Recueil des chroniques de la Transat Québec St

Transcription

Recueil des chroniques de la Transat Québec St
Parc Nautique Lévy (1984) inc.
TRANSAT QUÉBEC ST-MALO
2012
RECUEIL DES CHRONIQUES
DE L’ÉQUIPE DE VOILE
GEORGES LEBLANC
SUR LE VOILIER
OCÉAN PHÉNIX
DÉPART
Date : dimanche 22 juillet 2012
Heure : 1135 heure avancée du Québec
ARRIVÉE
Date : dimanche 5 août 2012
Heure : 1436 heure avancée du Québec
TEMPS DE COURSE
14 jours 3 heures 01 minute 16 secondes
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Enfin partis !
Le matin du départ d’une course, c’est fou comme tout me paraît irréel, c’est peut-être une libération
car si l’on se prépare depuis si longtemps c’est pour aller naviguer et non pour se la couler douce sur
les quais et les bancs des bars du port.
Cette nuit, j’ai dû travailler car j’avais des tâches importantes à terminer et j’ai empiété sur mon temps
de sommeil. Ça me rappelle la navigation en solitaire où je devais souvent me contenter de petits 20
minutes lorsque possible. L’important est que nous partions ce matin et que tout l’équipage a bien hâte. Les quais sont encore bondés, les gens nous encouragent et finalement nous ramassons notre barda et quittons le ponton en direction du sas de l’écluse. Les gens sont entassés pour voir passer les
coursiers. Il est à peine 9h00 et le vent souffle du secteur ouest. Ça augure bien, les conditions devraient être meilleures que ce que nos avons connu en 2008.
Le départ des classes 40 est donné à 11h20 et pour nous, de la classe Open, le signal du départ comme prévu, est à 11h35.
Notre classe Open comprend trois trimarans et un Open 50, tous des voiliers différents. Le jeu de la
devinette commence. Est-ce que nous prendrons notre départ du côté sud ou du côté nord? Voilà la
question que plusieurs doivent se poser. Nous sommes 5 voiliers à parcourir la ligne de départ, un peu
comme si on tournait en rond sans savoir où aller. Le décompte commence sur la radio VHF. Je laisse
la responsabilité du chrono à Walter tandis que je barre et que Sébastien synchronise les manœuvres
au cockpit. Toute l’équipe se met à manoeuvrer, chaque geste est important. Nous sommes tous unanimes sur la question. Il ne s’agit surtout pas de passer la ligne avant que le signal ne se fasse entendre car si c’était le cas, nous devrions rebrousser chemin et reprendre notre départ. Celui-ci s’est effectué avec quelques secondes de retard et le spi en a mis tout autant à se déployer.
Tout au long de l’après-midi, le vent varie en force et en direction. Bien que nous soyons partis un
quart d’heure plus tard, le Océan Phénix réussit à rejoindre le peloton et l’humeur est à son meilleur
jusqu’au moment où nous faisons un virement par vent arrière (empannage) un peu trop rapide et que
la bastaque n’étant pas relâchée, celle-ci retient la grand-voile, ce qui fait que le voilier accélère et le
spinnaker léger se sectionne et part à la volée en tête de mât. La voile aura besoin d’une importante
réparation avant d’être à nouveau réutilisable. L’important est que la sécurité de l’équipage n’a été aucunement compromise si ce n’est que Michel a goûté à l’eau salée qui a léché le pont. Malheureusement, les manoeuvres pour récupérer les lambeaux de voile nous ont causé un important retard. De
plus, le passage de la traverse Saint-Roch peu profond et étroit nous oblige à respecter le balisage,
contrairement aux concurrents qui ayant une quille moins profonde peuvent se permettre de faire du
rase-cailloux. Nous verrons ce que la nuit nous réserve, c’est à suivre…
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OCÉAN PHÉNIX FAIT DES RONDS DANS L’EAU
La portion fluviale de la Québec St-Malo représente un important défi pour l’ensemble des coureurs. Le
fleuve St-Laurent est un cours d’eau où l’on doit conjuguer avec les marées, les forts courants, les
hauts-fonds et une circulation maritime active.
Je ne compte plus les fois où j’ai expliqué que les difficultés de navigation du fleuve et son golfe sont
comparables aux difficultés de navigation de nombreux cours d eau dans le monde, qu’il est plus ou
moins difficile à naviguer que bien d’autres cours d’eau ayant une configuration géométrique semblable. Il génère des conditions météo locales imprévisibles, il est casse-bateaux ou alors il faut nous retrouver au bon endroit au bon moment pour profiter des avantages qu’il nous offre.
Notre départ de dimanche s’est déroulé sans anicroche puis, nous nous sommes dirigés à une vitesse
raisonnable en direction de la flotte des leaders qui s’orientait vers le passage au sud de l’Ile-auxcoudres. C’est à ce moment que notre spi s’est déchiré pour aller flotter en tête de mât retenu uniquement par sa drisse.
Voilà le genre de complications qui signifie que tout l’équipage doit bosser tout près d’une heure pour
amortir le bordel qu’engendre une telle situation. Un voilier ayant un tirant d’eau de 4.4 mètres tel que
le Océan Phénix nous oblige à rallonger notre route afin de ne pas planter le bulbe de quille dans le
sable. Les équipiers regardent tristement les classes 40 qui traversent la batture en direction de la
marque de parcours de la Malbaie. Peu importe notre lente progression vers la marque de parcours,
notre passage s’effectue sans heurt tout en ramenant un petit rayon de soleil dans les yeux des équipiers.
Mais, car il y a toujours un mais, sitôt la bouée contournée, le vent nous laisse sécher sur place et il
s’absente pour de bon.
Toute la nuit, les quarts se succèdent à toutes les trois heures. Je suis installé à la table à cartes, les
yeux rivés sur l’écran, je constate que la trace de notre parcours n’a rien de réjouissant. C’est aberrant,
j’y vois des cercles parfaits. Ça ressemble presque aux anneaux olympiques, la similitude s’arrête là.
La nuit qui n’est pas froide mais tellement décevante cède sa place au lever du jour qui nous laisse
entrevoir le même paysage que la veille. Si le vent tarde à se pointer, nous ne sommes pas au bout
de nos peines.
Le courant descendant du secteur de l’Ile Rouge, tel un aimant, nous attire sur sa batture. Après quelques heures à dériver dans sa direction, nous effectuons le virement de bord qui nous permet de nous
éloigner cahin-caha tout en effleurant ses hauts-fonds et de nous diriger vers l’Ile Verte. Heureux d’avoir bien négocié ce passage tout en profitant de la force du courant, nous observons, tristounets, un
classe 40 qui a dû mouiller l’ancre afin de limiter sa dérive vers cette batture inhospitalière. Le scénario
qui se déroule sous nos yeux nous porte à penser qu’il y en aura peut-être d’autres qui iront lui tenir
compagnie. Ne pouvant leur venir en aide, nous nous éloignons en souhaitant qu’Eole intervienne
dans les plus brefs délais.
Un beau temps pour relaxer sur le bord de la piscine mais pas pour naviguer.
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CE VENT TANT ATTENDU
Les coureurs au large à la voile sont très souvent éprouvés par le manque de vent, les calmes plats et
tout ce qui les empêchent d'aller vite.
Lundi, ça a été pénible d’éviter de s’échouer sur l'Ile Rouge. Nous avons dû redoubler d’efforts et cela
encore en raison de l'absence de vent. Celle-ci, maintenant sur notre bâbord arrière, je pensais bien
que le vent se pointerait le bout du nez afin de nous permettre de rattraper la flotte. Les équipiers s'informant auprès de moi des prochaines conditions météo, notre spécialiste de la météo s'installe au
carré et pitonne afin d'en savoir davantage sur le sujet. Effectivement, ce sont les vents et l'état de la
mer qui nous préoccupent. En résumé, tout ce que nous ne contrôlons pas. Pour un navigateur, il suffit
de réaliser que l'unique solution consiste à s'adapter et à bosser dur afin de faire marcher ce grand
bateau qu’est l'Océan Phénix. Par exemple, hier après-midi, sur les 35 milles en amont du Bic, une fois
de plus nous avons dû combattre la dérive et avons été victimes de la pétole. Personne à bord n’ose
faire mention de nos complications passées, de nos fausses joies lorsque par unique choix, nous nous
fions aux prévisions favorables annoncées sur les plus récents fichiers météo. Nous devons prendre
ce qui passe en nous disant qu'en course océanique il y a tout ce que nous ne pouvons changer et que
nous devons vivre et subir.
La soirée du 23 juillet est belle. Le vent souffle à 15 noeuds, ce n’est pas énorme mais ça suffit pour
faire avancer l’Océan Phénix vers la marque de parcours de Rimouski. Notre approche se fait prudemment, deux équipiers se postent sur le pont avant à la recherche du feu lumineux de la bouée que
nous devons contourner en gardant une distance sécuritaire du grand quai du phare de Pointe-auxPères. Du passage étroit que nous franchissons, nous apercevons dans l’obscurité les silhouettes des
spectateurs en attente sur le quai. Notre passage nous mérite des applaudissements et des coups de
klaxons. Ensuite, la voix sur la VHF nous fait entendre : "PASSAGE CONFIRMÉ DU OCÉAN PHÉNIX
à 21h30". Une autre marque de parcours de complétée. Enthousiastes, nous mettons le cap sur Matane. Le vent se met de la partie. Les voiles sont gonflées à bloc, nous filons allègrement à 12, 13, 14
noeuds en parallèle avec la côte gaspésienne. Je reste avec les équipiers du quart de Sébastien car
ça souffle fort et ça va vite.
La nuit tout est gris. Lorsque les rafales se font sentir, l'indicateur de vitesse s'affole. Nous sommes
tous contents de voir défiler sous nos yeux fatigués les villages illuminés comme si nous les biffions
sur la carte électronique de l'écran fixé à la barre à roue. René, caméra à la main, sous les lumières
des lampes frontales, filme l'action qui se déroule au cockpit avant que nous arrivions à Matane, la prochaine et troisième marque de parcours. Les 45 milles nautiques que nous parcourons à bonne vitesse nous réconcilient avec la performance recherchée. Pierre lance un appel VHF au comité de course
de la transat pour les informer que notre passage sera devancé. Il demande une confirmation de la
position de la bouée. L'officiel répond que la bouée est au large du quai et que les gens du comité sont
sur un bateau à l'ancre entre la bouée et le quai et que nous ne pouvons les manquer. Pierre répond à
la blague: "Nous avons votre bateau en visuel et passerons plus près de la bouée afin de s'assurer de
vous éviter!" L'officiel confirme le passage à 2h14 et 55 secondes et ajoute dans la même ligne de pensée: "Merci de nous avoir évité, bonne route vers St-Malo ainsi que les salutations habituelles à l'équipage".
Pendant que je continue de discuter avec les officiels, l'équipage manœuvre pour s'éloigner de la côte
à grande vitesse avec comme objectif la prochaine marque de parcours de Ste-Anne-des-Monts. Autre
mauvais coup du sort, moins de 10 minutes se sont écoulées lorsque qu’Éole nous laisse tomber une
fois de plus. Une nouvelle pétole est à envisager.
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QUEL TINTAMARRE!
Celui qui va en mer tout comme celui qui est équipier sur le voilier OCÉAN PHÉNIX découvre et
apprend à s'adapter aux bruits de l'environnement marin du voilier.
Souvent, le bruit des vagues qui viennent se briser sur la coque du OCÉAN PHÉNIX peut sonner
agréablement à nos oreilles. Un tel voilier de course doit être très léger, robuste et rigide pour atteindre
les performances désirées par le skipper. Les matériaux tels que: kevlar, carbone et époxy sont utilisés
pour la construction de ces bolides et les résultats en font de superbes caisses de résonance dont les
sons produits nous font deviner lorsqu’on va vite ou que la mer se rebiffe. Ce qui retient plus
particulièrement mon attention, ce sont les sons provoqués lorsque les vagues frappent la coque de
plein fouet ou tout simplement le bruit de la pluie sur le pont. Dans cet environnement, certains
membres de l'équipage ont peine à tolérer ces bruits inhabituels lorsque vient le temps du repos. Ils
préfèrent se mettre des bouchons dans les oreilles, ce qui n'est pas nécessairement sécuritaire s’il y
avait une urgence. Ils sont rarement seuls à dormir et (les ronfleurs et la ronfleuse) les obligent à
utiliser ce procédé afin de réussir à trouver le sommeil sans trop de mal.
Pour ma part, ayant à maintes occasions navigué en solitaire, je suis à l'affût du moindre bruit
incongru, de tous les sons bizarres, peu importe leur provenance. Ce sont eux qui m'informent d'un
problème, du changement d'humeur de l'océan, des accélérations du voilier, etc…. L'autre soir, à bord
du OCÉAN PHÉNIX, j'étais couché dans le lit sous le cockpit et mon équipage de quart n'a pas cessé
de me faire entendre toute la gamme inimaginable de sons. Ça va notamment des semelles qui
couinent, des cliquetis des winchs, des cordages qui claquent lorsque choqués, des manivelles de
winch échappées dans le cockpit, en passant par Philippe qui n’étant pas nécessairement un poids
léger saute dans le cockpit, les courroies de ligne de vie qui tapent le pont du voilier en vibrant sous
l'effet du vent, sans oublier les boutades entre équipiers qui déclenchent une avalanche de rires et de
réparties. Tout ce tintamarre me permet d'imaginer aisément l'intensité des moments vécus et surtout
la solidité de mon cockpit. Puis, après m'être amusé à identifier la provenance de tout ce tapage, je me
retourne la tête sur l'oreiller pour m'endormir à la seconde près pour un laps de temps trop court.
P.S. Pour ceux qui s'interrogeraient, hier à bord du OCÉAN PHÉNIX, il y a eu un bris de matériel qui a
eu pour conséquence de retarder notre progression dans la course. Nous sommes à bricoler et à
poursuivre notre route vers St-Malo en longeant les Iles-de-la-Madeleine de même que St-Pierre-etMiquelon. Le moral des troupes est bon et la course continue.
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SOMMEIL QUAND TU NOUS TIENS
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Les gens qui découvrent la course au large à la voile en suivant les équipages ont peine à s'imaginer
comment la vie se passe à bord d'un voilier de course.
Embarquez avec notre équipe pour avoir réponse à toutes vos interrogations.
Leurs questions peuvent parfois faire rigoler ou réfléchir, cependant elles sont légitimes et sont en rapport étroit avec nos besoins vitaux en tant qu'êtres humains. Ces besoins sont nombreux, certains sont
primaires comme boire, manger et dormir. On entend souvent ces expressions courantes: mort de fatigue, dormir debout, marcher au radar, brûler la chandelle par les deux bouts, etc… Moi qui ai navigué
assez souvent en solitaire, je me suis mérité la réputation de celui qui dort peu, même très peu. C'est
vrai qu'en course au large en solo sur la route du Rhum, je dormais lorsque c’était possible sur de
courtes périodes de 20 minutes, pas plus, ce qui est primordial au cas où un navire commercial rôderait dans les parages. Du fait que notre vision porte à environ 25 milles nautiques dans des conditions
idéales, si, par exemple, un cargo naviguait à 25 noeuds et moi à 12 noeuds en direction inverse, il est
hallucinant de penser qu'en moins d'une demi-heure, je pourrais entrer en collision avec ce monstre
d'acier qui de plus, pourrait n’avoir aucunement conscience de ma présence.
Donc, ne pouvant être vigilant les yeux fermés et l'esprit à OFF, je répartis le sommeil indispensable
par 6 à 8 plages de 20 minutes par périodes de 24 heures. Cela représente environ 2 h 20 minutes et
des centaines de micro-sommeil.
Avant le départ on m’a dit: "Mais, avec un équipage de 12 personnes, tu vas pouvoir dormir! ". J'y ai
cru. Ça se passe toujours pareil lorsqu'on est le skipper, pour preuve, voici quelques-unes des situations vécues lors de cette journée.
J’avais très peu dormi la nuit précédente et ce qui n’aide en rien, le soleil se lève tôt. La journée débute
avec le barreur qui m'avise que nous sommes tout près d'un haut-fond. J'entre à l'intérieur pour me
heurter à un équipier qui m'informe que l'énergie est trop basse, il va falloir recharger les batteries. Ces
deux inquiétudes derrière nous, je m'assois pour déjeuner et les équipiers réclament que je fasse remplir les réservoirs des ballasts (réservoir dans les murs latéraux pouvant se remplir d'eau pour ainsi
contrer la gîte). Ce matin, ça bastonne, l'eau roule sur le pont avant et aussitôt l'alarme est donnée car
un filet d'eau s'écoule à la base du mât. Un équipier m'accompagne afin de protéger le chargeur électrique. Le calme revenu, je me verse un café lorsque tout à coup, de l'intérieur nous entendons un
BOUM. C'est une sangle de poulie qui vient d'éclater. Vite! Vite! Skipper as-tu un autre ria (un morceau
de la poulie)? J'en trouve un et un équipier se met aussitôt à l'oeuvre pour l'installer. Ce nouveau problème réglé, Michel m'attend au centre de navigation car il veut m'informer sur les prévisions de la météo.
C’est maintenant l’heure du changement de quart, j'en profite pour commencer à écrire ma chronique
journalière. J'ai à peine trois ou quatre lignes de rédigées que j'aurais besoin d'un cure-dents pour tenir
mes paupières ouvertes. Arrive maintenant l’heure du repas du soir. Ça sent drôlement bon et je n'ai
pas la moindre envie de m'abstenir. Sur le moment, je préfère manger plutôt que dormir. Pas le temps
de terminer ma ratatouille préparée par Laure, le vent forcit et je dois aller sur le pont avant pour aider
à affaler la voile. C'est comme cela toute la journée. Et dire qu’on aime ça et qu’on en redemande!
J’aspire à me coucher mais toutes les bannettes sont occupées, tant pis, je m'installe dans le hamac à
Sonia dans la soute à voiles. Ça berce en grand tout en suivant les mouvements du voilier. Quel délice! Je m'endors aussitôt pour au moins une heure ou peut-être plus si rien ne se détraque entre-temps
ou si le téléphone ne sonne pas.
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IL N'Y A PAS DE PETITES TÂCHES À BORD
À bord du voilier OCÉAN PHÉNIX, il y a 12 personnes qui y vivent pour plus ou moins une quinzaine
de jours. Le feu roulant d'une journée se compose bien évidemment de la navigation et des manoeuvres qui s'y rattachent mais aussi des multiples tâches répétitives du quotidien.
Douze personnes signifie une quantité de bouffe astronomique mais tout de même gastronomique,
une quantité phénoménale de rebuts et des histoires de tous genres racontables ou non racontables.
Comme dans le vestiaire des joueurs de hockey, tout ce qui se dit sur l'OCÉAN PHÉNIX doit rester sur
le voilier. AH! J'oubliais maintenant qu'ils ont tous leurs bébelles électroniques telles que : iPhone, iPad
et Blackberry pour ne nommer que ceux-là, ils peuvent ainsi communiquer en temps réel nos bons
coups et nos déboires aux parents et amis ainsi qu'aux différents médias sociaux. Ça devient presque
risible de les voir pitonner, se concentrer sur l'écran de leur ordinateur aussitôt leur quart de travail terminé ou ignorer ce qu'on leur dit, du fait qu'ils sont branchés à leur musique.
S'il fait beau et chaud, c'est vite fait et bien fait. Par contre, s'il pleut, c'est le bordel. Il y a tous les habits de pluie, les bottes, les ceintures, les longes et les harnais à ranger au bon endroit. Ça dégouline
de partout. L’endroit ressemble à un pourtour de piscine. Attention! Voilà Philippe qui arrive comme un
joueur de curling avec sa moppe et qui assèche le tout en un tour de mains, d'ou lui vient son nom de
moppologiste!
La nuit est obscure, le brouillard et la bruine détrempent nos valeureux équipiers qui attendent impatiemment la fin de leur quart. Le voilier file à bonne vitesse, fend la vague et soulève des embruns qui
viennent doucher pour une dernière fois les équipiers qui espèrent la relève qui se fait attendre! Le café, le thé vert ou le chocolat chaud sont servis selon le choix des équipiers du quart entrant. Puis, les
équipiers exténués qui terminent leur quart sont bien heureux de laisser leur place aux cinq autres satisfaits de reprendre en main le voilier qui se comporte bien.
Le calme revient en moins de cinq minutes. Je regarde tout autour, c'est la désolation. Ça traîne en
grand, il va falloir y mettre bon ordre. Il y a des serviettes, des cannettes, des plats à soupe, tout ça
pêle-mêle; il nous faudrait une table plus grande. Certains sont plus conscientisés qu'il faut constamment participer au nettoyage et au ramassage. Ceux-ci se chargent de jeter les rebuts dans les poubelles de la cuisine. OH! Je crois qu'ils viennent de faire une petite erreur: Sonia met un terme à ce
genre de ménage, elle leur remet trois sacs: un pour le plastique, un pour les cannettes, un autre pour
le papier et elle se charge du compostage (déchets de cuisine). En plus, elle ajoute au babillard la
chronique à Ti-Mé pour la saine gestion des déchets. Il y a déjà quelques années, lors de grandes
courses, j'affichais fièrement le sigle "skipper propre" alors je sais où elle veut en venir. Par contre, ces
fois-là, j'étais seul à bord, maintenant il faut conscientiser les douze matelots!
Il ne faut pas oublier le lieu de rencontre fréquenté par tous mais à différents degrés où seul les plus
vaillants se présentent à tous les jours et è plusieurs reprises, je parle ici du coin lavage de vaisselle.
La méthode retenue est assez simple, il s'agit de bien manipuler la lavette et l'eau salée qui se trouvent à profusion autour de nous car il nous faut ménager l'eau douce. Comme vous le découvrez, il
faut posséder plus qu'un talent de marin pour vivre dans notre micro-société composée de douze personnes habitant un navire de 65 pieds car on dit souvent qu'en mer, un bateau rétrécit d'un pied par
jour!
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LES BANCS DE TERRRE-NEUVE
Les bancs, ce sont ces hauts-fonds situés au sud et à l'est de Terre-Neuve. Ils s'étendent sur environ
quatre cents milles au sud et tout autant à l'est de l'île. À mon avis, ils sont parmi les lieux marins les
plus inhospitaliers.
Pour ma part, je les ai traversés des dizaines de fois, soit en solitaire, soit en équipage. À chaque occasion, c'était différent pour les conditions de vent, mais semblables pour la température : du froid, de
l’humidité, du brouillard et de la houle. De plus, ils sont le passage par excellence des dépressions petites ou grandes. Ils savent éprouver les marins qui s'y aventurent, si les conditions de navigation
étaient toutes comme celles des bancs, ça freinerait l’ardeur de beaucoup de navigateurs.
Je les ai connus imprévisibles, en 1996, sur ma première transat Québc-St-Malo, nous avions été encalminés pendant plus de deux jours. Certains membres de mon équipage voulaient faire demi-tour,
convaincus que nous n’avions aucune chance d’arriver à St-Malo dans les temps. Étant le skipper je
leur répondis ceci: « Notre destination est St-Malo et nous nous y rendrons ». En 1998, j'y ai affronté
l'ouragan Danielle qui, selon les prévisions, n'était pas supposé venir rôder autour de ces fameux
bancs. Ce n'est que 250 milles plus loin que le THRILLER, un voilier de 45 pieds, a connu son funeste
destin. Il repose depuis ce temps à 6688 mètres de profondeur. J'y ai aussi traversé quelques tempêtes à l'aller ou au retour de l'Europe tout comme j’y ai rencontré des mers d'huile.
Jeudi soir dernier, l'OCÉAN PHÉNIX naviguait dans la partie des bancs appartenant à la France. À une
cinquantaine de milles de St-Pierre-et-Miquelon, nous naviguions sous grand-voile haute et spinnaker
afin de contourner l'île de St-Pierre que nous devions laisser sur notre tribord. Nous avons dû affaler
en vitesse afin de s'ajuster aux grands vents que nous souffle un front froid, phénomène apportant généralement de grands vents mais tout à fait habituel dans cette région du globe. Cette dernière marque
de parcours accomplie, nous poursuivons notre route en direction de St-Malo, en continuant vers cap
Race au sud-est de Terre-Neuve.
Le matin nous amène un début de journée ensoleillée, l'humeur de mon équipage est à son meilleur.
On en profite pour faire sécher les cirés. Il y en a partout. On dirait une vente de garage, mais pas de
clients pour évaluer la marchandise. Trop cher? Peut-être. Trop humide? Sûrement. De plus, si par
hasard, on croisait un client dans les parages, ça voudrait dire qu’on est restés trop longtemps sur les
bancs et que ça a affecté notre jugement.
Cap Race par le travers, Michel, notre responsable météo du bord, nous annonce des jours à venir
pluvieux et venteux. En fait, une couple de dépressions se pointent le nez et pourraient éventuellement
nous fournir des vents favorables si nous réussissions à les aborder par leur sud. Comme tout bon météorologue, les prévisions de Michel lorsqu'il s'agit de mauvais temps s'avèrent toujours vraies. Depuis
que le soleil a fait place aux nuages, les embruns balaient le pont de l'OCÉAN PHÉNIX. L'équipage se
fait brasser mais le bateau avance bien, alors pas de problèmes. Encore un à deux jours à goûter à
cette médecine, alors nous devons prendre notre mal en patience.
Définition d'un équipement de sécurité à bord du OCÉAN PHÉNIX.
Balise Cospas-Sarsat: Dispositif de secours émettant des ondes satellites captées par les secours internationaux leur indiquant la position selon la latitude et la longitude du bateau en danger.
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POUR QUAND LE SPI?
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Depuis quelques décennies, les voiliers de course au large évoluent constamment permettant ainsi de
plus en plus de vélocité. Cela est rendu possible en raison de leur forme planante, de la technologie en
général et des importantes superficies de voilure utilisées.
L’ OCÉAN PHÉNIX est un VOR 60 de 65 pieds de coque, de 97 pieds de mâture et d'une quille de
13,6 pieds pour un déplacement de 29,700 livres. Il a été conçu pour la course au large avec un équipage de 13 personnes, habituellement, des professionnels. C'est un voilier performant qui demande
énormément d'énergie comparativement au voilier Classe 40 beaucoup plus petit, plus léger et beaucoup
plus
facile
à
manœuvrer,
étant
conçu
pour
des
équipages
réduits.
Pour l'équipage du OCÉAN PHÉNIX, bien naviguer et de façon sécuritaire,
exige quelque fois de
définir où se trouve la limite de sécurité à respecter pour l'équipage actuel. Voilà pourquoi certaines
décisions doivent être prises selon les conditions et les circonstances que nous vivons et vivrons tout
au cours de cette transat Québec-St-Malo.
Le jour du départ, tout se déroule comme prévu jusqu'à ce que notre spi léger SEB, celui qui rend Sébastien très fier, se déchire suite à un empannage. Le spi de 5,260 pieds carrés se sectionne en deux
morceaux sur la quatrième barre de flèche. Ça nous désole en grand, ça n'a pas de bons sens de briser du matériel après seulement quelques heures du départ. De plus, ça nous fait perdre de précieuses heures sur nos concurrents. On se dit que la course est encore jeune. Pour la suite, le vent se fait
faiblard. Une fois dépassé Percé, nous mettons le cap à l'est en direction de St-Pierre-et-Miquelon
avec la ferme intention de nous repositionner en avant-poste. Le lendemain matin, nous hissons le
spinnaker en kevlar K22. Une voile blindée, puissante dans la brise. Enfin, nous filons à des vitesses
variant entre 14 et 20 noeuds. Tout l'équipage est concentré. Cependant, l’état de la mer combiné à la
vitesse et au vent nous dicte de diminuer la voilure.
Juste au moment où nous nous apprêtons à réduire la voilure, le barreur perd le contrôle du voilier qui
monte au vent, une pièce à l'étrave cède sous la pression et le spi s'envole en tête de mât et emporte
avec lui le balcon avant. Encore une fois, une situation incontrôlable et peu réjouissante. Par contre, ce
qui est réconfortant, tous les équipiers s'en sortent sans aucune égratignure. La conclusion de ce nouvel épisode se traduit par une gigantesque corvée de bricolage. Plusieurs heures perdues, des concurrents qui durant ce temps filent à vive allure sans qu'on ne puisse rien y faire, sans oublier la fatigue
accumulée.
Considérant les conditions de la mer même si cela s’avérait possible, la consigne est de s'abstenir
d'utiliser un spi tant et aussi longtemps que les filières et le balcon ne sont pas encore réparés, ceux-ci
ne protégeant pas les équipiers lors des manœuvres à l’avant, ne pouvant pas les retenir pour éviter
qu'ils tombent à la mer. Cette fois encore, il nous importe de favoriser la sécurité au lieu de la performance.
Hier soir, la brise soufflait régulièrement. Nous hissons un spinnaker sur chaussette. Ça ne fonctionne
pas du tout. La drisse fait des tours, la chaussette du spi refuse de monter et pas moyen de redescendre le tout. Il fait déjà sombre et il est impossible de voir ce qui se passe à 25 mètres au-dessus du
pont. Nous nous posons la question suivante: Est-ce que la drisse est sortie de son réa? Sébastien
monte à mi-mât pour sangler ce grand boudin qui valse en tous sens en attendant les premières lueurs
du jour. Dès l'aurore, René grimpera avec un plaisir fou pour aller libérer les cordages récalcitrants.
Ce nouveau problème réglé, depuis ce matin, nos voguons sous spi à bonne vitesse.
Vitesse du bateau au moment de l’envoi de ce texte : 20 nœuds
Spinnaker: voile d’avant légère, très creuse et très grande, utilisée aux allures portantes.
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AU MENU : GRANDS VENTS, PLUIE ET EMBRUNS
La météo marine moderne téléchargée à bord du OCÉAN PHÉNIX à l'aide d'équipements satellites
offre la possibilité de faire des choix judicieux sur la route à suivre pour rejoindre la Manche.
Lorsque je navigue sur l'Atlantique Nord en direction de St-Malo, je regarde la rotondité de la terre, son
horizon et je n'ai pas trop idée de ce que me réserve la météo pour la prochaine semaine. Je me permets de penser que si nous prenions la route habituelle par le nord, nous pourrions peut-être profiter
des vents dominants ou bien nous pourrions aussi être piégés dans des calmes plats et nous faire ballotter par une houle alors que le mât se balance comme un métronome et que les voiles claquent violemment. Peut-être pourrions-nous aussi nous retrouver dans une zone de clapotis casse-bateau ou à
chaque vague, la coque du voilier retombe brusquement en faisant vibrer le voilier d'un bout à l'autre et
rendant les manoeuvres particulièrement difficiles. Je peux vous dire qu'à chaque BANG! que l'OCÉAN
PHÉNIX fait entendre, ça fait mal aussi au skipper propriétaire.
Michel, notre responsable météo me fait remarquer que la semaine précédant la transat Québec-StMalo, le patron météo d'un bord à l'autre de l'océan était remarquablement bon, ce qui n'est pas le cas
cette semaine-ci. Nous analysons les fichiers météos, les cartes des vents, les simulations à 6, 12, 24,
48 et 72 heures et rien ne favorise le parcours habituel par le nord. Michel suggère plutôt de naviguer
légèrement vers le sud-est afin d'atteindre le moment idéal pour mettre le cap direct sur la Manche en
se faufilant entre les hautes et les basses pressions. Nous passerons la dépression en laissant son
centre sur notre tribord. ET BIEN, ÇA MARCHE! Depuis que j'ai accepté son option, il pleut, il vente,
on est détrempés, les embruns se succèdent mais on fait une bonne route dans la bonne direction et à
bonne vitesse. De plus, la force du vent fluctuant souvent, j'attends le moment où on m'appellera pour
prendre deux ris dans la grand-voile. Une telle manoeuvre lorsque l’OCÉAN PHÉNIX file à 14 noeuds
doit être bien synchronisée.
Walter continue de barrer tout en gardant le cap. Tout le monde est sollicité. Philippe relâche la drisse,
Sonia prend la prise de ris, Martin rentre les bosses de ris 1 et 2, Marc s'occupe de l'écoute de la grand
-voile et Pierre reste au moulin à café. GO! C'est parti! Tout fonctionne à merveille sans gêner la vélocité du voilier. C'est presque parfait. Il reste à prendre la tension sur la drisse. C'est OK pour le ris 1.
OK pour la bosse de ris. Marc borde l'écoute. Tout est beau, la vitesse est meilleure et ça ménage le
gréement.
Pour nous, lorsqu'on choisit notre météo, l’important c’est d'avoir du vent. Nous cherchons à nous positionner en bordure des dépressions afin de profiter des meilleurs vents et de rentrer vite fait au port de
St-Malo. Cette semaine, nous profiterons peu du soleil. Au menu encore pour quelques jours, grands
vents, pluie et embruns, ce qui nous amènera de bonnes vagues pour surfer.
Merci quand même Michel! Nous, ce qu'on désirait sur l'OCÉAN PHÉNIX c’était du bon vent, une mer
calme, le soleil, un ciel étoilé la nuit et surtout aller très vite. Plusieurs de ces options se retrouvent au
CLUB MED, pas au milieu de l’Atlantique nord.
Ris: cordage sur la grand-voile servant à prendre un ris.
Prendre un ris: action de diminuer la superficie de la grand-voile, celle-ci peut avoir jusqu'à trois ris.
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UNE MONTAGNE DE BOUFFE
Sur le voilier OCÉAN PHÉNIX ça travaille dur. À chacune des manœuvres, 6 à 7 équipiers sont sollicités, ce qui les amènent à déployer énormément d'énergie. Étant le skipper de cette bande, je suis fier
d'avoir à travailler avec tout ce beau monde.
Cependant, je ne suis pas sans me dire qu'ils puisent leur énergie grâce à une alimentation adéquate.
Tout cela a été planifié de main de maître par Sonia et je suis assuré qu'aucun d'entre nous n'arrivera
amaigri à St-Malo. Pour cause, 750 repas, des collations, 600 litres d'eau et 35 pains de mer de mon
ami Borderon ont été embarqués, ça représente de la planification, de la préparation et une somme
importante de boulot. Dans tout bon restaurant, il y a ceux qui préparent la bouffe, ceux qui servent le
client et il y a l'espace physique nécessaire. Ici, ça se passe avec un plancher incliné à 25 degrés et
dans un coin cuisine de 4 pieds carrés tout compris, sans oublier que nous sommes dans un monde
en perpétuel mouvement, pas mal moins stable qu'une navette spatiale avec douze goélands en attente de leur pitance! Nous devons faire la préparation et le service pendant que le voilier navigue dans
des vagues désordonnées créant ainsi des situations acrobatiques où la dextérité doit être un atout,
sinon le produit va finir sur le plancher salé à l'eau de mer.
Une fois où tout se passe dans le plus grand calme, Sonia remplit les 6 premières gamelles posées sur
la table, parce que nous les nourrissons 6 à la fois; i.e. le quart qui remplace mange en premier et
l'heure venue, ce sera au quart finissant de manger. Ce qui implique que le tout doit être prêt une demi
-heure à l'avance. Peu importe qui profitera de cette bonne bouffe, une fois chaque bol rempli, je leur
demande de venir manger. On y est presque lorsqu'au cockpit, sans nous aviser, la décision est prise
de border les voiles afin d'accélérer et du même coup, la gîte du OCÉAN PHÉNIX s'accentue. C'est la
catastrophe! Nous tentons tant bien que mal de retenir les plats, le ketchup, le pain, le beurre, le lait,
c'est peine perdue, ils tombent l’un après l’autre au plancher. Philippe sort la moppe et on recommence. C’est une situation désagréable qu'il vaut mieux ne pas répéter trop souvent, sinon on leur servira
une ration comme dans l’armée, ça leur fera apprécier la gastronomie du bord.
Ce matin, le voilier file à une vitesse entre 10 et 14 noeuds, la vague et la gîte sont modérées, ça nous
permet d'annoncer au menu: oeufs brouillés, saucisson de Bologne, pain grillé et café. Dans le coin
cuisine de 4 pieds carrés toujours, nous sommes deux. J'ai pour mission de tenir d'une main la casserole sur le feu pendant que Sonia casse la douzaine d'oeufs et les tournent jusqu'à ce qu'ils deviennent
d'un beau jaune. De l'autre main, je tourne les rôties tout en surveillant la poêle où elle place la viande
en continuant à retourner les oeufs. Une fois le tout cuit, elle ferme les réchauds car il fait chaud en
"tabarouette" dans notre petite cuisine! Le service peut commencer. Je verse les jus de fruits un à un
et leur donne vite fait afin que ce ne soit pas moi qui les renversent. Sonia a déjà rempli les plats et
moi je leur file leurs rôties de pain de mer pendant que l'un d'entre eux retient le pot de beurre d'arachides qu'on garde loin de Pierre qui est allergique.
« Vite! Vite! Les gars vous attendent dehors, il est bientôt 6 heures. Eh! J'en veux encore! Y a-t-il encore des rôties? Puis-je avoir du café? Il s'en vient, tous les réchauds sont occupés. Maintenant, allez,
il y a la vaisselle à faire. »
C’est une situation qui se vit trois fois par jour pour les repas complets et à cela s'ajoutent la soupe ou
les rôties en pleine nuit.
Gamelle: À bord du OCÉAN PHÉNIX, c'est le plat à chien en acier inoxydable muni d'un caoutchouc à
la base qui a été retenu pour sa stabilité…
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INDISPENSABLE ÉNERGIE
La navigation moderne de 2012 n'a rien en commun avec la navigation d'il y a une cinquantaine d'années, surtout lorsqu'il s'agit d'appareils électroniques, des besoins en communication et de l'énergie
électrique du bord.
Il n'est pas si loin le temps où la consommation en électricité sur un voilier se limitait à l'éclairage du
carré et à quelques instruments électroniques. Il en est tout autrement sur le OCÉAN PHÉNIX qui possède un ensemble électronique pour la navigation RAYMARINE des plus modernes qui se traduit par
une vingtaine d'instruments tels que : radar, pilote, AIS, radios VHF, standard C, BGan, GPS, ordinateurs, caméras, téléphones IRIDIUM et sans oublier les besoins indispensables tels que : le chauffage,
le frigo/congélateur, les feux de route, plafonniers, etc… Il ne faut pas oublier non plus les appareils
que chacun des équipiers transporte avec lui: iPod, iPhone, iPad, ordinateur et autres.
Le calcul de la dépense en énergie de 12 Volts a de quoi nous effrayer du fait que nous consommons
cette précieuse énergie 24 heures sur 24 et que, sans celle-ci, les équipements de notre voilier énumérés ci-haut s'éteindraient les uns après les autres et nous devrions revenir à la navigation à l'ancienne.
Depuis l'acquisition de ce voilier en 2009, nous avons expérimenté de nombreux systèmes de recharge. En 2010, notre choix s'est arrêté sur une génératrice MASE de 6,5 KW qui devait combler tous nos
besoins en énergie. Contrairement à nos attentes, elle nous a drôlement fait sacrer et le voilier vibrait à
nous faire perdre nos plombages dès les premiers tours de son engin; de plus, elle refusait de démarrer une fois sur deux. Pierre et moi devions trouver une nouvelle astuce pour la faire fonctionner à chacun des essais. Un certain matin de la course Rimouski-Anticosti-Rimouski en 2011, je me suis fâché :
"La tabarnak! C'est moi qui l'ai rentrée tout seul, ben là, j’suis capable de la sortir aussi vite par où elle
est rentrée!". Puis, tel que promis, son règne se termina à la fin de la saison. Par contre, ce sont les
équipiers qui l'ont sortie à ma demande! À quatre, ils ont posé la pièce de 320 livres sur le quai. BON
DÉBARRAS!
Nous voilà sans groupe électrogène pour prendre le départ de la transat Québec-St-Malo, il fallait donc
trouver une alternative pour renouveler une consommation de plus de 25 ampères par heure. Comme
souvent, les problèmes trouvent leurs solutions d'eux-mêmes. Cette fois-ci, c'est notre partenaire DJ
Peintures, compagnie de Dave notre équipier, qui nous équipe d'un diésel Nanni 14,5 HP auquel sont
couplés deux alternateurs 105 ampères. Notre nouvelle bébelle porte comme par hasard le nom de
Pamela!
À présent, nous ne sommes pas encore sorti du bois pour autant car nous pouvons produire de l'énergie en quantité suffisante mais nous rencontrons des difficultés pour emmagasiner toute cette énergie:
ce sont les groupes de piles qui flanchent! Cette fois-ci, c'est l'équipier Pierre, de l’entreprise Innovexpert qui prend sur lui de refaire entièrement le système de distribution et de fournir les accumulateurs
(8 piles 6 volts).
Enfin, notre système est adéquat, performant et la navigation comme la vie à bord sont redevenus
agréables.
AIS : (système d'identification automatique du navire) système de repérage et d'identification des bateaux et navires commerciaux. Le système émet et reçoit des fréquences VHF qui sont identifiées en
s'inscrivant sous forme de navire sur nos écrans de navigation selon leur position réelle.
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LA MER QU'ON VOIT DANSER !
Prendre des vacances au bord de la mer, naviguer sur les différentes mers du globe, vivre des produits
de la mer, aller en mer ou encore gagner sa vie en mer sont tous de différents moyens de faire
connaissance avec celle-ci.
La mer ou l'océan, peu importe comment vous préférez l'appeler, occupe une superficie s’étendant sur
les 2/3 du globe et elle ou il prend aussi une place primordiale dans la vie des gens. Pour continuer
mon paragraphe et faciliter la compréhension, je vais opter pour le genre masculin. Même si la plupart
des gens le craigne, il y a de fortes chances qu'un jour ou l'autre vous en fassiez la connaissance.
Nous, les coureurs au large, on lui court après. (J’aurais peut-être du opter pour le genre féminin après
la phrase que je viens d’écrire). Moi, je l'aime du genre calme avec un vent suffisamment fort qui permettrait à l'OCÉAN PHÉNIX de faire une bonne vitesse sans tangage, ni roulis. Ça c’est dans mes rêves. Depuis notre entrée sur l'Atlantique Nord, il en est tout autrement. Ça roule, ça tangue, ça ballotte,
ça secoue, ça mouille et j’en passe. Même si les vagues envahissent le pont avant de façon régulière,
ça ne va pas si mal, nous roulons à une vitesse qui oscille entre 12 et 18 nœuds; ça nous permet de
faire la route jusqu'à St-Malo. Par contre, si l’océan était plus plat, nous irions sans doute plus vite et
avec plus de confort. Comme je le répète souvent, c'est à nous à nous adapter à ce milieu marin. Comme les bons moments nous paraissent toujours plus courts que ceux qui nous fatiguent ou nous éprouvent, il nous faut voir ce qu'il nous offre de bon tout en augmentant notre seuil de tolérance.
Hier soir, après avoir passé plusieurs heures à l'intérieur à me faire brasser et à régler divers problèmes, je n'avais qu'une seule envie, aller rejoindre le quart à Walter qui prenait plaisir à barrer dans ces
vagues désordonnées. Assis au fond du cockpit, il y avait Sonia et Marc qui faisaient la jasette à Manon qui tardait à rentrer se coucher et je devinais les silhouettes de Pierre et Michel tout silencieux à
l’arrière du cockpit. J'ai pris une bonne bouffée d'air de l'océan, salin, pas trop frais et drôlement ravigotant. La pleine lune jouait à cache-cache à travers les nuages sombres qui voyageaient à l'horizon.
Le ciel s'est éclairci, les rayons lumineux de la lune éclairaient tout à coup cette mer mouvementée.
Cette lumière blanche faisait miroiter le dos des vagues qui roulaient en direction du OCÉAN PHÉNIX.
Elles s’enfilaient sous la coque ou bien se fracassaient sur celle-ci, selon l’humeur du moment. VLAN!
Je reçois des embruns en plein visage. Tout dégoulinant, je la trouve un peu trop familière, cette mer!
J'étais bien quand même et je me disais que c’était pour des moments bénis comme ceux-là que nous
naviguons. À cet instant précis, je n’aurais échangé ma place avec personne d’autre et je suis prêt à
parier que tous à bord abondent dans ce sens. J’avais envie de chanter "C"est beau la mer!" sur l'air
de "C'est beau un homme!", mais je me suis ravisé pour ne pas me retrouver fin seul dans le cockpit.
Les circonstances se prêtaient mieux pour entonner "La mer qu'on voit danser!"
Roulis: mouvement transversal d’un navire sous l’effet de la houle.
Tangage: mouvement d’un navire dont l’avant et l’arrière plongent successivement.
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DÉPRESSION OBLIGE
L'océan est toujours en mouvement tout comme son environnement l'atmosphère qui génère vents et
nuages à un rythme effréné. Dû à ces mouvements perpétuels, l'océan est constamment sujet aux
changements, du même coup, notre navigation s’en trouve influencée et quelquefois de manière défavorable.
Tout d’abord, lorsque nous faisions route vers Cap Race, les fichiers météo indiquaient que la route du
Nord, i.e. au-dessus du 50ième parallèle était d'un calme à décourager tout voilier de course d’aller
jouer dans ces eaux tranquilles. Nous n'avions d'autres choix que de filer plein cap à l'est et par la suite
de remonter vers le nord en bordure d'une dépression, car une fois de plus, les hautes pressions sur
bâbord ne promettaient que peu de vent. Dans les circonstances, c'était le seul choix raisonnable à
faire pour éviter d’être encalminés, ce qui est autant difficile à supporter que d’avoir du gros temps.
La dépression montait l'Atlantique Nord et nous profitions de son vent pour remonter, bien qu'elle se
déplaçait à une vitesse supérieure à la nôtre, l'OCÉAN PHÉNIX profitant du vent de cette perturbation
avait réussi à éviter les zones sans vent qui l'entouraient.
Mais par la suite, tout ne s’est pas déroulé nécessairement comme nous l'avions planifié, car la dépression est demeurée stationnaire tout près de l'Irlande pour ensuite redescendre contre notre route,
on s’est retrouvés alors piégés et nous avons rencontré des zones de vent à 40 noeuds avec une mer
atteignant un maximum de 8 mètres.
Avec la hauteur des vagues, l'OCÉAN PHÉNIX s’est payé des surfs variant entre 18 et 22 noeuds. C’étaient les vagues par le travers qui incommodaient le plus l'équipage. Elles venaient frapper brutalement le franc-bord tribord et la seconde d’après, cette masse d'eau était propulsée dans les airs pour
finir sa course sur le pont en éclaboussant du même coup les équipiers qui étaient de quart. Ce genre
de rodéo dura tout l'après-midi. Finalement, nous avons dû nous résoudre à tirer un bord vers le sudest afin de nous éloigner du centre de la dépression et de retrouver une zone de navigation moins perturbée. La damnée dépression redescendit encore pour alimenter notre zone en rafales. Bientôt, nous
aurons enfin les vents adonnants qui nous permettront de rejoindre l'entrée de la Manche.
La voile est un sport qui met la patience des équipages à rude épreuve et peut paraître singulier pour
les gens à terre qui n'ont pas à composer avec le vent et la mer!
Encalminé : situation dans laquelle se retrouve un voilier lorsqu’il est dans une zone sans vent.
Franc-bord : distance verticale de la coque entre la ligne de flottaison et le pont.
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OBJECTIF LA MANCHE.
Atteindre l'entrée de la Manche par le sud en laissant la France sur tribord et la Grande-Bretagne sur
bâbord, voilà notre objectif actuel; la Manche c'est la porte d'entrée sur l'Atlantique Nord.
Tous les équipiers ont bien hâte de voir la terre. Il ne nous reste que 195 milles nautiques à parcourir
et nous serons en Europe. Nous prévoyons l'atteindre en soirée même si une entrée de jour dans la
Manche aurait été souhaitable. Par contre, cette nuit, nous n’y verrons que le relief de la France dans
la noirceur alors que nous serons proches de la côte car le relief de la France au nord a peu d'altitude.
Nous allons devoir faire preuve de patience.
L'important c’est de mettre la voilure adéquate et de rentrer à St-Malo sans tarder car on a suffisamment traîné dans le secteur. Il faut surveiller les nuages, les grains qui peuvent nous occasionner de
mauvaises surprises. Il n'est pas de tout repos d'affaler (descendre une voile) un spinnaker à la dernière minute dans la houle, de lutter contre les rafales de vent qui s’entêtent à empêcher cette voilure de
descendre, qui la font claquer violemment au vent en augmentant la crainte des équipiers de ne pas
être suffisamment forts pour descendre le tube de la chaussette. Ces derniers jours, pour ce qui est du
vent et de la houle, on a été servis à ras-bord.
En début de matinée, le temps était propice pour un changement de voile. Donc, la décision fut prise
de hisser le spinnaker SM sur le capelage inférieur. C'est le branle-bas de combat, ils sont 5 sur le
pont avant pour affaler le génois 3 et, par la suite, hisser le spi qui s'ouvre comme une fleur. Il ne reste
plus que le tangon long de 29 pieds à installer. Ça fait plaisir de pouvoir hisser à nouveau un spi, la
force des vents combinée à l’état de la mer nous ont souvent privé de cette opportunité. De plus, depuis notre mésaventure avec le spi qui a emporté le balcon avant, il est plus problématique de s’aventurer sur le pont avant sans la protection efficace du balcon qui a été remis en place mais dont la solidité est aléatoire.
La manœuvre terminée, nous voilà aussitôt repartis de plus belle. La pluie se met de la partie, ça rafraîchit l'équipage et lave le sel sur le pont du OCÉAN PHÉNIX. De la pluie, on en a eu en quantité,
elle a été notre compagne de route sur une bonne partie du parcours, on vous en aurait refilé avec
plaisir vu la pénurie au Québec.
Nous allons bientôt apercevoir la terre à l’horizon, la fébrilité commence à se faire sentir parmi l’équipage, c’est toujours la même réaction peu importe ceux qui sont à bord, la proximité du continent a un
effet euphorisant et nous donne un coup de fouet pour terminer cette course qui nous a apporté son lot
de surprises bonnes ou mauvaises. Ça commence à sentir l’écurie et nous sommes impatients de rentrer.
Amure: Côté d'où vient le vent., i.e. tribord amures: le vent vient du côté tribord et les voiles se gonflent
du côté bâbord.
Empannage: Changer les voiles de bord sur une amure différente lorsque le vent arrive de l'arrière.
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ENFIN L'ARRIVÉE!
La fin d'une course océanique telle que la transat Québec-St-Malo marque l'accomplissement d'un
grand projet de L'Équipe de Voile Georges Leblanc.
Qu'on se le dise! Nous, les mordus de course au large à la voile, nous avons toujours hâte de partir
naviguer sur une grande course et avons aussi, il faut bien l’avouer, autant hâte de terminer, de franchir la ligne d'arrivée.
Il nous faut pour cela chercher à atteindre notre but le plus vite possible en faisant des choix, bons ou
mauvais, à chaque moment de cette course. Il ne faut surtout pas y perdre le plaisir de bien naviguer
mais plutôt chercher à comprendre pourquoi telle ou telle stratégie n’a pas fonctionnée.
Ça sent l'arrivée prochaine, la fin de la course, la liberté de l'équipage une fois à terre. Il y a une image
dans ma tête lorsque je les imagine à terre et il me semble les voir tels des petits veaux du printemps
qu’on fait sortir à l’extérieur pour la première fois, c’est un bonheur de les voir gambader, c’est un
spectacle qu’il faut avoir vu au moins une fois. Revenons à nos moutons qui ne comptaient pas de noir
parmi eux, heureusement. Même si la finale est proche, il ne faut pas ménager nos efforts, la course
n'est pas terminée tant que le signal de notre passage de la ligne d’arrivée n'aura pas été officiellement
confirmé.
Nous espérons rentrer à la lumière du jour et cela ne sera possible qu'à la condition que le vent souffle
jusqu'à la fin du parcours. C’est une de nos inquiétudes, LE VENT! Il fait partie de la panoplie de choses qu'on ne contrôlent pas; d"ailleurs, preuves à l’appui, nous ne l'avons pas eu facile avec Éole depuis le début de la course. Trop peu au début, trop fort au trois quart du parcours, et peut-être trop faible à l’arrivée, c’est un scénario à envisager, il m’a déjà fait ce coup-là.
Présentement, le ciel est à moitié couvert par les wagons de nuages, quelques-uns se suivent parechocs contre pare-chocs, d’autres laissent poindre les étoiles tout en haut et certains filtrent les rayons
de lune qui donnent lieu à d’étranges ombres chinoises qui évoluent dans cet environnement clairobscur. Le vent souffle entre 15 et 18 noeuds avec des rafales qui permettent à l’OCÉAN PHÉNIX d'afficher aux cadrans indicateurs de vitesse des pointes allant jusqu’à 20 nœuds.
Le vent aidant, c'est aux alentours de 2 heures du matin que nous apercevons le phare de Ouessant
avec son feu lumineux balayant l'entrée de la Manche. Il n’est pas aisé de distinguer la côte française
par une nuit semblable. Peu importe, ce sont plutôt les cargos qui nous préoccupent, car il s'agit de ne
pas se retrouver sur leur route tellement ils sont nombreux à circuler dans ces parages. Si le vent se
maintient, l'arrivée se fera dimanche. Mais nous sommes présentement dimanche, il est 5h45 du matin, ici, en France!
Nœud : unité de mesure de vitesse en navigation. Un nœud correspond à un mille nautique parcouru
en une heure.
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L'ARRIVÉE DU OCÉAN PHÉNIX À ST-MALO
Il y a eu le grand jour du départ, la course dans les circonstances et conditions souvent changeantes et
finalement l'arrivée à St-Malo qui marque la fin de la course, la fin de notre aventure sportive et
humaine.
Effectivement, le grand moment tant attendu de tous les membres de l'équipage conclut d'une certaine
manière quelques années d'efforts, d'entraînements et pour la plupart, la fin d'un grand rêve.
On peut s'imaginer comment on voudrait que soit notre arrivée, mais en réalité tout cela tient du
mystère, car tout est inconnu : l'heure, le vent et les conditions où tout ça prendra fin.
Nous sentons que le grand moment de l'arrivée devient de plus en plus proche. Au petit matin, lorsque
nous apercevons par tribord, le phare de Ouessant, l'humeur est à son meilleur à bord, car à la vue de
la terre, le jour de l'arrivée ne fait plus de doute; il est très proche. Le vent est favorable, la météo nous
annonce des vents adonnants sur toute la Manche. Pas si simple que ça! De gros nuages viennent
brouiller les cartes et remettent en question toutes nos prévisions. Il est dit qu'en Bretagne, il fait beau
plusieurs fois par jour et je crois qu’il serait difficile de dire le contraire. Nous subissons les
changements, les grains successifs qui nous entourent et influencent notre environnement .
À l'approche des grosses nuées sombres, le vent tombe et c'est la déconfiture à bord. Je vois
l'inquiétude dans les yeux des équipiers, dans les esprits, l'arrivée semble compromise. Mais non!
Nous arriverons aujourd'hui mais peut-être dans la nuit, je ne sais pas trop à quelle heure, leur dis-je.
Au grand désarroi de tous, le scénario du vent qui nous laisse tomber se répète à maintes reprises.
Nous pensons aux parents et amis qui doivent venir nous accueillir en pneumatique en se disant que si
nous arrivons, en pleine nuit, ils préfèreront sûrement dormir plutôt que de se balader sur les flots en
pleine obscurité.
Un peu de patience et nous sommes récompensés, les voiles se gonflent à nouveau et nous filons
vers la ligne d'arrivée.
Mais non! Le vent tombe à nouveau. À l'instant où nous commençons à nous résigner, une brise se
lève et nous bordons à nouveau, OCÉAN PHÉNIX allonge la foulée à 10, 11 et 13 nœuds et remonte
le chenal qui mène à St-Malo.
Un pneumatique vient vers nous. EH OUI! Ce sont nos amis québécois qui viennent nous accueillir.
C'est l'EUPHORIE sur le pneumatique tout comme sur OCÉAN PHÉNIX où les équipiers alternent
manœuvres et Bye! Bye!
Enfin, nous traversons la ligne d'arrivée, nous laissons la bouée Rance Sud par bâbord. Aussitôt les
voiles sont affalées, le moteur reprend du service et en moins d'un quart d'heure, on emprunte le sas
de l'écluse.
Qu'il fait bon retrouver les parents et amis au quai où nous amarrons l’OCÉAN PHÉNIX juste en face
de la Porte St-Louis.
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RETOUR SUR LA QUÉBEC ST-MALO
Le skipper Georges sur son OCÉAN PHÉNIX avait et a encore un gros mandat à remplir avant que ne
soit terminée la saison 2012.
Les opérations de l'Équipe de Voile Georges Leblanc regroupent plusieurs objectifs, lesquels sont liés
entre eux : il s'agit de former, d'apprendre, d'évaluer, performer et communiquer afin de faire découvrir
aux gens ce qu'est la course au large à la voile.
Dans un premier temps, faire un retour de la traversée sur la transat Québec-St-Malo sur laquelle 9
équipiers en étaient à leur premier contact avec l'immense et imprévisible océan qui ne s'est pas présenté sous son meilleur jour. Peu importe le côté qu’il nous a dévoilé, qui entre parenthèses n’était pas
le côté givré, c'est par lui que les équipiers ont appris à se connaître eux-mêmes. L'aspect positif de
cette aventure est que l'évaluation de chacun s'est faite dans des conditions assez musclées, rien de
moins! L'objectif ultime était principalement de mettre l'accent sur la sécurité et de ramener tous mes
équipiers en parfaite santé. Je considère donc avoir accompli ma mission. D'ailleurs, le son de cloche
qui résonne à mes oreilles est que les parents et amis des équipiers ainsi que le public en général apprécient que nous ayons privilégié la protection de tous et chacun.
Les équipiers de la course s'en retourneront d'ici quelques jours à leur petit train-train quotidien tandis
que pour moi, le répit ne sera que d'une dizaine de jours avant d'entreprendre le retour vers Québec.
Le départ se fera le 15 août avec à bord 9 équipiers. Ils se présenteront au voilier au plus tard le 12
août. Cela leur assurera quelques jours de détente pour apprécier St-Malo Intra-Muros et aussi pour
terminer la préparation de cette grande traversée d'ouest en est sur laquelle une première escale est
prévue à São Miguel et une seconde à Hortas aux Açores, pour finalement mettre le cap sur Halifax.
Ce sera encore possible de suivre la suite de notre aventure sur www.georgesleblanc.com. C'est peu
dire que cela a été une grande et enrichissante expérience pour moi d'effectuer la transat accompagné
d'un tel équipage. Imaginez la vie d'une douzaine de personnes à bord d’un voilier de 65 pieds deux
semaines durant. Tout cela a été possible et s'est bien déroulé en raison d'une préparation adéquate
où les besoins et attentes de chacun ont été comblés; le résultat est le fruit des efforts fournis tout au
long de l'année par les équipiers.
Merci à tous mes équipiers!
Cependant, je tiens à remercier ma collaboratrice et équipière Sonia pour l'appui, l'assistance et la détermination dont elle a fait preuve afin que nous réussissions à mener à bon terme ce grand projet par
lequel nous en ressortons tous grandis.
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APRÈS AVOIR EFFECTUÉ, AU COURS DE L’ÉTÉ 2012, DEUX TRAVERSÉES CONSÉCUTIVES
DE L’ATLANTIQUE NORD SUR MON VOILIER OCÉAN PHÉNIX; i.e. LA PREMIÈRE SUR LA "
TRANSAT QUÉBEC SAINT-MALO " ET LA SECONDE EN SENS INVERSE, JE SUIS DE RETOUR
AU PORT DE QUÉBEC. JE VIENS DE PARCOURIR PLUS DE 7,800 MILLES NAUTIQUES EN
MOINS DE 33 JOURS DE NAVIGATION.
Le dimanche 22 juillet, moi le skipper Georges Leblanc, je prenais le départ de la Transat
Québec Saint-Malo 2012; j’avais déjà participé aux précédentes éditions de 1996, 2000, 2004 et 2008.
Mais cette fois-ci, je me lançais sur cette grande aventure humaine et sportive avec onze équipiers à
bord de mon voilier VOR60 Océan Phénix et c’est après un parcours effectué en 14 jours 3 heures
01 minute et 16 secondes que nous traversions la ligne d’arrivée en face du grand môle à Saint-Malo.
Je venais de traverser l’Atlantique Nord et c’est là que prenait fin le périple des onze équipiers qui
m’avaient accompagné sur cette grande course océanique; neuf d’entre eux venaient de faire
connaissance avec un océan hostile et quelques jours plus tard tous s’en retournaient au Québec par
la voie des airs. Mais il en était tout autrement pour moi leur skipper qui devais ramener le voilier
Océan Phénix au Québec pour les premiers jours de septembre.
Pour la traversée en partance de la France à destination du Québec, un deuxième groupe
d’équipiers débarquait à Saint-Malo; cette fois-ci ils étaient neuf à se joindre à moi pour effectuer le
retour sur le continent américain. La première étape de Saint-Malo en France jusqu’à l’archipel des
Açores a été vraiment difficile en raison des nombreuses dépressions à contourner avant de nous
rendre tel que prévu à l’île de Sao Miguel notre première escale. Et puis, de l’île de Fayal, la seconde
escale, nous mettions le cap sur l’embouchure du Golfe du Saint-Laurent. Sur cette dernière portion
océanique, la météo fut plus clémente et les vents favorables, cependant l’ouragan nommé Kurk
remontait l’océan et risquait de croiser la route que devait suivre notre voilier Océan Phénix. Il nous
fallait passer avant qu’il nous rejoigne au beau milieu de l’océan; par chance les importantes distances
parcourues en peu de temps ont fait en sorte qu’un petit 150 milles nous séparait de Kurk lorsque celui
-ci passait derrière nous. Je lâchais un grand soupir de satisfaction en pensant que tout danger était
passé, mais devant nous s’annonçait aussi l’ouragan Leslie qui fonçait en direction de Terre-Neuve.
Encore une fois il s’agissait de s’esquiver afin de ne pas subir ses vents de 80 nœuds et plus ainsi que
la mer démontée qui l’accompagnera. Avant le passage de celui-ci dans nos parages, nous pénétrions
dans le Golfe Saint-Laurent juste à temps pour être en sécurité et c’est une fois là que l’on pouvait
affirmer que nous étions enfin arrivés au pays.
En 2012, sur ces deux traversées, des vingt personnes qui m’ont accompagné, dix-huit venaient de
vivre leur première traversée océanique. À noter que, au cours des années, sur mes nombreuses
traversées de l’Atlantique nord,j’ai permis à plus d’une centaine de personnes de vivre une expérience
inoubliable tout en réalisant leur rêve de faire connaissance avec l’immensité de l’océan. Pour suivre
les aventures et activités de l’Équipe de Voile Georges Leblanc, naviguez avec nous sur le site
www.georgesleblanc.com
L’
É
Q
U
I
P
A
G
E
Georges Leblanc
Skipper
Walter Timmerman
Chef de quart / Barreur
Pierre Lepage
Fore deck #2
Sonia Cormier
Piano
Sébastien Jean
Chef de quart / Barreur
Martin Dumont
Fore deck #1
Michel Sacco
Barreur / Trimmeur
Marc Drouin
Fore deck #1
Dave Gaudreau
Fore deck #2
Manon Marois
Piano
René Caissie
Fore deck #2
Philippe Morrisset
Grinder / Voile