La phytothérapie contre les pucerons en agriculture biologique

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La phytothérapie contre les pucerons en agriculture biologique
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La phytothérapie contre les pucerons en agriculture biologique
Sophie Joy ONDET, responsable des essais phytothérapie au GRAB
Synthèse pour MBI : Catherine MAZOLLIER
La phytothérapie est un domaine qui intéresse un large public d’agriculteurs biologiques. Il
parait en effet séduisant de limiter les attaques de ravageurs ou de maladies en pulvérisant des
préparations « maison » : infusions, décoctions, macérations (purins) ... mais les données
concernant leur efficacité sont nombreuses et souvent contradictoires. Depuis 2003, les essais
réalisés au GRAB ont permis d’apporter quelques réponses, notamment pour le puceron vert du
pommier.
Protection contre puceron du pommier (2006)
Après les premiers tests réalisées au GRAB de 2003 à 2005, les infusions des 5 plantes suivantes ont
été retenues pour des essais contre puceron du pommier (Aphis pomi) en 2006 : armoise (Artemesia
vulgaris), saponaire (Saponaria officinalis), menthe poivrée (Mentha piperita), tanaisie
(Tanacaetum annuum), sauge (Salvia officinalis).
Impact sur les populations de pucerons :
Ces cinq plantes ont été comparées en 2006 à un témoin eau et un témoin non traité (« témoin sec »).
Les infusions ont été préparées la veille du traitement et diluées (concentration à 10%). Après dilution,
ces préparations ont été ramenées à pH 6 avec du vinaigre d’alcool (y compris le témoin eau).
"#
Préparation des infusions : Mettre 100 g de plante sèche dans 5 litres d’eau bouillante (ici eau de forage de pH 7,1).
Laisser refroidir dans le récipient avec son couvercle (remuer peu pour limiter les évaporations). Filtrer la préparation.
Les tisanes sont utilisées rapidement après préparation (maximum 2 jours). La dilution des tisanes a lieu le jour de
l’application, avec ajustement éventuel au pH 6 avec du vinaigre d’alcool blanc.
Les traitements ont été réalisés le matin sur la base de 1000 l/ha, tous les 7 jours, dès l’arrivée des
premières fondatrices de pucerons. Le cycle du puceron vert étant assez court sur pommier, seuls 4
traitements ont été effectués (pulvérisateur à dos). Chaque comptage a été réalisé 7 jours après
pulvérisation des tisanes.
Les résultats représentent le nombre de pucerons sur 21 rameaux sélectionnés par modalité (figure 1) :
$#La menthe poivrée (Me) et la tanaisie (Ta) limitent le développement du puceron dès le premier
traitement : elles sont statistiquement différentes du témoin le 18/04/06.
- menthe poivrée : 75% d’efficacité par rapport au témoin T, après 4 traitements (le 18/04/06)
- tanaisie : 77% d’efficacité par rapport au témoin T, après 4 traitements (le 18/04/06)
$#L’armoise (Ar) a une action plus lente et progressive au fur et à mesure des traitements.
$#La sauge (Sau) et la saponaire (Sap) ne donnent pas de résultats satisfaisants.
$#Les traitements à base d’eau (témoin eau Te) favorisent le développement du puceron.
Figure 1 :
Comparaison des différentes infusions
500
nombre de pucerons vert
450
400
11/04/06
04/04/06
350
18/04/06
300
250
200
150
100
50
0
Ar
Légende :
Me Sap Sau
T
Ta
Te
Ar
Me Sap Sau
T
Ta
Te
Ar
Me Sap Sau
Ar : Armoise, Me : Menthe poivrée, Sap : Saponaire, Sau : Sauge, Ta : Tanaisie,
T : témoin sec, Te : témoin eau
MARAICHAGE BIO INFOS n°56 - septembre - octobre 2008
Rédaction : Catherine Mazollier
GRAB - Agroparc BP 1222 84911 Avignon Cedex 9
04 90 84 01 70
! 04 90 84 00 37 E-mail : [email protected]
T
Ta
Te
-3"# Impact sur les populations d’auxiliaires :
Une présence importante de différentes espèces prédatrices de pucerons a été observée dans ce
verger : larves de coccinelles, de syrphes et de chrysopes essentiellement. L’impact des tisanes sur leur
développement a été mesuré : la figure 2 présente le nombre moyen d’auxiliaires par rosette le
18/04/06 (21 rosettes observées par modalité).
Figure 2 : comparaison du nombre moyen d’auxiliaires :
nombre moyen d'auxiliaires par rosette
Comparaison du nombre moyen d'auxiliaires
0,20
0,18
0,16
0,14
0,12
0,10
0,08
0,06
0,04
0,02
0,00
Ar
Me
Sap
Sau
T
Ta
Te
Les infusions de menthe poivrée, d’armoise et de tanaisie limitent de plus de 50% la présence des
auxiliaires : ce résultat pourrait être dû au fait que les pucerons sont moins nombreux sur ces rameaux.
Cette corrélation entre nombre de pucerons et nombre d’auxiliaires n’est cependant pas vérifiée pour la
sauge et la saponaire : le 18/04, la sauge a moins de pucerons et plus d’auxiliaires que la saponaire.
Protection contre puceron du pommier (2007)
Les infusions à 10% de menthe poivrée et d’armoise, retenues en 2006, ont été comparées en 2007 à
des infusions à 5% des mêmes plantes.
Les conditions climatiques printanières humides et fraîches de 2007 ont induit un développement plus
faible du puceron vert et une arrivée plus tardive des auxiliaires par rapport à 2006.
Comme en 2006, les traitements ont été déclenchés à une fréquence de 7 jours dès la présence des
premières fondatrices de puceron vert ; malgré une présence plus courte des pucerons verts, 4
traitements ont dû être réalisés (parfois renouvelés après des pluies lessivantes).
Lors de la 1ère observation réalisée le 02/04/07 (avant traitement), le nombre moyen de pucerons verts
étant différent entre les modalités, les données ont été ramenées à une base 100 à cette date, afin de
comparer objectivement les modalités.
Figure 3 :
Comparaison des infusions en fonction de l'évolution
du nombre moyen de pucerons vert (base 100)
140
nb moyen
120
100
02/04/2007
80
12/04/2007
60
23/04/2007
40
20
0
Ar 10
Ar 5
Me 10
Me 5
T
Te
Légende : Ar10 : armoise 10% ; Ar 5 : armoise 5% ; Me 10 : menthe poivrée 10% ; Me 5 :
menthe poivrée 5% ; T : témoin sec ; Te : témoin eau
MARAICHAGE BIO INFOS n°56 - septembre - octobre 2008
Rédaction : Catherine Mazollier
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L’analyse des résultats a été réalisée le 12/04/07 car le 23/04/07, la majorité des pucerons était ailés et
avait quitté les pommiers :
$#Le traitement à base de menthe poivrée à 10% (Me 10) induit une réduction des populations
de pucerons (différence statistiquement significative entre cette modalité et le témoin sec).
$#La menthe poivrée à 5% (Me 5) et l’armoise à 10% (Ar 10) sont également efficaces, mais la
différence n’est pas significative en comparaison du témoin sec.
$#La dilution à 5 % semble induire une perte d’efficacité des tisanes.
Protection contre puceron vert et rose ( Macrosiphum euphorbiae) sur basilic (2008)
Le puceron vert et rose Macrosiphum euphorbiae est une espèce très polyphage : il attaque de
nombreuses espèces légumières (pomme de terre, laitue, concombre ....) ainsi que des plantes
aromatiques comme le basilic. C’est sur cette dernière espèce que différentes infusions de plantes ont
été testées en 2008 par le GRAB. L’expérimentation a été mise en place sous abris sur plants en pot
de basilic (repiqués depuis 1 semaine et arrosés par aspersion 3 fois par jour). Les pucerons étaient
déjà bien installés sur les plantes lors du démarrage de l’essai.
Afin de vérifier l’intérêt de la menthe poivrée, de l’armoise et de la tanaisie qui étaient les plus
intéressantes dans les 2 essais précédents sur puceron du pommier, ces 3 plantes ont été à nouveau
testées en infusion à 10% contre Macrosiphum euphorbiae, en comparaison d’un témoin non traité.
Protocole :
Les tisanes ont été préparées la veille puis diluées à 10% le jour du traitement, mais pour des questions
pratiques, elle n’ont pas été ajustées à pH 6, contrairement aux essais précédents.
Les traitements ont été effectués l’après midi après 15h, après la dernière irrigation de la journée.
Fréquence des traitements : tous les 2 jours, en raison des irrigations fréquentes (lessivage des tisanes).
"#
Modalités comparées :
T
: Témoin non traité (sec)
Ar : Infusion d’armoise (Artemesia vulgaris)
Mp : Infusion de menthe poivrée (Mentha piperita)
Ta : Infusion de Tanaisie (Tanacetum annum)
diluées à 10%
Résultats :
Le graphique ci dessous présente le niveau d’infestation moyen en pucerons pour les modalités : seule
l’infusion d’armoise est statistiquement différente des autres modalités ; la menthe poivrée et la
tanaisie n’ont pas apporté d’efficacité dans cet essai.
Figure 4 :
"#
3 ,5
C o m p a r a is o n d u C o e f f ic ie n t m o y e n d e p u c e r o n s u r
b a s ilic
3
2 ,5
2
1 ,5
1
0 ,5
0
Ar
T
Mp
Ta
D’autres études seront réalisées au GRAB et dans d’autres stations afin de continuer
l’exploration de ce domaine complexe. Elles permettront de vérifier ces premiers résultats, et de
tester également des combinaisons d’espèces : menthe poivrée et armoise par exemple.
Par ailleurs, l’impact des tisanes sur les populations d’auxiliaires demanderait également des
études plus approfondies.
MARAICHAGE BIO INFOS n°56 - septembre - octobre 2008
Rédaction : Catherine Mazollier
GRAB - Agroparc BP 1222 84911 Avignon Cedex 9
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