poesie au coin de la rue novembre 2011.pub
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LE DERNIER DE LA CLASSE APRES LA BATAILLE A la fin d'une année scolaire, le dernier, au fond, qu'est-ce qu'il sait ? Nul en histoire, nul en grammaire, A quoi ça lui a servi de faire tous les affreux devoirs qu'il a faits ? Il n'a jamais connu le bien-être du bon élève qui sait ses leçons, ni le regard amical du maître qui sourit en disant son nom. Sur son cahier, il y a cinq cents taches ; c'est ce qui fait dire à ses parents : " A ce gosse-là il faut la cravache, quand on n'est bon qu'à faire des taches. La cravache, il n'y a que ça qu'on comprend ! Qu'est-ce que tu fous à l'école ? Qu'est-ce que tu fous si tu fous rien ? " Mon père, ce héros au sourire si doux, Suivi d'un seul housard qu'il aimait entre tous Pour sa grande bravoure et pour sa haute taille, Parcourait à cheval, le soir d'une bataille, Tu fais l'imbécile, tu rigoles, Et de tout son coeur qui se désole, le petit répond : " Eh ben ... eh ben ... " Oh ! Il en a appris des choses de la petite classe au certificat : il sait qu'il y a des nuages qui sont roses vers quatre heures, pendant la leçon de choses, quand le soleil fout le camp, tout là-bas. Il sait très bien ce que c'est qu'une droite, une droite qui n'a ni de A ni de B. Quand le soleil du matin éclate, il y a ses rayons qui font des droites. C'est comme ça qu'il apprend, le dernier. Lui, ce qui l'amuse, ce sont les mouches qu'on garde captives dans un bouchon, les mots qui font drôle dans la bouche, comme " tintinabulle " ou " polochon " . A la fin d'une année scolaire, à la distribution des prix, le petit dernier traîne sa misère sous le regard méprisant de son père et sa détresse est infinie. Mon petit copain, dernier de la classe, moi, je sais bien que tu n'es pas le dernier. Puis console-toi, les années passent. En prenant la vie face à face tu verras que les premières places ne sont pas toutes pour les premiers. Robert LAMOUREUX Les champs couverts de morts sur qui tombait la nuit. Il lui sembla dans l'ombre entendre un faible bruit, C'était un espagnol de l'armée en déroute Qui se traînait sanglant sur le bord de la route, Râlant, brisé, livide et mort plus qu'à moitié, Et qui disait : A boire, à boire par pitié ! Mon père ému, tendit à son housard fidèle Une gourde de rhum qui pendait à sa selle, Et dit : Tiens donne à boire à ce pauvre blessé Tout à coup, au moment où le housard baissé Se penchait vers lui, l'homme une espèce de Maure, Saisit un pistolet qu'il étreignait encore, Et vise au front mon père en criant " Caramba " ! Le coup passa si près que le chapeau tomba Et que le cheval fit un écart en arrière, - Donne-lui quand même à boire, dit mon père. Victor HUGO (La légende des siècles) FETE FORAINE Heureux comme la truite remontant le torrent Heureux le coeur du monde Sur son jet d'eau de sang Heureux le limonaire Hurlant dans la poussière De sa voix de citron Un refrain populaire Sans rime ni raison Heureux les amoureux Sur les montagnes russes Heureuse la fille rousse Sur son cheval blanc Heureux le garçon brun Qui l'attend en souriant Heureux cet homme en deuil Debout dans sa nacelle Heureuse la grosse dame Avec son cerf-volant Heureux le vieil idiot Qui fracasse la vaisselle Heureux dans son carrosse Un tout petit enfant Malheureux les conscrits Devant le stand de tir Visant le coeur du monde Visant leur propre coeur Visant le coeur du monde En éclatant de rire. Jacques PREVERT ESPACE CULTUREL DE SAINT-BEAUZIRE - NOVEMBRE 2011