Black Coal - Association des Cinémas du Centre

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Black Coal - Association des Cinémas du Centre
Black Coal
de Diao Yinan
avec Liao Fan, Lun Mei Gwei, Wang Xue Bing
Aussi haletant que plastiquement abouti, un thriller moderne et violent
qui installe son auteur aux côtés des meilleurs cinéastes chinois.
D
iao Yinan n’est pas tout à fait
un inconnu. Son précédent film,
Train de nuit, avait attiré
l’attention de la critique à
Cannes en 2007. Black Coal
(moitié du titre anglais Black
Coal, Thin Ice) l’installe définitivement aux
côtés des grands cinéastes chinois du
moment. Ce film noir se situe exactement à
mi-chemin entre Mystery, le dernier Lou Ye,
et A Touch of Sin de Jia Zangke. Mystery
pour le polar passionnel et A Touch of Sin
pour la corrélation entre violence et
modernité, concrétisée par des scènes de
genre presque kitsch qui contrastent avec
la noirceur et la froideur du récit et du
climat.
Noirceur du charbon (coal), dans lequel
on découvre des membres humains
dispersés dans plusieurs lieux. Vision
inaugurale classique mais saisissante
d’une immense usine de tri de charbon où
le héros, l’inspecteur Zhang, enquête sur
ces actes violents d’un serial-killer.
Froideur du climat hivernal dans lequel se
déroule quasiment tout le film, sur deux
périodes, 1999 et 2004, durant lesquelles
Zhang quittera la police, puis reprendra
l’enquête en outsider alcoolique lorsqu’on
découvrira de nouveaux méfaits signés du
tueur. Un thriller sombre qui tire sa
séduction trouble de la relation ambiguë du
flic avec une employée de pressing, femme
fatale autour de laquelle la mort frappe
constamment.
Jamais les rôles, les statuts des
personnages, leurs motivations et leur
degré de perversité ne sont clairs et nets :
l’ancien flic devenu alcoolique continue son
enquête (en mobylette) en marge de la loi ;
l’héroïne, sainte nitouche discrète, semble
recéler les pires vilenies. Le caractère
opaque et paradoxal du récit et des
personnages a un effet addictif. Il y a aussi
un vrai travail plastique sur le paysage
hivernal et industriel, les clairs-obscurs
nocturnes, les travellings, la caméra portée
qui transforment cette enquête policière
brusque et incertaine en tableau
expressionniste.
En contrepoint des cinégéniques décors
industriels, il y a des séquences souvent
violentes dans des lieux de plaisir (boîte de
nuit, salon de coiffure kitsch, fête foraine,
patinoire), exacerbées par des ellipses et
une part de loufoquerie (incongruité des
meurtres et des armes “patins à glace”).
Séquence presque fun du salon de coiffure,
nimbée de néons roses, qu’on prendrait
presque pour un gag, tant la tuerie y est
radicale et elliptique.
Le voile de brume nocturne et hivernale
du film, au propre et au figuré, le
romantise (et pallie l’incertitude de la
relation du flic et de la teinturière). Idem
pour les jeux entre mots et images. La
scène finale fait référence au titre chinois,
Ba ri yan huo, signifiant “Feux d’artifice en
plein jour”, qui est aussi le nom d’une boîte
de nuit : la police emmène la personne
suspecte dans une auto, mais à l’arrièreplan, en haut d’un immeuble en
construction, un personnage non identifié
bombarde l’assistance de feux d’artifice,
qui explosent dans le ciel diurne. Cela
suggérant à fois l’angoisse et l’euphorie.
Un bouquet final à la mesure de ce film
aussi noir que lyrique. Vincent Ostria
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11.06.2014 les inrockuptibles

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