Financer un bien immobilier avec son 2e pilier, une - pens

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Financer un bien immobilier avec son 2e pilier, une - pens
PRÉVOYANCE
LIBRES PROPOS
par Pasquale Zarra, Directeur PensExpert SA, Lausanne
© Giorgia Mueller
Financer un bien immobilier avec son 2e pilier,
une si bonne idée ?
La proposition du Conseil Fédéral d’interdire le retrait anticipé des avoirs de prévoyance pour financer l’achat
d’un bien immobilier a fait face à une levée de boucliers compréhensible. Cela irait à l’encontre du mandat
constitutionnel d’encourager l’accès à la propriété, alors que notre pays comporte l’un des taux de propriétaires les plus faibles d’Europe.
Cette restriction, qui est vue par les acteurs de l’immobilier et les potentiels propriétaires comme un retour
en arrière, est évidemment contestable. Toutefois, la proposition du gouvernement nous donne l’occasion de
souligner les risques liés à l’utilisation de son 2e pilier pour l’acquisition de son logement.
Il convient tout d’abord de préciser que cette mesure ne concernerait que la prévoyance professionnelle minimum, qui couvre les salaires jusqu’à 84'240 francs. La prévoyance surobligatoire ne serait donc pas touchée, ce qui laisse des possibilités de financement ouvertes à ceux qui en disposent.
Venons-en aux risques. Lors de l’achat d’un bien immobilier, les banques exigent généralement au minimum 20% de fonds propres.
Actuellement, un maximum de 10% de la valeur du bien peut provenir du 2e pilier. L’assuré peut alors soit demander un versement
anticipé de ses fonds de prévoyance, à hauteur de 20'000 francs minimum, soit convenir avec la banque d’une mise en gage.
Le retrait anticipé, s’il n’est pas remboursé ultérieurement, a plusieurs conséquences financières. Premièrement, il entraîne une diminution de la rente de vieillesse, ainsi qu’une réduction de la couverture de risque en cas de décès et d’invalidité, pour autant que le plan
de prévoyance mis en place lie la couverture aux avoirs du 2e pilier. La réduction de cette dernière peut certes être comblée, mais au
prix d’une assurance-vie individuelle complémentaire. Deuxièmement, le versement anticipé est imposé sur la totalité du montant perçu,
entre 5 et 15% selon les barèmes communaux, cantonaux et fédéraux du domicile de l’assuré.Troisièmement, aucun rachat de deuxième
pilier n’est autorisé tant que tous les retraits n’ont pas été remboursés. Un aspect à ne pas négliger, d’autant plus qu'il faut compter un
délai de trois ans depuis le dernier rachat si l’on souhaite toucher ses avoirs de prévoyance sous forme de capital une fois la vie professionnelle terminée.
En pratique, les affiliés sous-estiment trop souvent les conséquences fiscales du remboursement d’un retrait, qui ne possède pas les avantages d’un rachat d’années d’assurance. En effet, contrairement à ce dernier, il n’est pas déductible du revenu. Autrement dit, tant que
l’affilié n’a pas totalement remboursé le versement anticipé de ses avoirs de prévoyance, il passe à côté des avantages fiscaux qu’offrent les rachats et il ne peut pas récupérer l’impôt qu’il a payé sur les montants prélevés.
Même si les assurés pensent généralement rembourser leur prélèvement, nombre d’entre eux n’y parvient pas en fin de compte. La
faute à un manque de rigueur budgétaire, à des revenus insuffisants ou à la difficulté à planifier un remboursement dont le montant
minimal s’élève à 20'000 francs. Et puis, à l’âge de trente ou quarante ans, la retraite semble encore bien lointaine…
Pour illustrer cet état de fait, prenons par exemple le cas d’un quarantenaire qui retire 200'000 francs de sa caisse de pension pour
acheter la maison de ses rêves. Arrivé à 53 ans, il souhaite faire un rachat d’années d’assurance en espérant profiter du rabais fiscal.
Mais il a oublié qu’il devait encore rembourser l’intégralité de son versement anticipé. En échelonnant le remboursement sur dix ans (à
coups de 20'000 francs minimum), il sera complet à 63 ans. Comme notre assuré a choisi de recevoir son fonds de pension sous la
forme d’un versement unique en capital, à effectuer trois ans avant l’âge de la retraite, il lui sera trop tard pour procéder à un rachat.
Seules solutions en ce qui le concerne: avancer l’échéance ou augmenter les parts du remboursement, ce qui peut s’avérer difficile selon
la fortune à disposition, choisir de toucher ses avoirs sous forme de rente de vieillesse… ou renoncer au rachat.
L’alternative au versement anticipé, à savoir la mise en gage d’une partie de son fonds de pension, présente l’avantage de conserver
intact le niveau de la rente et des prestations d’assurances, sans conséquence fiscale. Par contre, elle entraîne une charge hypothécaire
plus élevée puisque le montant de l’emprunt est plus important.Tout cela pour autant, bien sûr, que le gage ne se réalise pas.
Devenir propriétaire est le rêve de bon nombre de Suisses. Si le 2e pilier peut contribuer à sa réalisation, la solution la plus raisonnable
reste celle d’attentre quelques années de plus afin de réunir les fonds propres nécessaires. L’épargne ainsi constituée permettra l’acquisition d’un logement, tout en faisant fructifier son capital de prévoyance et sa fortune personnelle de manière optimale.
NUMÉRO 58 – AUTOMNE 2014 –