Intérêt d`un enseignement reposant sur la simulation basse

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Intérêt d`un enseignement reposant sur la simulation basse
Intérêt d’un enseignement reposant sur la simulation basse
fidélité pour diminuer l’anxiété des étudiants en médecine
vis-à-vis de l’examen gynécologique
Mémoire de DIU de pédagogie médicale
Justine Hugon-Rodin et Charlotte Sonigo
Soumis à la presse médicale
Octobre 2016
Intérêt d’un enseignement reposant sur la simulation basse fidélité pour diminuer
l’anxiété des étudiants en médecine vis-à-vis de l’examen gynécologique.
Justine Hugon-Rodin1,2*, Charlotte Sonigo3*, David Drummond4, Michael Grynberg3,
Geneviève Plu-Bureau1,2, Antoine Tesniere,2,4,5
1
Unité de Gynécologie – Endocrinologie, Hôpital Port Royal, Paris, France
2
Faculté de médecine Paris Descartes, Hôpital Universitaire Paris centre, Paris, France
3
Service de Médecine de la Reproduction et Préservation de la Fertilité, Hôpital Jean-Verdier,
Bondy, France
4
Département de simulation en santé iLumens, Université Paris Descartes,
5
Service d'anesthésie et de réanimation chirurgicale, Hôpital Cochin, Paris, France.
*Ces deux auteurs ont contribué également au travail.
Nombre de signes : 19548
Correspondance : Pr Antoine Tesniere, Département de simulation en santé iLumens,
Université Paris Descartes, 45, rue des Saints Peres, 75006 PARIS
Tél : 01 76 53 01 00
[email protected]
Pas de conflits d’intérêt
Résumé
Objectifs : L’apprentissage de l’examen gynécologique se prête particulièrement bien à un
apprentissage sur simulateur, méthode promue par la Haute Autorité de Santé depuis 2012
avec comme directive « Jamais la première fois sur la patiente ». Si la simulation s’est révélée
efficace pour améliorer les compétences techniques des étudiants, son intérêt pour diminuer
leur appréhension vis-à-vis de cet examen reste peu étudié. L’objectif de cette étude était
d’évaluer l’intérêt des séances de simulation basse fidélité pour réduire la gêne et
l’appréhension des étudiants en médecine quant à l’examen gynécologique. L’objectif
secondaire était d’apprécier la satisfaction des étudiants quant à ces séances.
Méthodes : Analyse descriptive de l’enseignement par simulation des gestes médicaux en
gynécologie auprès d'étudiants en DFGSM3 et en DFASM2 sur la plateforme Ilumens à
l’université Paris 5. Il s'agissait d'une étude avant/après avec un 1er questionnaire anonyme
d’auto-évaluation et de satisfaction distribué en début de séance puis un 2ème en fin de séance.
L’auto-évaluation concernait le savoir-faire, l’appréhension et la gêne à l’idée de réaliser les
diverses étapes de l’examen gynécologique. Les compétences techniques n’étaient pas
évaluées.
Résultats : Quatre-cent-trente-deux étudiants ont répondu aux questionnaires avant et après la
séance de simulation. Soixante-douze pourcent des étudiants appréhendaient l’examen pelvien
initialement et 62% étaient gênés à l’idée de le réaliser. Parmi les étudiants n’ayant jamais
examiné de patientes, plus de 80% se sentaient moins gênés à l’idée de réaliser un examen
pelvien et appréhendaient moins le geste à l’issu de la séance de simulation. Plus de 97% des
étudiants étaient satisfaits qu’une telle séance de simulation leur soit proposée. Cependant,
l’appréciation en fin d’atelier était significativement moins bonne en matière de satisfaction,
de durée et nombre de gestes réalisés pour les étudiants en DFGSM3 par rapports à ceux en
DFASM2.
Discussion : Les séances de simulation basse fidélité permettent l’amélioration de la gêne et
de l’appréhension des étudiants quant à l’examen gynécologique. C’est un atout majeur tant
pour la formation des étudiants que pour le vécu des patientes. Ces séances de simulation
basse-fidélité sont plébiscitées par les étudiants en médecine.
Conclusion : Les bénéfices de la simulation basse fidélité en gynécologie s’étendent au bienêtre des étudiants en médecine qui appréhendent moins la réalisation de l’examen
gynécologique.
Mots clés : pédagogie médicale, simulation, mannequin, gynécologie, appréhension,
satisfaction
Introduction
L’enseignement et l’apprentissage de l’examen clinique gynécologique (EG) sont
essentiels dans le cursus des étudiants en médecine. Les seins et l’aire génitale étant
considérés comme des parties particulièrement intimes du corps humain [1], les premiers
examens pelvien et mammaire sur une patiente sont des sources de stress et d’anxiété pour les
étudiants qui redoutent ou appréhendent cette première mise en situation [2–4]. De plus, les
étudiants ressentent de l’inconfort, de l’embarras, de la gêne ou de la peur au moment de leur
premier examen gynécologique en situation réelle [5–7]. Par ailleurs, les patientes sont
souvent ambivalentes concernant leur participation à la stratégie d’apprentissage des étudiants
[8]. Afin de pallier ces problématiques, diverses méthodes d’apprentissage pré-clinique de
l’examen
gynécologique ont été proposées, comme le recours à des patientes
professionnelles, l’examen clinique sur patientes sous anesthésie générale ou l’apprentissage
sur mannequin (simulation basse fidélité) [9]. Alors que l’apprentissage grâce à des patientes
professionnelles (dites standardisées) est répandu dans les pays anglo-saxons [9], il n’est pas
ou très peu utilisé en France. L’examen clinique sur patientes sous anesthésie générale
soulevant de nombreuses questions éthiques [10], l’apprentissage sur mannequin bassefidélité apparaît aujourd’hui comme la méthode d’apprentissage pré-clinique de référence. Ce
type d’apprentissage est promu depuis 2012 par la Haute Autorité de Santé avec la volonté
que les patientes ne soient pas du matériel docimologique, selon la formule « jamais la
première fois sur une patiente » [11].
La simulation basse fidélité, développée dès les années 1970 en gynécologie [12], est
un outil d’apprentissage largement répandu dans le monde [9] et de plus en plus utilisé en
France [13–15]. A l’université Paris 5, la plateforme de simulation Ilumens permet, depuis
l’année universitaire 2012/2013, à tous les étudiants en 3ème année du Diplôme de Formation
Générale en Science Médicale (DFGSM3) d’assister à une séance de simulation en
gynécologie sur mannequin basse fidélité. Par ailleurs, depuis l’année 2015/2016 un tiers des
étudiants en 2ème année du Diplôme de Formation Approfondie en Science Médicale
(DFASM2) se voient proposer également une telle séance.
Ce type d’enseignement est reconnu comme étant performant pour améliorer les
performances techniques des étudiants concernant l’EG [9]. Cependant, peu d’études ont
évalué l’impact de ce type d’enseignement sur le ressenti des étudiants, notamment en matière
de gêne et d’appréhension avant la mise en situation réelle [13,14].
L’objectif principal de ce travail était d’évaluer l’intérêt des séances de simulation
basse fidélité pour réduire la gêne et l’appréhension des étudiants quant à l’EG. L’objectif
secondaire était d’apprécier la satisfaction des étudiants en DFGSM3 et en DFASM2 quant à
cet enseignement.
Méthodes
Notre étude, de type avant/après, a été menée au cours des enseignements par simulation
basse fidélité des gestes médicaux en gynécologie entre février et juillet 2016 sur la
plateforme Ilumens à l’université Paris 5.
Population
La population de l'étude était constituée d'étudiants en DFGSM3 et en DFASM2 à l’université
Paris 5. La population des DFGSM3 représente l'ensemble de la promotion 2015/2016 avec
des séances de simulations qui sont systématiques dans le cadre de l'enseignement de
sémiologie. Les étudiants en DFASM2 concernés sont tirés au sort et un tiers de la promotion
a accès à cette formation.
Les étudiants étaient évalués au cours des 20 séances, réparties sur 7 demi-journées, de
simulation basse fidélité dans le cadre de ce programme de simulation habituel de la faculté.
Intervention
La séance débutait par un accueil des étudiants et une présentation du contenu de la séance
par un chef de clinique-assistant hospitalo-universitaire et un interne de gynécologie. Le
questionnaire initial numéroté était ensuite distribué à chacun, rempli et retourné au
formateur. Une information orale et un support vidéo concernant la réalisation des différents
gestes étaient délivrés par le formateur. Les étudiants réalisaient ensuite, à tour de rôle, les
examens gynécologiques sur les mannequins en suivant les conseils des formateurs à leur
côté. Nous avions à notre disposition deux mannequins de type Mk3 (CFPT) (Figure 1A)
permettant l’enseignement et la réalisation d’une pose de spéculum, d’un toucher vaginal
(TV) et d’un frottis cervico-utérin (FCU). Nous avons pu également disposer de 2 bustes de
type KOKEN LM-018 (Figure 1B) pour l’examen mammaire. Enfin, le questionnaire final
numéroté était distribué à chacun, rempli et retourné avant de quitter la plateforme. Pour les
DFGSM3, la séance durait 1h avec 2 formateurs et 30 étudiants en moyenne. Pour les
DFASM2, la séance durait 1h30 avec 2 formateurs pour 10 étudiants en moyenne.
Critères de jugement et recueil des données
Il s’agissait d’une auto-évaluation par questionnaire de l’appréhension et de la gêne des
étudiants à l’idée de réaliser les diverses étapes de l’EG avant et après la séance, du savoirfaire des étudiants et de leur satisfaction quant à l’atelier réalisé. Un numéro était attribué à
chaque étudiant en début de séance permettant d’anonymiser les questionnaires et de lier le
questionnaire initial au questionnaire final. Les compétences techniques n’étaient pas
évaluées.
Les questionnaires ont permis le recueil des caractéristiques des étudiants (âge, sexe, année
d’étude, réalisation au préalable d’un atelier de simulation similaire, réalisation au préalable
d’un examen gynécologique sur une patiente, l’auto-évaluation du savoir-faire des différentes
étapes de l’examen gynécologique).
L’appréhension et la gêne pour chaque étape de l’examen gynécologique (examen pelvien,
réalisation d’un FCU, examen mammaire) étaient évaluées initialement et en fin de séance,
uniquement chez les étudiants n’ayant jamais examiné de patientes. Les étudiants attribuaient
une note de 0 à 10 à chaque item, la note 0 correspondant à « pas du tout » et la note 10 à
« beaucoup ». Nous avons considéré qu’un étudiant appréhendait ou était gêné initialement si
la note attribuée était ≥ 3. Parmi ces étudiants, la diminution de leur appréhension ou de leur
gêne initiale était autoévaluée en fin de séance. Nous avons considéré que l’appréhension et la
gêne étaient diminuées si la note attribuée après la séance à la question « appréhendez-vous
moins ou êtes-vous moins gêné à l’idée de réaliser un examen pelvien, un FCU, un examen
mammaire » était ≥ 5.
La satisfaction initiale des étudiants en rapport avec l’apprentissage par simulation de la
gynécologie était évaluée par la question « êtes-vous satisfait qu’une formation par simulation
en gynécologie vous soit proposée ? » La réponse attendue était en oui/non. A l’issue de la
séance, l’appréciation des étudiants a quant à elle été évaluée à l’aide de 5 items : satisfaction,
atout pour leur formation, qualité de la séance, durée de la séance adaptée et nombre de gestes
réalisé lors de la séance. Pour chaque item, une note de 0 à 10 était attribuée par l’étudiant, la
note 0 correspondant à « pas du tout » et la note 10 à « beaucoup ». Les étudiants étaient
considérés comme très satisfait si la note attribuée était ≥ 8, satisfait si la note attribuée était
de 5, 6 ou 7 et enfin non satisfait si la note était ≤ 4. Le même type de classification était
effectué pour les questions portant sur le fait que la séance soit un atout pour leur formation
(tout à fait, probablement, pas un atout), la qualité de la séance (excellente, bonne, mauvaise),
la durée de la séance (parfaitement adaptée, adaptée, non adaptée), et le nombre de gestes
réalisés (parfaitement adapté, adapté, non adapté).
Statistiques
Les données ont été informatisées dans le logiciel Excel à l’aide du numéro attribué à chaque
étudiant permettant de relier pour un étudiant donné son questionnaire initial et final.
L’analyse statistique a été effectuée à partir cette base dans le logiciel SAS (SAS Institute,
Inc, Cary, NC). L’analyse des caractéristiques a été effectuée en utilisant les procédures
statistiques classiques (test t, test chi-square, analyse de variance…). Un test chi-square de
Mantel-Haenszel a été utilisé lorsque l’effectif était inférieur à 20.
Les coefficients de
corrélation de Pearson ont été utilisés pour évaluer les corrélations entre l’auto-évaluation du
savoir-faire et les caractéristiques des étudiants. Nous avons évalué, dans le sous-groupe des
étudiants n’ayant jamais réalisé d’EG sur une patiente au préalable, la diminution de la gêne
et de l’appréhension aux différents temps de l’EG. Les différents items évaluant l’appréciation
des étudiants en DFGSM3 ont été comparés à celle des DFASM2. Un p<0.05 indiquait un test
statistiquement significatif.
Résultats
Caractéristiques des étudiants
Quatre cent quatre-vingt-dix-huit étudiants étaient attendus sur la plateforme de
simulation Ilumens entre février et juillet 2016. Ils se répartissaient en 391 étudiants en
DFGSM3 et 107 étudiants en DFASM2. Au total, 432 (87%) étudiants se sont présentés à leur
séance de simulation et tous les étudiants présents ont rempli les 2 questionnaires. Les
caractéristiques des étudiants sont présentées dans le tableau 1. La moyenne d’âge des
étudiants était de 21.5 ±2.3 ans.
Les étudiants en DFASM2 avaient plus fréquemment eu dans leur cursus accès à un
atelier de simulation basse fidélité en gynécologie que les étudiants en DFGSM3 (78.2%
versus 24.3%, respectivement, p<0.0001). Un examen pelvien sur patiente n’avait jamais été
réalisé avant l’atelier pour 332 étudiants, soit 87.9% des DFGSM3 et 26.9% des DFASM2.
Parmi les 100 étudiants qui avaient déjà réalisé un examen pelvien sur une patiente, 35
n’avaient jamais eu d’atelier de simulation. Il s’agissait de 22 étudiants en DFGSM3 et 13
étudiants en DFASM2. Deux cent quarante-sept étudiants soit 57.2% n’avaient jamais réalisé
d’examen gynécologique pelvien ni sur une patiente ni en simulation dont 243 étudiants en
DFGSM3 et 4 en DFASM2. Par ailleurs, 96,1% des étudiants n’avaient jamais réalisé de
FCU.
L’auto-évaluation initiale du savoir-faire était positivement corrélée à l’année d’étude
(r=0.45 ; p <0.0001), au fait d’avoir déjà participé à une séance de simulation (r=0.43 ;
p<0.0001) ou d’avoir déjà examiné une patiente (r=0.55 ; p<0.0001). A l’issue de la séance,
77% et 97.9% des étudiants ont déclaré que leurs connaissances théoriques et pratiques
avaient été améliorées, respectivement. Les étudiants se disaient plus améliorés sur le plan
pratique s’ils n’avaient jamais eu de séance de simulation (p=0.005) ou s’ils n’avaient jamais
examiné auparavant (p=0.002).
Evaluation de la gêne et de l’appréhension des étudiants quant à l’examen gynécologique
L’évaluation du ressenti des étudiants, limitée aux étudiants n’ayant jamais examiné
de patientes, a concerné 332 étudiants pour l’examen pelvien (311 DFGSM3 et 21 DFASM2),
330 étudiants pour l’examen mammaire (298 DFGSM3 et 32 DFASM2) et 414 étudiants pour
le FCU (347 DFGSM3 et 67 DFASM2) (Tableau 1). Deux étudiants n’ont pas répondu aux
questions concernant l’examen pelvien, 1 concernant l’examen mammaire et 4 pour le FCU.
Concernant l’appréhension initiale vis-à-vis de l’examen, 237 (72%)
étudiants
appréhendaient l’examen pelvien, 148 (45%) l’examen mammaire et 277 (68%) le FCU. Il
n’y avait pas de différence significative entre les années d’étude ou entre la pratique d’une
séance de simulation au préalable ou non pour les 3 types d’examen. La réalisation du geste
était source d’appréhension chez 195 (74%) des étudiants qui avaient déclaré ne pas penser
savoir-faire un examen pelvien, versus 63% des étudiants qui avaient déclaré penser savoir le
faire (p=0.08).
Concernant la gêne vis-à-vis de l’examen, 206 (62%) des étudiants se déclaraient
gênés à l’idée de réaliser un examen pelvien, 137 (42%) un examen mammaire et 236 (58%)
un FCU. Il n’y avait pas de différence significative entre les années d’étude ou entre la
pratique d’une séance de simulation au préalable ou non pour l’examen pelvien et mammaire.
Pour le FCU, 60% des étudiants en DFGSM3 et 42% des étudiants en DFASM2 étaient
gênés (p=0.007).
L’enseignement par simulation basse-fidélité permettait d’améliorer le ressenti des
étudiants qui appréhendaient ou étaient initialement gênés à l’idée de réaliser un examen
gynécologique (Figure 2 et 3).
L’appréhension de réaliser un examen pelvien, un examen mammaire et un FCU
diminuait chez 92%, 93% et 87% des étudiants respectivement (Figure 2). La gêne à l’idée de
réaliser un examen pelvien, mammaire et un FCU diminuait chez 87%, 89% et 83% des
étudiants respectivement (Figure 3). Il n’existait pas de différence significative entre les
années d’études ou entre le fait d’avoir déjà participé à un enseignement sur simulation ou
non.
Evaluation de la satisfaction des étudiants
Parmi les 432 étudiants présents, 420 (97.2%) étudiants étaient initialement satisfaits
qu’une telle séance de simulation leur soit proposée dans leur cursus. Ils étaient satisfaits
quelle que soit leur année d’étude avec 98.7% de satisfaction pour les DFASM2 et 99.4% des
DFGSM3 (p=0.5). Les étudiants ayant déjà réalisé un EG sur une patiente étaient également
satisfaits (99% vs 99.4% des étudiants n’ayant jamais examiné, p=0.7).
A l’issue de la séance, l’appréciation des étudiants était également évaluée au travers
de 5 items (satisfaction, atout dans la formation, qualité de la séance, durée de la séance
adaptée et nombre de gestes réalisés au cours de la séance adapté). Les étudiants étaient
satisfaits avec une note moyenne attribuée de 8.2±1.5.
L’appréciation des étudiants en
DFASM2 étaient statistiquement meilleure que celle des étudiants en DFGSM3 et ceux pour
les 5 items évalués. En effet, si 77% des DFASM2 déclaraient que le nombre de gestes
réalisés au cours de la séance était parfaitement adapté, cela concernait uniquement 47% des
DFGSM3 (p<0.0001). De même la durée de l’atelier était parfaitement adaptée pour 77% des
DFASM2 vs 43% des DFGSM3 (p<0.0001) (Figure 4).
Discussion
Alors que l’intérêt des simulations sur mannequin pour améliorer les compétences
techniques des étudiants quant à l’EG n’est plus à démontrer [9], ce travail a permis d’évaluer
l’impact de ces séances de simulation sur le ressenti des étudiants face à l’EG. Cette étude a
mis en évidence, sur une cohorte de 432 étudiants en médecine à Paris 5, d’une part que les
étudiants n’ayant jamais examiné de patientes étaient gênés à l’idée de réaliser un EG et
appréhendaient ces gestes intimes et d’autre part que leur ressenti était amélioré à l’issu de la
séance de simulation. Par ailleurs, plus de 95% des étudiants étaient très satisfaits qu’une telle
séance de simulation basse fidélité leur soit proposée et jugeaient que leur savoir-faire avait
été amélioré. Cependant, l’appréciation des ateliers étaient significativement moins bonne en
matière de satisfaction, qualité, durée et nombre de gestes réalisés pour les étudiants en
DFGSM3 par rapport à ceux en DFASM2.
La gêne, définie comme « un état ou sensation de malaise physique, de peine, de
trouble, de difficulté éprouvés dans
certaines situations », est souvent ressentie par les
étudiants lors d’un premier EG sur patiente [2,5]. Nous avons effectivement retrouvé dans
notre étude que la majorité (62 et 58%) des étudiants n’ayant jamais réalisé d’examen pelvien
ou de FCU sur une patiente se sentaient gênés à l’idée de réaliser ce geste, et ce quelle que
soit leur année d’étude. Cette gêne est probablement accentuée par le caractère intime de l’EG
par rapport à l’examen clinique en général [5]. Une gêne à l’idée de réaliser un examen
mammaire était également ressenti, mais uniquement par 42% des étudiants, possiblement du
fait du caractère moins intime et intrusif de cet examen. L’apprentissage sur simulateurs basse
fidélité est efficace pour diminuer cette gêne, puisque dans notre étude, 80% des étudiants
étaient moins gênés à l’issue de l’enseignement.
Nous avons également évalué l’appréhension des étudiants avant la réalisation des
différentes étapes de l’EG. Cette notion est différente de la gêne car elle liée plus au côté
technique des gestes à réaliser qu’à l’intimité de l’examen. Nous avons retrouvé des résultats
similaires avec 72%,
68% et 45 % des étudiants qui appréhendaient la réalisation de
l’examen pelvien, du FCU et de l’examen mammaire et plus de 85% des étudiants, qui à
l’issue de la séance, appréhendaient moins de réaliser les différentes étapes de l’EG. Cette
diminution de l’appréhension est possiblement liée au fait que 97,9% des étudiants jugeaient
que leurs connaissances pratiques avaient été améliorées en fin de séance. Ainsi, nos résultats
viennent conforter ceux d’études antérieures réalisées sur de plus petites cohortes d’étudiants,
qui avaient montré qu’ un apprentissage reposant sur la simulation basse fidélité permettait de
diminuer le stress, l’inconfort ou l’appréhension des étudiants vis-à-vis de l’EG [2,13,14]. En
effet, sur une cohorte de 344 étudiants en première année de médecine, Pugh et al a montré
que
la
simulation
sur
mannequin
de
l’examen
pelvien
permettait
d’améliorer
significativement le confort des étudiants avant la réalisation d’un examen sur patientes
standardisées [2]. Grynberg et al, a évalué l’utilisation de la vidéo associé à la simulation
basse-fidélité pour l’examen pelvien et mammaire chez 79 étudiants avant une mise en
situation réelle et retrouvait une augmentation significative de la confiance en eux après la
séance de simulation pour toutes les étapes de l’EG [14]. Enfin, Bouet et al a retrouvé, chez
72 étudiants en DFASM2, une diminution significative du pourcentage d’étudiants en
médecine stressés ou appréhendant la réalisation des divers étapes de l’EG après une séance
de simulation basse-fidélité (41 vs 20% et 41 vs 15% respectivement pour le stress et
l’appréhension) [13].
L’amélioration du vécu des étudiants face à l’EG, par la diminution de la gêne et de
l’appréhension à l’idée de réaliser les divers gestes, est un atout majeur tant pour la formation
des étudiants que pour les patientes. En effet, les étudiants qui se sentent plus confortables
lors d’un EG ont un meilleur relationnel avec les patientes au moment de la mise en situation
réelle : ils communiquent plus, les regardent plus dans les yeux et posent plus de questions
[2].
Par ailleurs, il est intéressant de relever que la gêne et l’appréhension initiale à l’idée
de réaliser un EG, chez les étudiants n’ayant jamais été en situation réelle, étaient identiques
que les étudiants aient déjà participé, ou non, à un atelier de simulation basse fidélité. Ces
résultats suggèrent que l’amélioration apportée par ces ateliers est de courte durée et qu’une
mise en pratique rapide est nécessaire afin de profiter pleinement des apports de la séance de
simulation. Ainsi, plusieurs équipes ont proposé un entrainement sur patientes standardisées à
l’issu d’une formation sur mannequin basse fidélité [2,16]. Duffy et al, a montré, lors d’une
étude randomisée contrôlée sur 94 étudiants, que l’association de l’apprentissage sur
mannequin basse fidélité avec une mise en pratique sur patiente standardisée améliorait la
connaissance, le confort et la confiance des étudiants [16]. Cependant, cette méthode
d’apprentissage, largement proposée dans les pays anglo-saxons, n’est pas répandue en
France. Il semblerait alors intéressant de proposer (ou reproposer) cette formation en début de
stage de gynécologie ou d’obstétrique, afin que les étudiants puissent examiner des patientes
réelles, avec leur consentement, rapidement après la séance de simulation.
Concernant la satisfaction, les étudiants, quelle que soit leur année d’étude (98.7% des
DFASM2 et 99.4% des DFGSM3) étaient satisfaits qu’une séance de simulation leur soit
proposée. Globalement, les étudiants étaient satisfaits ou très satisfaits de leur séance de
simulation. Ces résultats sont concordants avec les différentes études de la littérature
concernant la simulation en général [17,18] et la simulation en gynécologie en particulier
[9,13,15], qui retrouvent des taux de satisfaction supérieurs à 90%. Cependant, nous avons
mis en évidence une différence significative en fonction de l’année d’étude concernant
l’appréciation de la séance de simulation en termes de satisfaction, de qualité de
l’enseignement, de durée ou du nombre de gestes effectués : les étudiants en DFGSM3 ayant
significativement moins apprécié cet atelier que les DFASM2. Cette différence peut être
principalement expliquée par le fait que les séances de simulation étaient plus longues (1h30
vs 1h) et par plus petits groupes (10 vs 30 étudiants) pour les DFASM2. Cette différence
d’enseignement est probablement liée à l’effectif plus important d’étudiants passant en atelier
de simulation en DFGSM3 par rapport à ceux en DFASM2 et à l’inadéquation avec le nombre
de formateurs disponibles. Cependant, d’autres éléments, comme la moindre maturité ou le
manque d’expérience clinique des étudiants en DFGSM3 peuvent également participer à cette
différence d’appréciation. Ainsi, notre étude a permis de mettre en évidence que, même si la
majorité des étudiants sont satisfaits de cette formation, des améliorations sont possibles,
notamment en matière de durée et de nombre de gestes réalisés par ateliers, et ce surtout pour
les étudiants en DFGSM3.
Outre son caractère prospectif et anonyme, notre étude présente l’avantage de
présenter la plus grosse cohorte française d’étudiants évaluant une séance simulation basse
fidélité en gynécologie. Par ailleurs, grâce à la stratégie d’apprentissage mise en place à Paris
5, avec des ateliers de simulation proposés à divers moments du cursus universitaire, nous
avons pu évaluer, pour la première fois, les différences en matière de ressenti et de
satisfaction en fonction du niveau d’étude. La principale limite était l’absence d’évaluation au
moment d’une mise en situation clinique, afin de mesurer la réelle efficacité de la séance de
simulation, tant sur les compétences pratiques que sur le vécu des étudiants. En effet, notre
étude se limite à une auto-évaluation de la satisfaction et du ressenti des étudiants (niveaux 1
et 2a sur l’échelle de Kirkpatrick [19]), et il serait intéressant de vérifier si la diminution de
l’appréhension et de la gêne observée dans notre étude est retrouvée lors d’un examen
gynécologique sur une patiente (Niveau 3) et si cela a des répercussions bénéfiques pour la
patiente (Niveau 4).
En conclusion, cette étude montre qu’un apprentissage de l’examen gynécologique
reposant sur la simulation basse fidélité permet aux étudiants en médecine n’ayant jamais
encore examiné une patiente de ressentir moins d’appréhension et de gêne à l’idée de réaliser
cet examen. D’autres études sont nécessaires pour évaluer si cette amélioration du ressenti se
traduit par une meilleure qualité de la relation entre l’étudiant – soignant et les patientes.
Références
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Légendes des figures
Figure 1 A : Mannequin de simulation basse fidélité pour réaliser l’examen pelvien et le
frottis cervico-utérin de type Mk3 (CFPT)
Figure 1 B : Mannequin de simulation basse fidélité pour l’examen mammaire de type
KOKEN LM-018.
Figure 4 : Pour chaque item, la réponse des étudiants en DFGSM3 est comparée à celle des
DFASM2. p = comparaison des 3 classes. *p<0.05; **p<0.01;***p<0.0001.
Tableau 1. Caractéristiques des étudiants présents sur la plateforme de simulation.
Effectifs N (%)
Moyenne d’âge (ans±ET)
Femme
Homme
Atelier de simulation en
gynécologie déjà réalisé
Auto-évaluation
Savoir-faire un examen pelvien
Savoir-faire un FCU
Savoir-faire un examen
mammaire
Total des
étudiants
432
21.5 ±2.3
246 (57.2)
184 (42.8)
Etudiants en
DFGSM3
354 (82)
21.0 ±2.0
200 (56.8)
152 (43.2)
Etudiants en
DFASM2
78 (18)
23.4 ±2.3
46 (59.0)
32 (41.0)
P
147 (34.3)
86 (24.3)
61 (78.2)
<0.0001
155 (36.1)
34 (7.9)
171 (39.9)
94 (26.7)
13 (3.7)
120 (34.1)
61 (79.2)
21 (27.3)
51 (66.2)
<0.0001
<0.0001
<0.0001
Examen pelvien déjà réalisé
sur patiente
jamais
332 (76.8)
311 (87.9)
21 (26.9)
1-10 fois
86 (19.9)
39 (11.0)
47 (60.3)
>10 fois
14 (3.3)
4 (1.1)
10 (12.8)
Examen mammaire déjà
réalisé sur patiente
jamais
330 (76.6)
298 (84.4)
32 (41.0)
1-10 fois
93 (21.6)
53 (15.0)
40 (51.3)
>10 fois
8 (1.8)
2 (0.6)
6 (7.7)
FCU déjà réalisé sur patiente
jamais
414 (96.1)
347 (98.3)
67 (85.9)
1-10 fois
13 (3.0)
3 (0.85)
10 (12.8)
>10 fois
4 (0.9)
3 (0.85)
1 (1.3)
ET : écart-type ; FCU : frottis cervico-utérin ; 2 données manquantes concernant
Homme/Femme, 1 concernant l’examen mammaire et le FCU.
<0.0001
0.7
<0.0001
<0.0001
<0.0001
le statut
Figure 1 : les mannequins de simulation basse fidélité en gynécologie
A
B
Figure 2. Diminution de l’appréhension après une séance de simulation basse fidélité.
Appréhension de l'examen pelvien
Pas
d'appréhension
initiale
28%
Appréhension
initiale
72%
Diminution de
l'appréhension
92%
8%
N=330
N=237
Appréhension de l'examen mammaire
Pas
d'appréhension
initiale
55%
Appréhension
initiale
45%
Diminution de
l'appréhesion
93%
7%
N=329
N=148
Appréhension du Frottis cervico-utérin
Pas
d'appréhension
initiale
32%
Appréhension
initiale
68%
Diminution de
l'appréhension
87%
13%
N=410
N=277
Figure 3. Diminution de la gêne après une séance de simulation basse fidélité.
Gêne ressentie par rapport à l'examen
pelvien
Pas de gêne
initiale
38%
Gêne initiale
62%
Diminution de la
gêne
87%
13%
N=330
N=206
Gêne ressentie par rapport à l'examen
mammaire
Pas de gêne
initiale
58%
Gêne initiale
42%
Diminution de la
gêne
89%
11%
N=329
N=137
Gêne ressentie par rapport au frottis cervicoutérin
Pas de gêne
initiale
42%
Gêne initiale
58%
Diminution
de la gêne
83%
17%
N=410
N=236
Figure 4. Appréciation des étudiants après la séance de simulation en fonction de leur année d’étude.
Satisfaction des étudiants
100
Atout de la séance dans le cursus
Qualité de la séance
**
*
**
Pourcentage d'étudiants
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
DFGSM3
Non satisfait
Satisfait
DFASM2
DFGSM3
Très satisfait
Non
Durée de la séance
100
Pourcentage d'étudiants
Probablement
Oui
Nombre de gestes réalisés lors de la séance
***
90
DFASM2
***
80
70
60
50
40
30
20
10
0
DFGSM3
Non adaptée
Adaptée
DFASM2
Parfaitement adaptée
DFGSM3
Non adapté
DFASM2
Adapté
Parfaitement adapté
DFGSM3
Mauvaise
DFASM2
Bonne
Excellente