dissertation - SES Massena
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DISSERTATION Il est demandé au candidat : - de répondre à la question posée par le sujet ; - de construire une argumentation à partir d'une problématique qu'il devra élaborer ; - de mobiliser des connaissances et des informations pertinentes pour traiter le sujet, notamment celles figurant dans le dossier ; - de rédiger en utilisant le vocabulaire économique et social spécifique et approprié à la question, en organisant le développement sous la forme d'un plan cohérent qui ménage l'équilibre des parties. Il sera tenu compte, dans la notation, de la clarté de l'expression et du soin apporté à la présentation. SUJET : Comment se déterminent les salaires ? Document 1 – Le 20 Octobre 2010 devait se dérouler la négociation salariale dans la grande distribution. L’organisation patronale FCD (Fédération des entreprises du commerce et de la distribution), dont Auchan fait partie, a annulé cette négociation qui sert de tremplin obligatoire à nos négociations d’entreprise. Alors même qu’il n’y a pas eu d’accord en 2010, les employeurs de la grande distribution pensent sans doute que le niveau des rémunérations de la branche avec 5 minima de grille inférieurs au SMIC, les exonère de tout effort salarial ! Nous interprétons ce blocage (1) comme un chantage révoltant qui va pénaliser tous les salariés des enseignes de la branche. (1) La négociation a finalement abouti quelques mois plus tard. LA CFDT est signataire de la nouvelle grille de salaire de la re branche qui est applicable depuis le 1 Mars 2011 (Source : CFDT) Document 2 – Les critères d’augmentations générales des salaires de base en 2007 en France (en % d’entreprises) En % d’entreprises de 10 salariés et plus Cadres Non-cadres Les résultats financiers de l’entreprise 30 Les directives de la maison-mère 10 La nécessité de maintenir un bon climat social 20 La revalorisation du SMIC 13 L’inflation 29 L’application de la convention collective de branche 42 La comparaison des salaires avec d’autres employeurs 3 La facilité ou la difficulté de recrutement sur le marché du travail 4 Autres critères 12 Remarque : le total ne fait pas 100 % car les entreprises pouvaient déclarer plusieurs critères. 20 6 20 49 24 47 3 5 8 Source : Dares, « Les pratiques de rémunération des entreprises en 2007 : des formules hybrides tant pour les cadres que pour les non-cadres », Premières synthèses, n° 008, février 2010. 1 Document 3 – Pouvoir d’achat du Smic et du salaire médian (en euros de 2005) des salariés à temps plein (Source : Insee 2012) 1 Salaire médian = salaire qui partage les salariés en deux parties égales, 50% gagnant plus et 50% gagnant moins Document 4 – Quand la production peut être mesurée de façon simple, il est logique de rémunérer au moins en partie en fonction de la performance, utilisation de la carotte. Lorsque l’effort est facilement contrôlable, il est logique de brandir la menace de renvoi en cas d’échec pour inciter le salarié à fournir des efforts appropriés, utilisation du bâton. Mais il est souvent coûteux de contrôler en permanence le travail effectué par le salarié. Une autre façon consiste à contrôler moins souvent et à infliger une forte sanction, si l’employé est surpris en train de bâcler son travail. Pour mettre en œuvre ce principe, on peut verser des salaires supérieurs à ceux du marché. Par conséquent, si un salarié est renvoyé, il subira une perte de revenu considérable. Plus le salaire est élevé et plus la sanction du licenciement sera importante. De la même façon, récompenser par des salaires élevés ceux dont chaque contrôle prouve qu’ils fournissent un travail de qualité incite l’ensemble des salariés à faire de même. ème (Source : J. STIGLITZ et C. Walsh, Principes d’économie moderne, De Boeck, 2007 3 édition) LA DETERMINATION DES SALAIRES Introduction : Amorce = Dans le cadre d’un accord de compétitivité, les salariés de Renault ont accepté de voir leurs salaires gelés en 2013 en contrepartie de la garantie de l’emploi et d’une baisse provisoire du salaire de son PDG, Carlos Ghosn de 34 000€ par jour à 26 000€. Au même moment, plus des trois-quarts des Suisses votaient, par référendum, l’encadrement des salaires des grands patrons. Problématique = Comment se fixe le prix nominal et le prix réel du travail ? Le marché du travail est-il et doit-il être la seule institution, qui en fixe le taux, comme le pensent les libéraux ? Quel est le rôle des syndicats dans sa détermination ? L’Etat peut-il avoir une influence sur sa fixation ? Annonce du plan = Si la fixation du salaire peut être influencée par la situation du marché du travail, nous montrerons que d’autres institutions agissent sur la détermination du pouvoir d’achat des salariés dans un marché imparfait. 1 – EN THEORIE, LE MARCHE DU TRAVAIL EST LE SEUL DETERMINANT DU SALAIRE REEL A – LA FIXATION DU SALAIRE SUR LE MARCHE DU TRAVAIL … Phrase introductive = Dans le modèle néo-classique de base du marché du travail, le taux de salaire réel, c’est-à-dire le rapport entre taux de salaire nominal et niveau des prix résulte de la confrontation d’une offre de travail des salariés et d’une demande de travail des employeurs. Il s’agit d’un prix qui équilibre l’offre et la demande de travail. Comme tout prix, le taux de salaire réel est à la fois un véhicule d’information (sur l’offre et la demande de travail) et un mécanisme d’incitation. Comment les acteurs réagissent-ils à cette fixation du salaire réel ? Les salariés arbitrent entre la valeur qu’ils attribuent au temps libre et le salaire réel que rapporte le temps consacré au travail. Le salaire réel représente le coût d’opportunité du loisir dans la mesure où une heure de loisir supplémentaire prive l’individu d’une quantité de biens et services consommée d’autant plus importante que le taux de salaire réel est élevé. Le salarié offrira une heure supplémentaire de son travail tant que le salaire réel reste supérieur au coût de la perte de son temps libre. L’offre de travail est donc une fonction croissante de son prix (le salaire réel). Les entreprises déterminent leur embauche en comparant le salaire réel à la productivité marginale du travail. Elles arrêtent leur embauche lorsque ce que rapporte un travailleur supplémentaire (la productivité marginale) est égal à ce qu’il coûte (le salaire réel). Puisque la productivité marginale du travail décroit au fur et à mesure que le nombre de travailleurs augmente (loi des rendements décroissants), la demande de travail diminue lorsque le taux de salaire réel augmente. Le salaire réel est donc fixé à la rencontre de l’offre et de la demande de travail au jour le jour. Il s’agit d’un salaire flexible, c’est-à-dire qu’il se modifie tous les jours en fonction des variations de l’offre et de la demande de travail. Une hausse de l’offre de travail (à la suite de changements démographiques ou de modification des comportements) conduit, toutes choses égales par ailleurs, à une tendance à la baisse du taux de salaire réel. A l’inverse, une hausse de la demande de travail (à la suite d’une croissance de la production plus rapide que celle de la productivité) conduit, toutes choses égales par ailleurs, à une tendance à la hausse du taux de salaire réel. B – SUPPOSE UN MARCHE DU TRAVAIL EN CONCURRENCE PURE ET PARFAITE. Phrase introductive = En théorie, la présence d’un chômage de masse devrait se traduire par une baisse du pouvoir d’achat des salariés. Or, si on constate un ralentissement de la hausse du pouvoir d’achat depuis le milieu des années 1970 (il a triplé entre 1950 et 1975 et n’a plus augmenté que d’un tiers entre 1975 et 2010), il n’y a pas une baisse du salaire réel (Doc 3). Quelles sont les raisons qui rendent le salaire rigide à la baisse ? Pour les néoclassiques, le marché du travail doit répondre aux conditions de la concurrence pure et parfaite. Ce ne sont ni les travailleurs ni les entrepreneurs qui fixent le salaire mais le marché. Les acteurs sont des « preneurs de prix » qui ne peuvent influencer le prix (condition d’atomicité). De même, aucun obstacle règlementaire ne doit entraver la libre entrée sur le marché (liberté d’embauche) ou la libre sortie (liberté de licenciement) ainsi que la libre fixation du salaire (condition de fluidité). L’information sur les salaires et les emplois doit être totale (condition de transparence). Les travailleurs sont susceptibles de changer à tout moment de type d’emplois (mobilité professionnelle) ou de lieu de production (mobilité géographique). Or ces conditions ne sont jamais réunies dans la réalité. Comme l’avait fait remarquer Keynes, les acteurs ont un pouvoir de marché. Les entrepreneurs négocient les salaires avec les syndicats de salariés ce qui contredit la condition d’atomicité (Doc 1). De même, l’existence d’un salaire minimum fixé par l’Etat remet en cause la flexibilité du salaire. Il rationne l’offre de travail car les salariés, dont la productivité est plus faible que le salaire du marché, ne seront pas embauchés (Doc 3). Enfin, les informations ne sont pas transparentes mais asymétriques. Une asymétrie d’information est une situation dans laquelle deux agents économiques, dans le cadre d’un échange marchand disposent d’une inégalité d’information. Ainsi, au moment de l’embauche, l’entrepreneur ne sait pas quelles sont les capacités réelles du travailleur. Les employeurs peuvent dès lors utiliser le salaire comme instrument de motivation, en fixant le niveau de salaire au-dessus du niveau de l’équilibre concurrentiel de façon à inciter le travailleur à accentuer son effort : c’est la logique du salaire d’efficience. Si le salaire est élevé, le travailleur tend à accroître sa productivité en intensifiant ses efforts, encouragé par la reconnaissance qui lui est ainsi accordée par l’employeur, ou de peur de perdre un emploi bien rémunéré. Il n’est alors pas nécessaire d’exercer un contrôle étroit des travailleurs, ce qui compense l’élévation du coût salarial (Doc 4). Conclusion partielle = Ainsi, pour les néoclassiques, le salaire ne devrait avoir qu’un seul déterminant : le marché du travail en concurrence pure et parfaite qui, en confrontant offre et demande de travail fixe un salaire réel d’équilibre qui est égal à la productivité marginale du travail. Le salaire rémunèrerait essentiellement l’effort consenti par le travailleur et sa contribution à la production, mesurée par sa productivité. Or, les conditions de la concurrence parfaite ne sont pas réunies ce qui fait que l’on peut inverser la relation entre salaire et productivité. Ce n’est plus la productivité qui détermine le salaire mais l’inverse. Il faut donc s’interroger sur les autres déterminants du salaire. 2 – EN REALITE, LE SALAIRE DEPEND DE CONFIGURATIONS SOCIALES SPECIFIQUES A – L’INSTITUTIONNALISATION DE LA RELATION SALARIALE PENDANT LES TRENTE GLORIEUSES… Phrase introductive = La relation salariale est le résultat d’un processus socio-historique. Elle n'est pas une simple relation d'échange de la force de travail contre un salaire. Elle s'est construite historiquement à partir des conquêtes sociales et de la négociation collective, en s'appuyant sur le rôle d'arbitre de l'État. Qu’en est-il résulté pour la détermination du salaire ? Tout d’abord, la fixation du niveau des salaires n’est plus le résultat d'un processus individuel mais se déroule le plus souvent dans le cadre des conventions collectives de branches signées entre les représentants des salariés et des employeurs. Ces conventions, fruits de rapports de force et de compromis dans la négociation, imposent le plus souvent des conditions minimales de rémunération (les « minima conventionnels »), en même temps qu'elles organisent les grilles de qualification et de salaires et qu'elles fixent les normes d'emploi (durée du travail, congés, droit à la formation, conditions de travail, etc.) (Doc 1). Le salaire dépend d’abord du poste de travail occupé. Ensuite, les règles fixées par les conventions collectives, conduisent à des augmentations de salaire régulières qui dépendent des gains de productivité et de l’inflation. Afin que les salariés ne voient pas leur pouvoir d’achat baisser, les salaires sont indexés sur la hausse des prix constatée, c’est-à-dire qu’ils augmentent au même rythme que l’inflation (Doc 2). Le salaire réel, quant à lui, est indexé sur les gains de productivité anticipé selon les principes du « compromis fordiste » selon lequel les travailleurs acceptent la dureté de l’organisation du travail du fordiste en contrepartie du forte hausse de leur pouvoir d’achat. Il triple entre 1950 et 1975 (Doc 3). Enfin, le salaire réel progresse avec l’ancienneté car on suppose que les travailleurs les plus anciens sont les plus expérimentés et les plus productifs. Enfin, l’Etat régule la relation salariale en instituant les conventions collectives, la protection sociale et en fixant le salaire minimum. L’Etat est partiellement à l’origine du droit du travail qui encadre la négociation salariale. L’Etat offre un salaire indirect en liant contrat de travail et protection sociale. Ainsi, une perte d’emploi et de salaire est compensée par des allocations chômage. Une perte de salaire, due à la maladie, est compensée par les indemnités journalières de la Sécurité sociale. Enfin, le salaire ne peut baisser au-delà d’un minimum. Le salaire minimum est indexé sur la hausse des prix, sur le pouvoir d’achat ouvrier et peut bénéficier d’un coup de pouce de la part du Chef de l’Etat. Son pouvoir d’achat double entre 1950 et 1975 (Doc 3). B – …EST REMISE PARTIELLEMENT EN CAUSE DEPUIS LA CRISE. Phrase introductive = La crise, à partir du milieu des années 1970, a remis en cause le compromis fordiste. La montée du chômage de masse a modifié le rapport de force entre le travail et le capital au profit de ce dernier. Qu’en est-il résulté pour la détermination du salaire ? Les conventions collectives sont de moins en moins négociées au niveau de la branche et de plus en plus au niveau de l'entreprise. Ainsi, en France, en 2007, moins de la moitié des entreprises prennent en compte la convention collective pour déterminer les augmentations de salaire (Doc 2). D'où des inégalités de salaires d’une branche à l’autre, d'une entreprise à l'autre, entre les salariés d’encadrement et les salariés d’exécution, et l'augmentation générale des inégalités. L'indexation des salaires sur les prix devient partielle, voire inexistante. Les hausses de salaire ne sont plus négociées à partir de l'inflation passée mais en fonction de inflation prévue, avec parfois des clauses de rattrapage. En France, en 2007, une entreprise sur quatre prend en compte l’inflation pour déterminer les augmentations de salaire. La progression du pouvoir d'achat n'est plus garantie pour tous. En conséquence, le pouvoir d’achat des salaires va augmenter de moins en moins vite, voire baisser en France en 2012. Entre 1975 et 2010, le pouvoir d’achat n’augmente plus que de 33% et celui du SMIC de 50% (Doc 3). Enfin, une fraction de la rémunération est désormais individualisée et flexible. Le salaire est divisé en 2 ou 3 parts. Une part fixe liée au poste de travail et négociée collectivement ; Une part individuelle liée à la compétence acquise et irréversible ; Une part variable liée aux résultats de l'entreprise (le bonus au Japon, l’intéressement en France). Seule, cette troisième partie et les heures supplémentaires rendent le salaire flexible à la conjoncture (« le salaire au mérite », « travailler plus pour gagner plus ») (Doc 2). Cette individualisation des salaires va favoriser les inégalités. Les salariés qui sont ségrégués pour leur genre (les femmes) ou pour leur origine (les immigrés), qui occupent les emplois du marché externe du travail (CDD, Intérim…) vont bénéficier de moindres augmentations de salaire que les salariés bien intégrés dans l’entreprise. Les caractéristiques sociales individuelles influencent fortement les carrières professionnelles et les salaires. Conclusion : Rappel de la démonstration = Si l’état du marché du travail peut peser sur l’évolution des salaires (une forte progression du chômage ralentit les revendications des salariés), on ne peut pas dire que le salaire réel est fixé à la rencontre de l’offre et de la demande du travail comme le prix du pétrole ou d’une action. En effet, le marché du travail est un marché imparfait et un marché segmenté pour lesquelles les conditions de la concurrence pure et parfaite ne s’appliquent pas. Le salaire dépend donc de déterminants sociaux et historiques. Les règles sociales de sa fixation dépendent de la conjoncture économique et de l’histoire sociale de chaque pays. Ouverture = Avec l’augmentation des inégalités salariales, due principalement aux très fortes hausses octroyées aux salaires des cadres dirigeants et des salariés les plus recherchés, ont peut se demander si l’Etat ne devrait pas fixer un salaire maximum au même titre qu’il existe un salaire minimum.