Version PDF - Galerie Fatiha Selam

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G A L E R I E
F A T I H A
S E L A M
Notre rencontre avec Jörg
Gessner
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Cette semaine, Claire, notre reporter, est partie à la rencontre de Jörg
Gessner, un artiste allemand passionné par la matière et en quête de
lumière qui conçoit ses toiles à partir du Washi traditionnel, un papier
fabriqué artisanalement au Japon depuis le VIIe siècle.
Son exposition « La feuille d’ombre » est à découvrir à la galerie Fatiha
Selam jusqu’au 30 avril.
Jörg Gessner, peux-tu nous parler de ton parcours et de ta
passion pour la matière?
C’est une passion qui s’est construite petit à petit. J’ai
commencé très jeune un apprentissage artisanal car j’étais
déjà très intéressé par la matière et le savoir technique autour
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de celle-ci. A 17 ans, j’ai commencé à apprendre le métier de
tailleur en Allemagne et suite à cette expérience, j’ai travaillé
chez des créateurs de mode à Paris. J’ai d’ailleurs suivi les
cours du Studio Berçot, une école de mode qui forme au
métier de styliste. Je travaillais en même temps et dans mon
souvenir, j’étais le seul à faire ça. Après plusieurs expériences
dans le monde de la mode, je me suis dit que ce n’était pas
l’environnement qu’il me fallait. Et j’ai décidé sur un coup de
tête de devenir designer textile. J’ai ensuite trouvé un emploi
à Milan. L’effondrement du marché du textile en Europe a été
une période bouleversante. Ca m’a amené à travailler pour
une société qui faisait fabriquer en Chine et cet
environnement de travail était très difficile. À ce moment là,
j’ai décidé de me tourner vers d’autres horizons. J’ai ouvert
ma société et je me suis lancé comme indépendant. Et là, j’ai
commencé à travailler avec le papier et la lumière. J’ai aussi
participé à la villa Médicis hors les murs. Un jour, j’ai eu un
déclic et je me suis rendu compte que je n’avais pas
forcément besoin d’apposer un graphisme sur mes surfaces
vierges.
“Quand je
conçois
une toile,
mon
travail
est d’aller
Jörg GESSNER, exposition "La feuille d'ombre" du 12 mars au 30 avril
2016. Galerie Fatiha Selam
au plus
près de la
fibre et
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de la
finesse
du
papier. ”
Pour ta deuxième exposition personnelle à la galerie Fatiha Selam, tu poursuis ton travail sur
le papier Washi traditionnel. Pourquoi cette passion pour le papier japonais?
Il y a 10 ans lors d’un voyage de trois mois au Japon, ma rencontre avec Yoshinao Sugihara,
descendant de dixième génération de Hanshirou Sugihara, le fondateur de la véritable fabrique
de washi, a été un véritable choc. J’ai découvert des matériaux d’une telle finesse et variété, et
d’un tel savoir faire que j’ai été réellement happé. Après cette découverte, il y a eu plusieurs
étapes. Tout d’abord, j’ai étudié la matière. Puis, j’ai dessiné des objets pour les japonais avec
leur papier et j’ai également imaginé des papiers qu’ils réalisaient pour leur marché. Ma
rencontre avec un maître d’apprentissage qui lui n’était pas papetier mais qui en revanche
s’occupait de l’application des papiers a été également un moment très important dans ma
carrière. C’est l’un des meilleurs professionnels au Japon qui m’a appris comment appréhender
ces matériaux.
Combien y a t-il d’artisans papetiers au Japon ?
Au Japon, il a beaucoup d’artisans et chacun possède sa spécificité. Il y a des endroits où il y a
de nombreux artisans de très haute volée qui font les meilleurs papiers du monde. Il y en a
également dans des pays comme la Chine mais malheureusement très peu. Par contre, les
papetiers ont de moins en moins de marché en raison du changement des modes de vie au
Japon. Il y a aussi des problématiques de descendance. La jeune génération ne souhaite pas
forcément reprendre la société familiale. C’est pour cette raison notamment que la majorité
ferme. A titre d’exemple, j’ai réuni une bibliothèque qui regroupe plus de 1200 papiers japonais
et depuis que j’ai commencé cette collection, plus d’un quart des artisans ont arrêté leur
activité. C’est vraiment une culture spécifique au Japon d’une grande richesse mais en grand
danger. Pour cette exposition, j’ai utilisé pour l’une des toiles un papier qui provient d’un artisan
ayant fermé sa fabrique l’année dernière. Ce papier a une valeur historique car il ne sera plus
jamais fabriqué.
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“Pour cette
exposition, j’ai
utilisé pour l’une
Jörg GESSNER, exposition "La feuille d'ombre" du 12 mars au 30 avril
2016. Galerie Fatiha Selam
des toiles un
papier qui
provient d’un
artisan ayant
fermé sa
fabrique l’année
dernière. Ce
papier a une
valeur historique
car il ne sera
plus jamais
fabriqué. ”
Combien de couches de papiers utilises-tu?
Sur mes toiles, j’utilise plusieurs couches de papier et le nombre varie en fonction des tableaux.
A l’intérieur d’une même série, c’est toujours le même système donc le même nombre. Cela
peut aller de 34 à 152 pour les diptyques. Les petites œuvres ont déjà un certain nombre de
papiers pour la préparation du fond et après j’utilise d’autres couches pour « la finition ». A
l’intérieur de certaines toiles, il n’y a que 8 papiers. Le washi est produit à la main le plus
souvent à partir de l’écorce du mûrier (voir aussi de mitsumata et de gampi) par un procédé
traditionnel manuel. L’écorce subit un traitement à la main très complet pour être nettoyée et
affinée.
Comment fais-tu ressortir la matière sur tes toiles ?
C’est une alchimie très fragile. Selon les formats, j’ai différentes obligations. Le papier sur la
surface possède une certaine épaisseur et je dois faire attention au papier qui constitue
l’intérieur. S’il y a un élément qui déséquilibre cette fragilité, l’équation ne fonctionne plus.
Quand je conçois une toile, mon travail est d’aller au plus près de la fibre et de la finesse du
papier. J’anticipe le résultat grâce à la connaissance que j’ai acquise ces dernières années.
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Certaines fibres sont creuses et captent la lumière. La lumière est transportée dans la fibre telle
une fibre optique. Il y a d’autres fibres plutôt ondulées et qui sont réfléchissantes mates.
D’autres fibres sont plates et réfléchissent directement la lumière. Avec ces différents
paramètres et ces différentes épaisseurs, les papiers pèsent tout de même 2 grammes au
mètre 2, j’arrive à créer des surfaces sur laquelle la lumière est plus ou moins absorbée.
Qualifierais-tu ton protocole de travail de rituel ?
Je dois surveiller mes mains et soigner ma peau, travailler la fenêtre fermée évidemment et
éteindre mon portable pour travailler dans le calme. Et après, je me force à ne pas penser, à ne
pas parler et à ne pas écouter de la musique. Je manipule mes feuilles en respirant à peine.
Parfois, elles sont tellement fines qu’elles flottent dans l’air. Je m’amuse à les faire atterrir
comme un cerf-volant. J’ai un rituel de travail strict pour n’être plus que dans mes gestes et non
plus dans ma tête. Lorsque je commence à penser au processus, cela ne fonctionne plus. J’ai
vu cela dans le Bunraku, un type de théâtre japonais datant du XVIIe siècle. Les personnages y
sont représentés par des marionnettes de grande taille, manipulées à vue. En revanche, à
certains moments, on a vraiment l’impression que la personne et la marionnette ne font plus
qu’un. C’est un peu comme cela que l’on pourrait le comparer. Lorsque je crée, je n’existe plus.
Je ne suis plus que dans l’action qui se déroule devant moi. C’est assez déconcertant car je
suis incapable de le planifier.
“Lorsque je crée,
je n’existe plus.
Je ne suis plus
que dans l’action
qui se déroule
devant moi. ”
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Jörg GESSNER, exposition "La feuille d'ombre" du 12 mars au 30 avril
2016. Galerie Fatiha Selam
Au regard de la pureté de tes tableaux, le titre de ton exposition « la feuille d’ombre »
résonne presque comme un contresens. Qu’est-ce qui t’as poussé à choisir ce titre ?
En effet, c’est presque un contresens mais ça ne l’est pas tant que ça. A l’occasion de ma
première exposition à la galerie Fatiha Selam, il y avait des papiers qui réfléchissaient la lumière
de manière très direct. Pour certains tableaux ici, on a l’impression que l’espace et l’ombre se
dévoilent derrière le tableau comme s’il y avait un espace derrière le mur. Il y a une profondeur,
une tonalité de gris et plus d’ombres. Il y a aussi une fibre qui capte et absorbe plus la lumière
d’où le choix « la feuille d’ombre ». Pour l’anecdote, j’ai travaillé tout l’automne jusqu’à la fin de
l’hiver et c’est probablement aussi pour cette raison que j’ai choisi ce titre.
Au final, est-ce que tu te considères artiste ou plutôt designer ?
Je n’aime pas beaucoup les étiquettes. Mais s’il faut choisir, je suis ce que l’on pourrait appeler
artiste même si mon travail a d’autres motivations. Dans le futur, dans un autre temps, mon
travail pourrait être perçu comme quelque chose de spirituel. Et dans un autre lieu et un autre
temps encore, mon travail pourrait avoir une autre nature.
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Jörg GESSNER, exposition "La feuille d'ombre" du 12 mars au 30 avril 2016. Galerie Fatiha Selam
LES TROIS CHOSES QUE VOUS NE SAVEZ PAS
ENCORE...
Quels sont tes projets à venir ?
Mes projets vont se cristalliser dans les mois à venir. J’ai déjà entamé la commande de grands
formats, d’1m50 sur 2m, pour éviter de tomber dans une dépression post-exposition et manquer
de temps. J’attends actuellement la livraison de 16 châssis, 16 grands cadres et 32 grands
papiers.
Collabores tu encore avec le monde de la mode ou le design ?
Non je ne collabore plus avec la mode depuis longtemps. Et avec le design, je ne le fais
pratiquement plus sauf s’il y a vraiment une demande spécifique et intéressante. Je ne sais pas
vraiment pourquoi mais je pense avoir imaginé trop d’objets dans des contextes différents.
Maintenant la seule chose qui m’intéresse, c’est la lumière et la réalisation de mes toiles.
As-tu un conseil à donner aux jeunes artistes ?
Apprendre autant que possible. Avec du recul, je pense que le succès facile est un leurre
auquel il ne faut pas croire. Et bien sûr garder son âme d’enfant et proposer un travail qui soit le
plus honnête, sincère et parfait possible.
L'exposition de Jörg Gessner, "La feuille d
'ombre", est visible jusqu'au 30 avril à la
Galerie Fatiha Selam, 58 rue Chapon, Paris
3ème.
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cartographiques
©2016 Google
une erreur cartographique
Une rencontre réalisée et racontée par :
Claire
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