La Palestine, un foyer de conflit depuis la fin de la Première guerre

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La Palestine, un foyer de conflit depuis la fin de la Première guerre
La Palestine, un foyer de conflit depuis la fin de la Première guerre mondiale
En 1975, deux ans après la guerre du Kippour et au terme de son mandat de Premier
ministre israélien, Golda Meir évoque les origines du conflit israélo-arabe. Ses mémoires
autobiographiques, Ma vie, sont ceux d'un des fondateurs de l'Etat d'Israël. Ils permettent
de mieux comprendre les origines du conflit israélo-arabe considérées du point de vue
israélien, ainsi que les difficultés pour lui trouver une solution.
1. Un point de vue israélien sur les origines du conflit
•
la colonisation sioniste et l'indépendance d'Israël
◦ G. Meir évoque l'implantation juive en Palestine depuis les années 1890
lorsqu'elle parle de la « colonisation sioniste ». Cette implantation est mal
vécue par les Arabes palestiniens, qui l'associent rapidement à la
colonisation britannique : ayant promis la création d'un « foyer national juif »
en 1917 (Déclaration Balfour), les Britanniques reçoivent en 1920 un mandat
de la SDN sur la Palestine, en violation des promesses faites aux Arabes
d'un « grand royaume arabe » en 1916. La colonisation juive se poursuit
durant les années 20 et 30. En 1936-39, une grande révolte arabe éclate
contre l'occupation britannique et la colonisation juive. G. Meir, à l'instar de la
plupart des Israéliens, considère cette implantation comme positive pour la
Palestine, lorsqu'elle évoque « tout ce que les Juifs avaient bâti ».
L'implantation des Juifs en Palestine est donc déjà ancienne en 1975, mais
l'Etat d'Israël est relativement neuf.
◦ G. Meir est un des signataires de la déclaration d'indépendance d'Israël, le
14 mai 1948. Cette indépendance, « un fait acquis » pour G. Meir, survient
dans un contexte d'extrême tension. Incapables de régler les tensions entre
Juifs et Arabes, les Britanniques ont tenté d'appliquer le plan de partage de
l'ONU, qui prévoyait en Palestine un Etat juif et un Etat arabe divisés en
territoires discontinus alors que Jérusalem restait ville sous contrôle
international.
•
les conflits avec les Etats arabes
◦ « Le matin du 15 mai, Israël était déjà l'objet d'agressions armées » de la
part de ses voisins et de l'Irak. Ces pays, tout comme les Arabes
palestiniens, refusent le plan de partage de l'ONU, mais les ambitions que
leur prête G. Meir sont difficilement compatibles entre elles : annexer tout le
pays pour la Jordanie, se partager la Galilée pour la Syrie et le Liban, trouver
une fenêtre sur la Méditerranée pour l'Irak. Le rapport des forces semble,
comme le souligne G. Meir, déséquilibré : les Etats arabes pouvaient
envisager l'écrasement d'Israël « dans les dix jours à venir ».
◦ Toutefois, la victoire est remportée par les Israéliens en 1949. Le nouveau
découpage des frontières remet en cause le plan de partage de 1948 : l'Etat
arabe palestinien ne voit pas le jour, Israël s'emparant d'une bonne part de
ses territoires, alors que les Etats arabes s'emparent de la Cisjordanie
(Jordanie) et de Gaza (Egypte).
•
l'oubli des Palestiniens
◦ Toutefois, le texte de G. Meir fait l'impasse sur la situation des Arabes
palestiniens. L'extrait proposé ne mentionne ni la projet d'Etat arabe
palestinien de 1948, ni la création de l'OLP en 1964.
◦ Effectivement, les Palestiniens jouent un rôle secondaire jusqu'à la création
de l'OLP, et l'attitude des Etats arabes à leur égard est ambigüe. Près de
800 000 d'entre eux ont été expulsés lors de la guerre de 1948-49 (Nakba,
« catastrophe ») et ont trouvé refuge en Jordanie ou au Liban. Les territoires
qui leur étaient promis sont partagés entre Israël et les Etats voisins. Les
Etats arabes oscillent entre soutien aux Palestiniens et tentatives pour
contrôler les groupes armés de l'OLP qui risquent de les déstabiliser
(Septembre Noir en 1970 : expulsion de l'OLP par la Jordanie).
2. Une situation bloquée ?
•
Le problème de Jérusalem et des territoires occupés
◦ Les conflits répétés (Guerre des Six Jours en 1967, Guerre du Kippour en
1973), que Golda Meir impute aux agressions des Etats arabes (« les
guerres commencées par eux ») se soldent par l'occupation de nouveaux
territoires : la Cisjordanie et Jérusalem-Est, la bande de Gaza mais aussi le
Golan (pris à la Syrie) et le Sinaï (pris à l'Egypte). Ces territoires donnent à
Israël un glacis protecteur, une monnaie d'échanges pour négocier avec ses
voisins, mais aussi la possibilité de coloniser Gaza et la Cisjordanie, ainsi
que le contrôle des sources du Jourdain grâce au plateau du Golan. C'est
pourquoi les Israéliens ont « refusé de rendre les territoires conquis », alors
que les Palestiniens revendiquent, eux, le « droit au retour » sur leurs terres.
◦ Jérusalem, revendiquée comme capitale par Israël, la Jordanie (en 1948) et
les Palestiniens, est également une pomme de discorde majeure avec les
Etat arabes, comme le souligne G. Meir (Abdullah de Jordanie « voulait (…)
notamment Jérusalem »), dans la mesure où elle constitue un haut lieu
symbolique, voire une ville sainte pour les deux parties. L'imbrication des
lieux saints, Mur des Lamentations et Esplanade des Mosquées, rend
complexe tout partage.
•
Un conflit à la fois régional et international
◦ En 1967, les Etats arabes s'engagent à ne signer aucune paix avec Israël et
à ne jamais reconnaître l'Etat hébreu, l'objectif affiché restant la destruction
de l'Etat hébreu (résolution de Khartoum). L'intransigeance des Etats arabes
peut expliquer le commentaire de Golda Meir : « ils ne peuvent (…) pas
supporter notre présence et nous pardonner d'exister ». L'ancien Premier
ministre israélien attribue donc l'hostilité des Etats arabes essentiellement à
la haine des Juifs, notamment du côté égyptien.
◦ Le conflit israélo-arabe a également des implications internationales en
1975. L'extrait de l'autobiographie de Golda Meir est muet sur ces
implications. Avec l'installation de régimes proches de l'URSS en Egypte
(colonel Nasser), en Syrie et en Irak (parti Baas), les Etats-Unis, soucieux de
préserver les ressources en pétrole du Moyen-Orient de l'emprise soviétique,
se sont engagés aux côtés d'Israël, ce qui renforce la complexité du conflit et
la difficulté à le régler.
Cet extrait montre donc les origines du conflit israélo-arabe du point de vue israélien.
Golda Meir s'y montre soucieuse de légitimer l'action d'Israël et notamment son contrôle
des territoires occupés, reportant l'essentiel des responsabilités sur les Etats arabes. Ce
souci ne va pas sans l'occultation d'une partie des problèmes, et notamment du problème
palestinien. Or, les causes qui entretiennent le conflit israélo-arabe sont plus complexes et
enchevêtrées que Golda Meir ne le dit (coexistence avec les Palestiniens, Territoires
occupés, implications internationales). On donc peut dire que Golda Meir se montre peutêtre optimiste, voire simpliste, quand elle estime en conclusion que « la paix dépend et a
toujours dépendu, uniquement, d'une seule chose : il faut que les dirigeants arabes
admettent notre présence ici ».

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