LenouveauSergeLama, cocktailsexyetdélicat Les mots de Lynda
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LenouveauSergeLama, cocktailsexyetdélicat Les mots de Lynda
DR Musique «Quandj’arrête les tournées, jetombemalade» LYNDA LEMAY. Depuis deux petites décennies, la chanteuse québécoise préférée des Romands distille ses 26 octobre 2008. Le Matin Dimanche i 71 Les mots de Lynda Lemay Les paroles de 137 chansons de la Québécoise sont sur www.paroles.net Claude Gassian Serge Lama: «J’ai un tempérament assez noir mais c’est aussi un fond de sauce. Je vis dedans depuis que je suis né.» histoires réalistes teintées d’humour. «Allo c’est moi», son nouveau et 11e disque, est drôle et poignant. Interview Si la composition musicale est plus orchestrée et moins acoustique que d’ordinaire, les textes de Lynda Lemay n’ont rien perdu de leur mordant. DR ALBUM. Erotisme, gravité et sensibilité sont les ingrédients qui composent les textes ciselés de «L’âge d’horizons», le disque très réussi d’un artiste essentiel LenouveauSergeLama, cocktailsexyetdélicat Karine Vouillamoz «Q iÀ ÉCOUTER «Allo c’est moi», par Lynda Lemay, distr. Warner. Dans les bacs le 31 octobre. Elle sera en concert les 27 et 28 mars 2009 au Théâtre du Léman, à Genève Karine Vouillamoz Paris E lle est simple et chaleureuse, Lynda Lemay. C’est sans doute ce qui fait son succès. La Québécoise sait trouver les mots, les sujets qui nous touchent tous. Avec «Allo c’est moi», la chanteuse aux yeux azur ne fait pas exception à la règle. Si la musique mue – de l’acoustique, elle passe à une orchestration plus fouillée, plus recherchée –, ses textes restent les mêmes, mariant l’humour à double sens («Le dard», «La partouze») à la gravité, comme quand elle évoque en toute sensibilité le thème de la pédophilie («Des comme lui»). Le jour de notre rencontre, dans un hôtel parisien, Lynda Lemay cherche la fraîcheur de l’air conditionné. «Si je suis dans une atmosphère trop chaude, je tombe malade!» explique-t-elle dans un éclat de rire. A quelques mois de ses prochains concerts en Suisse romande, elle évoque pour nous la sortie d’«Allo, c’est moi». iVotre dernier album date de moins de deux ans; pourquoi cette frénésie de nouvelles chansons? Les chansons s’accumulent et j’ai qu’il peut y avoir autour de ça. Comenvie de les partager avec le pu- ment certaines personnes peuvent se blic. Quand je sens que j’ai dans cacher derrière le silence par honte mes bagages, dans mon cœur, d’avoir été abusées. Et puis il y a dans mon corps, autant de chan- l’abuseur qui, souvent, est reçu dans la sons à livrer, j’ai du mal à ne pas famille, et même si certaines personnes les enregistrer en studio. Si on savent ce qu’il a fait, personne n’ose attend trop, il y a plein de chansons parler pour ne pas défaire l’équilibre de qui restent dans les tiroirs. C’est pour ça cette famille. C’est un sujet très difficile que j’ai tendance à entrer en studio très à évoquer et je savais en l’écrivant qu’il spontanément. ne fallait pas que je me trompe d’un seul iTout de même, avec 18 titres, vous mot. Ce sont des choses qui existent ne faites pas les choses à moitié… dans de nombreuses familles. Je suis fière du choix des chansons iVous portez autour de votre cou et qu’on a gardées. Cet album est comme à vos doigts des bijoux couverts de le premier des dix qui suivront. J’ai têtes de mort, c’est votre côté rebelle? l’impression qu’avec «Ma signature» Exactement, c’est mon petit côté roc(l’album précédent paru en 2006, keuse que je n’exprime pas très bien sur n.d.l.r.), on avait bouclé une boucle. scène. Je n’ai pas la voix d’une rockeuse «Allo c’est moi» est un disque qui me mais si je l’avais eue, il y aurait eu un ressemble beaucoup, sur lequel il y a côté plus électrique dans mes spectacles. des thèmes que je n’avais jamais abor- Alors qu’en fait, ça ne me va pas bien du dés, comme le meurtre ou comme ce tout… Alors je garde ça dans mes barevenant de guerre qui ne s’est jamais gues, mes colliers. Mais c’est vrai que guéri des horreurs qu’il y a vues. C’est dans mes chansons, le thème de la mort un beau mélange entre des thèmes rigo- revient souvent. C’est normal, parce que los et d’autres à moitié rigolos. Mais il je parle de la vie. Inévitablement, où y a surtout des chansons poignantes. est-ce que ça aboutit tout ça? A la mort. iCe mélange des genres, c’est Je me pose souvent de grandes quesce qui fait votre personnalité? tions. Je suis un être humain, comme tout le iVous faites chaque année monde. La vie n’est jamais toute rose de longues tournées, c’est pour ou toute noire. A certaines périodes, on contrer les effets de la crise? se rend compte que la vie peut être Je me dis souvent qu’une année sabbatifragile. La maladie ou la mort peuvent que pourrait me faire du bien, que je être très proches de nous. Je vais dédra- n’ai pas besoin de tourner tout le matiser avec humour certains sujets un temps. Un ou deux ans de retrait pourpeu durs mais, souvent, je les aborde raient être agréables mais je me rends avec poésie pour me libérer de certai- compte que quand j’arrête, j’ai sounes peurs ou souffrances qui m’habi- vent tendance à tomber malade. Mon tent. corps manque de quelque chose, j’atiComment évoque-t-on un thème trape des bronchites qui n’en finissent tel que la pédophilie? plus. Lorsque je reprends le travail, la C’est le plus délicat que j’ai eu à traiter. santé est de retour même si la fatigue Cette chanson parle surtout du silence est parfois extrême. Y uand on a 20 ans, on a l’âge de déraison; à 40 ans, on a l’âge de raison parce qu’on est bien obligé; et à mon âge, passé la soixantaine, on a l’âge d’horizons. Dans vingt ans, ce sera l’âge d’oraison!» lance Serge Lama dans un grand éclat de rire. A 64 ans, le chanteur français sort un très bel album, «L’âge d’horizons». Celui que l’on a trop tôt rangé dans la catégorie des chanteurs «à grosse voix, ne sachant que vanter son amour des femmes» est un homme sensible, délicat. Sur cet album, il met en avant ses talents d’auteur. «A l’époque, souligne-t-il, on ne savait pas que j’écrivais mes chansons. Les gens venaient voir le chanteur et le chanteur occultait tout. Il s’exprimait largement, chantait avec force gestes. Ayant fait de la comédie, il a gagné en sobriété et c’est un autre chanteur qui est revenu après ces expériences.» «La mélancolie est source d’inspiration» La voix de Serge Lama est ainsi mise en avant. Finies les envolées symphoniques, le chanteur fait désormais preuve de modestie musicale. Et ça lui va bien. Comme sur «Les filles d’Abraham» ou «J’arrive à l’heure», temps forts de cet album. Et puis il y a l’érotisme aussi, présent dans quatre chansons, dont «Objets hétéroclites». «Les sextoys sont devenus à la mode, tout le monde se rue dessus aujourd’hui. J’en ai fait une chanson complète qui va assez loin», explique-t-il. Mais derrière tout cela, il y a une profonde mélancolie qui le taraude depuis des décennies. «Il y a une forme de délectation morose dans la mélancolie que tous les gens comme moi ressentent. C’est une source d’inspiration, c’est beaucoup de peine aussi car c’est lourd à porter. J’ai un tempérament assez noir mais c’est aussi un fond de sauce. Je vis dedans depuis que je suis né.» Mais que lui a donc révélé l’écriture? «L’écriture est une opportunité de m’évader au quotidien, de sortir de moi-même où je ne suis pas tellement bien. Je n’ai pas une grande passion de moi. L’écriture me permet de m’évader un peu de mon monde intérieur. Mon destin n’est pas entre mes mains: c’est mon corps qui commande le tout. Ma pensée est encore assez alerte mais mon corps ayant eu un grave accident quand j’avais 22 ans, il en supporte les conséquences. J’ai souffert physiquement pendant trente ans et aujourd’hui, c’est mon corps qui fera la différence, qui décidera à ma place», conclut le chanteur. Y iÀ ÉCOUTER «L’âge d’horizons», par Serge Lama, distr. Warner. Dans les bacs le 31 octobre. Il sera en concert le 6 mars 2009 au Théâtre de Beaulieu, à Lausanne PUB