ACCIDENT VASCULAIRE CÉRÉBRAL

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ACCIDENT VASCULAIRE CÉRÉBRAL
ACCIDENT VASCULAIRE CÉRÉBRAL
Docteur Wolff V., Docteur Bindila D. , Unité Neuro-vasculaire, HUS
En France, il y a 130 000 nouveaux cas d’accident vasculaire cérébral (AVC) par an.
Avec 40 000 décès, il s’agit de la seconde cause de décès chez la femme et la
troisième chez l’homme. De plus l’AVC est la première cause de handicap acquis non
traumatique en France. Les AVC surviennent dans 75% des cas chez les personnes
plus de 65 ans.
I. DÉFINITION ET TYPES D’AVC
Selon OMS, l’AVC est défini comme « le développement rapide de signes localisés ou
globaux de dysfonction cérébrales avec des symptômes durant plus de 24 heures,
pouvant conduire à la mort, sans autre cause apparente qu’une origine vasculaire ».
Un AVC doit être suspecté en cas de déficit neurologique focal d’apparition brutale.
Il existe 2 types d’AVC : les ischémies cérébrales ou infarctus cérébraux (IC) qui
représentent 80% des cas sont liés à une occlusion artérielle et les hémorragies
intracérébrales (HIC) qui représentent 20% des cas sont liées à la rupture d’une
artère intra-cérébrale. En raison de leur mécanisme particulier et de leur traitement
spécifique, les hémorragies sous-arachnoïdiennes (ou hémorragie méningée) ne sont
pas classées dans les AVC. Moins de 1% des AVC sont d’origine veineuse en rapport
avec une thrombose d’un ou plusieurs sinus duraux et/ou de veines cérébrales.
A. Infarctus cérébraux constitués
La circulation cérébrale est assurée par le polygone de Willis et la clinique diffère en
fonction du territoire artériel affecté.
On distingue les :
IC territoriaux de la circulation antérieure dans un territoire carotidien ou de la
circulation postérieure dans un territoire vertébro-basilaire
petits infarctus profonds ou infarctus lacunaires
infarctus jonctionnels aux confins de deux territoires artériels
B. Accident ischémique transitoire
L’accident ischémique transitoire (AIT) est « un épisode bref de dysfonction
neurologique dû à une ischémique focale cérébrale ou rétinienne dont les symptômes
clinique durent typiquement moins d’une heure sans preuve d’infarctus aigu »
(ANAES 2004). Cette définition signifie que l’IRM cérébrale en séquence de
Diffusion sera normale (cette séquence permet d’objectiver un IC à la phase
précoce dès les premières minutes de sa constitution). En cas d’anomalie sur l’IRM
cérébrale malgré un déficit neurologique régressif on parle d’IC régressif.
Le diagnostic d’AIT est un diagnostic d’interrogatoire puisque le plus souvent le
patient est asymptomatique au moment de sa consultation. Il s’agit d’un diagnostic
rétrospectif.
Comme cela est précisé dans les recommandations de la HAS en 2009, l’AIT est
une urgence absolue puisque le risque de récidive en l’absence de traitement est
important dans les 48 premières heures. Il convient d’hospitaliser un patient suspect
d’AIT afin de réaliser une imagerie cérébrale, d’instaurer un traitement préventif par
aspirine puis en rechercher sa cause. Il s’agit d’un diagnostic difficile avec de
nombreux diagnostics différentiels (tableau 1).
Tableau 1 :Diagnostics différentiels d’AIT
C. Hémorragie cérébrale
Tout comme lors d’un IC, la symptomatologie dépend de la localisation de l’HIC. Il
n’existe aucun éléments clinique permettant de distinguer une HIC d’un IC ce qui
implique une réalisation systématique d’une imagerie cérébrale devant tout déficit
neurologique focal afin de déterminer l’origine ischémique ou hémorragique du déficit
voir un diagnostic différentiel.
II. ÉTIOLOGIES DES AVC
A. IC
Les causes les plus fréquentes sont l’athérome (30% des cas), les cardiopathies
emboligènes (20% des cas) et la maladie des petites artères (20% des cas).
a) L’athérome qui touche l’intima des vaisseaux de gros et moyens calibres peut se
compliquer d’IC par différents mécanismes : thromboembolique par fragmentation
d’un thrombus sur plaque et occlusion d’une artère distale ; thrombotique par
occlusion artérielle au contact de la plaque ; hémodynamique par chute de la
perfusion cérébrale sans occlusion à l’occasion d’un effondrement de la pression
artérielle. Les facteurs de risque d’athérome sont l’HTA, le tabac, le diabète,
l’hypercholestérolémie, l’âge, le sexe masculin, la surconsommation d’alcool, le
surpoids, la sédentarité.
b) Les cardiopathies emboligènes : il existe des cardiopathies à risque embolique
élevé et à risque modéré ou mal déterminé (Tableau 2). Retenons que la fibrillation
auriculaire est la principale cardiopathie emboligène ce qui implique de la traquer
devant un AIT ou un IC.
Tableau 2 : Cardiopathies emboligènes
c) La lipohyalinose ou maladie des petites artères est favorisée par l’hypertension
artérielle. Les conséquences sont des IC de petite taille (moins de 10 ou 15 mm de
diamètre selon les définitions)
d) Il existe des causes rares d’IC dans 10% des cas comme le CADASIL, l’artérite
primitive du système nerveux central, les hémopathies, une coagulation
intravasculaire disséminée, un syndrome des anticorps anti-phospholipides…
e) Dans 25% des cas, aucune cause n’est retrouvée même lorsque le bilan
étiologique est extensif.
Cas particulier du sujet jeune : les causes et les facteurs de risque d’IC du sujet
jeune sont différents de celui du sujet âgé. La dissection des artères
cervicales représente la première cause d’IC du sujet jeune (25% des IC des sujets
de moins de 45 ans). Les dissections résultent du clivage de la paroi artérielle par un
hématome. La pathogénie des dissections est mal connue. La dissection peut être
favorisée par des facteurs précipitants aigus, les mieux identifiés étant les
traumatismes cranio-cervicaux et les infections ORL, mais aussi par des facteurs de
risque systémiques chroniques survenant chez des sujets ayant une anomalie
préexistante de la paroi artérielle impliquant la matrice extracellulaire. En cas de
suspicion de dissection des artères cervicales il convient de confirmer le diagnostic
en visualisant l’hématome de paroi que ce soit en échographie-Doppler, IRM
cervicale avec coupes spécifiques (voir exemple ci-dessous) ou angioscanner
cervical. Le traitement repose sur les anticoagulants en cas de dissection extracrânienne ou sur l’aspirine.
Les thromboses veineuses cérébrales sont une cause rare d’AVC. Elles ont un
meilleur pronostic que les IC. Le diagnostic repose actuellement sur la visualisation
du sinus ou de la veine thrombosé. L’IRM cérébrale avec angio-IRM en séquences
veineuses est actuellement le gold standard pour faire le diagnostic mais le scanner
cérébral avec angioscanner veineux peut également être utile. Le traitement doit
être débuté le plus rapidement possible afin d’éviter les séquelles définitives liées à
l’extension de la thrombose et la survenue d’infarctus veineux ou d’HIC. Ce
traitement est fondé en premier intention sur héparine avec un relai précoce par
AVK.
B. HIC
L’HTA est au premier plan dans 50% des cas avec rupture des artérioles perforantes
due à l’HTA chronique. Les autres étiologies peuvent être la rupture d’une
malformation vasculaire (artério-veineuse/cavernome), des troubles de l’hémostase :
congénitale (hémophilie) ou acquise (anticoagulant, alcoolisme chronique), une
angiopathie amyloïde, une thrombophlébite cérébrale.
III. PRISE EN CHARGE DES AVC À LA PHASE AIGUË
Un AVC récent est une urgence absolue comme cela est précisé dans les
recommandations de la HAS en 2009. Il existe des traitements d’autant plus
efficaces qu’ils sont donnés tôt comme la thrombolyse des IC. L’hospitalisation
en unité neuro-vasculaire a démontré son efficacité dans la prise en charge des
AVC en terme de pronostic. Tout retard diagnostic et thérapeutique peut conduire à
des séquelles importantes voir au décès. En cas de suspicion d’AVC récent, il
convient d’appeler le SAMU centre 15. En cas d’appel direct du médecin traitant, il
est recommandé que le médecin appelle le 15 pour une conférence à 3 plutôt que
d’adresser le patient directement vers l’hôpital ou les urgences. Cette procédure
permet d’orienter le patient vers une filière organisée de la phase pré-hospitalière
jusqu’à la phase hospitalière avec des soignants et des médecins formés à la prise en
charge en urgence des patients suspects d’AVC.
Tableau 3. Recommandations de la HAS 2009 concernant la conduite à tenir en cas
d’appel direct du médecin traitant :
Le caractère urgent de la prise en charge est justifié par la présence de traitement
par thrombolyse des IC qui doit être administré le plus tôt possible après
l’instauration des symptômes et dans un délai maximum de 4H30.
A. Imagerie cérébrale
L’IRM cérébrale est l’examen de référence lors d’une suspicion d’AVC récent. En cas
d’IC, l’IRM permet de voir l’ischémie très précocement. La séquence de Diffusion
permet de mettre en évidence l’IC en hypersignal (figure 2A), l’angio-RM en
séquence TOF (ou en temps de vol) permet de voir s’il existe une occlusion artérielle
(figure 2D), la séquence T2* (ou écho de gradient) permet d’éliminer une
hémorragie en hyposignal et dans certains cas de voir le caillot en hyposignal (figure
2C). La séquence FLAIR permet de voir si l’IC est déjà constitué ou non et de voir la
circulation collatérale (figure 2B). La décision de thrombolyse visant à recanaliser
l’artère occluse sera prise sur les données de l’imagerie cérébrale (1.1) après avoir
éliminé les contre-indications du rt-PA.
L’IRM cérébrale réalisée 1 heure après le début des symptômes montre un IC récent
sylvien profond gauche sur la séquence de Diffusion (A) non visible en FLAIR lié à
une occlusion de l’artère cérébrale moyenne gauche proximale à gauche (D). Une
thrombectomie est rélisée car la patiente était sous anticoagulant à dose efficace
contre-indiquant la thrombolyse IV.
IRM cérébrale de contrôle post-thrombectomie à H24 : reperméabilisation de l’artère
cérébrale moyenne gauche (D). Récupération totale du point de vue neurologique.
En cas de non-accessibilité de l’IRM cérébrale un scanner peut être réalisé. Le
scanner cérébral peut différentier l’ischémie d’une hémorragie MAIS il peut être
normal dans les premières heures de l’ischémie, si la lésion est de petite taille ou si
l’infarctus touche la fosse postérieure. En cas de suspicion d’AVC le scanner cérébral
peut être réalisé mais avec un angioscanner cérébral à la recherche d’une occlusion
artérielle responsable de l’IC ou d’une malformation vasculaire responsable de
l’hémorragie. En cas d’hémorragie cérébrale le scanner cérébral sans injection
permet de la visualiser très précocement.
B. Bilan étiologique
Lors d’un IC ou d’un AIT il convient de rechercher la cause avec réalisation d’une
prise de sang à la recherche d’un diabète ou d’une dyslipémie, d’une exploration des
vaisseaux cervico-encéphaliques, un bilan cardiaque (ECG, échographies cardiaques
trans-thoracique systémique et trans-oesophagienne au cas par cas, holter ECG et
tensionnel). D’autres examens seront plus rarement réalisés comme des recherches
génétiques, un bilan immunitaire, une ponction lombaire, une artériographie en
fonction du contexte.
C. Prise en charge thérapeutique
1. Mesures générales
alitement systématique à la phase aiguë en attendant l’exploration des vaisseaux
du cou et des artères cérébrales (par échodoppler et doppler transcranien ou
angioscanner ou angio-IRM)
surveillance rapprochée : neurologique, recherche de troubles de la déglutition (et
dans ce cas pose de sonde naso-gastique), surveillance de la pression artérielle qui
est à respecter à la phase aigüe de l’AVC (traitement si TA >220/120 mm Hg pour
un IC non thrombolysé et >185/110 mm Hg si HIC ou si IC thrombolysé), recherche
de troubles du rythme cardiaque dont la fibrillation auriculaire, surveillance de la
température (car l’hyperthermie est neurotoxique), surveillance saturation oxygène
(car l’hypoxie est neurotoxique, traiter l’hypoxémie), surveillance de la glycémie et
traitement des hyper/hypoglycémies.
2. Thrombolyse
La thrombolyse par rt-PA (ACTILYSE®) par voie intraveineuse est indiquée dans un
délai de moins de 4H30 après l’installation des symptômes. La décision de
thrombolyse doit être prise par un médecin spécialisé en pathologie neurovasculaire
ou un médecin titulaire du DIU neuro-vasculaire après évaluation des contreindications. L’indication de thrombolyse des IC repose sur un concept qui est celui
de préserver la zone de pénombre qui correspond à la zone cérébrale en
souffrance qui n’est pas encore nécrosée. Or, le tissu cérébral est sensible à
l’hypoxie ce qui implique une nécessité absolue de recanaliser l’artère en cause le
plus vite possible dès la constitution du déficit. Cette contrainte de temps (« Time is
brain »), impose de limiter des délais à chaque niveau de la prise en charge que ce
soit en pré-hospitalier ou en intra-hospitalier. La première étape passe par
l’information du grand public sur les signes et symptômes d’AVC (faiblesse d’un
hémicorps, difficultés d’élocution, ou troubles visuels d’apparition brutale) et sur la
conduite à tenir qui consiste à composer le 15. Actuellement en France moins de
10% des IC ont accès au traitement par thrombolyse car les délais sont encore trop
longs. Les nouvelles techniques de recanalisation par neuroradiologie
interventionnelle consistant à capter le caillot par voie endovasculaire représentent
une des perspectives d’avenir dans la prise en charge des IC.
3. Traitement anti thrombotique
L’Aspirine 160-300 mg/jour (ou le Clopidogrel 75 mg/j si contre-indications à
l’Aspirine) est indiquée dès le diagnostic d’IC ou d’AIT confirmé ou 24h après la
thrombolyse pour prévenir une récidive précoce d’IC. Le traitement par héparine
non-fractionnée ou par HBPM à dose efficace n’est pas un traitement de première
intention à la phase aiguë de l’IC mais peut être discuté au cas par cas dans des
situations particulières (cardiopathie emboligène, dissection extra-crânienne par
exemple en respectant les contre-indications). En cas d’alitement ou de déficit
moteur d’un membre inférieur : indication d’un traitement par HBPM à dose
préventive (même en cas d’HIC) pour éviter les thromboses veineuses périphériques.
Après la phase aiguë (au-delà de 48 heures), si l’IC est d’origine
athéromateuse : Aspirine 75-325 mg/jour ou Clopidogrel 75 mg/jour. Si
l’origine est cardio-embolique : les AVK sont la référence et les nouveaux
anticoagulants oraux l’alternative en cas de fibrillation atriale non-valvulaire.
4. Corrections des facteurs de risque cardio-vasculaires (recommandations
HAS, juillet 2014)
Après la phase aiguë l’objectif tensionnel post-AVC est une PA <140/90 (privilégier
les diurétiques thiazidiques, les IEC et les inhibiteurs calciques). Un hypolipémiant
sera donné en cas d’IC non cardio-embolique avec un objectif de LDL<1g/l
(privilégier les statines). Concernant le diabète l’objectif est une HbA1c ≤ à 8% si
diabète de type II et ≤ à 7% en cas de diabète de type I. Le sevrage du tabac et de
l’alcool sont préconisés tout comme la réduction pondérale si nécessaire.

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