Dancing Grandmothers - Presse

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Dancing Grandmothers - Presse
Eun-Me Ahn
DANCING
GRANDMOTHERS
REVUE DE PRESSE
5 août 2014
Eun-Me Ahn fait danser des grands-mères
délicieusement indignes
Légère et court vêtue, gros jupon jaune et ruban rouge, elle gambade sur scène comme une
gamine. Ses cheveux gris bouclés l'auréolent d'une beauté de poupée sans âge. Cette femme
joyeusement intemporelle est l'une des douze danseuses amateurs âgées de 60 à 90 ans du
spectacle Dancing Grandmothers, mis en scène par la chorégraphe coréenne Eun-Me Ahn, 51
ans, à l'affiche pour la seconde fois en deux ans du festival Paris Quartier d'été.
Inconnue en France, star dans son pays, la « danseuse au crâne chauve » comme on la
surnomme à Séoul – elle s'est rasé la tête en 1992 et n'a jamais dérogé depuis à la boule à zéro
– s'est fait une excellente réputation de « bad girl pop » et extravagante. Sa pièce Symphoca
Princess Bari avait tout d'un bonbon euphorisant qui faisait prendre les vessies pour des
lanternes dans une débauche d'inventions visuelles.
Dancing Grandmothers s'annonce dans la même palette dépareillée, à pois et à carreaux, avec,
en prime, une séance de cinéma réalisé dans différentes provinces de Corée du Sud où la
chorégraphe est allée en 2010 à la pêche de ses mamies délicieusement indignes.
Pendant un an, Eun-Me Ahn a rencontré des dizaines de femmes en leur demandant de danser
pour elle sur des tubes de leur jeunesse. Cette recherche sur un répertoire de mouvements
féminins spécifique s’est opérée dans l’intimité des maisons et appartements de chaque
personne.
« Je les ai filmées en train de danser au milieu d’autres activités comme cuisiner, manger…,
précise la chorégraphe. Elles sont toutes des grands-mères coréennes typiques. Leurs corps
sont complètement différents de ceux des interprètes professionnels. Ils sont l’histoire de leur
vie. Elles sont nées pour la plupart à la fin de la colonisation japonaise, ont traversé la
guerre civile, préservé leur famille des difficultés économiques… Elles ont enregistré tout ça
dans leur corps qui a surmonté le poids de la vie mais qui a été beaucoup usé. »
Le désir secret de Eun-Me Ahn était de rencontrer des « corps purs » pour transfuser leur
énergie aux neuf jeunes danseurs de sa compagnie. « Elles sont comme un livre d’histoire de
notre pays, bien plus concret qu’aucun récit de la tradition écrite ou orale », dit-elle.
Sur le plateau, l’échange et le savoir-faire se fait au gré de gestes simples comme se tenir
main dans la main ou danser dans les bras l’un de l’autre. « Mes interprètes ont étudier les
façons de bouger des vieilles dames, précise Eun-Me Ahn. Ils prennent soin d’elles et sont
leurs gardes du coprs. »
Au passage, l’artiste retrouve aussi dans ce spectacle l’esprit de ses premiers apprentissages.
Néee à Séoul dans une famille modeste qui a longtemps résisté à son envie de danse, elle
prend ses premiers cours de folklore à l’âge de 12 ans. Au milieu des années 1980, elle intègre
l’université des femmes Ewha de Séoul, puis part se perfectionner à New York et crée ses
premières performances dès 1986.
Régulièrement invitée par Pina Bausch (1940-2009) à Wuppertal, à partir de 2001, elle n’a
franchi la frontière française qu’il y a un an, en 2013, à l’invitation de Paris Quartier d’Eté. Et
ouf, la revoilà de nouveau !
Sur des tubes populaires des années 1930 à 1970 que tous les coréens connaissent par cœur,
ces archives vivantes que sont ces femmes – la propre mère d’Eun-Me Ahn grimpe pour la
première fois sur scène à l’occasion de Dancing Grandmothers – font exploser le pur instinct
de vie qu’est la danse.
« Nous vivons dans un pays divisé, ce qui rend les Coréens nerveux et les empêche de
s’exprimer, observe Eun-Me Ahn. Nous avons une énorme volonté et un sens tout aussi
énorme de la survie. Nous aimons aussi danser et chanter. Pour moi, cette pièce permet
également à ces femmes de retrouver une identité sexuelle perdue. »
Sur scène, les grands-mères ne le sont pas longtemps et deviennent des bombes d’énergie
exubérante, plaisir, séduction et succès public emballés dans le même paquet cadeau qu’est
Dancing Grandmothers.
Rosita Boisseau
8 août 2014
Paris, quartier d’été avec « Dancing Grandmothers »
d’Eun-me Ahn
Après les saluts, la moitié de la salle rejoint les danseurs. Rave party sur le grand plateau du
Théâtre national de la Colline, en compagnie des danseurs de la Compagnie Eun-me Ahn,
tout de pink vêtus, et des Dancing Grandmothers, absolument authentiques.
Cette pièce légère et joyeuse traduit au plus près la philosophie de vie de la chorégraphe la
plus excentrique en Corée du Sud, à vérifier par les couleurs éclatantes de son costume
traditionnel, le hanbok, et ses propres attitudes. « Autorisons-nous toutes sortes de folies, et
nous vivrons plus heureux ! »
À un moment, on peut lire, cette devise est à lire sur l’écran de fond: « La gaité appelle le
bonheur, la danse appelle le bonheur. » Le message est aussi simple et droit-au-but que sa
construction en trois actes.
D’abord, une sorte de bourrée contemporaine des danseurs professionnels (et jeunes), faites
plaisir de bouger. Chez certains, la qualité de mouvement tend vers la poésie pure.
Avec l’acte II, le registre change radicalement. Toujours aussi blanc et épuré, l’espace
scénique est déserté. Et pourtant on s’amuse. Les grand-mères entrent en jeu, par la vidéo.
La Corée du Sud, par les villages, les cuisines, les champs, les échoppes, les salles
d’attente des gares routières…
Eun-me Ahn s’est amusée à inciter des Coréennes en âge d’être grand-mères de
redécouvrir, ou de laisser libre-cours à leur envie de secouer leurs vieux os. Paysannes,
vendeuses, promeneuses, elles font preuve d’une agilité insoupçonnée.
Si le public n’entend pas la musique sur laquelle elles s’agitent, il voit d’autant mieux cette
ombre de gêne sur leurs visages, comme si elles faisaient quelque chose d’interdit. Le
regards de certains passants ou de leurs maris en disent long, par ailleurs, et déclenchent
d’autres salves de rires dans la salle.
Pour une ajuma coréenne, donc une mère ou grand-mère, toute attitude juvénile est
habituellement considérée comme déplacée. La norme est la norme, surtout pour la
génération des sexagénaires, et ce jusque dans le style des coiffures et des robes. Et même
quand elles dansent, elles se ressemblent toutes, au point qu’on pourrait croire que la
chorégraphe leur aurait proposé une phrase chorégraphique. Mais c’est l’inverse qui est vrai,
la danse des ajumas a inspiré celle de la compagnie.
Il fallait une personnalité aussi déjantée et libre qu’Ahn pour inciter ces femmes à arracher
de petits instants de liberté au quotidien et à leurs heures de travail. Pour cette pièce créée
en 2011, la chorégraphe est moins cette « Pina Bausch de l’Asie » qu’on nous présente,
mais La Ribot coréenne, non sans rappeler Ea Sola et ses artistes-paysans âgés dans ses
premières pièces et les espaces blancs dont elle peuplait les suivantes. Une pensée tout de
même pour le Kontakthof de Pina…
L’acte III de Dancing Grandmothers voit jeunes et vieux (un homme y danse le tango) former
des couples, ou des petits groupes si ce n’est l’ensemble, professionnels et amateurs, qui se
roulent par terre et poussent des cris ou éclatent de rire. Les robes fleuries d’antan affrontent
des sortes de pyjamas fushia, dans une désuétude délicieusement ironique. Le message est
simple, mais ça fait un bien fou, et cette pièce sans prétention aucune en est d’autant plus
vraie et efficace.
Eun-me Ahn aime par ailleurs jouer avec les vêtements et leurs couleurs. Elle le montre ici,
autant que dans l’extrait de Let me change your name qui fait partie du programme Welcome
de la Compagnie Grenade de Josette Baïz, actuellement en tournée.
Thomas Hahn
17 août 2014
"Dancing grandmothers" de Eun-Me Ahn
Des paysages. Une voiture qui roule. La salle encore allumée. Une vidéo défile,
en musique et en fond de scène. Bande d’attente ? Début du spectacle ?
Mystère. Mais soudain les notes jaillissent. Pas de doute, c’est parti !
On la présente comme la Pina Bausch coréenne. Pour le moment, c’est un elfe en gros
jupon rouge, crâne rasé. Difficile, à première vue, de se prononcer : homme, femme, moine
bouddhiste ? Elle sillonne le fond de scène, dans une danse de l’ours bizarrement enlevée.
Et disparaît.
Ainsi commence, au théâtre de la Colline de Paris, Dancing Grandmothers de Eun-Me Ahn,
une pièce en trois actes. Avec son précédent spectacle, la Princesse Bari, la Sud-Coréenne
a plu à tous. A Télérama, au Monde, au Figaro. Aux unes et aussi aux autres. Elle danse et
fait danser. Des jeunes, des vieilles (et des vieux), le public. Son énergie est communicative,
sa joie aussi. C’est d’ailleurs son mantra qui s’affiche en intermède. "La gaieté appelle le
bonheur, la danse appelle le bonheur". Vous êtes priés de la croire.
Manie dansante
Car à l’heure où le spectacle commence (pour de vrai), vous allez être scotché à votre siège
pour vingt minutes torrentielles. Musique tonitruante, mouvement ininterrompu, énergie pure.
Imaginez une rave-party survoltée, une "manie dansante", ancêtre de la rave, une danse
de Saint-Guy ultra-communicative.
Imaginez une petite dizaine de garçons et filles, lancés sur la scène comme des boulets, tour
à tour et sans souci de genre vêtus de vêtements multicolores : jupes, collants, doudounes,
paillettes, cheveux longs ou courts. "Je choisis jusqu'à la couleur des culottes de mes
interprètes," avoue la chorégraphe. Imaginez devoir rester immobile sur votre siège tandis
que leurs jeunesse-vitesse-trajectoire vous invitent à les rejoindre pour une transe collective.
Mais non, l’heure n’est pas venue. D’ailleurs l’énergie retombe. Les envoûtés quittent le
plateau. Le calme se fait. En fond de scène, une projection vidéo commence. Pas moins
surprenante. Des femmes, âgées ou moins âgées, seules, en groupe, en couple, dansent.
Sans sophistication. Elles se balancent sur un rythme qu’elles seules entendent. Elles
sourient.
Juste danser
Eun-Me Ahn vous présente ses grands-mères, ses Dancing Grandmothers. En 2010, la
chorégraphe au crâne chauve (rasé en 1992, plus jamais chevelu depuis) a sillonné les
provinces rurales de Corée du Sud. Elle a rencontré des femmes, souvent âgées, souvent
paysannes, mais aussi pharmaciennes, bouchères et même sans-abris. Elle leur a proposé
de danser pour elle. Quand on demande à Eun-Me Ahn ce qu’elle leur a dit précisément
pour obtenir ce balancement commun à toutes, cette simplicité, cet abandon de ses
danseuses d’un jour, elle répond : "Juste de danser. Elles étaient heureuses que quelqu’un
le leur demande."
Toutes pareilles, toutes différentes : timides ou sans-gêne, réticentes, enthousiastes. Mais
dansant sur une bande-son intérieure, pour elles seules audible. C’est cette connexion avec
leur histoire personnelle qui confère à leur danse cette part d’intime qui fait du spectateur un
voyeur. Mais un voyeur bienvenu, invité, convié.
Eun-Me Ahn leur a demandé de danser sur les tubes de leur jeunes années. Et ce qu’elle a
vu, c’est un bonheur intact à retrouver leur jeunesse, dont une part ne les a pas quittées.
"Leurs danses étaient si naturelles et vivantes qu’elles ont entraîné dans leur mouvement les
jeunes danseurs professionnels de ma compagnie. Chacun de leurs gestes reflétait la
rudesse de leurs conditions de vie. Comme si on regardait un documentaire qui parlerait à la
fois du passé et du sol. A chaque rencontre, nous voyions l’histoire de la Corée moderne
incarnée dans leurs corps."
"Restez fort, debout, c'est ça la signification de la danse", Eun-Me
Ahn
Transgressives mamies
La danse comme expression de la joie intérieure. Un exercice qui ne va pas de soi. Il n’est
rien que de regarder l’expression abasourdie ou désapprobatrice des collègues ou maris
pour comprendre que ces déhanchements, ces bras levés donnent accès à la part cachée, à
l’essence de ces femmes. Dansant, elles outrepassent le rempart de leur pudeur, de leur
vieillesse. Elles retrouvent leurs vingt ans, et plus loin encore, renouent avec leur âme
d’enfant indifférent au regard d’autrui. Fussent ceux de leur compagnons ou amies.
Cette réprobation comique éveille le rire complice des spectateurs. Car en Corée du Sud,
toute attitude juvénile est déplacée. Un vieillard n’est pas supposé échapper à la norme de
l’âge qui dicte son attitude : comportement, coiffure, vêtements empreints forcément de
modestie. Cette danse transgressive des ajumas (mère ou grand-mère coréenne) a inspiré
celle des jeunes danseurs. Et non l’inverse.
Une liberté qui fait écho à celle de Eun-Me Ahn, l’excentrique danseuse rasée. Elle a intégré
sa mère, 76 printemps, au spectacle. Et que la fête commence - boum, kermesse, rave, quel
que soit le nom qu’on lui donne. Les fils entre générations sont renoués. Jeunes et vieux ont
mutualisé liberté, dynamisme et joie. Les ont mis au service de la danse. Ne restait plus qu’à
faire partager l’alchimie au public parisien. Mission accomplie.
Isabelle Soler
n°245
Eun-Me Ahn Company
Les grands-mamans de Corée
La chorégraphe sud-coréenne Eun-Me Ahn est une star dans son pays. C’est elle qui a
chorégraphié la cérémonie d’ouverture de la Coupe du Monde de football à Daegu en 2002.
C’est elle qui, avec son crâne rasé, ses performances intrépides et son intérêt pour le
“gender”, bouscule un public qui, entre l’underground et le kitsch assumé de ses productions,
ne sait plus où la classer.
Son parcours est d’ailleurs aussi atypique que ses choix artistiques. Formée aux pratiques
chamaniques dès son plus jeune âge, elle étudie les différentes techniques de danse
moderne d’abord à Séoul puis à New York à la Tisch School of the Arts; de retour en Corée,
elle prend la direction d’une compagnie, la Daegu Metropolitan City Dance Company, avant
de créer celle qui aujourd’hui porte son nom: Eun-Me Ahn Company.
Elle s’est fait connaître en Occident dès les années 2000 grâce au Festival Wuppertal où
Pina Bausch, devenue son amie après une résidence en Corée, l’a invitée plusieurs années
de suite. L’été dernier, elle avait tenu la vedette à Paris, lors du festival Quartiers d’été par sa
mise en scène radicale d’une légende coréenne, Symphoca Princess Bari, racontant le
voyage initiatique d’une princesse abandonnée par son père: mais le rôle de la princesse
était interprété par un homme!
Cette fois, elle clôt superbement le Festival Pays de Danses organisé autour des artistes
coréens par le Théâtre de Liège, avec Dancing Grandmothers (“Grands-mères qui dansent”),
une création de 2011 présentée pour la première fois en Europe.
L’idée du spectacle s’est imposée peu à peu lors des rencontres avec les habitants des
campagnes les plus reculées de la Corée qu’Eun-Me Ahn et sa compagnie ont pu faire
durant leurs tournées dans le pays. Le film qui ouvre le spectacle témoigne non seulement
de la richesse de ces danses rustiques mais aussi de ce qu’elles peuvent révéler de la vie de
ceux qui en conservent la mémoire. Après avoir composé une pièce avec les hommes
âgés, puis une autre avec les jeunes, Eun-Me Ahn, avec une énergie contagieuse, beaucoup
de générosité et pas mal de malice, a laissé la place aux femmes âgées, porteuses d’un
savoir en péril.
Dancing Grandmothers met en scène une quinzaine de vieilles dames emmenées par les
neuf membres de la compagnie, dans un tourbillon dansant pendant une heure et demie.
Emportés par une partition musicale où se mélangent, là aussi, sons traditionnels coréens et
remixages contemporains, les corps évoluent sur scène sans jamais se bousculer, comme
habitués aux villes surpeuplées d’Asie. Entrées et sorties se succèdent, à un rythme d’enfer,
jeunes et vieux tournant, virevoltant avec bonheur. Difficile de parler d’un style là où il s’agit
plutôt d’un chaudron qui rassemble passé et présent, tradition et modernité.
Très vite, on oublie le temps comme on oublie l’âge, et à la fin du spectacle, le public, invité
à monter sur scène, se mêle aux danseurs, tous âges confondus, pour danser avec eux.
Succès assuré.
Sonia Schoonejans
2 août 2014
DANCING WITH GRANDMOTHERS – EUN-ME AHN
// VOUS AVEZ LA JEUNESSE, NOUS AVONS LA JOIE ! //
Déjà remarquée dans la précédente édition de Paris Quartier d’Eté, avec son
spectacle : Princesse Bari, la chorégraphe sud-coréenne Eun-Me Ahn, revient
cette année avec une pièce haute en couleurs et en émotions positives.
Dancing with grandmothers s’appuie sur la joie de danser des grands-mères sud-coréennes.
Avec une partie de sa troupe de danseurs, la chorégraphe est allée dans les villes mais
surtout dans les campagnes de son pays à la recherche de femmes âgées, qui pour la
plupart travaillent encore. Munie d’une caméra vidéo, elle incitait ces dernières à danser de
manière spontanée. Lorsque la timidité, la pudeur ou le manque d’envie se manifestaient,
elle-même et ses interprètes dansaient sur des standards, des tubes de leur jeunesse.
Certaines des grands-mères qui étaient au départ réticentes entraient alors dans la danse
avec délectation et se laissaient porter par le mouvement. C’est avec cette indéniable
énergie des grands-mères, qu’Eun-Me Ahn a créé cette pièce d’une incroyable vivacité mais
aussi d’un partage unique.
Partage d’une grande sincérité entre les danseurs de la compagnie qui se fondent dans
l’énergie des grands-mères et qui dans un même temps la décuple, la transforme, la
transcende, et ces grands-mères qui se donnent sans compter au plaisir du mouvement
avec une gaieté réjouissante. Un plateau tout blanc, au lointain, des vêtements blancs euxaussi collés sur un mur servant d’écran vidéo, au dessus des spectateurs une énorme boule
à facettes, le décor est planté. Eun-Me Ahn nous invite à la danse, à celle qui nous meut et
nous émeut. L’énergie donnée est là pour circuler. Aucune retenue, aucune. Tout
mouvement est porteur de joie, de gaieté, de plaisir. C’est un don. Dans la première partie
du spectacle, c’est Eun-Me Ahn elle-même qui ouvre le bal. Vêtue d’un costume traditionnel,
elle longe le mur du fond sur lequel des images de son pays sont projetées. Le dos
légèrement courbé, les bras déposés sur l’air en avant du buste, les pieds exécutant de
petits pas, elle avance et elle recule. Mouvement proche du glissement, elle prend l’espace
petit à petit tout en balançant ses bras. Les mains sont légères et gracieuses, elles portent le
corps vers le rebond, la délicatesse. Dans cette première séquence aux mouvements
simples, le corps dit déjà la joie qui le traverse et son acuité à recevoir ce qui l’entoure.
Sortie du plateau par l’avant scène, la chorégraphe laisse place à ses neuf danseurs qui
enchainent entrées et sorties avec une jubilation contagieuse.
Sur une composition musicale éclectique invitant à la transe, de Young-Gyu Jang, les
danseurs reprennent une gestuelle propre aux grands-mères (petits pas et bras qui montent
et descendent le long du buste) que l’on retrouve à différents moments du spectacle. Vêtus
de tenues colorées, aux imprimés variés, chaussés de tennis, les danseurs vont et viennent
ç une folle allure. Les hommes comme les femmes portent pantalons et robes sans que soit
associé une quelconque question de genre. Les couleurs de leurs vêtements, les choix de
tenues participent, tout comme la musique, les déplacements et mouvements tour à tour
lents, légers, délicats, enlevés, explosifs, toniques, à un état de béatitude qui envahit le
spectateur. On se laisse porter par la positivité de ces élans physiques, scéniques,
esthétiques qui nous sont donnés.
Dans la deuxième partie du spectacle, le corps du spectateur est en quelque sorte mis au
repos. Sur l’écran se succèdent les danses de nombreuses femmes prises dans leur
quotidien de travail, de sociabilité. Ce moment de calme est parfaitement mesuré et laisse au
spectateur le temps de récupérer de toute l’énergie déployée précédemment. C’est
l’occasion de rire de sourire, d’être touché par toutes ces femmes qui se plient au jeu de la
danse sans retenue. Contrairement à elles qui dansent sur des musiques, le spectateur est
plongé dans le silence. Ce choix artistique laisse d’autant plus la possibilité d’apprécier ces
moments de joie collectifs ou individuels.
Enfin dans la troisième partie de Dancing with grandmothers, les fameuses grands-mères, et
un grand-père, viennent sur le plateau, jouer le jeu de la danse qui les transporte tant. Car il
s’agit bien ici de jeu, d’amusement, de plaisir. Chacun évolue à sa manière, les choses sont
très peu chorégraphiées, et danse avec un plaisir qui n’est pas feint. Que ce soit sur une
version de Tombe la neige, en coréen, ou sur des standards du pays, les grands-mères
racontent par la danse une histoire, un vécu souvent emprunt d’années de travail. Aussi
lorsque les danseurs de la troupe d’Eun-Me Ahn, partagent le plateau avec les grandsmères, on perçoit à la fois une sorte de filiation, une transmission mais aussi quelque chose
de l’ordre de la modernité, une rupture avec des manières d’être et de faire. Ces dans ces
allers et retours entre les uns et les autres que se construisent les liens entre les générations
et que s’écrit l’histoire.
Eun-Me Ahn, réussit une belle partition avec tous ces interprètes. Dancing with
grandmothers, est un spectacle d’une grande générosité, d’un indéniable partage, entre les
personnes âgées et les danseurs mais aussi entre eux et nous spectateurs. D’ailleurs à la fin
du spectacle tout le public est invité à partager le plateau avec les interprètes. Il y a une très
grande liberté dans cette proposition. Difficile de ne pas se laisser embarquer par l’énergie
des uns et des autres. Enfin quel énorme plaisir de voir la danse comme mouvement
collectif, reliant des générations à d’autres générations. Saluons sans mesure cet
engagement de la chorégraphe et de tous ces interprètes.
Louise Dutertre
5 août 2014
Dancing Grandmothers
Vidéo, chorégraphie, boule à facettes et seniors : mélange
tonique et amusant.
Dans un décor en apparence immaculé une projection d’images filmées en Corée. Des
routes, de la pluie, des ambiances. Le fond de scène, qui sert d’écran, se révèle composé
d’une écrasée de vêtements aux couleurs pastels, un dégradé du crème au bleu ciel. Dans
le silence la chorégraphe, telle une petite souris – animal que l’on retrouvera plus tard en
décor, gravitant dans un rond de lumière – évolue malicieusement sur scène avant de saluer
son public qu’elle rejoint. Ses danseurs envahissent alors l’espace et tels des mannequins
vintage, offrent un défilé d’habits, comme ceux que pourraient porter les grands mères dont il
est question dans le titre. Entre chorégraphie soignée, course énergique et quelques
acrobaties – sur une bande son toutefois un brin répétitive, ce passage précède un film
composé de multitudes de scènettes réjouissantes. Nous y voyons, durant quelques
secondes, les fameuses grands-mères (avec quelques grands pères) danser pour la
caméra. Un film muet qui prouve bien, si l’on en juge par les visages épanouis des
danseuses amateurs filmées, que la danse provoque le bonheur. Enfin dans la dernière
partie du spectacle les danseurs professionnels se mêlent à quelques grands mères et un
grand père pour différents tableaux. Nous pourrions penser que la chorégraphe a élaboré
des chorégraphies spécifiques, ce ne semble pas être le cas, les mouvements des aïeules
étant sommaires. Mais quel plaisir de voir leur mine réjouie, toutes sont ravies d’être là.
Certaines cabotinent et cherchent l’applaudissement, d’autres s’amusent et profitent du
moment. Enfin, avec des boules à facettes tourbillonnantes la chorégraphe revient sur scène
et invite le public à la rejoindre. Moment là aussi sympathique, vraisemblablement apprécié !
En mêlant vidéo, danse, regard quasi documentaire sur les seniors de son pays, Eun-Me
Ahn explore un territoire riche, qui aurait sans doute pu être davantage fouillé, la proposition
aurait pu aller plus loin. Mais ce sont bien les sourires de ces gracieuses grands mères qui
restent en mémoire.
Rémy Batteault
12 août 2014
Dancing Grandmothers, conception et chorégraphie d’Eun Me Ahn
Un déluge de pluie s’est abattu sur la capitale! Pourtant, grâce au travail des techniciens et à
la conviction de Kaori Ito et d’Olivier Martin-Salvan, La Religieuse à la fraise (voir Le Théâtre
du Blog), programmé aussi par Paris Quartier d’été, réussit à se dérouler normalement sur
les berges de la Seine pour le plus grand plaisir du public.
Et il y avait ce même soir, au Théâtre de la Colline, le spectacle de la chorégraphe coréenne
Eun Me Ahn qui débute avec un court solo silencieux, puis continue avec les solos de trois
danseuses et six danseurs sur de la musique électronique. Le plateau nu est fermé par un
curieux rideau de fond de scène en chemises et T-shirt de tons clairs, rehaussés par des
lumières multicolores qui vont baigner en permanence cette création.
Ensuite, nous découvrons en silence, des vidéos de grands-mères coréennes de soixante à
quatre-vingt cinq ans qui dansent gaiement devant la caméra, avec, surtout, des
balancements de bras au-dessus de la tête. Ce qui, selon la chorégraphe, est une façon
pour elles, de se libérer du dur travail manuel du passé. A la moitié de ce spectacle de
quatre-vingt dix minutes, avec la complicité des danseurs, douze de ces grands-mères
viennent sur scène nous livrer leurs propres danses.
Les musiques composées de musique de variétés des années 70 en Corée, (en particulier
les chansons chantées par un Elvis Presley local), reprennent souvent des standards
européens et emporte le public vers une nostalgie joyeuse. A un rythme rapide, se succède
alors un mixte de danses traditionnelle et contemporaine), avec clins d’oeil fréquents au
public. Leurs jupes et robes semblant sortir d’un Emmaüs coréen, et rivalisent de fleurs et
motifs aux couleurs criardes.
Grâce à la danse, ces vieilles dames semblent avoir la volonté de libérer leurs corps des
contraintes du temps, retrouvant ainsi une certaine jeunesse, et se confrontent aux neufs
jeunes danseurs et danseuses. «La gaîté appelle le bonheur, la danse appelle le bonheur»
cette phrase de la chorégraphe, projetée un instant en fond de scène, traduit la volonté de
partage avec le public.
Car, pour Eun Me Ahn, tout le monde peut danser. A la fin, des dizaines de boules à facettes
descendent des cintres, et avec les artistes et les grands-mères, elle invite le public à les
rejoindre sur scène dans une danse effrénée.
Rarement, le Théâtre National de la Colline n’aura connu une telle joie sur scène… Merci au
festival Paris Quartier d’été d’avoir permis à tous de vivre ce moment unique. Tendre parfois
et joyeux toujours...
Jean Couturier
15 août 2014
Dancing Grandmothers, Eun-Me Ahn
La chorégraphe sud-coréenne Eun-Me Ahn, surnommée la « Pina Bausch de Séoul », est
connue pour ses mises en scène pop et très théâtralisées. Dans le cadre du Festival Paris
Quartier d’Eté, elle présentait au Théâtre de la Colline Dancing Grandmothers, spectacle
pour lequel elle a sillonné les campagnes sud-coréennes à la rencontre de femmes âgées,
leur demandant de danser sur les musiques de leur jeunesse.
Ces danses, filmées sur le vif, ont servi de support de travail et de source d’inspiration pour
la chorégraphe et les danseurs de sa compagnie. Elles ont données lieu à une véritable
collecte de gestes, où l’histoire de ces femmes, leur vie, est sous-jacente. Ce sont des
gestes emprunts de leur quotidien et de leur culture, des gestes « sociaux » imprégnés par
la société et l’histoire du corps féminin qu’elle a façonné. C’est certainement là que la
référence à Pina Bausch est présente : dans cette démarche d’aller vers l’être humain, l’être
social, de l’observer, de chercher à le comprendre puis de réussir à exprimer et créer à partir
de cette empathie gestuelle.
La première séquence du spectacle présente une chorégraphie des danseurs de la
compagnie issue de ce travail de recherche. Leur danse est comme un flux incessant,
comme une ritournelle inlassablement répétée et modifiée. Danse solitaire et danse
collective se côtoient et se complètent, tandis que danse traditionnelle et danse de
discothèque actuelle s’entremêlent, procurant une sensation proche de la transe. Les
multiples costumes qu’ils revêtent s’inspirent avec humour des habits portés par les dancing
grandmothers qu’ils ont rencontrées. L’ensemble est extrêmement bien dansé, s’appuyant
sur une grande précision des gestes et une fascinante légèreté du mouvement.
Ensuite, sont projetées les vidéos des dizaines de femmes qui ont accepté de danser sur
leurs lieux de travail (dans les champs, des échoppes, des écoles), chez elles ou au bord de
la route, dans la rue. Le procédé est répétitif, mais donne à voir la « matière brute », vivante,
qui a conduit à la création de ce spectacle, et permet d’envisager le cheminement suivi par la
chorégraphe et les danseurs. La rencontre de l’autre, profondément émouvante, y est le
point de départ du processus de création.
Enfin, une dizaine de ces femmes et un homme sont sur le plateau et dansent avec les
danseurs professionnels : la danse précise et aérienne des danseurs s’accorde et répond à
la danse plus timide mais non moins enjouée des amateurs. La danse, vivante et
entraînante, se fait ici fête et moment de convivialité. Ainsi, alors que les applaudissements
ont retenti, Eun-Me Ahn invite les spectateurs enthousiastes à venir sur scène se joindre à la
danse.
Sibylle Tailler

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