Structure d`actionnariat et performance des entreprises

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Structure d`actionnariat et performance des entreprises
Structure d’actionnariat et performance des
entreprises familiales françaises à contrôle
minoritaire
Hani (EL) CHAARANI - Maître de Conférences à l’U.L.
Zouhour ABIAD (EL) CHAARANI - Maître de Conférence à la FGM
Dans le cadre de la gouvernance1 d’entreprise, la structure d’actionnariat émerge comme
un élément constitutif. Elle occupe une position importante quand on la considère en tant
que dispositif de résolution des conflits d’intérêts entre le dirigeant et les actionnaires,
surtout lorsqu’elle est une décision stratégique dans la mesure où cette structure peut se
révéler ne pas être neutre dans la réalisation de l’objectif de maximisation de valeur de la
firme (Hirigoyen, 1997).
D’un point de vue théorique, la structure actionnariale dispersée (Dispersed Ownership
Structure: DO) peut influencer négativement la performance de l’entreprise car un seul
actionnaire n'est pas incité à engager des ressources (du temps ou des fonds) pour exercer
un contrôle sur la gestion (Grossman et Hart, 1980). Dans ce problème de free riding, le
dirigeant libéré du contrôle des actionnaires, est incité à poursuivre ses intérêts aux
dépens des actionnaires.
Par contre, la structure actionnariale concentrée (Concentrated Ownership Structure: CO)
peut avoir un impact positif sur la performance de l’entreprise si on pose l’hypothèse que
cette concentration de la propriété provoque une convergence des intérêts des dirigeants
avec ceux des actionnaires. On peut penser que lorsque la propriété se concentre entre les
mains des dirigeants, ces derniers sont moins enclins à prendre des décisions qui auront
des effets négatifs sur la valeur boursière des actions puisque la part des coûts qu’ils
absorberont, en tant qu’actionnaires, augmente de manière correspondante avec leur part
du capital (Jensen et Meckling, 1976).
Actuellement, entre ces deux structures de propriété (DO et CO), il existe en France 2 un
troisième type de structure actionnariale : la structure à contrôle minoritaire (ControllingMinority Structure : CMS), dans laquelle les actionnaires minoritaires contrôlent leur
entreprise avec une petite part de propriété par le biais simple 3 ou par le biais des
participations croisées, des structures pyramidales et des actions privilégiées.
1
La gouvernance d’entreprise, définie comme un ensemble de mécanismes de suivi, d’encadrement et de
contrôle, met en jeu l’ensemble des dispositifs formels et informels qui organisent les relations entre les
différentes parties prenantes concernées par la performance et par le développement d’une entreprise.
2
Suivant Claessens et al. (1999, 2000a, 2000b) et d’après La Porta et al. (1999), ce qui était vérifié aussi
par nos résultats.
3
Le Biais simple existe lorsque la famille contrôle minoritairement le capital de l’entreprise tout en
profitant de la dispersion développée du capital non familial.
1
Une simple recherche menée sur la base de données financières DAFSA comportant un
peu plus de 700 entreprises françaises cotées, nous informe, d’une part, que plus de 200
de ces entreprises (soit presque 25%), auraient une structure à contrôle minoritaire, et,
d’autre part, que la majorité de ces entreprises sont de type familiales, tel le cas de la
compagnie financière GEO, la société pour l’informatique industrielle, Remy Cointreau
SA, Faurecia....
De nombreux autres exemples pourraient ainsi compléter cette longue liste et mettre en
évidence que les familles recourent à adopter ce type de structures, et nous pousse à
interroger si cette forte imbrication entre le contrôle minoritaire et le contrôle familial a-telle un impact sur la performance. Précisément deux questions peuvent être posées. La
CMS dans le cadre des entreprises familiales est-elle susceptible de cumuler les
avantages du CO ?, ou bien les inconvénients du DO ? La question de l'impact du
contrôle minoritaire sur la performance de l'entreprise familiale mérite en conséquence
d'être étudiée.
1- L’impact du passage au contrôle minoritaire sur les relations d’actionnariat
et la création de valeur
Tout d’abord, pour qu’il y ait une entreprise, il faut un « homo economicus » et un
« paterfamilias », il faut un vrai entrepreneur…Au début, l´actif de l´entreprise était
confondu avec le patrimoine de l´entrepreneur. L´entrepreneur actionnaire avait à
planifier, à organiser la production et à diriger la main d´œuvre (voir les publications de
Cantillon, et J.B Say). Leur sort était lié à sa personne et à sa famille qui avait joué un
rôle très important dans la résolution de la plupart des problèmes que posait l´entreprise,
notamment au niveau du financement. Mais dans les secteurs où les besoins de capitaux
sont très importants et où la concurrence occupe une place primordiale, cette entité
familiale se trouvait face à un grand risque de déclin 4 (Vernimmen, 2005), grâce à une
insuffisance des ressources financières comme par celle des ressources humaines en
termes de compétences (Hirigoyen, 2002). À ce niveau, les ressources familiales en
capitaux humains et financiers étaient généralement insuffisantes pour permettre à la
firme d´atteindre le seuil de la taille efficiente (Williamson, 1981) 5.
En contrepartie, pour remédier à ces insuffisances (Caby et Hirigoyen, 2002), pour
soutenir la croissance (Caby et Hirigoyen, 2002), pour résoudre les conflits familiaux
(Vernimmen, 2005) et pour éviter le déclin (Bebchuk.L.A, et al. 1999), l´entreprise
familiale considérée comme « réseau de lien »6, se trouverait obligée d’être plus
dépendante, d’utiliser ses liens, d´adopter une nouvelle gestion et d´ouvrir son capital à
un nouvel actionnaire actif7 (Clavi-Reveyron.M, 2000) et non nécessairement réductible
au propriétaire (Girard .C, 2001).
4
Fabrice Le Vigoureux (1997), indique que l’année 1994 marque 97 défaillances des moyennes entreprises,
contre 107 en 1995 et 105 en 1996.
5
Pour Marchesnay et Rudel (1985), il n’existe, à l’évidence, pas un risque mais des risques, quelque soient
la taille de l’entreprise et la nature de l’activité, surtout lorsqu’on les décortique par grandes fonctions
fayoliennes. Mais, nonobstant, il n’existe qu’un risque fondamental : la mort de l’entreprise.
6
Hirigoyen, 2002, in Caby et Hirigoyen, 2002.
7
Les investisseurs institutionnels, les petits porteurs, les banques…
2
La dépendance croissante de l´environnement externe qui en résulte 8 et la rupture du lien
propriété/direction, due à cette ouverture du capital et à l´éclatement de l´actionnariat
familial entraîne des phénomènes classiques de hasard moral, de sélection adverse (Daily
et Dollinger, 1993), et des conflits d'intérêts entre les actionnaires puisqu´elle incite
l´entrepreneur à accroître ses prélèvements non pécuniaires (Monsen, Chiu et Cooley,
1986 ; Monsen, 1969), et le pousse aussi à poursuivre d'autres objectifs que la
maximisation de la valeur9 de marché des fonds propres (Nussenbaum M., 1997) au
détriment d´un ensemble plus vaste des actionnaires non contrôlés à 100%.
Appliquée à notre thème, la conséquence est que dans l´entreprise familiale, lors d´un
éclatement génératif ou d´une croissance externe, favorisant le passage au contrôle
minoritaire, les dirigeants familiaux ne recherchent pas nécessairement la maximisation
de la richesse des actionnaires non familiaux. De ce fait, plus la part de firme est détenue
par son dirigeant, comme le cas de l´entreprise familiale à contrôle majoritaire, moins le
dirigeant est tenté de consommer de revenus non pécuniaires dans la mesure où c´est lui
qui supportera les coûts (Jensen et Meckling, 1976). Et le couplage des fonctions de
manager et de propriété dans ce type d’entreprises familiales supprime les conflits
d´intérêts, réduit les coûts d´agence et augmente la performance (Mignon S., 2000). À
contrario dans le cas du contrôle minoritaire, c´est l´actionnaire qui supporte les coûts, et
c´est à ce niveau qu´on peut placer la thèse de convergence, telle que : « Plus le
pourcentage du capital détenu par les dirigeants est important, plus l´écart à l’objectif de
maximisation de la valeur est faible.»
2- Les conséquences de l’implication familiale sur la performance : une
relecture limitée à l’incidence de la structure de propriété à contrôle
minoritaire.
L’étude des stratégies visant à renforcer et conserver le pouvoir datent de longtemps et
remonteront même au Vème siècle av. J.C., date à laquelle Sun Zi écrivit, "L'Art de la
guerre", un ouvrage présentant la guerre comme un jeu de dupe. Ainsi, selon la
conception de Sun Zi et en remplaçant "guerre" par "pouvoir", il apparaît indispensable
que la famille acquiert, conserve et augmente sa liberté d'action (à travers l’émission des
actions à droits de vote multiple, la construction des structures pyramidales…) tout en
réduisant celles des adversaires (comme la réduction des OPA). Elle doit désarmer la
politique de son ennemi en recherchant la surprise et en créant l'incertitude.
Berghe, et Carchon, (2003), trouvent à cet effet, qu’actuellement les conflits d’intérêt
commencent à se développer entre la famille dirigeante et les autres actionnaires. De ce
fait, la présence de la famille n’a pas seulement un impact positif sur la performance de
8
La dépendance croissante de l´environnement externe qui en résulte impose de gérer l´interface avec les
partenaires externes. Cette gestion passe de l´adaptation avec les théoriciens de la contingence à un
véritable management stratégique dans la mouvance de la théorie de la dépendance vis-à-vis des ressources
(Hirigoyen, 2002).
9
Baumol en 1959, propose une approche managériale de la théorie micro-économique pour laquelle les
managers ont leurs propres objectifs qui diffèrent de ceux des actionnaires, puisque les dirigeants ne sont
pas directement intéressés à la maximisation du profit mais à celle de leur rémunération et de leur pouvoir.
3
l’entreprise, mais, elle peut avoir un ensemble de limites, favorisé par le passage à
contrôle minoritaire, par l’opportunisme et par les coûts du contrôle familial.
2-1- La politique de rémunération excessive
Dans les entreprises familiales, en général, et à contrôle minoritaire, en particulier, les
actionnaires n´ont pas les mêmes motivations, car chacun apporte des ressources à
l´entreprise, et attend en contrepartie une rémunération.
Généralement, la famille et les dirigeants coulés dans le moule des intérêts familiaux
(Allouche et Amann, 1995), sont rémunérés sous forme de salaires fixes pour leurs
activités de direction. Mais, pratiquement, leurs rémunérations ne se limitent plus à la
simple notion du salaire, mais elles s’éclatent pour englober différents types de
composantes (bonus, stock-options, actions, plans de retraite, avantages en nature)10.
Ceux-ci viennent de se confirmer, d’une part, avec l’étude de Mignon (2000) qui trouve
une moindre gourmandise pour les salaires fixes11, et d’autre part, avec les résultats
d’Allouche et d’Amann, en 1995, qui constatent que les rétributions hors salaire sont
globalement plus fortes dans les firmes à contrôle familial.
En se basant sur les travaux d’Allouche et d’Amann, et ceux de Viviani, la famille peut
donc, retirer une certaine somme excédentaire (XRF) qui ne correspond pas à une
rémunération de ses activités de direction. Cette somme doit être considérée comme une
rémunération déguisée du capital, car la rémunération normale des tâches de gestion
familiale est incluse dans les charges fixes (CF) et les charges variables (CV)
d’exploitations12.
En effet, cette rémunération excédentaire de la familiale n´a pas de conséquences
négatives sur les relations d´actionnariat que lorsque le capital de la firme est fortement
partagé entre l´investisseur familial et les actionnaires externes 13, puisque la surrémunération de la famille vient non seulement en déduction des dividendes de
l´investisseur familial, mais aussi de ceux des actionnaires extérieurs (Viviani, 1998).
En 2000, Tréhan N. confirme l’idée de Viviani, tout en démontrant aussi, que la politique
excessive de prélèvement effectuée par le dirigeant-propriétaire, peut être une source de
conflits entre les actionnaires familiaux et les actionnaires minoritaire lorsque la
concentration de la propriété familiale diminue. Dans le même cadre, plusieurs auteurs
comme Ramaswamy et al. (2000) ; Core et al. (1999) ; et enfin, Dogan et Smyth, (2002),
ont démontré que la concentration du capital qu’elle soit aux mains des dirigeants, ou
10
Narayanan (1995), d’après Caby et Hirigoyen (2001).
La rémunération fixe est composée du salaire, des primes et d’autres gratifications fixes qui découlent
soit du poste occupé (pénibilité, risque élevé…), soit de la personne (expérience, ancienneté).
12
Généralement, cette sur-rémunération se trouve renforcée et conditionnée par le système fiscal et
juridique spécifique de chaque pays. Car, selon Charreaux (1985), la fiscalité renforce la propension du
dirigeant à effectuer des prélèvements, en particulier de nature non pécuniaire (gonflement des charges
déductibles).
13
L’ouverture du capital et le passage à un contrôle minoritaire absolu, incitent les contrôlants familiaux à
accroître leurs prélèvements pécuniaires et non-pécuniaires au sens de Jensen et Meckeling (1976)
11
4
d’un groupe d’actionnaire, est inversement liée à la rémunération des dirigeants 14.
Autrement dit, un niveau important de concentration du capital affaiblit la rémunération
des dirigeants et limite l’extraction d’une sur-rémunération, et vice-versa (Dogan et
Smyth, 2002).
En conséquence, l’octroi d’une politique de rémunération adaptée à l’intérêt familial 15, ou
d’une rémunération excessive, pourraient être l’un des moyens d’expropriation des
actionnaires minoritaires (La. Porta et al, 2000 ; Ben Amar, et André, 2005), produisant
ainsi une opposition entre la famille (qu’elle soit majoritaire ou minoritaire), et les autres
actionnaires minoritaires.
2-2- La politique et l’horizon d’investissement : une orientation vers l’intérêt
familial
L'horizon d'investissement des actionnaires peut constituer une source potentielle de
conflit qui les oppose entre eux. Le conflit d'horizon entre les actionnaires et les
dirigeants a déjà été largement abordé par la littérature financière. Mais ce conflit existe
également entre les actionnaires de l'entreprise. Leurs attentes concernant la rentabilité de
leur placement sont conditionnées par la durée prévue de détention du titre. La famille
ayant pour objectif de garder des actions pendant 100 ans souhaitera, par exemple, que
l'entreprise réalise des efforts à longue période en termes de recherche et développement,
ce qui, à court terme aura pour effet de diminuer les profits et la distribution des
dividendes. Cette attente peut être radicalement opposée à celles d'autres actionnaires
minoritaires, souhaitant investir dans l'entreprise pour une période inférieure à un an.
Donc, les dirigeants ayant une fraction de propriété plus importante fournirait davantage
d’efforts, auraient de plus longs horizons d’investissement et prendraient de meilleurs
décisions d’investissements (André et Schiehll, 2004).
Il s’ensuit que, l’impact du contrôle minoritaire dans les entreprises familiales ne se
limite pas à l’horizon d’investissement, mais il peut affecter d´une façon défavorable la
politique des investissements toute entière, et notamment, lorsque la famille multiplie les
dispositifs de séparation entre les droits de vote et les droits au cash-flow (Bebchuk L.A,
Kraakman R et Triantis G., 1999 ; Weidenbaum M., 1996 ; Cronqvist H. et M. Nilsson,
2003).
Bebchuk et al. (1999) montrent que les conflits d’agence associés à ces structures de
propriété, où l’actionnaire dominant exerce le contrôle tout en détenant une minorité des
droits au flux monétaires, sont plus importants que ceux rencontrés dans les autres
structures en raison de la présence simultanée de la divergence d’intérêts, entre
14
Cette corrélation négative entre la rémunération des dirigeants et la concentration familiale du capital,
n’est pas l’objet d’un consensus empirique. En fait, Goldberg et Idson (1995) ont trouvé que la
rémunération des dirigeants augmente avec le pourcentage du capital détenu par la famille.
15
En outre, l’adoption d’une telle politique de distribution de richesse, ne se limite pas à une simple
rémunération pour réaliser des gains privés, mais elle peut être aussi, utilisée par la famille sous forme
d’attribution d’actions, afin de conserver le pouvoir (Paquerot, 1997), et diluer les minorités (Motol, 2004)
5
actionnaires dominants et minoritaires, et l’enracinement des actionnaires dominants.
Bebchuk et al. (1999) analysent l’étendue de ces coûts d’agence dans trois situations
particulières : (1) le choix des projets d’investissement; (2) les décisions quant à
l’expansion ou au recentrage des activités de la firme ; ainsi que (3) le transfert du
contrôle de la firme.
Cela suggère que la probabilité que l’actionnaire dominant prenne une décision non
efficiente augmente à mesure que sa part du capital (α) diminue. Bebchuk et al. (1999)
soutiennent que la diminution de la fraction α conduit à une distorsion des incitations de
l’actionnaire dominant de deux façons. Tout d’abord, elle augmente le nombre de
décisions non efficientes qu’il peut prendre. Ensuite, elle accroît les conséquences
négatives des décisions non efficientes prises par l’actionnaire dominant.
Donc, parmi les grands problèmes dans les entreprises familiales à contrôle minoritaire
c´est la politique opportuniste d’investissement qui commence à apparaître grâce à la
séparation entre « fructus, usus et abusus16 ». Autrement dit, l´ouverture du capital dans
les entreprises familiales peut pousser la famille à atteindre ses propres intérêts, à travers
la politique d’investissement, au détriment des actionnaires externes [Claessens et al.
2000(a)].
2-3- La priorité à l’autofinancement et à la disponibilité de free cash-flow à
exproprier
Les principales recherches, basées sur l’analyse des objectifs financiers des dirigeantspropriétaires dans les entreprises familiales, confirment la priorité à l’autofinancement
(Gallo et Villaseca, 1996 ; Hirigoyen 1984). C’est leur volonté d’indépendance et
d’autonomie qui est traduite au travers de cet objectif prioritaire 17. Dans ce cadre, tous les
directeurs interrogés dans la recherche de Dunn (1995), ont indiqué que la solidarité et les
bonnes relations, accompagnées d’une forte capacité d’autofinancement à l´intérieur de la
firme sont indispensables pour le succès de l’entreprise familiale.
En 1998, les résultats, d’Allouche et d’Amann, amplifient les analyses qui expliquent le
comportement préservé à l’autofinancement 18 et le moindre recours à l’endettement pour
les firmes familiales. Et, l´exemple de Peugeot durant les années 60-65, peut apparaître
comme un idéal type pour expliquer que la politique d´autofinancement est le seul moyen
compatible avec les besoins de l’entreprise familiale. C´est, selon Maurice Jordan, qui
était au sommet de cette entreprise, un gage de sécurité dans une industrie d’automobile à
16
L'étude de la relation entre la performance des firmes et la structure de propriété constitue un thème
privilégié et ancien de la littérature économique qui trouve notamment son origine dans l’œuvre de BERLE
et MEANS (1932) et la mise en évidence des problèmes suscités par la séparation des fonctions de
propriété et de décision.
17
L’étude de Maherault (1998), vient pour confirmer la théorie de la hiérarchie des modes de financement
et notamment le recours à l’autofinancement puisqu'il permet à l'entreprise familiale d'éviter une sous
estimation de la valeur de ses actions (Allouche et Amann, 1998).
18
Les auteurs ont utilisé deux ratios pour tester la capacité d’autofinancement des firmes familiales :
Capacité d’autofinancement =capacité d’autofinancement avant répartition/ (Chiffre d’affaire+ Subvention)
Part d’autofinancement =capacité d’autofinancement avant répartition/ V.A.
6
contrôle familial : « Au risque de jouer les cassandres, la situation de notre industrie
ne permet pas de s´endetter systématiquement…Nous devons nous financer nousmêmes…je suis un sage, et je ne veux pas prendre la responsabilité qui dépasse
l´intelligence d´un homme raisonnable »19
Mais, cette recherche d’autofinancement dans les entreprises familiales ne peut pas être
vue de la même façon si la famille contrôle l’entreprise d’une façon minoritaire. Dans ce
cas, la famille contrôlante peut utiliser le free cash-flow (Jensen, 1986)20, dégagé par
l’autofinancement, pour agrandir la taille de la firme au-delà de son niveau optimal afin
d’augmenter les ressources sous leur contrôle, et par répercussion, d’augmenter les
bénéfices privés expropriés au détriment des actionnaires minoritaires.
À ce titre, l’autofinancement peut apparaître donc, comme une source de conflits entre la
famille contrôlante et les autres actionnaires minoritaires. Par exemple, les actionnaires
familiaux peuvent limiter la distribution des dividendes (Clavi-Reveyron, 2000), afin
d’augmenter le free cash-flow disponible (Jensen, 1986)21. En plus, les familles peuvent
éviter dans certains cas l’innovation car elle réduit les cash-flows disponibles (Morck et
Yeung, 2003). Dans ce même cadre Morck et al (2000), ont trouvé que les entreprises
familiales contrôlées par les héritiers investissent beaucoup moins dans la R&D par
rapport à leurs similaires de même taille, dans le but de conserver le contrôle.
Il en résulte d’une telle situation, une destruction de valeur à cause d’une forte opposition
entre les actionnaires minoritaires et les actionnaires familiaux, surtout lorsqu’il s’agit
d’une séparation entre la propriété et les droits sur les cash-flows (La.Porta et al., 2000)22.
2-4- Le recours à l’endettement et à la circulation des cash-flows au sein des
pyramides
Dans une optique d’appropriation de bénéfices privés, l’endettement permet de contrôler
davantage des ressources et d’investir sans la dilution du pouvoir (Mueller, 2002). En
conséquence, il assure au contrôlant familial d’investir et de continuer à dériver à son
profit des bénéfices privés, tout en augmentant l’importance des actifs économiques
soumis à l’expropriation et, tout en résistant à la menace de toute prise de pouvoir par un
groupe hostile (Haris et Raviv, 1990). Cette appropriation est facilitée par la Loi qui ne
favorise pas la défense des intérêts des actionnaires minoritaires dans ce cas particulier
(Gérard C., 2001).
19
In, LOUBET J.L., Automobiles Peugeot : une réussite industrielle, 1945-1974, paris Economica, 1990
La théorie du free cash-flow met l'accent sur le cash-flow disponible, c'est à dire le cash-flow excédant
les projets d'investissement à valeur actuelle nette positive, dont peuvent disposer les dirigeants pour
satisfaire leurs propres objectifs. Un moyen de renforcer l'efficacité consiste à obliger les dirigeants à
"dégorger" ce free cash-flow, par exemple en renforçant l'endettement.
21
Généralement, autant d’actions qui peuvent venir diminuer la valeur globale de la firme familiale, alors
que l’objectif de maximisation de la valeur impliquerait au contraire une distribution des fonds
discrétionnaires aux actionnaires.
22
Généralement, les coûts d’agence du free cash-flow résultent de la séparation des fonctions de propriété
et de dirigeants (Jensen et Meckling, 1976), et augmentent avec la multiplication des dispositifs contrariant
le principe : «one-share-one-vote».
20
7
En 2003, Friedman et al., développent un modèle théorique selon lequel les actionnaires
de contrôle choisissent le montant à exproprier et peuvent, toutefois, injecter dans le
présent des fonds privés afin de conserver dans le futur leurs bénéfices privés du contrôle.
Dans ces conditions, Friedman et al (2003) décrivent les comportements optimaux d’un
actionnaire de contrôle qui décide de financer le projet d’investissement par dette dans un
environnement de faible protection des investisseurs. Dans un premier temps, la présence
de la dette n’affecte pas le comportement de l’actionnaire de contrôle. Ensuite, la
présence de la dette permet de favoriser le comportement d’expropriation de l’actionnaire
de contrôle au détriment des actionnaires externes et des obligataires. Enfin, la dette
permet de réduire le comportement d’expropriation. Par conséquent, la firme demeure
solvable et la dette apparaît comme un moyen permettant d’aligner les intérêts de
l’actionnaire de contrôle sur ceux des actionnaires externes (Grossman et Hart (1988),
Jensen et Meckling (1976)).
La politique interne d’endettement au sein des groupes d’entreprise familiale a aussi été
étudiée. L’idée est que la structure de groupe familial permet des coupe-circuits en cas de
défaillance financière (De La Bruslerie, 2004). Il est ainsi possible de charger certaines
filiales de dettes et de faire circuler le cash-flow au sein d’un groupe au profit de
certaines entités (Schmidt, 2004 ; Morck et Yeung, 2003)23. Par ailleurs, chaque firme du
groupe est poussée à contracter un prêt auprès de la banque24 pour devenir, ainsi,
individuellement responsable de son remboursement. Toutefois, l’actionnaire de contrôle
peut centraliser ces opérations au niveau de la firme mère, tout en multipliant et
protégeant les firmes en bas de pyramide familiale, pour ne pas tuer la poule aux œufs
dorés.
Ceux-ci étaient étudiés en avance par Bianco et Nicodano (2001). Tout en examinant les
firmes appartenant aux groupes organisés sous forme pyramidale, les auteurs développent
un modèle théorique selon lequel la dette peut être allouée à travers les firmes du groupe
afin d’exproprier davantage les actionnaires minoritaires par les actionnaires de contrôle.
L’actionnaire de contrôle est capable, effectivement, d’augmenter l’endettement des
filiales dans lesquelles il détient une part minoritaire du capital faisant ainsi subir aux
actionnaires minoritaires externes une part importante du service de la dette.
Effectivement, cette situation ne reste pas sans aucun impact sur la performance ainsi que
sur les relations d’actionnariat qui commencent à être de plus en plus divergentes.
23
L’expropriation des minoritaires des filiales endettées provient ainsi du coût de la détresse financière
qu’ils prennent en charge en lieu et place de l’actionnaire contrôlant. Ce type d’analyse s’intéresse non pas
au rôle de l’endettement en tant que tel, mais à la répartition de l’endettement au sein d’un groupe, en
valorisant, par exemple l’option de liquidation partielle que les majoritaires se font consentir gratuitement
par les minoritaires (De La Bruslerie, 2004).
24
Le financement par dette bancaire est dans cette optique un moyen efficace de l’appropriation par le
groupe de contrôle qui « charge» l’entreprise de dettes. Les résultats de Faccio et al. (2000, 2001) viennent
tempérer cette idée.
8
3- Les hypothèses à tester
Sous l’hypothèse d’alignement des intérêts de Jensen et Meckling (1976), il serait donc
optimal, pour les actionnaires d’accroître la part de propriété. On peut penser que lorsque
la propriété se concentre entre les mains de la famille dirigeante, cette dernière est moins
enclin à prendre des décisions qui auront des effets négatifs sur la valeur boursière des
actions puisque la part des coûts qu’elle absorbera, en tant qu’actionnaire, augmente de
manière correspondante avec sa part du capital.
D’où les hypothèses suivantes :
H1-1: La concentration de la propriété entre les mains de la famille-dirigeante est de nature à augmenter la
création de valeur actionnariale
H-1.2: La concentration des droits de vote entre les mains de la famille-dirigeante est de nature à augmenter la
création de valeur actionnariale
En parallèle, la concentration de la propriété dans les mains d’une famille (non
dirigeante) externe facilite la surveillance des dirigeants collaborateurs dans la mesure où
les détenteurs d’un bloc important d’actions sont non seulement incités économiquement
à veiller au respect de leurs intérêts mais possèdent également les ressources et le pouvoir
de se faire entendre. Il est alors possible de postuler que :
H-2.1: S’il s’agit d’une séparation entre la direction et le contrôle, la concentration de la propriété familiale est
un élément favorable à l’exercice du contrôle effectif des dirigeants
H-2.2: S’il s’agit d’une séparation entre la direction et le contrôle, la concentration des droits de vote
familiaux est un élément favorable à l’exercice du contrôle effectif des dirigeants
4- L’analyse des effets de la structure d’actionnariat minoritaire sur la
performance des entreprises familiales
Dans cette section, après la définition de notre cadre de recherche, nous proposons de
tester l’influence des variables retenues par la théorie afin de déterminer si les différences
de structures d’actionnariat peuvent expliquer des différences de performance.
4-1- La définition typologique des entreprises familiales
Si une entreprise familiale peut être définie, en première approche, comme une entreprise
contrôlée par un groupe familial, la réalité empirique et l’exigence d’opérationnalité soulèvent
une interrogation fondamentale : À partir de quel pourcentage de capital possédé par un groupe
familial peut-on qualifier une entreprise de familiale ?
Habituellement, une entreprise familiale peut être définie comme une entreprise dans laquelle un
groupe d’actionnaires unis par des liens de mariage, de sang ou de parenté, possède une part
significative du capital, des droits de vote et exerce une influence effective sur sa marche à
9
travers le pouvoir cristallisé dans le conseil d’administration et la direction de l’entreprise 25(Voir
le rapport d’Ernest et Young, en Janvier 2006, concernant les entreprises familiales).
Donc, l´entreprise est directement influencée par la famille, et en même temps la famille est
influencée par l´entreprise. Connaître l´entreprise familiale c´est connaître en parallèle à la part
de propriété familiale, la culture et le rôle de la famille (Kepner, 1983).
En fonction de cette définition générale, pour éviter les biais et remonter les confusions avec les
autres types d’entreprises, une entreprise est présumée familiale dans notre travail (voir Figure 1):
 lorsqu’un groupe familial, bien que détenant seulement une minorité supérieure à 10% 26
des droits de vote, exerce une influence directe ou indirecte sur le management ou sur le
contrôle de l’entreprise (président directeur général, directeur général, directeur
fonctionnel, directeur ou membre dans le conseil d’administration…) ;

lorsqu’un groupe familial, détient plus de 50 % des droits de vote au sein de l’assemblée
générale, qu’il exerce directement des fonctions de direction et du contrôle ou non.
Figure 1 : la définition retenue des entreprises familiales
Zone d’Influence
familiale sur
le management ou sur le
contrôle
Zone d’absence
d’influence familiale
sur le management et
sur le contrôle
Entreprise
non
familiale
Entreprise familiale
Entreprise
non
familiale
Entreprise familiale
Entreprise non
familiale
10%
Entreprise familiale
50%
% des Droits de vote détenus par
la famille
4-2- La description de l’échantillon
Afin de constituer notre échantillon, nous sommes partis de l’ensemble des sociétés
familiales françaises cotées tout en se basant sur une stratégie de comparaison entre les
bases de données suivantes : Amadeus, In.financials, Worldscope, Diane et Osiris en
2005, 2004 et 2003. Cette première étape d’échantillonnage a été suivie d’une étape
d’exclusion et de nettoyage afin de garantir la validité de l’analyse et la signification des
résultats obtenus. En deuxième lieu, la réduction de l’échantillon s’est imposée, non
seulement du fait des caractéristiques de certaines sociétés incompatibles avec la
réalisation de l’étude, mais aussi en raison de difficultés d’obtention de données
nécessaires.
25
Cette influence pouvant être soit directe -la famille participe au management de l’entreprise, soit
indirecte -la famille désigne les dirigeants ou dispose d’un pouvoir de révocation des dirigeants en place, de
sorte que la culture de l’entreprise et la culture familiale soient en interaction et en symbiose étroites
(Poulain-Rehm, 2005).
26
Nous allons prendre en considération aussi le seuil de 20%.
10
Après avoir effectué l’ensemble de filtrages sur toutes les entreprises familiales, nous
avons obtenus 941 observations reparties par année et par industrie selon la classification
de Campbell (1996) de la façon suivante :
Tableau 1 : répartition sectorielle des sociétés familiales de l’échantillon
Panel A: répartition sectorielle des sociétés de l’échantillon selon la classification de Campbell (1996)
Secteur
Code SIC
Nombre des
firmes
familiales
observées
en 2003
IAA et tabac
1, 2, 9, 20, 21,
54
19
19
15
15, 16, 17, 32,
52
15
16
16
Bâtiments &
Travaux
Publics
Industries de
base
Biens conso.
Durables
Biens
d’équipement
10, 12, 14, 24,
26, 28, 33
25, 30, 36, 37,
50, 55, 57
34, 35, 38
27, 58, 70, 78,
Loisirs
79
72, 73, 75, 76,
Services
80, 82, 87, 89
Textile et
22, 23, 31, 51,
commerce
53, 56, 59
Pourcentage annuel par rapport à
l’échantillon total
Total
Nombre des
firmes
familiales
observées
en 2004
Nombre des
firmes
familiales
observées
en 2005
Pourcentage
par secteur
5.632306%
4.994687%
31
31
33
62
56
66
32
38
33
23
23
25
95
96
99
33
33
32
32.94368%
310
33.15622%
312
33.90011%
319
10.09564%
19.55367%
10.9458%
7.545165%
30.81828%
10.41445%
100%
Cette collecte manuelle est opérée sur une période de 3 ans allant de 2003 à 2005. Ainsi,
notre échantillon comprend 941 observations (firmes familiales-années). 310 pour
l’année 2003, 312 pour 2004 et enfin, 319 pour 2005. Cette méthode a été adoptée afin de
surmonter la perte définitive de certaines entreprises familiales si certaines informations
sont non disponibles pour une période donnée.
4-3- Le variables (explicatives et expliquée) retenues
En ce qui concerne les variables dépendantes retenues, et tout en se basant sur la plupart
des études américaines et européennes, nous privilégions d’utiliser le Q de Tobin afin de
mesurer la relation entre la performance et les différentes variables.
Nous utilisons la mesure simplifiée du Q de Tobin (Chung et Pruitt, 1994), adoptée par A
Barnhart et Rosenstein (1998), et André et Schiehll (2004), :
Q de Tobin = (MV + LTD + STD + PFD + CV)/TA
Où: MV est la valeur marchande des capitaux propres, LTD est la valeur comptable de
dette à long terme, PFD est la valeur de rachat des actions privilégiées, CV est la valeur
11
comptable de la dette et des actions privilégiées convertibles et TA est la valeur
comptable de l’actif.
En effet, durant la période qui s’étend entre 2003 et 2005, certains événements ont
largement affecté la valeur de Q de Tobin pour quelques entreprises familiales de notre
échantillon retenu. Pour faire face à ce problème de non normalité, nous avons
transformé le Q de Tobin au Log (Q de Tobin) à travers le SPSS, tout en éliminant un
ensemble des observations qui peuvent biaiser nos résultats statistiques. Puis, nous avons
exploré en deuxième lieu le Log de Q de Tobin, dans le but de savoir si cette variable suit
la loi normale.
Effectivement, les résultats obtenus dans le tableau ci-dessous démontrent que le Q de
Tobin suit la loi normale, puisque, la valeur de Kurtois devient 1.338 (inferieur à 1.5 en
valeur absolue), et la valeur de Skewness devient 0.9493 (inferieur à 1 en valeur absolue).
Tableau 2: Statistics – Log.Q
Mean
Median
Skewness
Std. Error of Skewness
Kurtosis
Std. Error of Kurtosis
.2242
.1690
.9493
.080
1.338
.159
Figure 2 : Le Q de Tobin avant et après transformation.
Avant transformation
Apres transformation
Il s’ensuit que tout au long de notre recherche, nous admettrons le Log de Q de Tobin à la
place de Q de Tobin, même si la désignation restera la même. Ce remplacement vient
dans le but d’avoir des informations cohérentes, sans valeurs extrêmes, et en
conséquence, des résultats statistiquement significatifs (Barontini et Caprio 2004).
En ce qui concerne les variables dépendantes, nous retenons les 4 variables suivantes :
Variable indépendante
Propriété (UCPD)it
Contrôle (UCOD)it
Description
Les droits aux cash-flows ultimes (direct et indirect) de l’actionnaire dirigeant le plus
important de la société (de firme i selon la circulaire de l’information de l’année t)
Les droits aux contrôles ultimes (direct et indirect) de l’actionnaire dirigeant le plus
important de la société, (de firme i selon la circulaire de l’information de l’année t)
12
Propriété (UCPND)it
Les droits aux cash-flows ultimes (direct et indirect) de l’actionnaire contrôleur non dirigeant
le plus important de firme i selon la circulaire de l’information de l’année t
Contrôle (UCOND)it
Les droits aux contrôles ultimes (direct et indirect) de l’actionnaire contrôleur non dirigeant
le plus important de firme i selon la circulaire de l’information de l’année t
Les variables de contrôle sont : La taille de l’entreprise est approchée par le logarithme
népérien du total de l’actif. L’âge d’une société se mesure au nombre d’années écoulées
depuis sa création. La croissance du chiffre d’affaires correspond au pourcentage
d’augmentation des ventes. La variable «dépenses d’investissement » équivaut aux
dépenses d’investissement rapportées au total de l’actif. Le levier financier est égal au
ratio : dettes financières/total actif. Sur la base de la classification sectorielle de
Campbell, des variables muettes représentatives des différents secteurs d’activité ont été
créées et introduites dans les régressions.
4-4- Les tests de l’impact actionnarial sur la performance des entreprises familiales
La prise en compte de la distribution du capital entre les différents types de propriétaire
peut mieux capturer l’impact de la structure d’actionnariat sur la performance des
entreprises familiales. En conséquence, nous allons dans ce qui va suivre, distinguer si la
propriété se concentre entre les mains de la famille dirigeante, ou bien si la propriété se
concentre entre les mains d’une famille externe n’appartenant pas à l’équipe de direction.
La distinction présentée ci dessous permet de comparer la relation entre la performance et
la concentration de la propriété des différents types d’entreprises familiales, qu’elles
soient à contrôle majoritaire (avec implication (zone A) et sans implication managériale
de la famille (zone B)) ou à contrôle minoritaire (avec implication (zone C) et sans
implication managériale de la famille (zone D)).
Figure 3 : Les typologies des entreprises à tester
Zone du
contrôle
familial
majoritaire
Zone du
contrôle
familial
minoritaire
B
Pas d’Implication
managériale
Pas d’Implication
managériale
D
Implication
managériale
Implication
managériale
A
C
Dans le but de tester si la concentration de la propriété et des droits de vote entre les
mains de la famille dirigeante est de nature à augmenter la création de valeur
actionnariale, nous testons l’impact de la concentration de propriété (UCPD) et des droits
de vote détenus par la famille dirigeante sur la performance mesurée par Q de Tobin.
13
4-4- A- S’il s’agit d’une entreprise contrôlée et dirigée par la même famille
Dans le but de tester si la concentration de la propriété et des droits de vote entre les
mains de la famille dirigeante est de nature à augmenter la création de valeur
actionnariale, on a régressé le Q de Tobin sur la part de propriété détenue par la famille
dirigeante ultime (UCPD), ainsi que sur la part des droits de vote ultime détenus par cette
dernière (UCOD).
Dans chaque échantillon à part, le Q de Tobin a été régressé sur la concentration de
propriété et sur celle des droits de vote (tableau 3, Panel A et Panel B). En effet, les
résultats rapportent que dans le cas des entreprises familiales à contrôle majoritaire, il
existe une relation significative, convergente et positive entre la performance et
l’accumulation des droits de vote. Une relation positive et significative a été trouvée
entre le Q de Tobin et l’UCOD (+ 0.0469), l’UCOD2 (+0.0441) ainsi que l’UCOD3
(+0.0392).
Tableau 3 : La Régression de Q de Tobin sur la concentration de droits de vote détenue par la famille dirigeante
minoritaire et majoritaire La variable dépendante est le Log Q de Tobin. Les droits aux contrôles ultimes (direct et
indirect : UCOD), de l’actionnaire dirigeant le plus important de la société. UCOD2, UCOD3 sont le carré et le cube
d’UCOD. Les droits aux cash-flows ultimes (direct et indirect : UCPD), de l’actionnaire dirigeant le plus important de
la société. UCPD2 et UCPD3 sont le carré et le cube d’UCPD. La taille de l’entreprise est approchée par le logarithme
népérien du total de l’actif. L’âge d’une société se mesure au nombre d’années écoulées depuis sa création. La
croissance du chiffre d’affaires correspond au pourcentage d’augmentation des ventes. La variable «dépenses
d’investissement » équivaut aux dépenses d’investissement rapportées au total de l’actif. Le levier financier est égal au
ratio : dettes financières/total actif. Sur la base de la classification sectorielle de Campbell, des variables muettes
représentatives des différents secteurs d’activité ont été créées et introduites dans les régressions. Elles ne sont pas
rapportées ici. Les coefficients peuvent être significatifs respectivement à 1 % (a), 5 % (b) et 10 % (c). Les coefficients
des différentes équations estimées sont corrigés des problèmes potentiels d’hétéroscédasticité à l’aide de la procédure
de White. Les probabilités d’erreur p sont entre parenthèses à droite des coefficients.
Panel A
Variables in-dépendantes
UCOD
UCOD2
UCOD3
Taille
Age
Levier Financier (DETTE)
CR (croissance)
DI (dépense
d’investissement)
Secteur
Nombre d’observation
Constante
R2 ajustée
Stat F
Panel B
Variables in-dépendantes
UCPD
UCPD2
UCPD3
Taille
Age
Levier Financier (DETTE)
CR (croissance)
DI (dépense
d’investissement)
Variable dépendante Q de Tobin
Entreprise familiale à contrôle majoritaire
Equation 1
Equation 2
0.0473
(0.0476)b
0.0469
(0.0643)c
0.0441
(0.0431)b
0.0392
(0.0374)b
-0.1425
-0.0062
-1.0316
0.0047
-0.0121
(0.0073)a
(0.0007)a
(0.1231)
(0.0005)a
-0.1462
-0.0053
-1.0324
0.0040
(0.1213)
-0.0124
Oui
(0.0008)a
(0.0322)b
(0.0752)c
(0.0241)b
-0.1412
-0.0058
-1.0406
0.0046
(0.1221)
-0.0121
Oui
941
0.2145
8.0422 a
-0.1531
-0.0054
-1.0133
0.0041
(0.1211)
-0.0142
0.2646
8.7243 a
(0.0000)a
2.3361
0.3661
8.4153 a
Variable dépendante Q de Tobin
Entreprise familiale à contrôle majoritaire
Equation 1
Equation 2
0.0357
(0.23243)
0.0442
(0.3543)
0.0327
(0.5712)
0.0243
(0.0974)c
(0.1251)
941
(0.0000)a
2.2417
(0.0202)b
(0.0081)a
(0.1231)
(0.0004)a
Oui
941
(0.0000)a
2.9087
(0.0332)b
(0.0002)a
(0.1214)
(0.0006)a
Oui
941
(0.0000)a
2.9091
Entreprise familiale à contrôle minoritaire
Equation 3
Equation 4
0.0324
(0.0671)c
0.0399
(0.0736)c
-0.0391
(0.0674)c
0.0471
(0.0301)b
0.2422
9.2321 a
Entreprise familiale à contrôle minoritaire
Equation 3
Equation 4
0.0263
(0.0653)c
0.0239
(0.0762)c
-0.0466
(0.0342)b
0.0246
(0.0713)c
-0.1342
-0.0073
-1.0316
0.0035
(0.0041)a
(0.0003)a
(0.1231)
(0.0033)a
-0.1323
-0.0032
-1.0621
0.0036
(0.0032) a
(0.0461)b
(0.0521)c
(0.0623)c
-0.1322
-0.0032
-1.0232
0.0042
(0.0241)b
(0.0023)a
(0.1342)
(0.0063)a
-0.1532
-0.0051
-1.0134
0.0045
(0.0223)b
(0.0252)b
(0.1252)
(0.0023)a
-0.0112
(0.1114)
-0.0124
(0.1221)
-0.0121
(0.1211)
-0.0132
(0.1561)
14
Secteur
Oui
Nombre d’observation
Constante
R2 ajustée
Stat F
Oui
941
941
(0.0000)a
2.1311
0.2321
5.3451 a
Oui
941
(0.0000)a
2.9087
0.1762
6.4356 a
Oui
941
(0.0001)a
2.3401
0.2380
7.3455 a
(0.0000)a
2.3465
0.3091
8.8782a
Tandis que, dans les entreprises familiales à contrôle minoritaire cette relation perd sa
linéarité et sa convergence. Dans ce cas, la performance augmente au début, avec la
concentration des droits de vote, pour commencer ensuite sa diminution. Enfin, cette
relation redevient positive après avoir atteint son niveau le plus faible. Ceux-ci peuvent
être dus à l’opportunisme de la famille cherchant l’expropriation des minoritaires et
l’enracinement après avoir cumulé entre 28.07% et 39%27 des droits de vote (voir la
Figure 4).
En parallèle, il parait d’après la régression d’UCPD sur le Q de Tobin (voir le tableau 3,
panel B), une relation non linéaire mais significative entre la concentration des droits aux
cash-flows et la performance des entreprises familiales, notamment à contrôle
minoritaire. Au début, il existe une relation positive entre la performance et la
concentration des droits aux cash-flows, en deuxième lieu cette relation devient négative
(avec un point d’inflexion primaire égal à 23%), pour redevenir en dernier lieu à une
relation positive (avec un point d’inflexion secondaire égal à 35,1%) entre la performance
et la concentration des droits aux cash-flows détenus par la famille dirigeante. Ceux-ci
revérifient que la présence du dirigeant familial ultime ne constitue pas un gage de
sécurité quelque soit la proportion d’actionnariat détenue par ce dernier. La tendance des
dirigeants familiaux à s’enraciner est statistiquement significative et le risque
d’expropriation des minoritaires externes semble toujours l’un des aspects de cette
politique.
Pour protéger et compléter leur enracinement, les dirigeants familiaux profitent de la
séparation entre les droits aux cash-flows et les droits au contrôle puisque l’impact
négatif apparait avec une concentration des cash-flows inferieure par rapport à celle des
droits au contrôle. Ceux-ci constituent une réfutation totale de l’hypothèse H1-1, suivant
laquelle : La concentration de la propriété entre les mains de la famille-dirigeante est de
nature à augmenter la création de valeur actionnariale. Par contre l’hypothèse H1-2,
suivant laquelle : La concentration des droits de vote entre les mains de la familledirigeante est de nature à augmenter la création de valeur actionnariale, ne peut pas être
totalement réfutée, notamment dans le cas où l’entreprise se trouve contrôlée d’une façon
majoritaire. Dans le cas des entreprises familiales à contrôle minoritaire, nous avons
trouvé une tendance d’enracinement par le dirigeant familial.
4-4-B- S’il s’agit d’une séparation entre la direction et le contrôle familial
Après avoir testé la linéarité de la relation entre la performance et la concentration des
droits de vote et des droits aux cash-flows détenus par le dirigeant familial ultime, à
savoir si la concentration de la propriété en externe de la direction permet d’augmenter la
27
Le point d’inflexion de la relation est obtenu en annulant la dérivée de l’équation liant la performance à la
participation au capital des actionnaires familiaux.
15
performance des entreprises familiales, nous procédons à tester l’impact de la
concentration de la propriété sur la performance des entreprises familiales.
A cette fin, deux nouvelles variables sont prises en considération l’UCPND, représentant
les droits aux cash-flows ultimes (direct et indirect) de l’actionnaire contrôleur non
dirigeant le plus important de firme familiale i, et l’UCOND, représentant aussi les droits
aux contrôles ultimes (direct et indirect) de l’actionnaire contrôleur non dirigeant le plus
important de la firme familiale i.
Tout d’abord, on a régressé le Q de Tobin sur l’UCPND, ainsi que sur l’UCPND 2 et sur
l’UCPND3. Les résultats obtenus dans le tableau 4 montrent qu’il existe une relation
positive entre la performance et la concentration de la propriété entre les mains de la
famille non dirigeante. Lorsque l’UCPND2 est insérée dans la régression, la relation reste
positive mais non significative. De même, lorsqu’on introduit dans la régression de pas à
pas l’UNCPD3 la relation conserve sa positivité et l’absence de sa significativité.
Tableau 4 : La Régression de pas à pas afin de tester l’impact de concentration de propriété et des cash-flows
détenue par la famille non dirigeante
La variable dépendante est le Log Q de Tobin. Les droits aux cash-flows ultimes (direct et indirect : UCPND), de
l’actionnaire non dirigeant le plus important de la société. UCPND2 et UCPND3 sont le carré et le cube d’UCPND. La
taille de l’entreprise est approchée par le logarithme népérien du total de l’actif. L’âge d’une société se mesure au
nombre d’années écoulées depuis sa création. La croissance du chiffre d’affaires correspond au pourcentage
d’augmentation des ventes. La variable «dépenses d’investissement » équivaut aux dépenses d’investissement
rapportées au total de l’actif. Le levier financier est égal au ratio : dettes financières/total actif. Sur la base de la
classification sectorielle de Campbell, des variables muettes représentatives des différents secteurs d’activité ont été
créées et introduites dans les régressions. Elles ne sont pas rapportées ici. Les coefficients peuvent être significatifs
respectivement à 1 % (a), 5 % (b) et 10 % (c). Les coefficients des différentes équations estimées sont corrigés des
problèmes potentiels d’hétéroscédasticité à l’aide de la procédure de White. Les probabilités d’erreur p sont entre
parenthèses à droite des coefficients.
Panel A : UCPND
Variable dépendante Q de Tobin
Variables
Equation 1
Equation 2(minoritaire)
Equation 3(majoritaire)
indépendantes
UCPND
0.0139
(0.1738)
0.0201
(0.2216)
0.0189
(0.2006)
UCPND2
0.0122
(0.2231)
0.0282
(0.1105)
0.0137
(0.1049)
UCPND3
0.0193
(0.2241)
0.0217
(0.1129)
0.0329
(0.1461)
Taille
Age
Levier Financier
(DETTE)
CR (croissance)
DI (dépense
d’investissement)
Secteur
Nombre d’observation
Constante
R2 ajustée
Stat F
-0.1312
-0.0052
(0.0142)b
(0.0002)a
-0.1538
-0.0048
(0.0075)a
(0.0027)a
-0.1354
-0.0051
(0.0056)a
(0.0003)a
-1.5016
(0.0024)a
-1.5217
(0.0494)b
-1.4854
(0.0375)b
0.0042
(0.0003)a
0.0041
(0.0328)b
0.0043
(0.0028)a
-0.0147
(0.1473)
-0.0149
(0.1520)
-0.0141
(0.1451)
Oui
941
3.4481
(0.0000)a
0.2424
4.4466a
Oui
941
3.3923
(0.0000)a
0.2311
4.3359a
Oui
941
3.4152
(0.0000)a
0.2216
5.0932a
Ensuite, le Q de Tobin a été régressé sur l’UCOND, ainsi que sur l’UCOND2 et sur
l’UCOND3 par la méthode de pas à pas dans le tableau 5, pour trouver une relation
positive mains non significative entre la performance et la concentration des droits de
16
vote détenus par la famille non dirigeante. Les mêmes résultats ont été obtenus lorsqu’on
a remplacé l’UCOND par l’UCOND2 et l’UCOND3. Ceux-ci viennent de se diverger
avec les résultats d’Earle et al. 2005 qui ont trouvé que la concentration de la propriété en
externe a un impact positif sur la performance de l’entreprise. Ceux-ci étaient vérifiés
dans les cadres des entreprises familiales à contrôle minoritaire et à contrôle majoritaire.
Tableau 5 : La Régression de Q de Tobin sur la concentration de droits de vote détenue par la famille non
dirigeante
La variable dépendante est le Q de Tobin. Les droits aux cash-flows ultimes (direct et indirect : UCOND), de
l’actionnaire non dirigeant le plus important de la société. UCOND 2 et UCOND3 sont le carrées et les cubes d’UCOND.
La taille de l’entreprise est approchée par le logarithme népérien du total de l’actif. L’âge d’une société se mesure au
nombre d’années écoulées depuis sa création. La croissance du chiffre d’affaires correspond au pourcentage
d’augmentation des ventes. La variable «dépenses d’investissement » équivaut aux dépenses d’investissement
rapportées au total de l’actif. Le levier financier est égal au ratio : dettes financières/total actif. Sur la base de la
classification sectorielle de Campbell, des variables muettes représentatives des différents secteurs d’activité ont été
créées et introduites dans les régressions. Elles ne sont pas rapportées ici. Les coefficients peuvent être significatifs
respectivement à 1 % (a), 5 % (b) et 10 % (c). Les coefficients des différentes équations estimées sont corrigés des
problèmes potentiels d’hétéroscédasticité à l’aide de la procédure de White. Les probabilités d’erreur p sont entre
parenthèses à droite des coefficients.
Panel B : UCOND
Variable dépendante Q de Tobin
Variables
Equation 1
indépendantes
UCOND
0.0232
UCOND2
0.0246
UCOND3
0.0109
Taille
Age
Levier Financier
(DETTE)
CR (croissance)
DI (dépense
d’investissement)
Secteur
Nombre d’observation
Constante
R2 ajustée
Stat F
Equation 2(minoritaire)
Equation 3(majoritaire)
(0.2663)
(0.2316)
(0.2317)
0.0241
0.0248
0.0124
(0.2412)
(0.6328)
(0.4216)
0.0229
0.0246
0.0229
(0.3062)
(0.2316)
(0.2426)
-0.1326
-0.0056
(0.0275)b
(0.0044)a
-0.1334
-0.0052
(0.0069)a
(0.0083)a
-0.1347
-0.0054
(0.0258)b
(0.0045)a
-1.5016
(0.0024)a
-1.5217
(0.0494)b
-1.4854
(0.0375)b
0.0044
(0.0043)a
0.0046
(0.0626)c
0.0041
(0.0267)b
-0.0152
(0.1276)
-0.0147
(0.1219)
-0.0153
(0.1257)
Oui
941
3.4481
(0.0000)a
0.2501
5.1836a
Oui
941
3.3923
(0.0000)a
0.2481
4.4576a
Oui
941
3.4152
(0.0000)a
0.3023
5.0908a
En effet, les résultats obtenus peuvent être interprétés à la lumière de deux visions
alternatives. La première observation remet la non significativité des relations à la taille
et aux caractéristiques de l’échantillon retenu (la majorité des entreprises familiales sont
dirigées par un membre familial). La deuxième observation remet la non significativité
des relations à l’absence d’un impact direct de la concentration actionnariale en externe
sur la performance.
En liaison avec les deux observations précédentes, ces résultats s’interprètent comme une
réfutation des hypothèses, H.2.1 et H.2.2., suivantes : S’il s’agit d’une séparation entre la
17
direction et le contrôle, la concentration des droits de vote et des droits aux cash-flows
familiaux est un élément favorable à l’exercice du contrôle effectif des dirigeants 28.
4-4-C- Le test de la linéarité par la méthode Piecewise Lineair Regression
Dans les analyses précédentes, nous avons constaté que la relation entre la performance et
la structure d’actionnariat n’est pas toujours une relation convergente tel le cas de la
concentration de propriété entre les mains de la famille dirigeante. Afin de confirmer nos
résultats, nous analysons les relations entre la performance et la structure d’actionnariat
dans les entreprises familiales avec la méthode de Piecewise Linear Regression initiée et
utilisée par Morck et al.(1988).
Pour analyser cette relation par la méthode de régression par morceaux, nous devons
trouver des seuils critiques (turning points). Dans l’étude de Morck et al., le premier seuil
est fixé à 5% représentant le pourcentage du capital au-delà duquel la SEC (Securities
and Exchange Commission) oblige l’entreprise à divulguer l’identité des actionnaires. Le
second seuil fixé à 25% correspond à un niveau au delà duquel une prise de contrôle
inamicale ne puisse réussir. Les turning points que nous avons choisis sont les points
trouvés dans les sous sections précédentes : 23% et 35,1 pour l’UCPD, ainsi que, 28.07 et
39 pour l’UCOD.
En nous inspirant de l’étude de Morck et al. (1988), nous proposons les modèles suivants
afin de vérifier la linéarité de la relation performance-structure d’actionnariat familiale :
Performance = β1 + β2 C10-23 + β3 C23-35,1 + β4 C35,1+ + Variable de contrôle + εi
(1a)
Performance = β1 + β2 C10-28.07 + β3 C28.07-39 + β4 C39+ + Variable de contrôle + εi
(1 b)
Dans chaque modèle, la performance est régressée sur les trois variables de propriété
suivantes : C 10-23 , C23-35,1 et C35,1+ pour l’UCPD, ainsi que C10-28.07 , C28.0739 et C39+ pour l’UCOD. Ces variables représentent les intervalles de concentration de
la propriété et sont construites à partir du pourcentage des droits de vote (UCOD) et des
droits aux cash-flows (UCPD) sous contrôle du véritable dirigeant-actionnaire familial.
Les résultats obtenus d’après la régression par morceaux, sont identiques aux résultats
obtenus dans la régression de pas à pas. On observe une relation positive (+0.0391) entre
la concentration des droits de vote et la performance dans la zone 10%--28.07%,
négative dans la zone 28.07%--39% (-0.0402), puis positive (+0.0434) dans la zone située
au delà de 39%. De même, nous avons trouvé une relation positive entre la concentration
des droits aux cash-flows et la performance dans la zone 10%--23% (+0.0304), négative
dans la zone 23%--35,1% (-0.0352), puis positive dans la zone située au-delà de 35,1%
(+0.0345). Morck et al. (1988), obtiennent des résultats analogues mais avec des seuils
différents (les résultats sont rapportés dans le tableau 6, équations 1a et 1b).
28
Nous avons essayé de régresser la performance tout en divisant notre échantillon en deux souséchantillons, l’un entreprises familiales à contrôle minoritaire et entreprises familiales à contrôle
majoritaire, mais nous n’avons pas obtenu un impact significatif.
18
Si nous interprétons ces résultats à la lueur des trois thèses concernant la relation entre
l’actionnariat managérial et la performance, jusqu’à 28.07% (23%) des droits de vote (des
droits aux cash-flows) du dirigeant-familial, l’effet de convergence des intérêts
prédomine ; de 28.07% à 39% (23%--35,1%) la thèse de l’enracinement et
d’expropriation des minoritaires l’emporte sur celui de convergence ; enfin au delà de
39% (35,1%) la thèse de convergence domine à nouveau celle de la convergence.
Tableau 6 : La Régression par morceaux de Q de Tobin sur la concentration de droits de vote et des cash-flows
détenue par la famille dirigeante
La variable dépendante est le Log Q de Tobin. C 10-23, C23-35,1 et C35,1+ représentent les variables de propriété
UCPD. C10-28.07 ; C28.07-39 ; et C39+ représentent les variable des droits de vote UCOD. La taille de l’entreprise est
approchée par le logarithme népérien du total de l’actif. L’âge d’une société se mesure au nombre d’années écoulées
depuis sa création. La croissance du chiffre d’affaires correspond au pourcentage d’augmentation des ventes. La
variable «dépenses d’investissement » équivaut aux dépenses d’investissement rapportées au total de l’actif. Le levier
financier est égal au ratio : dettes financières/total actif. Sur la base de la classification sectorielle de Campbell, des
variables muettes représentatives des différents secteurs d’activité ont été créées et introduites dans les régressions.
Elles ne sont pas rapportées ici. Les coefficients peuvent être significatifs respectivement à 1 % (a), 5 % (b) et 10 % (c).
Les coefficients des différentes équations estimées sont corrigés des problèmes potentiels d’hétéroscédasticité à l’aide
de la procédure de White. Les probabilités d’erreur p sont entre parenthèses à droite des coefficients.
Variable dépendante Q de Tobin
Variables
inEquation 1a
dépendantes
C10-23
C23-35,1
C35,1+
C10-28.07
0.0391
C28.07-39
-0.0402
C39+
0.0434
Taille
Age
Levier
Financier
(DETTE)
CR (croissance)
DI
(dépense
d’investissement)
Secteur
Nombre
d’observation
Constante
R2 ajustée
Stat F
Equation 1b
0.0304
-0.0352
0.0345
(0.0737)c
(0.0614)c
(0.0285)b
(0.0336)b
(0.0473)b
(0.0255)b
-0.1346
-0.0052
(0.0021) a
(0.0315)b
-0.1311
-0.0052
(0.0412)b
(0.0067)a
-1.0415
(0.0633)c
-1.0490
(0.1168)
0.0042
(0.0232)
b
0.0045
(0.0001)a
-0.0125
(0.1276)
-0.0129
(0.1225)
Oui
Oui
941
2.2562
941
(0.0000)a
0.3124
9.5274 a
2.1221
(0.0000)a
0.2421
9.4325a
L’apparition de l’effet d’enracinement et d’expropriation de minoritaires à un niveau de
concentration des cash-flows inférieur par rapport à celle des droits de vote, peut être
expliquée par l’utilisation excessive des mécanismes de séparation entre le contrôle et la
propriété dans les entreprises familiales.
L’effet de l’enracinement et d’expropriation apparaît plus tard que dans l’étude de Morck
et al. (1988), car la structure du capital des entreprises familiales en France se caractérise
par plus de concentration que les entreprises américaines, ce qui pousse le dirigeant
familial à augmenter la marge de sa sécurité dans l’entreprise afin d’éviter toutes sortes
de menace initiées par les actionnaires minoritaires externes ou bien par les membres de
la famille n’appartenant pas à la direction de l’entreprise familiale.
19
Conclusion
L’intérêt essentiel de la partie empirique de cette recherche c’est les résultats de
l’investigation empirique. A la fin de cette partie, il est clair qu’il n’est pas possible de
généraliser la supériorité des entreprises dirigées par un membre familial par rapport aux
entreprises non familiales. En conséquence, la présence de la famille à la direction ne
constitue pas un gage de sécurité et de performance absolue dans le cas d’un contrôle
minoritaire. Les résultats obtenus (figure 6), montrent que le dirigeant familial préfère
dans certains cas ses propres intérêts par rapport aux intérêts de l’entreprise.
Figure 6 : Les résultats de la relation entre la performance et la concentration des droits de vote
entre les mains de la famille dirigeante
Implication
managériale
Pas
d’Implication
managériale
Zone du
contrôle
familial
majoritaire
B
Performance
Performance
% des droits de vote
50%
% des droits de vote
Relation convergente entre la performance et la
concentration de vote (du dirigeant familial ultime)
Absence de relation entre la performance et la
concentration d’actionnariat ultime
Relation curvilinéaire entre la performance et la
concentration de vote (du dirigeant familial ultime)
Performance
Performance
50%
50%
% des droits de vote
D
10%
Zone du
contrôle
familial
majoritaire
50%
Absence de relation entre la performance et la
concentration d’actionnariat ultime
Zone du
contrôle
familial
minoritaire
A
% des droits de vote
C
10%
Implication
managériale
Pas
d’Implication
managériale
En effet, Les résultats confirment l’hypothèse d’enracinement de la famille dirigeante au
détriment des actionnaires externes dans le cadre des entreprises familiales contrôlées
d’une façon minoritaire. Ceux-ci étaient confirmés par un impact non linéaire (+ ; - ; +)
de la concentration des droits de vote et de propriété de la famille dirigeante (UCOD ;
UCPD), sur la performance boursière. Au-delà de 39% des droits de vote contrôlés par la
famille dirigeante, le comportement d’enracinement et d’expropriation tendent vers la
réduction. Par contre, nous n’avons pas trouvé un impact de la concentration de la
propriété et des votes en externe (UCOND ; UCPND). Il parait que la famille joue un rôle
marginal sur la performance lorsqu’elle n’appartient pas à la direction de l’entreprise
20
Zone du
contrôle
familial
minoritaire
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