Phonétique et élocution québécoises : Pistes pour
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Phonétique et élocution québécoises : Pistes pour
Phonétique et élocution québécoises : Pistes pour l’apprentissage de la prononciation en public Conférence, MELS, février 2011 par Claude Poirier, directeur Trésor de la langue française au Québec, Université Laval 1. La variation linguistique Toute langue connaît des variations plus ou moins importantes qu’on peut regrouper sous quatre paramètres principaux : le temps (variation chronologique), le lieu (variation géographique), le milieu (variation sociale) et la situation (variation situationnelle ou stylistique). • Variation chronologique. Prononciation du mot mariage : /dja/ ~ /ja/. Crémone ~ foulard. • Variation géographique. Prononciation du mot baleine : (/è/ de Québec ~ /è:/ de Montréal). Bombe ~ canard. • Variation sociale. Toi prononcé habituellement (/twé/ ~ /twa/). Différences de générations : mets-en, fais là !, c’est l’enfer. • Variation situationnelle ou stylistique. Parler à la maison et parler au bureau. Mots familiers et mots neutres: placoter ~ bavarder; bibite ~ insecte; gosses ~ testicules. Québécismes familiers dans les éditoriaux (tergiverser ~ bretter). Parmi les éléments de variation, ceux qui tiennent à la localisation du territoire (variation géographique) ont été traditionnellement jugés de façon beaucoup plus sévère que les autres (source de moqueries). L’argot et les expressions grossières, qui relèvent de la variation sociale, ont, par exemple, été beaucoup mieux représentés dans les dictionnaires que les variantes régionales. Avoir un accent régional a été considéré comme un handicap dans le monde français. Cette attitude contraste étrangement avec celle que l’on observe dans d’autres pays, par exemple en Allemagne. 2. La notion de « répertoire linguistique » Le répertoire linguistique, c’est l’ensemble des acquis d’une personne, des ressources de la langue qu’elle maîtrise. Plus le répertoire linguistique d’une personne est riche, plus elle devient apte à s’adapter à des situations variées. Entrent dans le répertoire linguistique l’ensemble des variétés d’une même langue que l’on sait manier et les habiletés que l’on a acquises dans d’autres langues. Posséder un large répertoire linguistique est un atout important en société. 3. Caractéristiques phonétiques du français québécois On ne présentera ici qu’une partie des traits phonétiques qui caractérisent le français québécois. Le but poursuivi n’est pas de donner un relevé exhaustif, mais plutôt de proposer une typologie qui permette de fonder une approche pédagogique en vue de l’apprentissage d’une prononciation correcte en public. a. Oppositions phonologiques Certaines oppositions phonologiques qui sont en voie de disparition en France se conservent fermement en français québécois. • / è / ~ / è: / = comme dans faites ~ fête, mettre ~ maître • / a / ~ / α / = comme dans patte ~ pâte tache ~ tâche • / é / ~ / è / en finale de mot, comme dans ferai ~ ferais • / in / ~ / un / = comme dans brin ~ brun ** Évaluation : Ces traits aujourd’hui caractéristiques du FQ sont conformes à la norme française et on peut évidemment les conserver. b. Réalisations phonétiques • Timbre ouvert des voyelles / i /, / y / et / u / en position fermée par des consonnes abrégeantes, comme dans -- difficile, vite, pipe, etc. qui sont prononcés avec un / I / ouvert plutôt qu’un / i / fermé; -- jupe, nuque, juste, etc., qui sont prononcés avec un / Y / ouvert plutôt qu’un / y / fermé; -- coupe, goutte, bouche, etc. qui sont prononcés avec un / U / ouvert plutôt qu’un / u / fermé. • Timbre du / α / postérieur = veux pas, etc. qui devient / Â / comme dans frimas, avocat, j’en • Timbre fermé et articulation partiellement nasalisée des voyelles nasales, comme dans maman, quatre-vingt, tombe, brun • Diphtongaison des voyelles, surtout le / è: / long et le / α / postérieur, comme dans frère [fRaiR] ], pâte [pαut]. • Assibilation de / t / et / d / devant les voyelles / i /, / y / et les semi-consonnes correspondantes, comme dans tsiens, outsil, dzur, étsui 2 • Maintien du / r / antérieur roulé dans une bonne partie (ouest) du Québec ** Évaluation : Ces traits sont acceptables quand ils ne sont pas trop marqués, la tolérance étant moins grande pour la diphtongaison. Dans le cas du / r /, évidemment, il s’agit d’une prononciation tout à fait différente du / R /, qu’il n’y a pas lieu de corriger. c. Prononciations traditionnelles Il s’agit de cas où le mot se prononce avec un autre son (voyelle ou consonne) que celui qui est attendu d’après la norme d’aujourd’hui, ou avec un son qui est ajouté à la fin d’un mot. Certaines de ces prononciations étaient normales en français autrefois, d’autres représentent des habitudes phonétiques héritées des premiers colons. • / a / à la place de / è / devant / R / suivi d’une consonne : pardre, ciarge • / é / à la place de / è / dans les mots père, mère, frère, collège, etc. • oi prononcé / wé / ou / wè /, comme dans toé, moé, tirouèr, armoère, etc. • Prononciation du / t / final dans des mots comme bouT, faiT, liT, etc ** Évaluation : Ces traits phonétiques se retrouvent le plus souvent dans la langue populaire et familière, où ils ont une valeur expressive. Ils ne conviennent plus de nos jours dans les discours publics. d. Sons assourdis ou écrasés dans la chaîne parlée • Assourdissement : député, c’tait, ch’t’après • Chute de consonnes, surtout dans les articles et les pronoms : su(r) (l)a tab(le), mais aussi dans : par (e)xem(ple) ** Évaluation : Phénomènes qui nuisent à la compréhension et qui doivent évidemment être évités dans la langue publique. Conditionnent la prosodie, le rythme de la phrase. Bibliographie Marshall, Alain, « Éléments de phonétique québécoise », texte reproduit dans Langue et identité. Le français et les francophones d’Amérique du Nord, textes et points de vue présentés par Noël Corbett, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1990, p. 251-262. Ostiguy, Luc, et Claude Tousignant, Le français québécois. Normes et usages, Montréal, Guérin, 1993. 3 PHONOLOGIE ET PHONÉTIQUE DU FRANÇAIS Trapèze vocalique du français incluant les variantes québécoises 4 5 6 7 ALPHABET PHONÉTIQUE N.B. Le grisé sert à identifier les variantes québécoises VOYELLES CONSONNES [i] [I] [é] [E] [3] [a] [A] [1] [O] [o] [u] [U] [y] [Y] [0] [4] [e] [*] [8] [9] [2] [7] [6] [p] [t] [s] pomme, jupe table, route tire, tiens, tu, tuyau [k] [c] [b] [d] [z] [g] [J] [f] [s] [S] [v] [z] [G] [l] [] [+] [m] [n] [N] cave, barque (variante palatale de [t] et [k]) bol, tabac donner, idée dire, diable, du, conduire gallon, langue (variante palatale de [d] et [g]) fève, photo sec, tasse, celle chat, lâche vif, cuve zéro, raison jardin, âge lire, aller roche, fer (variante antérieure de //) ma, lime neuf, reine agneau, gagner (fermé) mari, ivre (ouvert) vite, bille clé, jaser mettre, billet (ouvert et long) maître, frère claque, patte pâte, barre (variante vélaire de [A]) gomme, porte mot, chaud (fermé) cou, détour (ouvert) toute, poule (fermé) rue, uni (ouvert) butte, pulpe neveu, deux beurre, seul le, relier malin, brin (France, Acadie) malin, brin blanc, enfant (France, Acadie) blanc, enfant bon, sombre brun, emprunt SEMI-CONSONNES [j] [H] [w] Sons qui n’ont pas valeur de phonèmes [M] camping (dans des emprunts) [h] hop fille, rien lui, suivre oui, jouer [’] [:] 8 indique une absence de liaison indique un allongement vocalique