Caractéristiques cognitives et affectives de l`élève présentant une

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Caractéristiques cognitives et affectives de l`élève présentant une
Caractéristiques cognitives et affectives de l’élève
présentant une déficience intellectuelle légère
Benoît Dumas,
Personne-ressource
Service régional de soutien et d’expertise à l’intention des élèves présentant une
déficience intellectuelle légère
2005
2
Préambule
L’enseignement est une tâche exigeante qui demande à l’enseignant d’être un spécialiste
de l’apprentissage. Elle l’est d’autant plus lorsque l’apprenant éprouve et manifeste des difficultés
d’apprentissage. En tant que professionnel de l’enseignement, il s’avère important de connaître et
de comprendre ce qui favorise ou peut faire obstacle à l’apprentissage chez l’élève. Le présent
document se veut être un outil pouvant aider en ce sens les enseignants et tous les intervenants
oeuvrant auprès d’élèves présentant une déficience intellectuelle légère.1
Afin de mieux comprendre le processus d’apprentissage de l’élève présentant une DIL, ce
document présente les caractéristiques cognitives et affectives de ces élèves. Les caractéristiques
cognitives sont directement liées aux différents processus cognitifs impliqués dans
l’apprentissage. Les caractéristiques affectives, quant à elles, ne sont pas directement liées à ces
processus, mais peuvent toutefois interférer de façon importante dans l’apprentissage de l’élève.
Cette présentation a pour but d’exposer les éléments permettant de mieux comprendre le
processus d’apprentissage de l’élève présentant une DIL.
1
Ci-après : «élève présentant une DIL»
3
I.
CARACTÉRISTIQUES
DES
ÉLÈVES
DÉFICIENCE INTELLECTUELLE LÉGÈRE
A.
Caractéristiques cognitives
PRÉSENTANT
UNE
Avant de présenter les caractéristiques cognitives des élèves présentant une DIL, il
s’avère important de préciser que celles-ci ont trait au développement et au fonctionnement
intellectuels de l’élève. Ces caractéristiques ont été dégagées à partir d’une comparaison entre le
développement intellectuel d’une personne sans déficience intellectuelle, d’une part, et d’une
personne avec une déficience intellectuelle d’autre part, et ce, en fonction de l’âge chronologique
et de l’âge mental. Dans le cadre de cette présentation nous ferons référence à Dionne, Langevin,
Paour et Rocque (1999) qui précisent en ce sens que
la mise en évidence des caractéristiques de développement et de fonctionnement prend
généralement appui sur l’une ou l’autre des comparaisons suivantes :
•
À âge mental égal. La personne est comparée à des individus sans incapacités
intellectuelles du même âge mental.
•
À âge chronologique égal. La personne est comparée à ses pairs sans incapacités
intellectuelles du même âge réel qu’elle (p. 328).
Afin de mieux situer les différentes caractéristiques cognitives dans le développement
intellectuel de l’élève présentant une DIL, nous vous invitons à consulter la figure 14.1.
De plus, avant de décrire les caractéristiques cognitives des élèves présentant une DIL, il
est utile de rappeler quels sont les différents stades de développement des enfants ‘‘normaux’’
tels qu’ils ont été décrits par Piaget et Inhelder (1976). En effet, la connaissance de ces différents
stades permettra de mieux situer l’élève présentant une DIL dans son développement et son
fonctionnement intellectuel.
Selon Piaget et Inhelder (1976) le développement intellectuel ne se fait pas régulièrement
mais s’effectue selon un continuum de développement de quatre stades. Le tableau 1 expose les
faits saillants des principales manifestations d’apprentissage de l’enfant à travers ces stades.
4
5
CARACTÉRISTIQUES DES ÉLÈVES PRÉSENTANT UNE DÉFICIENCE INTELLECTUELLE LÉGÈRE
TABLEAU 1 2
Stades de
développement
Manifestations de l’enfant
•
Sensori-moteur
•
•
•
•
Pré-opératoire
•
•
•
•
•
•
•
•
•
•
Opératoire concret
•
•
2
L’enfant apprend en explorant sans but, par essais et
erreurs;
L’enfant apprend en tâtonnant;
L’enfant a besoin de manipuler les objets;
L’enfant profite d’une approche multi sensorielle.
L’enfant apprend en imitant (il peut imiter l’adulte,
s’imiter lui-même dans ses propres expériences et par les
représentations qu’il s’en fait);
L’enfant apprend en faisant semblant (jeu de rôles/jeu
symbolique);
L’enfant a toujours besoin d’avoir recours au concret
(manipulation d’objets, établissement de liens avec ses
expériences et ses connaissances);
En contexte, l’enfant commence à utiliser des symboles
et des signes pour représenter le monde dans lequel il
évolue (dessin, mathématique, écriture, etc.);
L’enfant peut se représenter par imagerie mentale
(représentation symbolique) des objets;
L’enfant aime représenter ce qu’il apprend par le dessin;
L’enfant peut établir des liens avec ses connaissances
antérieures;
L’enfant commence à développer sa socialisation;
L’enfant est centré sur lui-même. En ce sens le travail
d’équipe nécessite d’être encadré;
L’enfant apprécie tout ce qui relève du monde
imaginaire.
L’enfant apprend en imitant. Il établit aisément et de
façon autonome des liens entre ses connaissances et les
nouvelles connaissances;
L’enfant a encore besoin de recourir au concret
(manipulation d’objets, établissement de liens avec ses
expériences et ses connaissances);
L’enfant organise avec un minimum de supervision les
nouvelles informations qu’il reçoit. Il commence à les
catégoriser. La carte sémantique, la carte d’exploration
ou le schéma sont autant d’outils à utiliser;
Inspiré de Martin (2002) et Piaget et Inhelder (1976).
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•
•
•
•
Opératoire formel
•
•
•
L’enfant explique plus facilement des relations de cause
à effet (acte/conséquence);
L’enfant apprend par le jeu (jeu de société, jeu
impliquant des règles plus complexes);
L’enfant socialise plus habilement mais peut avoir
besoin, le cas échéant, d’une supervision.
L’enfant recourt plus facilement à l’abstraction en se
représentant symboliquement des situations;
L’enfant est capable de raisonnement logique, d’émettre
des hypothèses, de déduire;
L’enfant apprend en mettant à l’épreuve ses propres
hypothèses;
Enfin, la socialisation se raffine. «Qui s’assemble se
ressemble». Dans un premier temps, le jeune socialise
avec des personnes qui semblent être comme lui sur la
base perceptuelle (mode, look, musique, etc.). Dans un
deuxième temps, le jeune dépasse le stade perceptuel
pour socialiser sur la base des goûts, des intérêts de
l’autre. Dans un troisième temps, le jeune peut socialiser
avec l’autre sur la base du mode de travail (travail
d’équipe). Enfin, le jeune parvient à interagir
socialement avec les autres en faisant abstraction des
différences.
Le tableau 1 nous permet de mieux comprendre le fonctionnement cognitif pendant le
développement de l’enfant.
Abordons maintenant les caractéristiques de l’élève présentant une DIL.
1. Une lenteur ou un retard de développement intellectuel
•
•
•
L’élève passe par les mêmes stades de développement que l’enfant «normal»;
Toutefois, l’élève a des fixations anormalement longues à certains stades de
développement;
Le retard de développement de l’élève s’accentue en raison de ces fixations.
2. Un ralentissement et un arrêt prématuré du développement
a) Ralentissement du développement
• Contrairement à l’enfant «normal», pour qui le développement est continu
entre 7 et 14 ans, le développement de l’enfant présentant une DIL ralentit
progressivement pendant la même période.
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b) L’inachèvement des constructions cognitives
• Chez l’enfant présentant une DIL, le développement s’arrête généralement au
début de la période opératoire concrète. En ce sens, il éprouve de la difficulté
avec les concepts abstraits.
Ces deux éléments sont très importants dans une perspective d’intervention
éducative.
3. Une moindre efficience du fonctionnement intellectuel
•
Une moindre efficience des processus de traitement de base de l’information :
Ceci fait référence à l’encodage, à la mémorisation à court terme, à la
récupération de l’information en mémoire à long terme, etc. L’élève présentant
une DIL manifeste des déficits importants dans ces processus de traitement de
l’information. Le tableau suivant présente de manière plus détaillée ces déficits
ainsi que leurs principales manifestations chez cet élève.
Tableau des différents déficits dans les processus du traitement de l’information
Déficits
Principales manifestations
Déficit d’attention sélective
L’élève présentant une DIL est capable
d’attention, cependant, il éprouve de la
difficulté à porter son attention sur les
informations pertinentes. Il éprouve de la
difficulté à les percevoir parmi un ensemble
d’information.
Déficit de la mémoire de travail
Chez l’individu «normal», la mémoire de
travail permet de maintenir temporairement
actifs et de traiter de 5 à 9 éléments
d’information. L’élève présentant une DIL est
particulièrement vulnérable à la rapidité et à la
quantité d’information qui lui est soumise.
Le manque de stratégies cognitives et
métacognitives et la difficulté à les mettre
spontanément en œuvre
L’élève présentant une DIL manque de
stratégies et traite dès lors l’information
beaucoup moins efficacement. Qui plus est, il
ne sait pas mettre spontanément en application
les stratégies dont il dispose. L’élève éprouve
de la difficulté à décider par lui-même du
moment propice de l’utilisation des stratégies
qu’il maîtrise.
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CARACTÉRISTIQUES DES ÉLÈVES PRÉSENTANT UNE DÉFICIENCE INTELLECTUELLE LÉGÈRE
4. Une base de connaissances pauvre et mal organisée
•
L’élève présentant une DIL a peu de connaissances et celles-ci sont mal
organisées. En effet, l’élève éprouve de la difficulté à faire les liens entre les
connaissances antérieures et les nouvelles connaissances acquises. Les
connaissances ne sont pas organisées en réseaux conceptuels. Ceci est le reflet
d’une pensée pré-opératoire.
5. Des difficultés de transfert et de généralisation
•
Comme mentionné précédemment, l’élève présentant une DIL éprouve beaucoup
de difficulté à résoudre des problèmes et à conserver les stratégies enseignées.
Lorsqu’il réussit à les conserver, il éprouve en outre de la difficulté à les
transférer dans une situation différente de celle où il les a apprises. L’élève
présentant une DIL manifeste des difficultés à utiliser dans des contextes
différents ce qu’il maîtrise pourtant dans un contexte donné.
B. Les caractéristiques affectives
Les caractéristiques affectives peuvent avoir une grande incidence sur le processus
d’apprentissage. Ces caractéristiques sont en fait des réactions ou des mécanismes de défense
traditionnellement associés aux incapacités intellectuelles. Dionne, Langevin, Paour et Rocque
(1999) soulignent que «ce sont des caractéristiques pouvant résulter de l’expérience répétée et
durable de l’échec et de la ségrégation» (p. 332). Tout comme les caractéristiques cognitives,
elles ne sont pas forcément observables chez l’ensemble des sujets. Par ailleurs, il est important
de mentionner que ces caractéristiques ne sont pas uniquement intrinsèques à la personne
présentant une DIL, mais pourraient également témoigner de l’influence des conditions
éducatives de l’environnement scolaire et familial chez tous les élèves
Voici donc les principales caractéristiques affectives observées chez les élèves présentant une
DIL.
1. Une faible motivation ou une orientation spécifique de la motivation
•
De façon générale, l’enfant présentant une DIL semble manquer d’intérêt et de
motivation. Laissé à lui-même, il ne sera pas enclin à entreprendre des activités.
Parallèlement, certains enfants auront tendance à avoir des intérêts très marqués,
voire même des fixations pour un objet ou un sujet en particulier. Cette
caractéristique représente une difficulté importante pour les intervenants et les
parents. Comme nous le savons, la motivation est un moteur important dans
l’apprentissage.
9
2. Une faiblesse de l’estime de soi
•
L’élève présentant une DIL aura malheureusement vécu plusieurs situations d’échec
dans sa vie. Ces expériences d’échec répétées deviennent un puissant facteur de
démotivation qui ne contribue certainement pas à la formation d’une bonne estime de
soi ni à la formation d’un sentiment de compétence. En ce sens, l’élève présentant
une DIL aura souvent tendance à demander l’approbation de l’adulte.
3. Une certitude anticipée de l’échec
•
L’élève présentant une DIL parvient difficilement à croire en ses capacités à
apprendre en raison du grand nombre de situations d’échec vécues. Il arrive à être
persuadé qu’il est inutile d’essayer à nouveau puisqu’il échouera encore. Il aura
souvent tendance à dire: «je ne suis pas capable!» avant même d’avoir pris
connaissance de la tâche à réaliser.
4. Une faiblesse du degré d’exigence
•
L’élève présentant une DIL éprouve de la difficulté à analyser les tâches qu’il aura à
réaliser. Il éprouve de la difficulté à bien cerner ce qui est à faire pour s’acquitter
convenablement de la tâche. En ce sens, il aura tendance à sous-évaluer les actions à
poser pour s’en acquitter et par conséquent à être peu exigeant envers lui-même.
Cette caractéristique s’ajoute aux difficultés à prévoir et à planifier les actions à
entreprendre (lien avec le manque de stratégies et la mise en application spontanée de
celles-ci).
5. Une pauvreté des investissements
•
En raison du faible degré d’exigence envers lui-même, l’élève présentant une DIL
risque d’investir beaucoup moins d’énergie et de temps dans la réalisation d’une
tâche. Il aura tendance à compléter rapidement sa tâche.
6. Un système d’attribution des échecs inadapté
•
Devant une situation d’échec, l’élève ne remet pas en question son faible degré
d’exigence ou le peu d’investissement consacrés à la tâche. Il ne protestera pas non
plus contre la complexité d’une tâche ou d’un enseignement inadapté. L’élève est
convaincu qu’il n’est pas capable. Cette caractéristique contribue à renforcer
plusieurs des caractéristiques déjà présentées.
7. Une absence ou une inadéquation du scénario de vie
•
Comme vu précédemment, l’élève présentant une DIL éprouve de la difficulté à
anticiper, à prévoir (reflet d’une pensée pré-opératoire). Déterminer ce qu’il voudra
faire plus tard dans la vie est tout aussi difficile. Il parviendra dans certains cas à
identifier un scénario de vie. Par contre, ce dernier sera peu ou pas réaliste. Son
scénario de vie ne tient pas compte de ses capacités réelles et de ses limites.

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