Editorial 2013 - CHU de Montpellier

Transcription

Editorial 2013 - CHU de Montpellier
2013
NUMERO 26
Ce bulletin est rédigé et diffusé par la Pharmacologie Médicale et le CHU de Montpellier sans aide de l'industrie
pharmaceutique. Ce travail est un travail d'équipe, nous ne sommes pas infaillibles. Merci de nous signaler toute
erreur et de revenir vers nous pour toute question.
La déclaration d’un effet indésirable médicamenteux (EIM) ou d'une dépendance est une obligation légale qui
permet de détecter et d'évaluer la fréquence de survenue de ces effets (Décret du 13 mars 1995). Il faut
considérer cette déclaration obligatoire non pas comme une contrainte administrative, mais comme un
devoir de santé publique dont les patients et le corps médico-pharmaceutique sont les bénéficiaires directs.
Editorial 2013
Maintenant que nous avons passé ensemble sans encombre notable la date du 21
décembre 2012, tout devient possible. En tenant compte de l'étymologie du mot originel
"apocalypse" (apokalypsis = révélation), nous osons espérer, qu'en 2013, la révélation de
l'importance de la notification spontanée sera une évidence pour tous les professionnels de
santé! Afin de faciliter cette activité, rentrant dans le champ de la qualité, et de l'évolution du rapport
bénéfice/risque des médicaments (anciens et nouveaux), vous disposerez au cours du premier quadrimestre
2013 d'un outil plus performant : la télé-déclaration pour la pharmacovigilance. Cet outil accessible pour les
professionnels de santé et les patients devraient rendre plus exhaustive la notification des effets indésirables. Cet
outil informatique devrait également vous permettre à terme de recevoir des informations ciblées et des alertes
dans des délais beaucoup plus courts.
Toute l'équipe du Département de la Pharmacologie Médicale vous adresse leurs vœux pour cette année 2013 et
vous remercie par avance de votre participation à l'évolution partagée des vigilances.
Dr D. Hillaire-Buys
PHARMACOVIGILANCE
Quoi de neuf depuis Octobre au niveau de l'ANSM?
Tétrazépam et risque cutané
Le tétrazépam (Myolastan® et génériques), qui fait partie de la classe pharmaco-thérapeutique des
benzodiazépines, est utilisé en France pour ses propriétés myorelaxantes. Une enquête de pharmacovigilance,
portant sur la période du début de commercialisation jusqu’à juin 2012, a mis en évidence une fréquence
élevée d’effets indésirables cutanés parmi lesquels des syndromes de Stevens-Johnson, des syndromes de
Lyell et des syndromes d’hypersensibilité médicamenteuse (DRESS).
http://ansm.sante.fr/S-informer/Actualite/Tetrazepam-Myolastan-et-generiques-des-effets-indesirables-cutanes-parfois-graves-sont-susceptibles-deremettre-en-cause-le-rapport-benefice-risque-de-ces-specialites-Point-d-information
1
Benzodiazépines et démence : une association ?
En janvier 2012, l’ANSM a dressé un état des lieux de la consommation des benzodiazépines (BDZ) en
France. Chaque année, environ 20% des Français consomment au moins une benzodiazépine, ou apparentée.
Parmi les effets indésirables connus des BDZ, se trouvent les troubles mnésiques et cognitifs. Deux études ont
étudié le lien éventuel entre la démence et la consommation de BDZ.
Une étude prospective britannique, a suivi 1134 patients sur 22 ans et a mis en évidence un risque majoré de
démence non vasculaire (OR 3,34 ; IC95% [1,10-10,18]) avec les benzodiazépines, d’autant plus important
que l’exposition est « courte » (< 4 ans) (OR 4,38 ; IC95% [1,15-16,75]). La cohorte PAQUID (étude
bordelaise) conduite sur 3669 patients a mis en évidence un risque augmenté de démence chez les personnes
ayant déjà consommé des benzodiazépines (OR 1,7 ; IC95% [1,2-2,4]), le risque étant d’autant plus important
chez les anciens usagers non consommateurs depuis 2 à 3 ans (OR 2,3 ; IC95% : 1,2-2,4)2.
1 J Gallacher, P Elwood, et al. Benzodiazepine use and risk of dementia : evidence from the Caerphilly Prospective Study (CaPS). J Epidemiol
Community Health. 2012 Oct.66(10):869-73.
2 R Lagnaoui, B Bégaud et al. Benzodiazepine use and risk of dementia : a nested case-control study. Journal of Clinical Epidemiology 55 (2002) 314318.
ème
CONTRACEPTIFS ORAUX COMBINES (COC) 3
génération
Une analyse réalisée par l’EMA confirme un risque augmenté (x2) de thrombose veineuse (phlébite, embolie
pulmonaire), deux fois plus élevé chez les femmes utilisant un COC de 3e génération (contenant du
désogestrel ou du gestodène) ou un COC contenant de la drospirénone par rapport aux femmes utilisant un
COC de 2e génération contenant du lévonorgestrel. L’ANSM rappelle qu’il existe également un risque de
thrombose artérielle (accident vasculaire cérébral, infarctus du myocarde) quelle que soit la génération de la
pilule utilisée.
http://ansm.sante.fr/S-informer/Actualite/Contraceptifs-oraux-combines-COC-et-risque-de-thrombose-veineuse-Preferer-les-pilules-de-deuxiemegenerationcontenant-du-levonorgestrel-Lettre-aux-professionnels-de-sante
VALDOXAN® Agomélatine : et risque d'’hépatotoxicité
Il est rappelé aux prescripteurs que des contrôles de la fonction hépatique doivent être réalisés chez tous les
patients traités par Valdoxan® à l’instauration du traitement, puis périodiquement après trois semaines, six
semaines douze et vingt-quatre semaines et par la suite en cas d’augmentation de la posologie d’agomélatine,
avec la même fréquence de contrôle qu’à l’instauration du traitement. En cas d’augmentation des
transaminases, le dosage sérique des enzymes hépatiques devra être répété dans les 48 heures. Valdoxan® doit
être immédiatement arrêté en cas d’augmentation des transaminases sériques supérieure à 3 fois la limite
supérieure de la normale, ou si les patients présentent des symptômes ou des signes suggérant une atteinte
hépatique
http://ansm.sante.fr/S-informer/Informations-de-securite-Lettres-aux-professionnels-de-sante/Valdoxan-agomelatine-Information-importantedepharmacovigilance- relative-au-risque-d-hepatotoxicite-Lettre-aux-professionnels-de-sante
Dr V. Pinzani-Harter
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Directeurs de la Rédaction : Dr HILLAIRE-BUYS, Dr. V. PINZANI-HARTER
Ont participé à la rédaction de ce journal : H. PEYRIERE, C EIDEN, D HILLAIRE-BUYS, V. PINZANI-HARTER,
MA THOMPSON-BOS, JL FAILLIE , S BOIX, V BRES.
Service de Pharmacologie Médicale et Toxicologie Hôpital Lapeyronie 34295 MONTPELLIER Cedex 5
Tél. : Secrétariat : 04.67.33.67.57/49 – Internes : 04.67.33.67.56 Fax : 04.67.33.67.51
Mails: [email protected], [email protected], [email protected]
Site internet: http://www.chu-montpellier.fr/fr/vigilance/
2
Les nouveaux anticoagulants : RCP synoptique
Action
Indications
Contreindications
Précautions
d'emploi
Pharmacocinétique
Effets
indésirables
fréquents
Antidote
spécifique
Interactions
médicamenteuses
XARELTO® 10/15/20mg (Rivaroxaban)
Effet anti Xa
(1) Prévention des événements thrombo-emboliques
veineux chez patients opérés pour PTH ou PTG
(2) Prévention des AVC et des embolies systémiques
chez patients présentant une FA non valvulaire
avec facteur(s) de risque : IC congestive, HTA,
âge≥75 ans, diabète, antécédents d'AVC ou d'AIT
(3) Traitement des thromboses veineuses profondes
et prévention des récidives de TVP ou d'EP
- Hypersensibilité
- Saignement évolutif cliniquement significatif
- Atteinte hépatique associée à une coagulopathie et à
un risque de saignement cliniquement significatif
- Grossesse et allaitement
PRADAXA® 75/110/150mg (Dabigatran)
Effet anti IIa
(1) Prévention des évenements thromboemboliques veineux
chez patients opérés pour PTH ou PTG
(2) Prévention de l’AVC et de l’embolie systémique chez
patients présentant une FA avec facteurs de risque : IC
(NYHA≥2), FEVG <40%, antécédents d'AVC ou d'AIT ou
d' embolie systémique, âge ≥75 ans ou âge ≥65 ans avec
diabète, coronaropathie ou HTA
- Hypersensibilité
- Saignement évolutif cliniquement significatif
- Atteinte hépatique majeure
- Insuffisance rénale sévère (ClCr<30ml/min),
- Altération spontanée ou pharmacologique de l'hémostase,
- Lésion organique susceptible de saigner
- Patients porteurs de valves cardiaques.
- Traitement concomitant avec tout autre agent anticoagulant,
dérivés de l'héparine, anticoagulants oraux
- Traitement concomitant : kétoconazole par voie systémique,
ciclosporine, itraconazole, tacrolimus
Comme pour tout traitement anticoagulant, une
Comme pour tout traitement anticoagulant, une surveillance
surveillance clinique est recommandée :
clinique est recommandée :
- Risque hémorragique
- Risque hémorragique
- Insuffisance rénale (IR)
- En cas d'IR ou Insuffisance hépatique
- Interactions médicamenteuses (cf.)
- Interactions médicamenteuses (cf.)
- Actes chirurgicaux, infarctus du myocarde
- Colorants : E110 (Allergie)
- Biodisponibilité 80 à 100%
- Biodisponibilité 6.5%
- Elimination: 2/3 hépatique, 1/3 rénale sous forme
- Ne pas ouvrir les gélules (biodisponibilité ↑ de 75%)
inchangée
- Dabigatran etexilate se transforme en dabigatran (forme
- ½ vie environ 10h (faible clairance systémique)
active) puis élimination rénale sous forme inchangée
- Substrat de la P-gp (glycoprotéine-P)
- ½ vie 11h (augmentée si atteinte rénale)
- Substrat des CYP 3A4 et 2J2
- Substrat de la P-gp
- Saignements et hémorragies (toutes localisations)
- Saignements et hémorragies (toutes localisations)
- Anémies
- Anémies
- Fièvre, nausées, œdèmes périphériques
- Fièvre, nausées, diarrhées, vomissements
- Anomalies du bilan hépatique
- Anomalies du bilan hépatique
Non disponible
Non disponible
Charbon actif pour limiter l'absorption
Mesure répétitives du temps de thrombine. Le temps de
Probablement non dialysable
thrombine dilué permet de prévoir l'effet pharmacodynamique
Substance dialysable
Addition du risque hémorragique :
Addition du risque hémorragique
AINS, aspirine, antiagrégants plaquettaires,
AINS, aspirine, antiagrégants plaquettaires, thrombolytiques,
thrombolytiques, anticoagulants
anticoagulants
Diminution de l’élimination rénale (↑Xarelto) :
Diminution de l’élimination rénale (↑ Pradaxa) :
- IR fonctionnelle : diurétiques, AINS, IEC, sartans
- IR fonctionnelle: diurétiques, AINS, IEC, sartans
- IR organique : anti-infectieux (aminosides,
- IR organique: anti-infectieux (aminosides,
vancomycine, amphotéricine B), cytotoxiques
vancomycine,amphotéricine B), cytotoxiques (MTX,
(MTX, platines), immunodépresseur (ciclosporine,
Platines), immunodépresseur (Ciclosporine, tacrolimus),
tacrolimus), autres (déférasirox, mannitol, lithium,
autres (déférasirox, mannitol, lithium, produits contrastes
produits contrastes iodés, fibrates) etc.
iodés, fibrates) etc.
Inhibiteurs de la Pgp (↑Xarelto) :
Inhibiteurs de la P-gp (↑Pradaxa) :
vérapamil, amiodarone, atorvastatine, dipyridamole, vérapamil, amiodarone, atorvastatine, dipyridamole,
macrolides, antifongiques azolés, inhibiteurs de macrolides, antifongiques azolés, inhibiteurs de protéases,
protéases, lopéramide
lopéramide etc…
Inhibiteurs du CYP3A4 et deP-gp (↑ Xarelto) :
Inducteurs de la P-gp (↓Pradaxa) :
amiodarone, dronédarone, vérapamil, macrolides,
Rifampicine, millepertuis, carbamazépine, phénytoine
antifongiques azolés, inhibiteurs de protéases,
cimétidine, jus de pamplemousse
Avec les inducteurs du CYP3A4 et inducteurs de la
P-gp (↓Xarelto) : phénytoïne, carbamazépine,
phénobarbital, rifampicine, névirapine, millepertuis..
3
XARELTO® 10/15/20mg
PRADAXA® 75/110/150mg
(Rivaroxaban)
(Dabigatran)
(1) PTH ou PTG :
(1) PTH ou PTG
(2) FA
10mg/j à commencer 6-10h après la chir.
Durée: 2 sem. pour PTG, 5 sem. pour PTH 110mg 1 à 4h après chirurgie
150 mg x 2/j en 2 prises
puis 220mg en 1 prise/j
(2) FA :
Durée:
Posologie
20mg/j en une prise
- 10j pour PTG
- 28-35j pour PTH
(3) TVP :
J1 à J21 : 2 prises de 15 mg /j
J22 et suivants : 20mg/j en une prise
Insuffisance rénale :
Age :
Age :
- non recommandée chez les
- non recommandée chez les < 18 ans
(1) PTH ou PTG :
30<ClCr<80: Aucune adaptation
patients < 18 ans
- > 80 ans = 110mg x 2/j en 2 prises
15<ClCr<29: Utilisation avec prudence
- > 75 ans: 150mg/j en 1 prise
- 75-80 ans : 150mg x2/j ou 110mg
ClCr<15: Non recommandée
x2/j en 2 prises si facteurs de
(2) FA :
Poids :
risque associés
50<ClCr<80: Aucune adaptation
Patients < 50 kg ou > 100 kg: pas
15<ClCr<49: Adaptation : 15 mg/j en 1
d'adaptation mais surveillance
Poids : Surveiller les patients < 50 kg
prise
étroite
ClCr<15: Non recommandée
IR :
50<ClCr<80: Aucune adaptation
(3) TVP :
IR :
50<ClCr<80: Aucune adaptation
30<ClCr<50: 150mg/j en 1 prise 30<ClCr<50: 150mgx2/j en 2 prises
15<ClCr<49: J1 à J21: 2 prises de 15mg/j ClCr<30: CI
et 110mg 2 fois par jour si facteurs
puis J22 et suivants 15mg/j en une prise
de risques associés
IH : pas de données, donc non
ClCr<30: CI
Adaptations ClCr<15: Non recommandée
recommandé
posologiques
IH : pas de données, non recommandé
Insuffisance hépatique:
- Modérée: Pas d'adaptation posologique
Inhibiteurs P-gp : si traitement
- Sévère avec coagulopathie : CI
concomitant avec amiodarone,
Inhibiteurs de la P-gp (vérapamil) :
quinidine ou vérapamil: 150mg/j 110mg 2 fois /j, pas d'adaptation si
en 1 prise et prendre les 2
association avec amiodarone et
traitements au même moment
quinidine et prendre les 2 traitements
au même moment
IR modérée et association avec
Inducteurs de la P-gp ( Rifampicine,
inhibiteurs de la P-gp :
75mg/j
millepertuis, Carbamazépine,
Phénytoine etc): Non recommandé
- Patient sous Xarelto, passage à un
anticoagulant par voie parentérale :
débuter l'injection 24 h après l'arrêt de
Xarelto
- Patient sous anticoagulant par voie
parentérale, passage à Xarelto :
débuter Xarelto au moment de l'arrêt de
Relais:
Changement l'injection.
de
traitement - Patient sous Xarelto, passage à un
AVK : débuter l'AVK et arrêter Xarelto
dès que INR> 2
- Patient sous AVK passage à Xarelto :
Arrêt AVK, débuter Xarelto dès que
INR< 3
Risque hémorragique élevé :
↓la posologie à 110mgx2/j
- Patient sous Pradaxa, passage - Patient sous Pradaxa, passage à
à un anticoagulant par voie
un anticoagulant par voie
parentérale : débuter l'injection parentérale : débuter l'injection 12h
24 h après l'arrêt de Pradaxa
après l'arrêt du Pradaxa
- Patient sous anticoagulant par
- Patient sous anticoagulant
voie parentérale, passage à
Pradaxa : débuter Pradaxa au
par voie parentérale, passage
à Pradaxa : débuter Pradaxa au
moment de l'arrêt de l'injection
moment de l'arrêt de l'injection. - Patient sous Pradaxa, passage à
un AVK :
Si ClCr> 50ml/min: débuter AVK
3j avant l'arrêt du Pradaxa
Si ClCr entre 30 et 50 ml/min:
débuter AVK 2j avant l'arrêt du
Pradaxa
- Patient sous AVK, passage à
Pradaxa: Arrêt de l'AVK et débuter
Pradaxa dès INR < 2
L'équipe du CRPV
4
La prescription en DCI, pourquoi?
Dr JL.Faillie
La Dénomination Commune Internationale (DCI) d'une substance active pharmacologique est une
appellation définie par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pour être utilisable sans ambiguïté dans un
grand nombre de langues. La DCI est un nom non commercial et distinct de la dénomination chimique de la
substance. Le nom commercial est le nom choisi par le fabricant pour commercialiser la spécialité, ce nom
pouvant être différent selon le fabricant et selon les pays de commercialisation. A titre d'exemple, cétirizine est
la DCI du Zyrtec® (nom commercial) retrouvé également sous le nom de Reactine® au Canada. Notons que,
parmi les exceptions, le paracétamol est une DCI mais c'est l'appellation acetaminophen qui est utilisée aux
USA (ex : TYLENOL®).
Depuis 1992, la directive européenne 92/27/EEC recommande l’usage des DCI pour
l’ensemble des pays de l’Union Européenne. Environ 12 % des prescriptions sont
réalisées en DCI en France, ce qui est très inférieur pratiques britanniques et
allemandes (80% au Royaume-Uni et 35 % en Allemagne selon une étude en 2006).1
Mais la récente loi de renforcement de la sécurité sanitaire des médicaments et
produits de santé du 29 décembre 2011 prévoit que la prescription en DCI sera rendue
obligatoire. Son application sera effective lorsque les logiciels d'aide à la prescription seront adaptés, c'est-àdire au plus tard au 1er janvier 2015.
L'incitation à utiliser les DCI est un progrès pour la communauté médicale et pour la prise en charge des
patients. Tout d'abord parce qu'il est évident qu'un langage commun international est préférable pour les
communications entre médecins de différents pays ou pour la prise en charge de patients étrangers ou à
l'étranger. Ensuite parce que la DCI n'est pas un nom choisi au hasard : une DCI comprend des « segmentsclés » utilisés comme suffixes, préfixes ou segments intermédiaires qui caractérisent le groupe thérapeutique
du principe actif, son mécanisme d’action, son origine ou sa parenté chimique. Par rapport au nom commercial
(ou nom de fantaisie), l'utilisation de la DCI permet donc, grâce aux principaux segments-clés (on en compte
300 au total), d'identifier des informations pharmacologiques utiles et importantes sur le médicament. Il existe
de nombreuses exceptions mais parmi les segments-clés les plus courants on retrouve par exemple -coxib pour
les inhibiteurs de la cyclo-oxygénase 2 (COX-2, ex : celecoxib) ; -mab pour les anticorps monoclonaux
(monoclonal antibodies, ex ; infliximab) ; -olol pour les béta-bloquants (ex : atenolol) ; -pril pour les
inhibiteurs de l'enzyme de conversion (ex : captopril) ; -vastatin(e) pour les inhibiteurs de l'HMG-CoA
reductase (ex : simvastatine)…
D'ailleurs, -orex étant le segment-clés désignant les agents anorexigènes, l'utilisation de la DCI aurait
permis aux professionnels de santé d'identifier le benfluorex (principe actif du Médiator®) comme étant avant
tout un anorexigène. Pour plus de détails, voir les dossiers spécifiques publiés dans les numéros de juillet et
décembre 2012 de la revue Prescrire.2,3 Un autre avantage important de l'utilisation de la DCI est que cela
limite les erreurs médicamenteuses : confusions entre les différents noms des substances actives, non respect
de contre-indication, surdosage par prise multiples d'une même substance… Il a été montré que les confusions
entre noms commerciaux étaient plus fréquentes et potentiellement plus graves que les confusions entre DCI. 4
5
En Septembre 2010, l’Afssaps a présenté un rapport des signalements d’erreur ou de risque d’erreur liés à la
dénomination des médicaments. De nombreuses confusions avaient été rapportées entre DCI (ex : prednisone /
prednisolone, simvastatine / pravastatine cefotaxime / cefoxitine) mais les confusions entre noms
commerciaux étaient plus nombreuses et semblaient plus préoccupantes car elles concernaient souvent des
classes pharmacologiques très différentes (cf. tableau 1).5
Par exemple, une confusion entre Lamictal® et Lamisil®, a eu pour conséquence un syndrome de Lyell
vraisemblablement aggravé par un surdosage en lamotrigine.6 Un syndrome hémorragique sévère a également
été rapporté suite à une erreur de délivrance entre Previscan® et Permixon®.7
Finalement, même si la prescription en DCI nécessitera pour les professionnels de santé un
effort d'apprentissage
et de changement de pratique (qui doit également passer par
l'enseignement initial en DCI), cet effort ne semble pas vain pour la qualité des soins des
patients.
1. Projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de sante. Etude d’impact. Juillet 2011.
http://www.assemblee-nationale.fr/13/projets/pl3714-ei.asp
2. Rev Prescrire 2012 ; 32 (350) : 940-946
3. Rev Prescrire 2012 ; 32 (345) : 536-540
4. Hoffman JM, Proulx SM. Medication errors caused by confusion of drug names. Drug Saf. 2003 ; 26 (7) : 445-52.
5.
Liste
des
confusions
de
noms
recensées
au
Guichet
Erreurs
Médicamenteuses.
Afssaps.
Septembre
2010.
http://ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/017fce5b9a509a4388b2b0a914038205.pdf
6. Le Loarer F, Carré-Gislard D, Baricault S, Bravard P. Severe drug eruption caused by a medication error. Ann Dermatol Venereol.
2009 ; 136 (4) : 364-5.
7. Chiche L, Thomas G, Canavese S, Branger S, Jean R, Durand JM. Severe hemorrhagic syndrome due to similarity of drug names.
Eur J Intern Med. 2008 ; 19 (2) : 135-6.
Tableau 1. Liste des confusions entre noms de marques rapportées au Guichet Erreurs
Médicamenteuses (2005-2010) 5 :
Pensez à consulter régulièrement nos sites Internet Pharmacovigilance,
Pharmacodépendance et Antenne Médicale de Lutte contre le Dopage
Lien : http://www.chu-montpellier.fr/fr/vigilance/
6
Grossesse et radiodiagnostic
Les examens d'imagerie médicale, en particulier ceux faisant appel aux
radiations ionisantes, suscitent souvent de l'inquiétude lorsqu'ils ont lieu au cours de la
grossesse. Il s'agit très majoritairement d'investigations réalisées en tout début de
grossesse, alors que la grossesse n'est pas connue.
Rappelons que l'échographie et l'IRM (Imagerie par Résonance Magnétique), sont des
techniques sans irradiations. Les données concernant l'IRM au cours de la grossesse sont encore limitées,
surtout pour le 1er trimestre mais les éléments actuellement disponibles ne mettent pas en évidence
d'augmentation de risque pour le fœtus. L'IRM fœtale se développe actuellement dans le cadre du diagnostic
anténatal.
Les radiographies et le scanner utilisent des radiations ionisantes. L'exposition aux radiations
ionisantes in utero peut être responsable d'anomalies chez le fœtus, qui dépendent de la dose administrée, mais
aussi de l'âge gestationnel au moment de l'exposition. Les effets identifiés chez le fœtus sont un retard de
croissance intra-utérin et des atteintes du système nerveux central, avec en particulier microcéphalie et retard
mental. Les radiations ionisantes peuvent être responsables de mutations et de lésions chromosomiques ; mais
l'effet mutagène et carcinogène des radiations ionisantes reçues in utero est très difficile à évaluer et la
probabilité de développer un cancer dans ces conditions semble actuellement quasi identique à celui de la
population générale.
En ce qui concerne la dose administrée, il importe de connaître la localisation de l'examen et la dose reçue par
l'utérus (et non la dose totale délivrée lors de l'examen). Les actes de radiodiagnostic à l'étage susdiaphragmatique seront donc très peu irradiants pour l'embryon. Lorsque le Centre Régional de
Pharmacovigilance du Languedoc-Roussillon (CRPV-LR) est saisi pour une exposition chez une femme
enceinte, un calcul de la dose-gonade est réalisé par des radiophysiciens du CHRU avec lequel le CRPV a mis
en place une procédure, depuis 2002, selon les paramètres spécifiques à chaque patiente et donc chaque acte
réalisé. Les références publiées par l'IPSN (Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire) et l'expérience
acquise par le CRPV-LR depuis plus d'une dizaine d'années montrent que la dose reçue à l'utérus lors des
examens de radiodiagnostic courants est le plus souvent largement inférieure à 50 milligray = mGy (le gray
correspondant à la dose absorbée). Or la dose seuil reçue à l'utérus est fixée à 100 mGy et le risque demeure
faible jusqu'à 200 mGy.
En ce qui concerne l'âge gestationnel au moment de l’irradiation, il est admis que la loi du « tout ou rien »
s'applique pendant les deux premières semaines de grossesse, une irradiation à ce stade de la grossesse étant
considérée sans conséquences pour la suite de la grossesse ou entraînant une fausse couche spontanée. Entre la
2ème et la 8ème semaine de grossesse, il existe un risque de malformations du système nerveux central
(notamment microcéphalie) mais la dose seuil est supérieure à 200 mGy. La période de
risque maximal en ce qui concerne le système nerveux central se situe entre la 8ème et la
15ème semaine de grossesse, avec une dose seuil, qui se situe autour de 100 mGy ; ce
risque diminue ensuite entre la 16ème et 25ème semaine de grossesse.
7
L'utilisation d'un produit de contraste iodé hydrosoluble (la majorité des molécules) ne pose
pas de problème particulier avant la 12ème semaine de grossesse (période à partir de laquelle la thyroïde fœtale
devient fonctionnelle et peut capter l’iode). Au-delà, l'emploi de tels produits peut être envisagé si nécessaire,
en prévoyant par sécurité un bilan de la fonction thyroïdienne du nouveau-né, en particulier si l'exposition a eu
lieu près du terme et si l'enfant est prématuré.
L’utilisation du gadolinium au cours de la grossesse est encore limitée mais les données disponibles à ce jour
n'ont pas mis en évidence d'effet tératogène ou foetotoxique. Certaines molécules disposent de données
animales rassurantes et sont privilégier (cf CRPV)
En résumé : Pour tous les actes de radiodiagnostic courants, les doses délivrées sont le plus souvent
très inférieures aux doses seuils au-delà desquelles un risque tératogène, de FCS ou de cancer pourrait
survenir. De plus, il s'agit le plus souvent d'irradiations à un stade très précoce de la grossesse, lorsque celle-ci
n'est pas connue, et donc avant la période de risque maximal pour le système nerveux central (8-15 SG).
Il est donc justifié de rassurer une patiente en cas d'exposition fortuite à un acte de radiodiagnostic courant.
Une évaluation de la dose reçue à l'utérus par un radiophysicien, en particulier pour des examens concernant
l'étage sous-diaphragmatique, permet de renseigner avec précision le corps médical et les patientes.
Extrait de bibiographie : Thompson-Bos MA, Fourcade M, Hillaire-Buys D. Radiations et produits de diagnostic, "Médicaments et grossesse :
prescrire et évaluer le risque", Jonville-Béra AP, Vial T, Elsevier Masson 2012
De Santis M, Cesari E, Nobili E, Straface G, Cavalieres AF, Caruso A. Radiations effects on development. Birth Defects Res C 2007; 81:177-82, IPSN
publication 84 de la CIPR. 2008
Sur les bonnes tables : CRPV du Nord-Pas de Calais
Hypomagnésémie : penser aux Inhibiteurs de la Pompe à Protons !
L’hypomagnésémie est une perturbation électrolytique pouvant avoir des conséquences cliniques sévères ou
potentiellement graves comme la survenue de crises de tétanie, de convulsions, de troubles du rythme
cardiaque ou encore de perturbations électrolytiques associées de type hypocalcémie ou hypokaliémie. Les
étiologies de l’hypomagnésémie sont nombreuses : elles peuvent être secondaires à un défaut
d’absorption intestinale, à un excès de pertes rénales, ou plus rarement d’origine génétique ou encore
iatrogène. Quelques médicaments sont en effet connus pour être à l’origine de cas d’hypomagnésémie en
favorisant l’élimination rénale du magnésium, comme les diurétiques de l’anse, les diurétiques thiazidiques, le
cisplatine, les aminosides ou encore la ciclosporine [1]. Depuis quelques années, les Inhibiteurs de la Pompe à
Protons (IPP) semblent devoir être également considérés comme pourvoyeurs de ce type d’effet indésirable.
La littérature compte ainsi une trentaine de cas d’hypomagnésémie sous IPP. Elles apparaissent dans la plupart
des cas après quelques années d’exposition et sont rapidement et systématiquement réversibles à l’arrêt du
traitement [2]. Les mécanismes mis en jeu sont encore discutés : l’hypochlorhydrie induite par les IPP pourrait
modifier l’absorption intestinale du magnésium. Les IPP pourraient également jouer un rôle sur les canaux
ioniques TRPM6 impliqués dans le transport actif du magnésium au niveau gastro-intestinal [2]. A ce jour,
seuls les résumés des caractéristiques de l’oméprazole et de l’ésoméprazole mentionnent l’hypomagnésémie
parmi les effets indésirables de ces médicaments (effet indésirable considéré comme très rare).
Au vu de la large prescription des IPP, cet effet indésirable mérite à notre avis d’être gardé en mémoire.
[1] Nutrition clinique et métabolisme. 2004. 18 :127-130. ; [2] QJM. 2010.103 :387-95.
8
ADDICTOVIGILANCE
Spécialités à base de Fentanyl : attention risque de mésusage !
Quatre spécialités contenant du fentanyl à libération immédiate et indiquées uniquement dans le
traitement des accès douloureux paroxystiques chez les patients cancéreux déjà traités par des
antalgiques opiacés sont commercialisées à ce jour en France.
Par ailleurs, une spécialité contenant du fentanyl à libération prolongée est également disponible, le
Durogésic®. En 2008, l'AMM du fentanyl à libération prolongée (Durogésic®) a été élargie au
traitement des douleurs chroniques quelques soient leur origine. Cependant, dans cette indication, le
manque d'études probantes n'a pas permis l'obtention d'un SMR suffisant afin d'envisager le
remboursement des spécialités (Durogesic, patch de fentanyl, antalgique – Avis de la commission de la
transparence du 10 décembre 2008. Consultable sur http://www.has-sante.fr/)
Les spécialités à libération immédiate et leurs caractéristiques sont résumées dans le tableau :
Actiq®
Abstral®
Effentora®
Instanyl®
Forme galénique
Pulvérisation nasale
Applicateur buccal
Sublingual
Oravescent
Commercialisation
2002
2009
2010
2010
Dosage disponible (µg de
200, 400, 600, 800, 1200,
100, 200, 300, 400, 600
100, 200, 400, 600, 800
50, 100, 200
fentanyl)
1600
Biodisponibilité
50%
70%
65%
89%
± 30 min
15 min
10 min
7 min
Délai d'action
AMM
Traitement des accès douloureux paroxystiques chez les patients cancéreux déjà traités par des
antalgiques opiacés
Le mésusage est défini par une utilisation en dehors des recommandations de l'AMM, en dehors de
l'usage abusif. Ce risque, associé à un risque de détournement d'utilisation à des fins d'usage abusif a
entraîné la mise en place d'un Plan de Gestion des Risques national par l'ANSM, pour ces spécialités.
Le CEIP de Nancy en charge de ce suivi a présenté un premier bilan en Commission Nationale des
Stupéfiants et psychotropes en 2012:
•
Les ventes pour les spécialités Effentora®, Abstral®et Instanyl® sont en progression constante depuis leur
mise sur le marché. La spécialité Actiq® reste, malgré la mise sur le marché des autres formes à libération
immédiate de fentanyl, la spécialité la plus vendue en termes d’unités.
•
Type de mésusage constaté : L’ensemble des données indique une forte proportion de mésusages parmi les
cas rapportés (Actiq® 90%, Effentora® 84%, Instanyl® 48%), la grande majorité des cas relevant d’un ou
plusieurs types de mésusages.
Pour les formes Actiq® et Effentora®, on retrouve pour une majorité des cas des indications hors AMM
(environ 60% des cas déclarés),
9
Le deuxième mésusage notifié est l’absence de traitement de fond opioïde pour 47% des cas concernant la
spécialité Actiq®, 37% Effentora®, 14% Instanyl®.
•
Abus, dépendance. La pharmacodépendance (définie selon les critères du DSM-IV) concerne 33% des cas
rapportés pour Actiq®, 20% Instanyl®, 1% Effentora. Un usage abusif est décrit pour 9% à 19% des cas
selon les spécialités.
Ces utilisations hors AMM exposent le patient à une mauvaise prise en charge de son syndrome douloureux et
à une augmentation des posologies et/ou à l'association de plusieurs molécules antalgiques.
Commission nationale des stupéfiants et psychotropes - Compte rendu de la réunion du 20 octobre 2011
(22/02/2012)
Résultats d'une enquête collaboration CEIP/CETD
Mésusage de la spécialité
Fentanyl : résultats d'une analyse rétrospective au Centre de Traitement et d'Evaluation de la Douleur
(CETD) de Montpellier
L'objectif de cette étude était de réaliser un état des lieux des patients pris en charge au CETD et recevant à
l'admission un traitement antalgique à base de fentanyl.
Tous les dossiers médicaux des patients hospitalisés entre 2007 et Juin 2012 au CETD et recevant du fentanyl,
ont été analysés. Dans la période de l'étude, 37 patients ont été inclus. La médiane d’âge des patients
hospitalisés était de 47 ans (écart: 20-78 ans), avec une prédominance de femmes (68 %). Tous les patients
étaient sous fentanyl depuis plus de 6 mois. Le type de douleur ayant nécessité la mise en place d’un
traitement par fentanyl, était des dorsalgies (39%), des polyalgies diffuses (32%), des douleurs neuropathiques
(13%), des douleurs thoraciques (13%), et autre douleur (3%). A l’admission 51% des patients présentaient un
état dépressif (63% de femmes) et la médiane de l'EVA à l'admission était de 7.5/10 [écart: 5-10]. Soixante
huit pourcent des patients étaient sous la spécialité Durogésic patch, et 16% étaient sous Actiq, 16%
prenaient les deux. Trois patients sous Actiq® (50%) ne recevaient pas de traitement antalgique de fond. A
l’admission la médiane journalière des doses en équivalent morphine était de 240 mg (écart: 40-720 mg). A la
sortie l’arrêt du fentanyl était constaté dans 46% des cas, dans 54% des cas de la posologie de fentanyl a été
diminuée. Pour tous les cas, un mésusage du fait d'une utilisation hors indication ou hors délai a été constaté
plutôt qu'un abus. La médiane des doses à l'admission était élevée. De part le potentiel d’abus et de
dépendance évalué comme majeur des nouvelles formes galéniques de fentanyl, une augmentation des
hospitalisations pour sevrage est à prévoir. Nous remercions le Dr Patrick Ginies ainsi que toute son équipe pour
la conception et l'aide apportée à la réalisation de cette analyse.
Laureau M, Eiden C, Giniès P, Peyrière H. Patients hospitalisés au centre anti-douleur du CHU de Montpellier pour un sevrage au fentanyl :
analyse rétrospective. 7èmes Ateliers de la pharmacodépendance et addictovigilance. Biarritz, 29-30 Octobre 2012.
Pour notifier un cas d'abus, de dépendance, de détournement d'utilisation, un nomadisme, une
complication somatique liée à la consommation de substances,
vous pouvez nous appeler 04 67 33 67 57/49, nous envoyer un fax 04 67 33 67 51,
ou un mail [email protected]
10