Interview_TMP Conseils_Officiel des Cuisinistes_Mai 2015.

Transcription

Interview_TMP Conseils_Officiel des Cuisinistes_Mai 2015.
INTERVIEW
S
« pécialistes :
ne vous endormez pas
sur vos acquis»
Xavier Oberthür, expert en développement commercial et techniques de vente, a mené
pendant quatre mois une étude approfondie des pratiques commerciales en vigueur dans
le domaine de la cuisine au sein des principales enseignes d’équipement de la maison.
Son objectif ? Dresser un constat et mettre au jour des comportements pour nourrir
les formations qu’il propose à travers sa société TMP Conseils. Nous l’avons interrogé pour
en savoir plus.
Propos reccueillis par Julien Sol
R
iche d’une grande expérience dans le
monde de la cuisine, Xavier Oberthür
a décidé de se lancer en 2012 dans
l’aventure entrepreneuriale en créant sa propre
structure de conseil et de formation. Après avoir
connu Spatial, Espalux et la SALM pour Schmidt
et Cuisinella, il a passé sept ans chez Jean-Louis
Morel avant de rejoindre en 2008 le groupe
Fournier pour intégrer la marque SoCoo’c
en tant qu’animateur réseau grand ouest puis
directeur des ventes France. Son expertise
dans le domaine de la cuisine est donc reconnue. Nous sommes revenus avec lui sur l’étude
qu’il a consacrée aux enseignes de biens
d’équipement de la maison avant de l’interroger
sur le segment des spécialistes.
Après de nombreuses années dans le monde de la cuisine, Xavier Oberthür a décidé de partager son expérience et son savoir-faire en
créant sa structure de conseil et de formation TMP Conseils.
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L’Officiel des cuisinistes - MAI 2015
INTERVIEW
[L’Officiel des Cuisinistes] — Pourquoi avoir mené un audit
sur l’organisation commerciale des principales enseignes
d’équipement de la maison dans le domaine de la cuisine ?
[Xavier Oberthür] — Mes missions de conseil en développement
commercial me conduisent à garder un lien étroit avec le terrain.
Je réalise des audits, des visites mystères et je continue à vendre régulièrement pour garder un pied dans le concret et observer les évolutions du comportement d’achat. Aujourd’hui, beaucoup de
formateurs ne sont plus sur le terrain et se réfèrent à des méthodes
rapidement dépassées. En réalisant cette étude approfondie sur les
grandes enseignes de l’équipement de la maison, j’ai souhaité obtenir
une analyse des forces et des faiblesses de leur organisation pour établir un plan d’action. Il s’agit de déceler les points d’effort et faire partager les bonnes pratiques. Avec ma société TMP Conseils,
je mets à disposition mon savoir-faire dans la vente et le management
commercial avec deux axes principaux : le conseil/accompagnement
des équipes de terrain et la formation avec comme seul objectif des
résultats rapides et concrets.
[O.C.] — Comment avez-vous procédé ?
[X.O.] — J’ai audité pendant quatre mois près de 200 points
de vente des cinq principales enseignes françaises d’équipement
de la maison avec plusieurs points d’analyse : accueil téléphonique,
environnement des magasins, qualité de la présentation et comportement des vendeurs. A chaque fois, je me suis présenté comme un client
désireux d’acheter une cuisine. Concernant les appels téléphoniques,
j’ai passé 115 appels sur les heures d’ouverture normales des magasins. Je n’ai eu que 10 % d’échecs, ce qui est satisfaisant. Sur les
99 appels qui ont abouti, je me suis présenté comme un client
cherchant à établir un devis de cuisine. Je n’ai finalement obtenu
que 30 propositions de rendez-vous avec un vendeur. Seuls deux appels
ont débouché sur la demande de mes coordonnées.
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L’Officiel des cuisinistes - MAI 2015
[O.C.] — Qu’avez-vous constaté au niveau de l’environnement
et de l’intérieur des magasins ?
[X.O.] — C’est l’un des points positifs de l’étude. L’environnement
extérieur est globalement soigné. Une fois passées les portes,
le constat est un peu différent. Les sols, les murs et l’éclairage sont
assez fatigués et la présentation des meubles de cuisine est perfectible
sur les deux tiers des 200 points de vente. Quant à la tenue
des vendeurs, elle ne peut être considérée comme impeccable
que dans 25 % des cas.
[O.C.] — Justement, quels enseignements avez-vous tiré du comportement des vendeurs ?
[X.O.] — Au fil de mes visites, j’ai croisé environ 470 vendeurs
et j’ai pu observer 1.000 clients ou prospects qui se trouvaient
au contact du produit. Au préalable, j’ai établi quarante critères
pour construire un état des lieux précis. Sur les 1.000 clients que j’ai pu
observer, seuls ou en couple, à proximité physique des produits, je n’en
ai vu que 78 pris en charge par un vendeur. Pour information, je suis
resté 20 minutes dans chaque magasin. J’ai également vu un nombre
significatif de vendeurs réfugiés dans leur bureau. Pendant ce temps, le
client reste orphelin, sans trouver d’interlocuteur dans les rayons. La
gestion du trafic est donc insuffisante et le management des forces de
vente trop faible.
[O.C.] — Et lorsque vous endossiez le rôle de client ?
[X.O.] — Je n’ai été salué et pris en charge que dans une trentaine
des 200 magasins que j’ai visités. Je précise que j’ai systématiquement
fait en sorte de traverser à plusieurs reprises le champ de vision des
vendeurs. Seulement quatre ont engagé le contact avec une question
ouverte, ce qui est la meilleure méthode pour aborder un client.
Seuls deux ont tenté de prendre un rendez-vous et un seul m’a
demandé mes coordonnées !
INTERVIEW
[O.C.] — Quelles conclusions tirez-vous
de votre étude ?
[X.O.] — Tout d’abord, mon objectif n’était
pas de porter un jugement de valeur. Mon état
des lieux met en perspective des gisements de
chiffre d’affaires inexploités ou mal exploités.
Pour ces grandes enseignes de l’équipement
de la maison, le manque à gagner peut
s’exprimer en dizaine de millions d’euros.
[O.C.] — Par votre expérience et votre
activité de formateur, vous connaissez
également très bien les spécialistes.
Quelles sont vos observations sur ce segment de marché ?
[X.O.] — Les nombreux magasins que j’ai pu
étudier et observer sont globalement
au niveau. Les cuisines sont bichonnées
et les expositions bien mises en valeur.
Cependant, il y a de très gros écarts d’un
magasin à l’autre. C’est d’ailleurs un point
commun avec mon étude sur les grandes
enseignes de l’équipement de la maison.
Chez les spécialistes cuisine, le renouvellement des collections est satisfaisant. Mais,
dans certains cas, l’offre est restreinte.
Les grands acteurs français devraient faire
attention à l’uniformisation en redonnant
la main à des patrons à même de connaître
les attentes et les spécificités de leur clientèle.
[O.C.] — Concernant l’accueil et la prise
en charge ?
[X.O.] — C’est plutôt bon. En même temps,
c’est totalement logique puisqu’il n’y a qu’un
produit à vendre. Le client n’entre donc jamais
par hasard ! Maintenant, il y a encore beaucoup de travail à fournir. Malheureusement,
certains comportements restent fréquents.
Par exemple celui de l’accueil fantôme avec un
vendeur qui reste collé à son PC. Il y a aussi les
traditionnels à priori sur les clients. Pour la plupart des vendeurs, un client seul n’achètera pas.
C’est une erreur. Pour exemple, récemment,
j’ai d’ailleurs vécu un moment particulier
chez un spécialiste. Dans un premier temps,
j’ai attendu plus de 5 minutes avant d’être
salué. En découvrant le magasin, je croise
deux vendeurs. Après 6-7 minutes supplémentaires, l’un d’eux vient me voir avec la fameuse question : "Je peux vous renseigner ?".
Bien sûr, à cette question fermée, je réponds
non. Par la suite, alors que je prends en photo
des expositions, le patron s’approche et me dit :
"Allez sur notre site Internet, vous y trouverez
pleins d’autres idées !".
[O.C.] — Pourtant, les enseignes mettent
souvent en avant la formation. La méthode n’est pas bonne ?
[X.O.] — Le problème n’est pas obligatoirement la méthode, bien que la remise en
question de celle-ci doit être récurrente
et en lien avec les changements de comportements d’achat, mais aussi sa non-application.
Aujourd’hui, la plupart des enseignes sont
performantes avec des structures de formation et des outils de suivi. Mais très vite, sur
le terrain, le vendeur dévie. Dès que le dirigeant observe une baisse de CA d’un de ses
collaborateurs, il doit réagir, d’où l’importance
de la maitrise d’un management "de coaching"
et non de gestionnaire.
[O.C.] — Pour les indépendants, la problématique de la formation est réelle.
Comment les aider ?
[X.O.] — Effectivement, je crois qu’il faut
distinguer les cuisinistes sous enseigne des
indépendants. Pour ces derniers, la formation
est un investissement très important dont
ils attendent un retour durable et concret
en termes de chiffre d’affaires. C’est pourquoi
je travaille à la mise en place de modules
de formation en région pour réunir les
multimarques. D’ailleurs, les fournisseurs
devraient intégrer à leur offre de soutien des
formations individualisées dans les points
de vente. Concernant les magasins sous
enseigne, soyons clair, les têtes de réseau
apportent leur savoir-faire. Cependant,
il y a encore énormément de besoins liés aux
particularités de chaque magasin.
[O.C.] — Quel message souhaitez-vous
adresser aux cuisinistes, qu’ils soient sous
enseigne ou non ?
[X.O.] — Spécialistes, ne vous endormez pas
sur vos acquis. Le marché évolue fortement,
notamment au niveau des grandes enseignes
de l’équipement de la maison. Elles professionnalisent leur approche auprès des
consommateurs. La remise en question doit
être constante. Celui qui saura investir
dans des formations concrètes et pratiques
verra automatiquement son chiffre d’affaires
augmenter.
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