvent s’avérer particulièrement utiles pour traiter une personne atteinte de démence à corps de Lewy qui peut avoir des épisodes répétitifs de delirium alors qu’aucun autre problème physique n’a été déterminé. SCPD – Médecins de famille SCPD 14 de 15 pages Étude de cas : Mme G. Mme G. est une femme de 79 ans qui habitait seule jusqu’à récemment. Elle était autonome dans ses AVQ, mais sa famille a remarqué qu’elle oubliait de plus en plus au cours des deux dernières années. Sa famille s’inquiétait du fait qu’elle négligeait non seulement son domicile, mais également son hygiène personnelle, ce qui allait à l’encontre de ses habitudes. À l’insistance de sa famille, elle a accepté de déménager dans la partie résidentielle d’un établissement de SLD à étages situé près de chez sa fille, mais à plus de 100 kms de son foyer qui est présentement en vente. Même si son état de santé général était bon, elle souffre néanmoins d’hypertension, d’ostéoarthrite et de cataractes. Un diagnostic de dépression légère ainsi que de maladie Alzheimer, stade précoce, a été rendu il y a sept mois, lorsqu’elle a consulté un médecin pour des problèmes de léthargie, de manque d’intérêt et d’insomnie primaire. Les médicaments suivants lui ont été prescrits : hydrochlorothiazide - 25 mg chaque jour, amitriptyline - 50 mg qhs et oxazépam – 15 a 30 mg qh. Elle signale prendre de l’alcool à l’occasion. Malheureusement, seulement trois jours après son déménagement dans l’établissement, elle trébuche sur une carpette pendant la nuit et n’est plus capable de se tenir debout en raison de la douleur aiguë à la hanche gauche. Elle est incapable de joindre le téléphone, mais un membre du personnel la découvre après quelques heures plus tard. Elle est transportée au service des urgences par ambulance où un diagnostic de fracture de la hanche est rendu. Le lendemain, Mme G. subit une réduction chirurgicale et une fixation interne de sa hanche gauche. L’intervention n’est pas compliquée et elle retourne dans l’unité avec une sonde urinaire, des ordonnances d’analgésiques postopératoires (prn oxasémap et des solutés). Les premiers jours suivant son opération à la hanche, elle devient agitée et désorientée. Son intraveineuse doit être insérée à nouveau à deux reprises « parce qu’elle tripote et manipule le site de l’intraveineuse ». Finalement, des contraintes physiques et du haldol prn sont prescrits. Malheureusement, ses comportements anormaux ne font que s’aggraver et elle tente maintenant de passer par-dessus ses côtés de lit, crie toute la nuit, alterne entre la stupeur et l’agitation pendant le jour. Son intraveineuse doit être installée à nouveau. Ce comportement suscite beaucoup d’angoisse et d’inquiétude chez les membres de sa famille qui se font dire « que cela se produit fréquemment chez les personnes âgées qui subissent une opération de la hanche et qu’elle va aller mieux bientôt ». SCPD – Médecins de famille 15 de 15 pages Le comportement de Mme G. s’améliore quelque peu après qu’elle ait reçu un traitement parce qu’on soupçonnait qu’elle faisait une pneumonie de déglutition et qu’on lui a administré des solutés. Elle demeure toutefois désorientée, mais elle est maintenant considérée comme « confuse, mais plaisante », ayant besoin d’aide pour se laver et s’habiller. Deux infirmières l’aident à passer de son lit au fauteuil. Elle souffre d’incontinence urinaire depuis que sa sonde a été retirée. Le personnel de l’hôpital de soins actifs décide qu’elle est maintenant prête à obtenir son congé et elle retourne à l’unité résidentielle. Or, à son arrivée à la résidence, elle est très confuse et agitée, ne reconnaît pas sa famille et a besoin de beaucoup d’aide pour effectuer ses transferts. Elle souffre maintenant d’incontinence urinaire et fécale. Sa famille exprime son inquiétude à l’égard de la « détérioration de son comportement et de sa démence » et demande si une demande de transfert dans une unité de soins infirmiers de l’établissement peut être déposée immédiatement. Ressources recommandées Inouye, S.K. A Multicomponent Intervention to Prevention Delirium in Hospitalized Older Patients, NEJM,1999; 340: p. 669-676. Inouye, S.K. Prevention of delirium in hospitalized older patients: risk factors and targeted intervention strategies, Ann Med. 2000; 32: p. 257-263. Inouye, S.K., Bogardus, S.T., Baker, D.I., Leo-Summers, L., Cooney, L.M., et coll.. The Hospital Elder Life Program: A model of care to prevent cognitive and functional decline in hospitalized older patients, J Am Geriatr Soc. 2000; 48: p. 1-10 (avec éditorial). Coalition canadienne pour la santé mentale des aînés : www.ccsmh.ca Physician Education Site for Alzheimer Disease and Related Dementias : www.dementiaeducation.ca Santé mentale sur Internet : http://www.mentalhealth.com/dis/p20-or01.html Association médicale canadienne : http://www.cmaj.ca/cgi/collection/delirium_amnestic_cognitive_disorders National Guideline Clearinghouse : http://www.guideline.gov/summary/summary.aspx?ss=15&doc_id=5313&nbr=3636 P.I.E.C.E.S. Canada: http://www.piecescanada.com/ Le Hospital Elderlife Program: http://elderlife.med.yale.edu/public/public-main.php Article par la Dre Michelle Gibson (Université Queen’s) : The Agitated Older Patient – What to do? http://www.stacommunications.com/journals/cme/2004/August/pdf/070.pdf SCPD – Médecins de famille SCPD