Rebondir apres des accidents de carriere - 1.0

Transcription

Rebondir apres des accidents de carriere - 1.0
Rebondir après des accidents de carrière
Rebondir après des accidents de
carrière
Redéfinir vos revers comme des opportunités
implique une réfléxion approfondie sur qui
vous êtes et ce que vous voulez
Mitchell Lee Marks
Philip Mirvis
Ron Ashkenas
Jean-Jacques Auffret
(pour la traduction française)
Nov 2014
V1.0
Cet article est la traduction en français d’un
article paru en octobre 2014 dans la Harvard
Business Review sous le titre : « Rebounding
from Career Setbacks »
Brian était une étoile montante dans sa société.
Il progressait à travers une série de postes de
cadre supérieur et avait été choisi pour diriger
une Business Unit, rapportant directement au
Directeur Général. Mais après environ deux ans
dans ce poste, en dépit de ses résultats
financiers impressionnants, son patron l’écarta
soudainement. Brian s’entendit dire que son
entreprise s’efforçait de devenir une société plus
ouverte, plus engagée, plus globale et que son
style de leadership aggressif ne reflétait pas ces
valeurs.
Comme la plupart des managers ambitieux qui
subissent des revers de carrière, Brian a traversé
une période de choc, de deni et de dévalorisation
de lui-même. Après tous, il n’avait jamais jamais
échoué dans aucun poste auparavant. Il avait du
mal à accepter le fait qu’il n’était pas aussi bon
qu’il le pensait. Il était également déçu et en
colère de constater que son patron ne lui avait
pas donné une chance de faire ses preuves.
Cependant, au bout de ce temps, il reconnut
qu’il ne pouvait pas changer cette décision et
résolut de se concentrer sur son futur. Aucune
des personnes qui travaillaient pour lui n’avait
émis d’objection lors de sa mise à l’écart, il était
donc particulièrement motivé pour rechercher
les moyens de favoriser la loyauté chez ses futurs
collaborateurs.
Quelques mois plus tard, une grosse société
spécialisée dans les grosses pièces industrielles,
impressionnée par les capacités indiscutables
de Brian à atteindre ses objectifs financiers, le
recruta à la tête d’une de ses divisions. Ce poste
se situait un cran en dessous de sa position
antérieure, mais il décida néanmoins de le
prendre, de façon à pouvoir expérimenter
d’autres façons de travailler et d’être un leader,
en apprenant à mieux contrôler ses émotions et
à entraîner ses équipes autour de lui. Ce fut
payant : moins de trois ans plus tard, une autre
société —cette fois une entreprise de production
du Fortune 500 1 — l’embaucha pour être son
Directeur Général. Durant ses sept années à ce
poste, il doubla le chiffre d’affaire de la
compagnie et créa une culture basée à la fois sur
l’innovation et une attention stricte portée à la
performance et la productivité.
Bien entendu, tout le monde ne peut pas passer
de la perte de son poste à la direction d’une
grande entreprise. Mais en plus de 30 ans de
recherche et de travail de consultant avec des
clients de niveau exécutif, nous avons découvert
qu’une des leçons de l’histoire de Brian
s’applique de manière assez universelle : même
un échec de carrière sévère peut devenir un
tremplin vers le succès si vous y répondez de
manière adéquate.
Pour exécuter un rétablissement comme celui de
Brian, vous vous focalisez sur un petit nombre
de tâches : comprenez pourquoi vous avez perdu,
trouvez de nouveaux chemins, et saisissez la
bonne opportunité lorsqu’elle passe a portée de
main.
Comprenez pourquoi vous avez perdu
Nous avons interviewé des centaines de cadre
supérieurs qui avaient été mis à la porte,
licenciés ou écartés d’une promotion (comme
résultat
de
fusions,
restructurations,
compétition pour des postes convoités, ou à la
suite d’échecs personnels). Bien souvent nous
les avons trouvés en train de traverser les étapes
classiques du deuil telles que définies par la
psychiatre
Elisabeth
Kübler-Ross:
ils
commencent avec le choc et le déni à propos de
ces évènements, puis développent de la colère
envers la compagnie ou le patron, marchandent
leur destin, avant une période prolongée où ils
lèchent leurs plaies en se demandant s’ils
pourront jamais retrouver le respect de leurs
pairs et de leur équipe. Beaucoup d’entre eux
n’arrivent jamais jusqu’au stade de l’acceptation.
Comme les psychologues sociaux l’ont montré
lors de décennies de recherches, Ceci est du en
partie au fait que les hauts potentiels
Index annuel des 500 plus grosses compagnies américaines,
mesurées sur le critère de leur chiffre d’affaire. Cet index est établi
par le magazin Fortune, d’où son nom, et représente dans la
culture des affaires américaine en quelque sorte l’équivalent du
CAC 40 en France (NdT)
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s’attribuent généralement trop de crédit pour
leurs succès, et ont tendance à trop blâmer des
facteurs externes en ce qui concerne leurs échecs.
Il s’agit d’un type de biais d’attribution qui
protège l’estime de soi, mais qui empêche
également l’apprentissage et restreint la capacité
à grandir. Ces personnes incriminent des
facteurs liés à la situation ou bien à des luttes
politiques internes à l’entreprise, au lieu
d’examiner leur propre rôle dans l’appartition
du problème.
D’autres demandent un retour honnête à leur
entourage, mais la plupart se tournent vers des
amis compatissants, des membres de leur
famille, et des collègues qui renforcent leur
image d’eux-mêmes (“Tu méritais ce job”) et
nourrissent leur colère (“Tu as toutes les raisons
d’être furieux”). Ceci les empêche de considérer
leur propre degré de culpabilité et de se libérer
du comportement destructif qui a fait dérailler
leurs plans au départ. Cela peut aussi les
conduire à faire monter d’un cran leurs efforts
actuels et leurs attentes vis-à-vis d’un futur
poste.
Ceux qui rebondissent après un accident de
carrière prennent une approche toute différente.
Au lieu de rester bloqués dans le reproche ou la
douleur, ils examinent activement comment ils
ont contribué à ce qui est allé de travers,
évaluent s’ils ont pris correctement la mesure de
la situation et réagi de manière appropriée, et
considèrent
ce
qu’ils
accompliraient
différemment si c’était à refaire. Ils collectent
également des retours auprès d’une grande
variété de personnes (y compris leurs supérieurs,
des pairs, et des subordonnés), en étant clairs
sur le fait qu’ils recherchent des retours
honnêtes et non de simples tapes dans le dos.
Brian, par exemple, a du engager des
conversations franches, parfois douloureuses,
avec son patron, plusieurs des personnes qui lui
rapportaient, ainsi que quelques collègues de
confiance pour découvrir qu’il avait développé
une réputation nuisible à sa carrière de
quelqu’un de difficile et pas toujours capable de
maîtriser ses émotions.
C’est aussi le cas de Stan, un senior partner
dans un cabinet de prestation de service auprès
de commerçants qui envisageait une expansion
internationale. Avocat convaincu de ce plan de
croissance, il visait d’être nommé à la direction
du nouveau bureau de Londres du cabinet.
Lorsque ce fut un autre partner qui fut
selectionné, Stan fut outré. Il rumina pendant
quelques semaines, puis résolut de prendre une
approche plus productive. Il organisa une série
de réunions face à face avec les membres du
comité exécutif du cabinet. Au début de chacune
d’entre elle, il expliqua qu’il ne cherchait pas à
changer la décision, mais qu’il cherchait
simplement à comprendre pourquoi elle avait
été prise. Il prit soin de ne pas paraître amer ou
critique vis-à-vis du processus ou des gens qui y
étaient impliqués. Il garda un ton positif et
confiant, et exprima une volonté d’apprendre de
ses erreurs.
En retour, les membres du comité exécutif lui
rendirent des avis utiles et cohérents: ils
voyaient son aggressivité comme un atout aux
Etats-Unis mais n’étaient pas sûrs que celle-ci
serait de nature à gagner de nouveaux clients et
et gérer le bureau du Royaume Uni. Sa réaction
initiale fut d’être sur la défensive (“Personne ne
s’inquiétait de mon aggressivité lorsqu’elle
débouchait sur de gros contrats”, se disait-il.)
Mais il garda ses réactions pour lui— en en
revint rapidement à apprécier la franchise de ces
retours. “Ce n’est pas qu’ils me demandaient de
changer”, réfléchit-il, “mais ils m’ont clairement
signifié que mon style était un obstacle entre
moi et cette opportunité.”
Trouvez de nouveaux chemins
L’étape suivante consiste à peser objectivement
le potentiel pour transformer votre revers en un
mouvement gagnant, que ce soit via un rôle
différent
dans
votre
organisation,
un
mouvement vers une autre société, ou bien
encore un changement plus radical d’industrie
ou de carrière.
Redéfinir des deuils comme des opportunités
requiert une réflexion intense sur qui vous êtes
et ce que vous voulez. La recherche montre que
la fuite est une réaction commune à un
déraillement de carrière — on peut partir en
voyage pour fuir ses problèmes, s’immerger
compulsivement dans le travail, boire ou
manger à l’excès, ou éviter de partager ses
pensées et ses plans avec sa famille et ses amis.
Bien que ces comportements puissent vous
apporter l’espace mental nécessaire pour
décanter ce qui vous arrive, ils conduisent
rarement à une transition productive. Il est plus
efficace de s’engager dans une exploration
résolue de toutes les options disponibles.
De nouvelles opportunités ne se présentent
habituellement pas spontanément, bien sûr, et il
peut s’avérer difficile de les identifier à travers le
brouillard de colère et de déception qui existe
dans les premiers qui suivent un revers. Des
études dues à l’expert en gestion du changement
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William Bridge soulignent les tensions
ressenties par les personnnes qui sont ainsi
déchirées entre s’accrocher à leur identité et leur
attentes courantes, et le lâcher prise. Les
dirigeants que nous avons conseillés font état
d’une entrée dans une “zone crépusculaire”: le
statu quo a été définitivement disqualifié, mais
le visage que revêtra le succès dans le futur n’est
pas encore clair.
C’est pourquoi il est utile de prendre le temps
d’expérimenter quelques idées concernant la
voie à suivre. Une option est de discuter avec un
conseiller de carrière ou engager une thérapie,
l’un et l’autre pour clarifier vos buts et travailler
sur votre développement personnel. Une autre
consiste à prendre un congé sabbatique pour
retourner à l’école ou faire une exploration d’un
autre centre d’intérêt professionnel dans une
start-up ou une organisation à but non lucratif.
Faire une petite pause peut vous permettre de
trouver une autre signification dans votre revers.
Rappelez-vous comment Brian a réagi lorsqu’il a
été licencié de son poste de directeur d’unité: il a
commencé par considérer un poste inférieur qui
lui donnerait l’espace nécessaire pour régler un
peu son style de leadership. Ou bien voyez Paula,
que nous avons rencontrée alors que nous
étudiions la résilience des cadres supérieurs du
secteur de la publicité en ligne touchés par des
restructurations. Lorsque le Directeur Général
de sa société high-tech lança une intiative de
transformation majeure de la compagnie, Paula
se sentit relativement à l’abri parce que sa
Business Unit européenne avait atteint ou
dépassé ses objectifs durant 11 trimestres
d’affilée, et qu’elle-même avait été promue trois
fois en cinq ans. Mais elle découvrit alors que
son poste allait être supprimé.
Au début, Paula mit tout en cause, depuis la
politique au sein de la société jusqu’à l’incacité
de son supérieur à la protéger, elle et son équipe.
Puis, trois mois après l’annonce, son dernier
jour arriva. Elle n’avait aucun plan, et ne voulait
en faire aucun dans l’immédiat. Au lieu de cela,
elle investit du temps dans l’examen de sa vie et
de sa carrière. Elle se mit en contact avec des
amis et des relations de travail — “non pour
réseauter” (selon ses propres mots) mais pour
élargir sa perspective et sa réflexion a propos de
ses buts. Elle réflechit à chacune de ces
conversations, prit des notes, et finalement
développa ce qu’elle baptisa “quatre thèmes
pour mon prochain job”: elle voulait mettre de
nouveaux produits sur le marché (plutôt que
lancer dans d’autres parties du monde des offres
existant déjà aux US), interagir plus directement
avec les clients, travailler pour une société dotée
d’une proposition de valeur spécifique, et avoir
des collègues qu’elle appréciait et en qui elle
pouvait avoir confiance. Paula travailla ensuite
sa recherche d’emploi de telle sorte que ces
objectifs soient atteints.
Saisissez les bonnes opportunités
Après que vous avez identifié les prochaines
étapes possibles, vient le moment d’en choisir
une. C’est vrai, cela peut être un peu angoissant,
tout spécialement si vous vous aventurez dans
un territoire inconnu en matière de carrière. Réimaginer votre identité professionelle est une
chose; lui donner vie en est une autre. Rappelezvous, cependant, que vous n’avez pas laissé
derrière vous avec votre dernier job tout vos
talents et votre expérience, et que vous allez
aussi apporter les leçons que vous avez tirées de
votre revers. Vos avez pu également mettre à
jour de manière productive votre définition du
succès.
Les recherches que nous avons conduites, en
compagnie du spécialiste de gestion de carrière
Douglas ‘Tim’ Hall, montrent que nos besoins et
priorités peuvent changer radicalement au cours
du temps, comme lors de la naissance d’enfants,
ou de leur croissance puis de leur départ de la
maison, lorsque des rêves initiaux s’éloignent à
mi-vie pour être remplacés par de nouveaux qui
émergent, et quand certaines perspectives et
talents sont dépassées tandis que de nouveaux
objectifs de progression nous attirent. Par
conséquent, choisir une nouvelle opportunité
dépend beaucoup du moment où vous
l’envisagez.
L’histoire de Paula illustre ce point. Sa liste de
“points non négociables” la conduisit à passer
des entretiens et à accepter une position
supérieure, comme Vice-Présidente au sein
d’une firme plus petite dans la même industrie.
Le poste était localisé dans la ville d’Europe où
elle résidait déjà et souhaitait demeurer.
Brian, au contraire, prit l’option d’une
dégradation significative de son niveau
hiérarchique, mais saisit l’opportunité d’y
apprendre à devenir un meilleur manager. Il
développa une compréhension des leviers qui
l’avaient conduit à se comporter de manière
contre-productive par le passé et trouva des
stratégies alternatives. Par exemple, au lieu de
bondir immédiatement sur des subordonnés en
cas de “ratés” dans leur performance, il apprit à
avoir des discussions à froid avec les managers
en question. Avec un peu de pratique, cette
approche plus mesurée lui devint plus naturelle.
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Bruce, un cadre supérieur de la direction des
systèmes d’information d’une banque de New
York qui fit l’objet d’une fusion, est un autre
exemple. Il garda son job à l’issue de l’opération,
mais fut dévasté par le fait de perdre à cette
occasion le pari qu’il avait fait de devenir le
Chief Technology Officer de la nouvelle société
fusionnée. Il resta à son poste durant la période
d’intégration, mais après un an passé à
reconsidérer ses objectifs tant professionnels
que personnels —et à examiner toute une série
de jobs possibles— il déménagea à Austin, Texas
et rejoignit une petite société technologique qui
connut un énorme succès.
doute de soi associés aux échecs en de
l’enthousiasme
vis-à-vis
de
nouvelles
possibilités.
_________
Mitchell Lee Marks est leadership professor au San Francisco State University’s
College of Business et président de JoiningForcres.org. Philip Mirvis est
psychologue organisationnel et consultant. Ron Ashkenas est Senior Partner de
Schaffer Consulting à Stamford, Connecticut.
HBR Reprint R1410J
Jean-Jacques Auffret ⎥ [email protected] ⎥ https://www.linkedin.com/in/jjauffret
© Jean-Jacques Auffret pour la traduction française
Tout aussi important, il trouva également le
temps de coacher le club de foot de ses deux
enfants et d’assouvir sa passion pour la musique
en tant que guitariste dans un groupe local.
Comme Paula et Brian, Bruce fit un sérieux
travail de recherce après son revers — puis il agit
avec conviction. Il opta pour une autre ville, une
autre industrie, un autre job qui lui
permettraient de se rétablir et de prospérer.
Pour les cadres supérieurs qui décident de
demeurer chez leur employeur, le plus grand
changement pourrait bien résider au niveau de
l’état d’esprit et de l’engagement psychologique.
C’est ce qui est arrivé à Stan dans sa société de
prestation de services: doté d’une vue plus claire
de la façon dont ses collègues le percevaient, il
assuma son rôle de “star”, en en appréciant
mieux le revenu, le statut et les avantages qui
allaient avec. Il trouva également une nouvelle
source de satisfaction et de réalisation, en
devenant un mentor pour toute une nouvelle
génération de talents sur la façon de gagner des
affaires.
Changer de perspective comme cela demande
exactement autant d’énergie que pour changer
de société ou de job. Si vous n’êtes pas capable
de revisiter votre job actuel avec un
enthousiasme renouvelé, comme le fit Stan, vous
pouvez décider d’investir volontairement
davantage dans votre vie de famille, du
volontariat, vos passions, en reconnaissant
qu’avoir une vie personnelle riche peut être une
compensation au fait de ne pas être numéro un
dans son équipe ou son organisation…
NOUS CONNAISSONS TOUS l’importance
de la résilience et de l’adaptabilité en matière de
carrière réussie. Mais ces qualités ne sont pas un
don naturel chez tout le monde, ce qui explique
pourquoi il est si utile de disposer d’étapes
claires à suivre après un revers. L’approche
définie ici peut aider à transformer la colère et le
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