1 JOFFO Joseph - Université Paul Valéry

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1 JOFFO Joseph - Université Paul Valéry
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JOFFO Joseph (1931 - )
1) Le témoin :
Joseph Joffo est né en 1931, dans le XVIIème arrondissement de Paris.
Il est le dernier fils
d'une famille de cinq enfants, avec ses trois frères et sa sœur. Son niveau d'étude n'est pas élevé
puisque son seul diplôme est le certificat d'étude qu'il obtient en en 1945.
Il fait parti de la
classe moyenne avec des parents qui avant la guerre, tenaient un salon de coiffure dans Paris.
Il est encore enfant pendant la guerre et il ne participe donc pas au conflit. Il ne s'engagera
d'ailleurs pas dans l'armée.
Il ne sera capturer que très peu de temps à l'hôtel Excelsior de Nice,
par la garnison Allemande qui se trouvait là pour organiser les rafles et les départs de convois
vers les camps. Il évite de justesse avec son frère Maurice d'être envoyé en camps de
concentration.
Après avoir obtenu son unique diplôme, Joseph Joffo s’établit comme coiffeur dans l'ancien salon
de son père disparu au cours des déportations. Il se marie et a trois enfants. Il se lance bien plus
tard dans l'écriture de livre dont Un Sac de Billes, qui est son premier roman sur les seize qu'il a
écrit jusqu'à aujourd'hui.
2) Le témoignage :
Le témoignage de la Seconde Guerre Mondiale est un roman qui est accessible à tous les âges.
L'auteur publie cet ouvrage en son nom propre, sans utilisé de pseudonyme bien que dans son
récit, il ne cite des personnes ou des lieu par une initiale comme le « Comte de V » des page 70 à
72 ou encore le nom du village de Rumily qui est mentionné a la fin du livre : « R. ».
Le titre de
l'ouvrage complet est Un Sac de Billes, il est publié aux éditions Jean Claude Lattès en 1973,
après le refus de dizaines d'autres éditeurs auxquels s'est adressé Joseph Joffo.
Ce récit connaît un grand succès puisqu'il est régulièrement réédité et ici, l'étude est faite sur un
ouvrage de 2004, à savoir la 38ème édition.
Le succès se voit également dans l'adaptation très
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rapide du roman au cinéma par Jacques DOILLON en 1975 sous le même titre. Mais dans la
postface de l'auteur dans cette édition, cette adaptation est vivement critiquée car elle ne
retranscrit pas véritablement le récit.
Une bande dessinée est également adaptée à l’œuvre de
Joseph Joffo en deux parties, publiées en 2011 et 2012 par Vincent BAILLY et KRIS.
Ce témoignage prend la forme d'un roman. Il se compose d'une postface qui est nommée par
l'auteur Dialogue avec mes lecteurs. Il s'agit pour lui de revenir sur des question qui lui ont été
posée et de parler de certain événements lié à la parution de son ouvrage.
Au début de son ouvrage, il précise également qu'il n'a pas la prétention de faire une travail
d'historien et qu'il retranscrit des faits qui viennent de sa mémoire d'enfant. En effet, il écrit Un
Sac de bille 26 ans après les faits, et les événements, les dialogues présents dans le récits ne sont
peut être pas complètement conformes à la réalité.
Il fait aussi en première page un remerciement à Claude KLOTZ, qui a relu et corrigé le
manuscrit. Tous les livres écrits par Joseph Joffo ont été rédigés à la main sur des cahiers par
l'auteur qui les confiait ensuite à des « nègres » qui reprenaient les tournures de phrases et
corrigeaient les fautes d’orthographe. Il ne faut pas perdre de vu que l'auteur n'a pas fait d'études
poussées et qu'il n'avait jamais eu l'ambition de devenir écrivain. C'est suite à un accident de ski
en 1970, qu'il décide de profiter de son immobilisation pour entreprendre l'écriture de ce qu'il a
vécu au cours de la seconde guerre mondiale et sa fuite face aux troupes de la Gestapo.
Cette absence de formation à l'écriture explique l'écriture parfois naïve de l'auteur qui donne
parfois l'impression que c'est effectivement un enfant qui écrit et pas un adulte d'une quarantaine
d'années, mais d'un autre côté, cela donne plus de vérité au récit.
Cette œuvre est crée dans le but de faire connaître la vie d'un enfant juif en France pendant la
guerre, mais il vaut aussi que l'on se souvienne de l'épisode de la Shoah par son écrit qui s'inscrit
dans les nombreux autres témoignages ce conflit mondiale.
3) L'analyse :
L'histoire est racontée à la première personne du singulier et surtout, il est écrit au présent de
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l'indicatif. Ces deux éléments apportent à cette œuvre une notion de réalité et qui invite le lecteur
à s'identifier à lui tout au long du récit. Il y a une idée de proximité entre l'écrivain et le lecteur.
Il faut mettre en avant le fait que c'est le récit d'un enfant. Au moment de la déclaration de la
guerre, Joseph Joffo a dix ans.
Il y a une vision de la guerre et des conflits qui ne son pas vraiment compris par l'auteur au
moment des faits qui possède un imaginaire enfantin et qui perçois la guerre presque comme un
jeu, et ce, mélangé avec la peur d'être pris et de mourir. Cela se ressent surtout au moment du
passage de la ligne de démarcation à Hagetmau à la page 56 « Et ma vie au bout de leur fusil... je
regrette presque de ne pas entendre des lents tambours de guerre, les Allemands manquent de
plumes. La nuit est claire. Bon ou mauvais ? Je n'en sais rien.».
Il faut aussi citer le fait que l'auteur et son frère sont tout de suite, avec la mise en place du port
de l'étoile jaune, catalogués comme faisant parti d'une catégorie sociale qu'ils ne connaissent pas :
les juifs. Il subissent ainsi les réprimandes de leurs camarades qui jusque là ne leurs voulaient pas
de mal mais qui sont obligés, par leur parents, leur éducation, la politique en place avec
l'occupation allemande, de les détester. Ceci est visible à la page 23 : « c'est les youpins qui font
qu'il y a la guerre », « parfaitement, il faut les virer, les youds » ou encore la description d'une
affiche au dessus de la boutique d'un marchand de chaussures.
Face à la société, Joseph Joffo est obligé « de se comporter comme tout le monde ». Il doit cacher
sa religion, qu'il ne pratique pas, pour pouvoir survivre et il doit se conformer à ce que les
Allemands attendent pour rester libre. Par exemple, il doit pouvoir fournir un certificat de
communion à la page 177 pour prouver qu'il n'est pas juif et un prêtre va l'aider à l'obtenir. Il y a
un climat de peur qui règne avec une surveillance constante de tout le monde par tout le monde.
Cela est aussi visible lorsqu’il se trouve chez sa sœur aux pages 194 et 195. L'enfant va même
jusqu'à soupçonner une vieille dame qui se trouve, elle aussi, être juive et dans la même situation
que lui.
La guerre est vue de loin. Il est trop jeune pour y participer. De plus les troupes françaises ne sont
pas sur le territoire occupé et il doit faire comme tous les autres juifs, travailler, faire comme si la
guerre n'avait pas lieu et de surtout se conformer au reste de la population pour ne pas se faire
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remarquer. La guerre est vécue à la radio, dans les journaux dont Joseph Joffo a connaissance
puisqu'à la fin de la guerre il est distributeur du quotidien local.
Il va tout de même malgré lui prendre une position pro-résistante et va y participer de manière
indirecte en fournissant « Monsieur Jean » et il est fier de considérer qu'il fait parti de cette petite
communauté face au recul des Allemands et de la Gestapo.
Au niveau familial, il y a aussi une vague d'uniformité qui se met en place. Le but est de ne pas se
laisser submerger par ses émotions, sa peur pour pouvoir survivre. De fait, la mère au moment du
départ de ses enfants fait en sorte de ne pas trop pleurer de même que leur père qui doit afficher
une certaine neutralité grave pour mettre ses enfants en confiance et ne pas leur faire peur. Ceci
est visible a la page 35 du livre « Sans discontinuer, elle souriait et sans discontinuer ses larmes
coulaient, je sentis ses joues mouillées contre mon front, ses lèvres aussi, humides et salée. Papa
l'a remise debout et s'est esclaffé, le rire le plus faux que j'ai jamais entendu. ». Plus loin sur cette
même page « Quand à mes parents, ils étaient restés en haut. J'ai su plus tard, lorsque tout fut fini,
que mon père était resté debout, se balançant doucement, les yeux fermés dans une douleur
immémoriale. ».
Il en va du même comportement lorsque les parents de Joseph Joffo sont pris dans une rafle et
que le frère aîné, Henri doit aller les chercher. Personne ne panique ou se laisse aller à quelques
tristesses et chacun fait ce qu'il à faire.
Enfin, le père de l'auteur est définitivement pris vers la fin de la guerre et il n'y que très peu de
trace d'émotion de tristesse visible dans l'écrit de l'auteur, comme s'il s'était habitué à cet état de
fait que la guerre amène des disparition et qu'il faut vivre avec cette idée.
Face aux ennemis, l'auteur ne prend pas vraiment d'initiatives. Son but est de les fuir, ils sont
ceux qui provoqueront sa mort s'il se fait prendre. Face aux Allemands et collaborateurs, il fait
preuve de discrétion et se fait le moins voir possible. Il se conforme à ce que l'on attend de lui. Le
lecteur peut constater ceci en lisant les passages où il se trouve au service d'Ambroise Mancelier,
qui l'obligé à assister à l’office religieux catholique durant lequel il fait une erreur de
comportement qui aurait pu lui être chère aux pages 204 et 205. Le « vieux pétainiste » l'oblige
aussi à écouter ses leçons sur le fait que les Juifs sont le mal de la communauté. Il y a donc en
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paradoxe entre ceux qui lui veulent du mal et lui.
Ce paradoxe n'est pas qu'a ce moment de l'histoire. En effet, a son arrivé à Marseille, Joseph
Joffo et son frère se rendent au cinéma pour un film qui la propagande même du régime nazi à la
page 80 : « J'en ai vu des films depuis ce temps, de très laids, de très beaux, des ridicules, des
émouvants, mais jamais je n'ai retrouvé cette sensation d'émerveillement que j'éprouvai ce matinlà. Au dossier que des cinéphiles ont consacré au cinéma hitlérien, il y a ce nouvel élément à
verser : la production nazi était arrivée à fabriquer une œuvre qui enchanta la matinée de deux
jeunes juifs. Ce sont là les imprévus de la propagande. ».
Enfin, face à ceux qui ne voulaient pas le sauver et qui l'auraient dénoncé s'ils avaient connu sa
véritable identité, comme Ambroise Mancelier, il fait preuve de compréhension et n'a pas de
rancune. Ceci est présent aux pages 219 et 220 lorsqu'il fait croire aux résistants qui viennent
arrêter les anciens collaborateurs que Mancelier savait qu'il était juif et qu'il l'a protégé.
Avec les personnes qui l'aident, l’auteur fait tout au long preuve de méfiance. Il n'avoue jamais
qu'il est juif. Cela se voit avec la vieille dame du train pour Dax, pages 38 et 39 qui leur donnent
de la limonade et il ment sur son nom. C'est aussi visible avec le curé quelques pages plus loin
qui les protègent du fait qu'ils n'ont pas de papiers mais auquel ils ne disent jamais qu'ils sont
juifs.
Il ne dit rien également au vieux propriétaire de la ferme qui sert de relais pour les personnes
passant la ligne de démarcation à la page 66 « J'ai confiance en lui, c'est sans doute un brave
homme, mai j'ai déjà pris le pli, moins on en dit mieux cela vaut. ». Les autres personnes qui
leurs viennent en aide, le directeur de Moisson nouvelle, Subinagui, l'archevêque, Monseigneur
Remond, le curé de la Buffa de Nice qui les fait sortir de leur captivité à l'Hôtel Excelsior de Nice
page 182, eux savent que les deux enfants sont juifs et font tout pour les aider à ne pas partir pour
Drancy. Un Sac de Billes est peut être un moyen pour l'auteur d'exprimer sa gratitude en
racontant ce qui s'est passé et leurs actions pour sauver deux enfants.
Ce qui est étonnant dans ce témoignage, et qui mérite de fait d'être souligné, c'est le fait qu'il n'y a
aucun sentiment religieux qui est exprimé. Cet enfant est pourtant pourchassé à cause de sa
confession juive mais lui même n'a aucune idée de ce qu'est un juif et il ne montre jamais un
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sentiment d'appartenance à cette catégorie sociale. Cette notion est au d'autant plus visible à la
page 34 « « je voudrais te demander : qu'est-ce que c'est qu'un juif ? » [...] Papa s'est gratté la tête
« Et bien ça m'embête un peu de te le dire, Joseph, mais au fond je ne sais pas très bien » ». Il y a
aucun moment des réflexion religieuse de l'auteur puisqu'il n'est qu'un enfant qui ne comprend
pas différence que cela peut faire d'être juif ou pas.
Il y a en revanche une question qui revient régulièrement au cours du témoignage de Joseph Joffo
qui est celle de la fin et de l'approvisionnement. C'est une réalité historique, la guerre a apporté
des manques dans la société au niveau de la nourriture et des matières premières. Ceci se lit à la
page 48 « « c'est vrai, dit-il, il est midi, tout le monde mange. » voilà un mot qu'il n'aurait
absolument pas du prononcer, les sandwichs sont fini depuis longtemps, le café est bien loin et ce
grand air soudain me creuse de plus en plus, si je ferme les paupières je verrai surgir des biftecksfrites. ».
Il y a aussi les moments où il vit du troc pour pouvoir vivre et fournir tout le monde de denrées
qui sont rare s notamment à la page 117 de l'ouvrage.
Aux pages 190 et 191, les deux enfants sont livrés au froid et n'ont pas de « points textiles » pour
s'acheter des vêtements chauds. Ils bénéficient de la générosité de la marchande qui ne peut pas
leur donner plus dans la mesure où elle n'est plus assez fournie en textile à cause de la guerre.
Même si le récit de Joseph Joffo offre une vision très lointaine des combats de la seconde guerre
mondiale, il y a une vision de la vie de deux enfants de l'arrière, rejetés par la communauté et qui
sont obligés de mentir pour pouvoir s'intégrer et survivre.
La portée qu'a eu ce témoignage fut importante comme le montre ses nombreuses rééditions ainsi
que les conférences, récompenses, invitations.... qu'a reçu l'auteur, comme il l'évoque dans son «
dialogue avec mes lecteurs ». Le fait qu'il y ait un dialogue montre encore une fois l'intérêt qu'a
pu susciter ce roman.
Il faut cependant nuancer en insistant sur le fait que ce témoignage n'est pas un journal intime que
l'auteur aurait tenu sur le moment, mais de souvenirs qui sont couchés sur le papier environ vingtcinq ans après les événements. Le récit peu donc être parfois évasif comme le lecteur peu le
constater quand l'auteur saute volontairement des pan entiers de son histoire pendant la guerre, ou
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alors de « réinvention » de son histoire sur certains point comme les conversations qu'il entretient
avec les autres personnages de son livre.
Un historien doit donc étudier cette œuvre d'un œil critique sans mettre de côté la valeur du
témoignage comme trace de la vie d'un enfant juif en France pendant la seconde guerre mondiale.
Sixtine LANORD (Université Paul-Valéry Montpellier III)

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