Réussir sans le bac, c`est possible!

Transcription

Réussir sans le bac, c`est possible!
Date : 20/06/2013
Pays : FRANCE
Page(s) : 135;173;180
Diffusion : (535604)
Périodicité : Hebdomadaire
Surface : 88 %
> Cliquez ici pour voir la page de l'article
IL Y A UNE BELLE VIE APRES L'ECHEC
Réussir sans le bac, c'est possible!
De Jamel à François Pinault, de Pierre Bérégovoy à Alain Souchon, les exemples de
personnalités qui ont réussi leur vie professionnelle sans avoir obtenu le bac sont légion.
Passage en revue des parcours qui s'offrent à ceux qui vont rater l'examen
Vous passez le bac, l'épreuve finale,
le point d'orgue de votre scolarité
dans le secondaire, le but ultime de
vos années de lycée. Vous avez le
trac? Et pourquoi donc? Vous les
entendez encore, ces oiseaux de
malheur, qui vous ont dit un jour ou
l'autre: « Qu'est-ce
que tu
deviendras sans le bac?» Ne
craignez rien, ils se trompent. Votre
vie ne va pas s'arrêter pour autant.
On peut réussir sans le bac. Et
même très bien. La scène se passe il
y a deux ou trois ans, lors d'une fête
à Paris. Cet homme-là ne paie pas
de mine. Il a une soixantaine
d'années, un visage un peu rond. Il
n'a pas le bac, avoue-t-il à son
voisin. «Et que faites-vous?» « Oh!
Je peins, je sculpte... je bricole »,
répond le monsieur. «Et vous
exposez où?» poursuit poliment son
interlocuteur. «Au Grand-Palais»:
cet homme-là s'appelle Christian
Boltanski, et il inaugure alors son
exposition, « Personnes ».
Il y a une multitude de Christian
Boltanski en France. D'anciens ados
flemmards, ou surdoués, ou tout
simplement mal adaptés au carcan
scolaire, qui ont un jour donné un
coup de pied dans la fourmilière...
Au hasard de ces trajectoires
atypiques, le chanteur Laurent
Voulzy, enfant rebelle, plusieurs fois
viré de son lycée, qui n'a jamais
bouclé ses études ; Alain Souchon,
qui a tenté trois fois de passer son
bac par correspondance, alors qu'il
travaillait déjà comme barman à
Londres ; Diam's, la rappeuse
enragée désormais rangée ; Jamel
Debbouze, notre tchatcheur national
; ou encore Vanessa Paradis,
l'éternelle interprète de « Joe le taxi
»: ces magiciens des mots n'ont pas
eu besoin de l'estampille Education
nationale pour prouver leur valeur.
«Les diplômes sont faits pour les
gens qui n'ont pas de talent. Vous
avez du talent? Ne vous emmerdez
pas à passer le bac», s'exclamait
l'humoriste Pierre Desproges.
D'illustres politiques ont, eux aussi,
fait l'impasse: on se souvient de
Pierre Bérégovoy, Premier ministre
de François Mitterrand, avec son
seul certificat d'études et son CAP
d'ajusteur ; René Monory, ministre
de l'Education nationale entre 1986
et 1988, n'avait pas son bac. Et, plus
près de nous, Christian Estrosi, 57
ans, ancien ministre, vice-président
de l'UMP, député et maire de Nice,
qui a lâché le lycée pour la moto les
méchantes
langues
le
surnomment le « Motodidacte ».
Parmi les
chefs
d'entreprise,
Jean-Claude Decaux, 75 ans, fils
d'un marchand de chaussures, est
devenu le leader mondial du
mobilier urbain et une des premières
fortunes de France. Tout aussi
célèbre et encore plus riche,
François Pinault, 76 ans, a quitté,
lui, l'école à 16 ans. Cela ne l'a pas
empêché de devenir un magnat du
luxe... Et au total on estime qu'un
dixième des dirigeants de PME n'ont
pas le bac.
CHIFFRES BAC 2013 664 700
candidats
DATES
DES
EPREUVES du 17 au 21 juin 2013
RESULTATS
SUR
www.education.gouv.fr à partir du 5
juillet 2013 TAUX DE TAUX DE
REUSSITE AU BAC EN 2012
84,5% (89,6% au bac général,
83,4% au bac technologique, 78,2%
au bac professionnel) PART DES
BACHELIERS
DANS
UNE
GENERATION 1980:
25,9%,
2012: 77,5%Qu'ils soient célèbres
ou anonymes, un profil commun se
dégage de ces expériences de vie
réussie, une sorte de niaque, de
confiance en sa bonne étoile, de
courage aussi, parce qu'il en faut
pour assumer de sortir ainsi des
clous. «Il faut un ego surdéveloppé
pour rester droit dans ses bottes et
assumer ses choix, alors qu'en
France on a tendance à te dire:
«T'as pas fait d'études, tu ne vaux
rien» », lâche Mathieu Brémond, 33
ans, chef électricien de cinéma. Lui
a raté son bac S en 1999 et a choisi
de ne pas le repasser. Coursier,
déménageur sur une production grâce à la mère d'un copain -,
stagiaire électro, magasinier... il fait
9D7E68365B70130D602D09837305E58A12574C05014A338018D5B16
(1/3) OLYMPIADES DES METIERS
Page 1
Tous droits de reproduction réservés
Date : 20/06/2013
Pays : FRANCE
Page(s) : 135;173;180
Diffusion : (535604)
Périodicité : Hebdomadaire
Surface : 88 %
ses classes sur le terrain. «Le temps
que tu n'as pas passé à l'école, tu le
passes à bosser à des postes peu
intéressants. Il faut accepter de
grimper les échelons un à un. »
Mais l'expérience finit par payer. Le
culot et la ténacité aussi. Ces années
d'apprentissage
permettent
de
trouver sa voie. Et de se trouver
soi-même.
Elles mènent parfois loin, jusqu'à la
consécration. Marc Puche, 48 ans, a
pris pour la première fois de sa vie
la parole à l'Assemblée nationale en
janvier dernier pour vanter le métier
de tailleur de pierre et parler de son
envie de construire des cathédrales.
Une métaphore de son métier
d'entrepreneur: Marc Puche est l'un
des lauréats des Victoires des
Autodidactes,
une
compétition
organisée depuis plus de vingt ans
par le Harvard Business School Club
de France et le cabinet d'audit
Mazars. Elle récompense chaque
année
des chefs
d'entreprise
talentueux qui n'ont pas de diplôme.
«A 16 ans, j'étais en échec, j'ai
quitté l'école pour faire un BEP
[brevet d'études professionnelles
NDLR] de tailleur de pierre. A 19
ans, je me suis lancé dans la
bureautique.
Je
vendais des
photocopieurs et j'ai gravi tous les
échelons», raconte cet homme
énergique. Aujourd'hui, Marc Puche
dirige le groupe AEGE, dans le
secteur du BTP Que dit-il à ceux qui
échouent à l'école? «Profitez de
votre échec pour vous poser la
bonne question: qu'avez vous envie
défaire de votre vie? Ne subissez
pas, croyez en votre intuition, en
votre créativité. » Quand il recrute,
Marc Puche s'intéresse plus à l'envie
et au projet des postulants qu'à leur
diplôme. Une disposition trop rare
chez les employeurs: «Notre bon
vieil Hexagone est si frileux vis-à-vis
des non-diplômés alors que dans le
(2/3) OLYMPIADES DES METIERS
reste du monde c'est le projet et
celui qui le porte qui compte... »
regrette le coach et écrivain
Stéphane
Courchaure«
Secrets
d'autodidactes », par Stéphane
Courchaure,
Editions
Eyrolles,
2012..
A l'école, le formatage des esprits
est si fort que, pour certains, rater
l'examen devient une chance de
s'émanciper. «Je pense que si j'avais
réussi mon bac, je n'aurais rien fait
à la fac», reconnaît RomainSon
prénom a été changé., 32 ans,
aujourd'hui en cinquième année de
médecine à Marseille, après un
itinéraire en zigzag. Il a redoublé sa
première et raté deux fois son bac
scientifique après avoir paressé au
collège et s'être ennuyé ferme au
lycée. «Il n'y a pas déplace à l'école
lorsqu'on n'est pas dans le moule»,
dit-il. Ce qui l'a fait rebondir, c'est le
travail, justement. A 18 ans, il gagne
son indépendance grâce à un boulot
de
télémarketing
qu'il
juge
«dégradant». Il trouve alors un
emploi au Planning familial,
il
croise des médecins. Un déclic. A la
surprise générale, il décide de faire
médecine. Il passe d'abord le
diplôme
d'accès
aux
études
universitaires (DAEU), pour avoir le
droit de s'inscrire à l'université. Et se
lance. Il affronte « la machine à
broyer » de la première année avec
succès et s'épanouit maintenant lors
de ses stages auprès des patients.
Ainsi, dans l'Education nationale, les
chemins de traverse existent, même
s'ils sont peu empruntés. La capacité
en droit en deux ans (voir encadré),
qui permet d'entrer à la fac de droit
sans le bac, reste mal connue. «Il ne
faut jamais se démonter. L'important
est d'avoir l'esprit ouvert, et une
curiosité intellectuelle», dit Thomas
David, 21 ans, étudiant en deuxième
année de licence de droit à Paris,
après avoir fait sa capacité. Il
où
Page 2
travaille
déjà
auprès
d'un
commissaire-priseur, le métier dont
il rêve. Un virage radical pour cet
ancien
cancre
qui
a
tâté
successivement de l'horlogerie puis
de la boulangerie,
il a décroché
un CAP (certificat d'aptitude
professionnelle).
Il
compte
poursuivre en histoire de l'art pour
se présenter à l'examen de
commissaire-priseur. «C'est
un
investissement lourd, qui demande
de la rigueur et de l'organisation»,
reconnaît-il. Mais qu'importe le
quand on a le
Ces voies méconnues peuvent même
conduire loin de France, là
la
culture du diplôme est moins
prégnante.
«Je
voulais
me
rapprocher de la nature et des
travaux manuels, mais sans le bac je
ne trouvais pas de place en BTS. Ma
mère me traînait dans tous les
établissements, en vain. Un jour j'ai
tout plaqué, j'ai pris le train pour
l'Allemagne pendant les grandes
vacances et je ne suis pas revenu»,
explique Jean, 35 ans. Là-bas, il a
trouvé une école, décroché une
bourse, vécu dans une famille
d'accueil et a passé un diplôme
européen qui allie le sport,
l'agriculture et l'artisanat. Depuis, il
s'est installé à son compte comme
maréchal-ferrant dans le sud du
pays.
Le dédain français pour ces parcours
différents, hors norme, pourrait un
jour finir par s'inverser... Mardi 4
juin, au ministère du Travail, un
parterre d'invités et de journalistes
applaudissaient ainsi une équipe de
France d'un autre type: une
quarantaine de candidats aux
Olympiades des Métiers, cette
compétition internationale qui se
déroule cette année à Leipzig, en
Allemagne. En costume bleu et
cravate bordeaux, ces jeunes
constituent la fine fleur du
où
coût,
goût.
où
Tous droits de reproduction réservés
Date : 20/06/2013
Pays : FRANCE
Page(s) : 135;173;180
Diffusion : (535604)
Périodicité : Hebdomadaire
Surface : 88 %
savoir-faire français. Ils sont
chaudronnier,
coiffeur,
jardinier-paysagiste,
peintre,
métallier, plombier... Le ministre
Michel Sapin en personne les
accueille. «Vous êtes des exemples
d'excellence, d'engagement et de
réussite », leur dit-il. Ils ont 20 ans,
et déjà plusieurs années d'expérience
dans leur métier. Beaucoup d'entre
eux, si talentueux soient-ils, n'ont
pas le bac... «Mes professeurs
voulaient que je suive un parcours
classique après ma troisième mais je
préférais le travail manuel»,
explique Elwin Monzies, un apprenti
charpentier de 21 ans. Son père,
fontainier, l'a soutenu dans son
choix. L'adolescent rejoint les
Compagnons du Devoir, où il passe
ses diplômes en alternance. En 2009,
il commence son tour de France qui
le conduit successivement à Tours,
Grenoble, Lyon. «Je voulais passer
les échelons un à un pour être
crédible auprès des ouvriers à qui je
donnerai des ordres plus tard»,
explique ce grand garçon aux yeux
bleu clair et au sourire enfantin.
Comme lui, chaque année, 4 000
jeunes, dont 1 000 sans le bac,
entrent chez les Compagnons pour y
apprendre l'un des 26 métiers
manuels, «six à huit ans d'études,
avec l'assurance de trouver un
emploi à la sortie», affirme Michel
Guisembert, président à la fois des
Compagnons du Devoir et du comité
français des Olympiades des
Métiers. Sans le bac, la vie ne fait
que commencer!
BRIZARD CAROLINE, MARCHE
CECILE
(3/3) OLYMPIADES DES METIERS
Page 3
Tous droits de reproduction réservés