Les prélèvements obligatoires
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Les prélèvements obligatoires
Les cafés de la statistique "La statistique éclaire-t-elle les questions de société" ? Soirée du 14 février 2012 Les prélèvements obligatoires Synthèse des débats [*] L'action des administrations est pour une grande part financée par des prélèvements obligatoires sur les revenus des habitants ou des entreprises. Ces prélèvements revêtent diverses formes : impôts, cotisations, taxes. Aux règles générales se superposent de multiples exemptions ou modulations : ce sont les fameuses « niches fiscales », ou « dépenses fiscales ». Le système est devenu si complexe que le citoyen peine à s'en faire une idée générale, et donc à apprécier les projets de réforme qui émergent dans le débat politique. Quels sont les traits dominants caractéristiques du système français de prélèvements obligatoires ? Les reproches qu'on lui fait - complexité, inefficacité, injustice - sont-ils fondés ? Les simplifications et les réformes peuvent-elles être effectuées en connaissance des causes et des effets ? Invité : François Ecalle Chargé de cours de politique économique à l'Université Paris I 1 Exposé introductif : L’intervenant introduit les définitions nécessaires à la compréhension de son propos avant d’exposer les constats qu’on peut faire sur cette base et d’éclairer la question des niches fiscales. 1 - Définitions C’est l’OCDE2 qui, la première, a défini les prélèvements obligatoires. Ce sont des versements : aux administrations publiques (APU au sens des comptes nationaux) : l’Etat, les collectivités territoriales, les administrations de sécurité sociale et les organismes publics non marchands qu’ils contrôlent ; [*] Tant l’exposé liminaire que le contenu des échanges sont structurés en quelques thèmes, sans suivre l’ordre chronologique. Par ailleurs, l’identité des intervenants n’était pas toujours connue et l’on a choisi de ne pas attribuer nominativement les propos. Au reste, ceux-ci ont été reconstitués à partir des notes du secrétariat sans reprendre leur formulation détaillée. Pour retracer le débat, les thèmes sont souvent introduits sous forme d’une question : ce qui vient ensuite n’est pas la seule réponse de l’invité, mais l’ensemble des contributions des participants. 1 François Ecalle est conseiller référendaire à la Cour des comptes. Il est le rapporteur du Rapport annuel sur la situation et les perspectives des finances publiques, mais il s’exprimera toute la soirée à titre strictement individuel. 2 Organisation de coopération et de développement économiques 2 qui ont un caractère obligatoire au sens où les personnes, morales ou physiques, concernées n’ont pas le choix du montant du versement et n’obtiennent rien, directement et immédiatement, en contrepartie. Ces prélèvements financent des services publics et des prestations sociales, mais ce sont des contreparties indirectes et/ou différées. Par exemple, le versement des cotisations-chômage ouvre droit à un retour différé, sous forme d’allocation, si on devient chômeur. Toutes les recettes des administrations publiques ne sont donc pas des prélèvements obligatoires. Par exemple, n’en font pas partie : les dividendes versés à l’Etat par les sociétés où il détient une participation, car leur conseil d’administration choisit le montant de ces dividendes ; les ventes de produits ou les cessions d’actifs, car il y a une contrepartie directe et immédiate (le produit ou l’actif en question). La frontière entre les prélèvements obligatoires et les autres recettes des APU n’est pas toujours clairement délimitée. Ainsi, il n’est pas toujours facile de classer les redevances pour services rendus (telles la redevance télévision ou les droits perçus en contrepartie de certaines formalités comme, par exemple, l’établissement des cartes grises) ; la question est alors de savoir si la contrepartie obtenue est directement en rapport avec les montants versés. On peut ici considérer que la redevance télévision a une contrepartie : la possibilité de regarder les chaînes publiques, qu’elle finance ; mais qu’en pensera le téléspectateur qui ne veut regarder que des chaînes privées ? Le taux de prélèvement obligatoire rapporte les prélèvements obligatoires au PIB3. En France, c’est l’INSEE qui estime le montant des prélèvements obligatoires à partir des comptes nationaux. L’OCDE et la Commission européenne publient des taux de prélèvement obligatoire pour chaque pays membre, qui diffèrent parfois de ceux publiés par les instituts statistiques nationaux parce que ces derniers procèdent à des classements différents au sein des recettes des APU ou pour d’autres motifs plus complexes. Comme les versements effectués au profit des organismes situés en dehors du champ des administrations publiques ne sont pas des prélèvements obligatoires, le taux de prélèvement dépend du champ des APU et plus particulièrement de celui des administrations de sécurité sociale. Cellesci rassemblent les organismes qui ont une fonction de redistribution ou assurent les ménages contre certains risques sociaux (maladie, vieillesse, chômage…) sur une base obligatoire. En France, les régimes complémentaires de vieillesse (ARRCO4 et AGIRC5) sont des APU (puisque leurs cotisations sont obligatoires), mais pas les mutuelles d’assurance maladie complémentaire (puisque 3 Le PIB (produit intérieur brut) représente le résultat final de l'activité de production des unités productrices résidentes. Il est le plus souvent défini comme la somme des valeurs ajoutées brutes des différents secteurs institutionnels ou des différentes branches d'activité, augmentée des impôts et diminuée des subventions sur les produits. L’adjectif “brut” veut dire que les amortissements – que les comptables nationaux appellent “consommation de capital fixe” – n’en sont pas déduits. 4 L’ARRCO (Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés) gère le régime de retraite complémentaire de l’ensemble des salariés du secteur privé de l’industrie, du commerce, des services et de l’agriculture, cadres compris (tandis que ceux-ci ont aussi un régime propre, AGIRC, voir note suivante). Elle a pour missions d’informer, de coordonner et de contrôler les institutions ARRCO, de centraliser les résultats statistiques et financiers et de réaliser les prévisions. 5 L'AGIRC (Association générale des institutions de retraite des cadres) gère le régime de retraite des cadres du secteur privé de l’industrie, du commerce, des services et de l’agriculture. Elle a pour missions d'informer, de coordonner et de contrôler les institutions AGIRC, de centraliser les résultats statistiques et financiers et de réaliser les prévisions. Société Française de Statistique – Institut Henri Poincaré – 11, rue Pierre et Marie Curie – 75005 Paris 3 l’Etat n’oblige personne à souscrire leurs contrats). Dans d’autres pays, les assurances facultatives, tout au moins celles pour lesquelles il est possible de choisir l’assureur, la nature et le prix du contrat, sont plus importantes qu’en France. Comme elles ne sont pas classées dans les APU, les primes qu’elles perçoivent ne sont pas des prélèvements obligatoires. 2 - Quelques constats statistiques Le taux de prélèvement obligatoire est disponible pour 2009 et, pour certains pays, pour 2010 mais il a fortement varié au cours de ces deux années sous l’effet des mesures de relance liées à la crise. L’année 2008 est donc plus pertinente pour faire des comparaisons. Pour la France, il est estimé pour 2008 à 43,2 % du PIB par l’INSEE, à 43,5 % par l’OCDE et à 42,9 % par la Commission européenne6. Selon les statistiques de l’OCDE, seuls trois pays membres de cette organisation avaient un taux plus élevé (Suède, Belgique et Danemark). Le taux italien était quasiment égal au taux français. Les taux de PO en 2008 45 40 35 30 25 20 France Italie Allemagne RoyaumeUni Canada Japon Etats-Unis OCDE Source : OCDE Selon la Commission Européenne, les cotisations sociales représentent 37,6 % des prélèvements obligatoires en France (31,7 % dans l’Union Européenne), les impôts directs (impôt sur le revenu des personnes physiques, impôt sur les bénéfices des sociétés…) en représentent 27,6 % (contre 34,5 % dans l’Union) et les impôts indirects (TVA, taxes sur les produits pétroliers…) 35,1 % (contre 34,0 % dans l’Union). Les taxes sont des impôts indirects. Nous nous situons donc à peu près au même niveau que nos partenaires pour les impôts indirects, nettement au-dessus pour les cotisations et nettement en deçà pour les impôts directs (à cause de la faiblesse de l’impôt sur le revenu, en dépit de l’existence de la CSG7). Le taux de prélèvement obligatoire en France a augmenté dans les années quatre-vingt-dix puis plutôt diminué au cours de la dernière décennie. 6 Ces petites différences tiennent au fait que l’harmonisation des comptabilités nationales au sein de l’Union européenne est plus poussée que celle du traitement des prélèvements obligatoires. Cela est sans effet sur le calcul du déficit public qui, lui, est encadré par des traités internationaux et par conséquent calculé de manière rigoureusement uniforme par tous les membres de l’Union. 7 La contribution sociale généralisée (CSG) est une taxe française instituée le 16 novembre 1990, qui participe au financement de la sécurité sociale. Sa nature a été débattue. Le Conseil constitutionnel l'a qualifiée d'imposition et non de cotisation sociale et a été suivi par le Conseil d’État. Société Française de Statistique – Institut Henri Poincaré – 11, rue Pierre et Marie Curie – 75005 Paris 4 Le taux de PO en France 46 45 44 43 42 41 40 19 90 19 91 19 92 19 93 19 94 19 95 19 96 19 97 19 98 19 99 20 00 20 01 20 02 20 03 20 04 20 05 20 06 20 07 20 08 20 09 20 10 39 Source : INSEE Si la législation ne change pas, et en moyenne sur plusieurs années, le produit des prélèvements obligatoires augmente comme le PIB en valeur. On dit que l’élasticité8 des prélèvements obligatoires au PIB est unitaire, et le taux de prélèvement obligatoire est alors constant. Ce qui est vrai en moyenne ne l’est pas d’une année à l’autre. En particulier, cette élasticité est souvent supérieure à un, et le taux de prélèvement obligatoire augmente, lorsque la croissance du PIB est forte, comme à la fin des années quatre-vingt-dix, et inférieure à un lorsque la croissance est faible, comme à la fin des années deux mille. Cela est dû pour l’essentiel à l’impôt sur les sociétés, dont le montant collecté est très sensible à la conjoncture économique. Le taux de prélèvement obligatoire résulte aussi des mesures nouvelles décidées chaque année par le Parlement pour modifier la législation en matière d’impôts et de cotisations sociales, qu’il s’agisse des taux ou des assiettes. Ces mesures ont accru le taux de prélèvement obligatoire de 3,3 points dans les années 1991 à 1998 (il fallait réduire le déficit budgétaire pour préparer l’entrée dans l’euro), puis l’ont diminué de 2,7 points dans les années 1999 à 2002 (cela s’est traduit par une baisse des prélèvements obligatoires d’environ 50 milliards d’euros ; on se rappelle l’épisode de la prétendue cagnotte fiscale, qui en réalité correspondait à un déficit budgétaire moindre que prévu), l’ont augmenté de 0,7 point pendant la période 2003-2006 puis l’ont de nouveau diminué, de 1,8 point, au cours des années 2007-20109. 3 - Les dépenses fiscales Les dépenses fiscales, ou “niches”10 fiscales, correspondent pour l’Etat à des pertes de recettes fiscales qui résultent de mesures dérogatoires par rapport à des normes fiscales de référence. Un rapport annexé au projet de loi de finances (PLF) en donne chaque année une liste. 8 L’élasticité est le rapport de la variation d’une grandeur (ici le montant des prélèvements obligatoires) à celle d’une autre grandeur (ici le PIB). Si chacune des deux grandeurs varie du même pourcentage, l’élasticité est égale à 1. 9 Estimations de l’intervenant présentées dans le numéro 74 de la revue « Sociétal ». 10 Cette appellation familière est venue dans le débat public, souvent avec une connotation critique considérant qu’elles abritent les bénéficiaires d’une exemption ou d’un privilège. Société Française de Statistique – Institut Henri Poincaré – 11, rue Pierre et Marie Curie – 75005 Paris 5 Les quelque 500 dispositifs recensés dans cette liste ont eu en 2010 un coût total de 73 Md€, soit 29 % des recettes fiscales nettes de l’Etat. C’est une estimation a minima. Ce coût a augmenté de plus de 60 % de 2004 à 2010 selon la Cour des Comptes, surtout parce que les dépenses fiscales ont remplacé des dépenses budgétaires, que les Gouvernements voulaient absolument maîtriser. En effet, pour les comptables (et les statisticiens qui calculent le taux de prélèvement obligatoire), attribuer une subvention se traduit par une augmentation des dépenses publiques11 et ne change pas le taux de prélèvement obligatoire, alors que créer une dépense fiscale revient à réduire le montant des prélèvements obligatoires, en laissant inchangées les dépenses. Or, beaucoup de gouvernements depuis trente ans se sont donné pour objectif de réduire le taux de prélèvement obligatoire et, depuis 2004, les dépenses de l’Etat sont soumises à une règle de « croissance zéro en volume ». La prolifération des niches fiscales a permis de la contourner. L’inventaire des dépenses fiscales donné en annexe des PLF est très incertain, car leur définition est imprécise. Ce sont des mesures dérogatoires par rapport à des normes fiscales dont la définition est elle-même vague. Il est toutefois vrai que cette définition est très difficile à donner et que peu de pays, voire aucun, en ont donné une qui soit satisfaisante. Par exemple, le quotient familial est-il un dispositif dérogatoire par rapport aux principes de l’impôt sur le revenu, et donc une niche fiscale, ou est-il une modalité de calcul de cet impôt conforme aux grands principes du droit fiscal, et donc n’est pas une niche fiscale ? A l’occasion du budget de 2012, une amorce de définition de chaque dépense fiscale est apparue. Mais quant à justifier de façon convaincante les différents taux de TVA… Cela dit, les autres pays ne font pas mieux. Certaines dépenses fiscales sont parfaitement justifiées par leurs effets économiques et sociaux, mais beaucoup ne le sont pas, d’où un certain consensus politique pour faire de leur suppression un objectif prioritaire dans la perspective du redressement des finances publiques. Selon la Cour des Comptes, les mesures nouvelles prises par le Gouvernement ces deux dernières années feront diminuer le montant total des dépenses fiscales de 11 Md€ en 2013 par rapport à 2010, mais la croissance spontanée de ce coût, du fait de la hausse des revenus ou de la plus grande utilisation des dispositifs qui subsistent, serait d’environ 6 Md€, d’où une diminution nette de 5 Md€ environ. __ Débat : 1. Retour sur l’élaboration et le constat statistiques Dans les comparaisons internationales, observe un participant, il ne faut pas se contenter d'examiner les prélèvements obligatoires, mais il faut s'intéresser aussi à la dépense publique. Or, quand on décompose celle-ci par grandes fonctions, on voit que c'est la protection sociale et la santé qui pèsent lourd dans les comptes de la France. En dehors de cela il y a assez peu de différence entre les pays de l’Union européenne, sauf pour le poste de la défense en Grèce, qui est particulièrement élevé. L’intervenant en convient, tout en rappelant que le thème de la soirée est centré sur les prélèvements obligatoires ; il ajoute qu’il faut analyser la protection sociale selon que 11 Et oblige, au surplus, à trouver une recette supplémentaire de même montant, ce qui est un exercice politiquement difficile. Société Française de Statistique – Institut Henri Poincaré – 11, rue Pierre et Marie Curie – 75005 Paris 6 les cotisations sont obligatoires ou facultatives et, dans le cas de la retraite, selon qu’il s’agit d’un système de répartition ou de capitalisation. On voit bien, par ailleurs, que les dépenses fiscales sont embarrassantes pour les comparaisons internationales. Si toutes les prestations familiales étaient remplacées par des dépenses fiscales, on ferait sensiblement baisser le taux des prélèvements obligatoires, ce qui entraînerait un biais dans les comparaisons. Heureusement, ce genre de choix technique est sans incidence sur le montant du déficit budgétaire (les dépenses et les recettes augmentent ou diminuent de la même somme, leur solde restant inchangé). Un autre participant se demande comment sont comptabilisées les modifications des efforts demandés aux bénéficiaires des prestations sociales : que se passe-t-il si un médicament est moins remboursé ou si on doit acquitter un ticket modérateur plus élevé ? Dans la branche maladie du régime général de sécurité sociale, la sécurité sociale étant une administration publique (et la cotisation un prélèvement obligatoire, ce qui ne serait pas le cas, ce point est à nouveau précisé, de la cotisation volontairement acquittée auprès d'une mutuelle), les remboursements de l'assurancemaladie sont des dépenses publiques. S'il y a « déremboursement » (moindre remboursement des médicaments ou augmentation du ticket modérateur), alors il y a moins de dépense publique. Dès lors qu’il y a une contrepartie différée aux prélèvements obligatoires, sous forme de redistributions ou de production de services non marchands, ne faudrait-il pas distinguer entre ces deux contreparties pour mieux apprécier l’utilité des prélèvements obligatoires, s’interroge un participant ? Un autre rappelle que, vers 1950-1960, Bertrand de Jouvenel préconisait de décomposer le revenu national en revenus distribués et revenus socialisés par l'intermédiaire de l'ensemble des « caisses sociales », idée qui avait été reprise en 1980 dans un rapport du CERC12. At-on une idée aujourd'hui de la proportion du revenu national qui est socialisée ? Il est clair que l’analyse de la dépense publique en termes de prestations et de redistribution peut être féconde, ne serait-ce que pour mieux apprécier l’utilité relative des différents postes de dépense. Ainsi, les intérêts versés sur la dette (environ 7 % des prélèvements obligatoires actuellement) sont typiquement une dépense publique certes inévitable mais d’une utilité très contestable si la dette finance des dépenses de fonctionnement et aucune dépense d’investissement. Une autre approche consisterait à mesurer le niveau de prélèvement obligatoire par niveau de revenus. Certains pays le font, ainsi qu’Eurostat13 et l’OCDE. En France, des études de cette nature existent : l’INSEE, par exemple, a pu rapprocher, par niveau de revenus, les impôts, cotisations sociales et CSG versés d’une part et les allocations sous condition de ressources encaissées d’autre part, mettant ainsi en évidence l’ampleur de la redistribution. Il convient de mentionner aussi les travaux de Thomas Piketty : selon son modèle, les prélèvements obligatoires sont progressifs puis deviendraient dégressifs à partir d'un certain niveau. Mais l’intervenant fait valoir qu’on mesure là, en réalité, l’effet du plafonnement de certaines cotisations sociales (retraite, chômage), en contrepartie de quoi les prestations sont elles aussi plafonnées. Assurément, les détenteurs de hauts revenus consomment une moindre fraction de leur revenu que l’homme de la rue et acquittent par conséquent moins de TVA, toutes proportions gardées ; en 12 Centre d’étude des revenus et des coûts, organisme créé en 1966 auprès du Commissariat général au Plan, remplacé en 1993 par le Conseil supérieur de l’emploi, des revenus et des coûts (Cserc), lui-même remplacé en 2000 par le Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale Cercs) ; ce dernier a cessé ses activités fin 2009. 13 Eurostat est l’Office statistique des Communautés européennes. Société Française de Statistique – Institut Henri Poincaré – 11, rue Pierre et Marie Curie – 75005 Paris 7 outre, ils savent mieux exploiter les niches fiscales, par exemple en ce qui concerne les investissements outre-mer, comme le montre l’examen des déclarations des mille plus gros contribuables ; mais, aux yeux de l’invité, c’est le plafonnement des cotisations qui explique pour l’essentiel les conclusions tirées de l’utilisation du modèle. Pour autant, dira un participant, un débat de société là-dessus ne serait pas superflu ! 2. Où il apparaît, en effet, que des choix apparemment techniques recouvrent des questions très politiques Le quotient familial14 donne lieu à un débat animé, les uns y voyant une niche fiscale et les autres pas. A titre personnel, l’intervenant penche pour la première thèse. Au moins pour le quotient familial relatif aux enfants (et qui est propre à la France), il pense qu’un système d’allocation familiale pourrait fort bien s’y substituer avec prise en compte du niveau de revenu. C’est l’occasion pour un participant de rappeler qu’à l'origine (1946), le quotient familial était attribué à condition qu'il y ait une naissance dans les deux ans du mariage et que les choses ont évolué au fil du temps sans le moindre débat social. Ainsi, une dépense fiscale qui perdurerait deviendrait la norme, et cette idée de norme exclurait fâcheusement tout débat, notamment au sujet du caractère forfaitaire ou de proportionnalité au revenu de l’allocation consentie. Sur quoi un autre participant mentionne qu’il y a une vingtaine d’années le Conseil des impôts était d’avis – sans grand débat – de procéder par la technique du crédit d’impôt15 en tenant compte de la capacité contributive des bénéficiaires, donc de la taille de la famille, et opinait majoritairement qu’il fallait sanctuariser la politique familiale et par conséquent la mettre à l’abri de tout débat pour ne pas risquer de la voir s'effriter… Certes, il serait plus satisfaisant qu’un débat démocratique permette de définir des normes car l'administration n’est pas légitime pour le faire elle-même. Mais à qui confier ce soin ? Au Parlement ? Au Conseil des prélèvements obligatoires ? Et puis, il est inexact de dire que les dépenses fiscales devenues anciennes constitueraient une nouvelle norme intangible ; la Cour des Comptes a montré que des niches fiscales anciennes ont été supprimées de la liste officielle. Il reste que l’existence des dépenses fiscales pose d’autant plus de difficultés à appréhender qu’elles peuvent avoir plusieurs formes : dérogation à des dispositions générales, crédit d'impôt, réduction d'impôt (dans la limite de l'impôt dû), déduction de frais ou de charges, abattement, exonération, taux réduit (voir la TVA à taux réduits), etc., tout cela concernant les dépenses fiscales de l'État et étant estimé, rappelons-le, à plus de 73Md€.. La question se complique avec la sécurité sociale, pour laquelle on a inventé le concept de « niches sociales » (dont on trouve la liste en annexe au projet de loi sur le financement de la sécurité sociale). Les niches sociales les plus importantes concernent les bas salaires et les heures supplémentaires, sous forme d’allégements ou d’exonérations ; elles 14 Le système dit du quotient familial procède de la conception que l’impôt doit être « réparti entre les citoyens en raison de leurs faculté » (Préambule de la Constitution, article 13) mais aussi qu’il soit progressif. A la création de l’impôt sur le revenu, on a considéré que la faculté contributive dépendait du revenu et du nombre de personnes qui en vivent : plus précisément, on a posé que, dans une famille, chacun des deux parents avait une part et chacun des enfants une demi-part. On divisait le revenu du foyer par ce nombre de parts et c’est à ce quotient que l’on appliquait le barème progressif : on obtenait ainsi l’impôt dû par chaque part, lequel était ensuite remultiplié par le nombre de parts pour déterminer le montant dû par le foyer. Ce dispositif a subi par la suite de nombreuses retouches, notamment l’attribution d’une demi-part additionnelle dans diverses circonstances. Il a aussi connu diverses controverses : plusieurs critiques considérant que le système en vigueur, par rapport à ce qu’ils considèreraient comme juste, constitue un avantage, qu’ils chiffrent par différence et qui constitue donc, selon eux, une dépense fiscale. 15 Un crédit d’impôt donne lieu à un versement du même montant au contribuable, quelle que soit l’imposition de ce dernier. Société Française de Statistique – Institut Henri Poincaré – 11, rue Pierre et Marie Curie – 75005 Paris 8 représentent environ 30 Md€ dont 22 correspondent aux allégements des charges pesant sur les bas salaires. Les niches sociales avoisinent 60 Md€ au total ; elles diminuent d’autant les prélèvements obligatoires perçus par la sécurité sociale. Qu’elles soient fiscales ou sociales, les niches ont des objectifs politiques dans tous les pays et sont souvent un moyen de contourner les règles de base. Au moins peut-on reconnaître à la France le souci d’une certaine transparence en la matière. On en sait plus aujourd'hui sur les niches fiscales car Bercy consent maintenant à communiquer le montant total des diminutions de prélèvements qui leur correspondent alors que, jusqu'à un passé récent, le ministère refusait de publier cette somme au motif qu'on ne pouvait pas, pour des raisons techniques, additionner des réductions de nature différente. En 2010, un rapport de la Cour des Comptes a pu établir des comparaisons dans le temps à périmètre constant. Tout cela explique sans doute – davantage qu’une hypothétique montée de la méfiance dans la société – la curiosité qui se fait jour sur les niches et permet de les faire entrer dans le champ d’un possible débat. Selon les éléments rassemblés par l'OCDE, et avec beaucoup de prudence, on peut dire qu’il y a plutôt davantage de niches fiscales en France que dans les autres pays de l’Union Européenne. Ce n’est pas nécessairement une bonne chose en un temps où il faut réduire fortement le déficit public, dès lors que pour reprendre l’adage célèbre – il y a dans chaque niche (fiscale ou sociale) un chien qui dort mais qui peut mordre ! Outre-mer, par exemple, subventionner certains investissements coûterait moins cher qu’accorder des réductions d’impôts mais les élus locaux y seraient immédiatement opposés car les réductions d’impôts sont accordées en quelque sorte « à guichet ouvert » alors que les subventions font l’objet de crédits limitatifs (et qui le sont de plus en plus). Rien n'est donc possible ? Le champ des niches est-il un champ de mines ? Pourtant, en 1990, l'innovation qu’a été la CSG a bien marché. Il est vrai que les pouvoirs publics ont procédé par paliers, en substituant peu à peu la CSG à diverses cotisations sociales. De toute manière, réformer en la matière nécessite de tenir compte des normes sociales du pays considéré. En France, observe un participant, les cotisations et les prestations sont plafonnées et l’indemnisation du chômage repose sur le principe du revenu de remplacement ; en Suède, où le principe de solidarité prévaut, c’est l'impôt sur le revenu qui finance les indemnités de chômage, plafonnées à un niveau plus bas qu’en France16. 3. Que penser de l’efficacité du système de prélèvements obligatoires ? La France passe pour avoir une fiscalité complexe. Il n’existe pas de mesure de la complexité fiscale mais quelques indications peuvent être tirées du rapport de la Cour des Comptes sur les prélèvements en France et en Allemagne : la liste des prélèvements obligatoires tenue par Eurostat comprend une centaine d’impôts et cotisations en France et moitié moins en Allemagne. En cinq ans, quarante lois fiscales ont été votées en France et vingt en Allemagne. Chaque année, environ 20 % des articles du code des impôts sont modifiés. Au surplus, dès qu'on modifie quelque chose, 16 NDR : la Suède a réformé son système en 2008 avec un fort désengagement financier de l’Etat, l’augmentation significative des cotisations individuelles et la dégressivité rapide des indemnités avec la durée du chômage. Société Française de Statistique – Institut Henri Poincaré – 11, rue Pierre et Marie Curie – 75005 Paris 9 les groupes de pression représentant les ménages ou les entreprises se manifestent avec force, ce qui conduit à des compromis, qui entraînent eux-mêmes davantage de complexité… Un participant s’inquiète de l'efficacité économique des prélèvements obligatoires. Le taux de prélèvement obligatoire de la France étant parmi les plus élevés des pays développés, cette question de l’efficacité est particulièrement importante aux yeux de l’invité. En effet, faute d’efficacité, ce taux de prélèvement obligatoire peut pénaliser la croissance et l’emploi, affecter notre compétitivité et aggraver le déséquilibre de notre balance des paiements. Une autre personne remarque que cette efficacité est d’autant plus difficile à apprécier que certains dispositifs se modifient sans cesse ; par exemple, la politique de l'emploi change chaque année en termes d’allégements de cotisations. Un autre personne encore mentionne que, contrairement à l'État, les collectivités territoriales ne peuvent pas emprunter pour financer leur propre fonctionnement mais seulement pour investir, ce qui en principe devrait être générateur de richesses ultérieurement et rassurer sur cette partie de la dépense publique. L’intervenant verse au débat une analyse faite par l'inspection des finances sur l'efficacité des dépenses fiscales, analyse qui consistait à évaluer l’efficacité de chaque niche fiscale avec une échelle allant de zéro à trois. Une quarantaine de milliards d’euros des dépenses fiscales (sur un total de 73 Md€) ont été jugés inefficaces ou peu efficaces (notes de 0 et 1). Cela dit, nombre de dépenses fiscales profitent aussi aux revenus modestes, par exemple la prime pou l’emploi. En outre, beaucoup de dépenses fiscales atténuent un impôt qui sinon serait insupportable. Cette dernière précision amène un participant à observer que si on prétendait remplacer les 73 milliards de dépenses fiscales par 73 milliards de recettes fiscales, le taux de prélèvement obligatoire bondirait à un point insupportable ; la norme ne serait donc pas recevable. Etant entendu que l’utilisation des niches fiscales ou sociales est parfaitement légale et qu’on ne peut guère espérer se refaire une santé en matière de finances publiques en les rayant d’un trait, ne peut-on trouver des gisements financiers dans la lutte contre la fraude fiscale ? A cette question, l’intervenant répond qu’on ne connaît du volume de la fraude que ce que redresse la direction générale des impôts, c'est-à-dire environ 15 milliards d'euros par an, dont la moitié seulement sont recouvrés car dans bien des cas il n'y a plus rien à récupérer. Il existe trois directions nationales de contrôle fiscal, dont une spécialisée dans le « carrousel de TVA »17 et qui ne parvient à récupérer que 2 % des pénalités infligées ! Et puis, il y a tout ce qu'on ne voit pas… Le Conseil des prélèvements obligatoires a estimé la fraude aux prélèvements fiscaux et sociaux à un montant allant de 30 à 50 milliards d'euros chaque année. Les montants de fraude à la TVA en Europe semblent pour leur part très importants. Mais alors, si le rendement des mesures prises est si faible, quel est l'effet dissuasif réel de la répression ? Il faut avoir en tête que le contrôle fiscal vise trois objectifs : objectif budgétaire (et on connaît les montants que le fisc récupère), objectif répressif (et ce n'est pas négligeable puisqu'il y a 17 Cette expression recouvre notamment des pratiques délictueuses qui, déjà anciennes, ont récemment trouvé une illustration sur le marché des quotas d’émission de gaz carbonique. Un carrousel est un montage dont il existe diverses variantes. Par exemple, une entreprise A achète un bien ou un service à une entreprise B d’un autre pays de l’Union Européenne, laquelle ne paye pas de TVA puisque les exportations en sont exonérées ; A vend ce produit, TVA comprise, à une société C, qui la revend à l’exportation et donc se fait rembourser la TVA incluse dans le prix qu’elle a payé. Mais A se met en liquidation ou disparaît avant de reverser à l’Etat la TVA collectée. L’Etat rembourse ainsi à C une TVA qu’il ne percevra jamais. Société Française de Statistique – Institut Henri Poincaré – 11, rue Pierre et Marie Curie – 75005 Paris 10 plus de mille condamnations pénales par an) et objectif de dissuasion (dont on ignore par nature l’effet). On peut observer aussi que la répression oblige les délinquants à faire des montages de plus en plus complexes qui ne sont pas à la portée de tous. Un participant demande si le prélèvement à la source ne permettrait pas de rationaliser la collecte de l’impôt et de la rendre moins coûteuse. L’intervenant en doute : le prélèvement à la source n'est pas facile à mettre en œuvre pour les redevables dont l'imposition est complexe car il nécessite des ajustements à la suite des déclarations ; il faut tenir compte aussi de l'influence des fluctuations de revenus. Et puis, généraliser le prélèvement à la source poserait le problème de l'année de transition : faire payer deux fois le contribuable ou abandonner une année d’imposition ? La France se distingue par l’absence de prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu mais cet atypisme n’est pas nécessairement absurde. 4. L’impôt, toujours l’impôt ?18 Les économistes débattent des avantages respectifs de l’accroissement du taux des prélèvements obligatoires et de la réduction des dépenses publiques pour rétablir l’équilibre du budget et réduire l’endettement public. Compte tenu de l’objet du présent Café de la statistique, la discussion est restée centrée sur les prélèvements obligatoires. Néanmoins, un participant s’est demandé si le développement des partenariats privé-public auquel on assiste n’est pas le signe qu’on a trouvé là un moyen de réduire la dépense publique. La réponse n'est pas simple. Les partenariats privé-public sont distincts des marchés de l'État en ce qu’ils mettent en œuvre des cofinancements. Le fait que les actionnaires privés veuillent que leurs capitaux soient rémunérés n’est pas en soi le gage d’un prix minoré pour les usagers du bien co-produit. La performance peut-elle être attendue d’une gestion privée qui serait meilleure ? Un participant doute, à la lumière de son expérience personnelle en matière de partenariats privé-public, que les entreprises soient bien meilleures gestionnaires des deniers publics que l’Etat. Dans la pratique, l'intensité de la concurrence joue beaucoup sur le prix que l’Etat paie au partenaire privé et, de toute façon, cette forme de sous-traitance doit être très sérieusement encadrée. Au total, l'efficacité de l'utilisation des deniers publics par l'État et par les entreprises n'est pas toujours bien différente. Un participant s’enquiert d’éventuelles délocalisations des assiettes fiscales : observe-t-on un lien entre délocalisations de personnes physiques ou morales et montant de l'impôt sur la fortune ? En craint-on un avec l’entrée en vigueur de la taxe sur les transactions financières ? A la connaissance de l’intervenant, les données disponibles sur les délocalisations fiscales sont insuffisantes pour apprécier correctement ce phénomène.. Un autre participant signale que les taux d'imposition sur le revenu ont été beaucoup plus élevés dans le passé dans certains pays, ce que confirme l’intervenant. L’économiste Thomas Piketty a pu mentionner des taux d'imposition sur le revenu très élevés aux USA et en Grande-Bretagne à certaines époques, allant jusqu'à 80 ou 90 % dans des tranches les plus hautes des revenus. Il y voyait le signe que des taux élevés n’empêchent pas des actifs dotés de hauts revenus de travailler davantage. Mais l'attitude inverse est possible aussi car on observe de nombreux effets de substitution entre travail et loisirs dans les comportements. En ce qui concerne la décision de travailler plus, c’est le taux marginal de l'impôt qui est déterminant, alors que c'est le taux moyen d'imposition qui est décisif pour la délocalisation. 18 On trouvera en annexe quelques précisions fournies par l’intervenant sur la fiscalité. Société Française de Statistique – Institut Henri Poincaré – 11, rue Pierre et Marie Curie – 75005 Paris 11 Qu’en penser au total ? Y a-t-il un taux d’imposition à ne pas dépasser ? Une personne rappelle que Bentham19 voulait limiter à 10 % le taux de l’impôt, que d’autres ont rêvé d’un impôt unique et que, face à l’idée que « trop d’impôt tue l’impôt », on peut penser que nos gouvernants voient dans la multiplicité des impôts le moyen de dissoudre la vigilance du contribuable et d’augmenter subrepticement le taux de prélèvement ! En fait, on ne sait pas s'il existe un maximum à ne pas dépasser. L’économiste Laffer20 a soutenu que, au-delà d’un certain taux de prélèvement obligatoire, les effets désincitatifs des impôts et cotisations sociales sont tellement importants que toute augmentation de leur taux entraîne une diminution des recettes publiques. L’existence d’un taux de prélèvement obligatoire maximal est plus que probable dans la mesure où, avec un taux de prélèvement obligatoire de 99 %, on peut penser que l’activité économique serait très réduite et les recettes fiscales finalement très faibles. Il doit bien y avoir un taux maximal avant 99 %, mais personne n’a pu l’estimer de manière fiable. Tous les prélèvements obligatoires ont des effets négatifs, plus ou moins forts, sur l’activité et l’emploi, mais ils permettent de financer des dépenses publiques qui ont, en principe, un impact socio-économique positif21. La vraie question est donc de faire le bilan entre les avantages des dépenses et les inconvénients des prélèvements obligatoires qui les financent. Ce devrait être l’objet de l’évaluation des politiques publiques. En outre, il, faut tenir compte de ce qui se passe à l'extérieur du pays. Le capital financier étant devenu très mobile, chaque pays doit être attentif à l'effet des mesures fiscales qu'il décide. On voit bien l'ampleur de ce problème au sein de la zone euro. Même s’il paraît inévitable d’augmenter les prélèvements obligatoires en France, il faudra rester attentif au niveau relatif de nos prélèvements par rapport à nos partenaires. Simultanément, un toilettage de certaines de nos pratiques ne serait pas superflu. La taxe d'habitation constitue un exemple caricatural des aberrations auxquelles conduit l’immobilisme législatif sur certaines questions fiscales politiquement sensibles. Ainsi, le montant de la taxe d’habitation que doit acquitter un ménage obéit à une véritable logique de loterie. A l’intérieur de la même commune, un ménage déménageant d'une tour d’un quartier banal vers une maison confortable située dans un quartier coté peut passer d'une taxe d'habitation relativement élevée à une taxe d'habitation nulle ! La cause en est le mécanisme de détermination de la valeur cadastrale. Celle-ci, estimée dans les années soixante et revalorisée uniformément partout en France malgré les déformations du tissu urbain, n'a plus aucun sens économique. Une enquête a eu lieu dans les années quatre-vingt, qui aurait pu fournir les bases d'une refonte de la taxe d'habitation, mais le Parlement n'a pas osé se lancer dans la révision des valeurs cadastrales, sauf pour les locaux commerciaux (tout en laissant prudemment à l'initiative des maires le soin d’opérer s’ils le souhaitent cette révision pour les locaux commerciaux). 19 Jeremy Bentham, 1748-1832, philosophe et juriste anglais, précurseur du libéralisme et très novateur dans sa perception des libertés en général. 20 Arthur Betz Laffer, né en 1940, économiste libéral américain, largement à l’origine des réductions massives d’impôt pratiquées dans les années quatre-vingt par Ronald Reagan. 21 Le prélèvement pèse en effet sur les activités et l’emploi ; mais l’argent ainsi collecté finance d’autres activités et d’autres emplois. C’est donc un bilan d’ensemble qu’il faut faire. Société Française de Statistique – Institut Henri Poincaré – 11, rue Pierre et Marie Curie – 75005 Paris 12 Annexe Quelques précisions sur la fiscalité Sur quelle assiette prélever ? Il existe trois grandes assiettes sur lesquelles il est possible de prélever obligatoirement : le travail, le capital et la consommation. Les avantages et inconvénients des prélèvements sur chacune de ces trois assiettes sont fortement débattus. Eurostat mesure, pour chaque pays européen, des « taux de taxation implicites » de ces trois assiettes. Pour le travail salarié, ce taux implicite rapporte l’ensemble des prélèvements sur les salaires au coût total, cotisations sociales comprises, du travail (le salaire « super brut »). Pour le capital, il rapporte à ses revenus avant impôts (pour les ménages et les entreprises), l’ensemble des prélèvements sur ces revenus (impôts sur le revenu des ménages, y compris CSG, et sur les bénéfices des sociétés...), sur son stock (ISF, taxes foncières…) et sur sa transmission à titre gratuit (droits de succession) ou onéreux (droits d’enregistrement). Pour la consommation, l’assiette est constituée de la consommation des ménages des comptes nationaux. La décomposition par assiette des prélèvements obligatoires faite par Eurostat est parfois discutable mais elle permet des comparaisons internationales. Les taux implicites de taxation par assiette (en % en 2008) Travail salarié Capital Consommation France 41,5 38,1 19,1 Zone euro 38,8 29,8 19,1 Union européenne Source : Eurostat 36,7 31,7 19,4 Les taux implicites de taxation sont dans l’ensemble plus élevés en France, ce qui est cohérent avec un plus fort taux de prélèvement obligatoire. Le taux implicite de taxation de la consommation est toutefois quasiment identique en France et dans la moyenne des pays européens. Le capital est un peu moins taxé que le travail en France, mais il l’est beaucoup moins en moyenne en Europe, surtout dans la zone euro. C’est donc pour le capital que les écarts de taxation sont les plus forts entre la France et la moyenne de la zone euro. Qui paye l’impôt ? La réponse économique n’est pas évidente, car ce n’est pas forcément le redevable juridique de l’impôt, et la distinction habituelle entre impôts sur les ménages ou sur les entreprises a une pertinence limitée. La TVA est, en droit, due par les entreprises à l’Etat, mais il est souvent considéré qu’elle est répercutée sur les consommateurs et payées en fait par ceux-ci. Cependant, il arrive aussi que les hausses ou baisses des taux de TVA se traduisent par une augmentation ou une diminution des marges des entreprises. Société Française de Statistique – Institut Henri Poincaré – 11, rue Pierre et Marie Curie – 75005 Paris 13 Economiquement, lorsqu’un impôt, ou une cotisation, est prélevé sur un produit, le travail ou le capital, son coût est partagé entre les offreurs et les demandeurs. C’est celui qui peut faire varier le moins son offre ou sa demande, le moins « élastique », qui en supporte la plus grande part. D’un marché à l’autre, ces élasticités de l’offre et de la demande sont très variables. Quels sont les effets redistributifs de l’impôt ? La redistribution s’opère plus par les prestations sociales sous conditions de ressources que par l’impôt. Selon l’INSEE, elles contribuent pour les deux tiers à la réduction des inégalités, contre un tiers pour les prélèvements obligatoires. Cette redistribution est telle que le revenu avant impôts et prestations des ménages du premier quintile de revenus est accru de 53 %, après impôts et prestations, tandis que celui des ménages du cinquième quintile est réduit de 19 %. Les comparaisons internationales faites par l’OCDE font apparaître que l’ampleur de cette redistribution est plus importante en France que dans les autres pays de l’Organisation. Les coefficients de Gini (indicateurs synthétiques des inégalités de distribution des revenus) montrent que la distribution des revenus après impôts et transferts sociaux est un peu moins inégalitaire en France que dans la moyenne de la zone euro ou de l’OCDE. Société Française de Statistique – Institut Henri Poincaré – 11, rue Pierre et Marie Curie – 75005 Paris