La Liberté - Abbaye de Saint
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La Liberté - Abbaye de Saint
L’abbaye de St-Maurice fête ses 1500 ans Le nouveau trésor abbatial, cinq fois plus vaste qu’avant, met en valeur des chefsd’œuvre de l’orfèvrerie, dont le chef-reliquaire de saint Candide. © Keystone 20.09.2014 Grand jubilé • Plusieurs célébrations festives marqueront dimanche et lundi le début de l’année jubilaire. Des fêtes qui auront lieu sous le signe de l’ouverture, avec l’inauguration d’un parcours de visite pour le grand public. PASCAL FLEURY Ouverture! C’est véritablement sous le signe de l’ouverture que démarre, ce week-end, le grand jubilé des 1500 ans de l’abbaye de Saint-Maurice. «Normalement, un monastère se retire du monde, mais cette fois, il ouvre grand ses portes!», souligne Mgr Joseph Roduit. Le Père-Abbé posera le premier geste des festivités dimanche, à 15 h 15, en ouvrant officiellement la Porte du Jubilé, en présence de toutes les communautés religieuses de la région, des autorités politiques menées par le conseiller fédéral Alain Berset, et de nombreux fidèles. L’année jubilaire débutera lundi par la traditionnelle fête de saint Maurice, avec messe pontificale et procession des châsses des martyrs. Un marché monastique animera également la cité durant tout ce week-end festif. Rayonnement international Fondée en 515 par le roi burgonde saint Sigismond sur le tombeau des saints martyrs thébains Maurice et ses compagnons, l’abbaye de SaintMaurice est aujourd’hui la plus ancienne abbaye d’Europe occidentale à avoir été occupée sans discontinuité. Son rayonnement international est exceptionnel. «Nous avons répertorié près de 800 églises dédiées à saint Maurice dans le monde entier, de la Californie à la Nouvelle-Calédonie. Rien qu’en Suisse, on en compte 73», affirme l’ancien conseiller d’Etat Jean-Jacques Rey-Bellet, coprésident du Comité d’organisation du 1500e anniversaire. De nombreuses communes ont aussi inscrit saint Maurice à leurs armoiries, apposant la croix tréflée ou la tête noire du saint. Pour mettre en valeur ce site culturel patrimonial sans équivalent dans le monde occidental chrétien, la congrégation des chanoines a consenti à mettre en place un parcours de visite pour le grand public, quitte à perdre un peu de son intimité et de sa tranquillité. Ce parcours, qui sera également inauguré dimanche, après les vêpres, mettra en lumière, grâce à une muséographie moderne soignée, les richesses archéologiques et religieuses des lieux. Les fouilles archéologiques menées depuis deux décennies - pour un coût total de 6,7 millions de francs - dans la cour du Martolet, située au pied de la falaise, seront désormais accessibles aux visiteurs «in situ». «Les vestiges archéologiques témoignent d’un centre religieux de grande envergure établi par l’évêque Théodule dès le IVe siècle, puis favorisé par la fondation royale du VIe siècle», explique l’archéologue Alessandra Antonini, spécialiste du site. Passant par les catacombes, les visiteurs découvriront ensuite le fameux trésor abbatial, dont plusieurs chefs-d’œuvre viennent d’avoir les honneurs du Louvre, à Paris. La salle du trésor, dont l’éclairage intimiste encouragerait au recueillement, est entièrement nouvelle. Spacieuse, elle met en valeur une orfèvrerie carolingienne d’une grande finesse, précieusement restaurée. On y trouve, aux côtés des célèbres châsses des martyrs, des pièces de grande beauté, comme l’aiguière dite de Charlemagne, le vase dit de saint Martin ou le coffret reliquaire de Teudéric. «Les objets de ce trésor, et en particulier les reliquaires, sont des traits entre la terre et le ciel», souligne le professeur Pierre-Alain Mariaux, spécialiste de l’art médiéval, appréciant la scénographie respectueuse du nouvel écrin. A l’occasion de son grand jubilé, l’abbaye ne fait pas qu’ouvrir largement ses portes au public. Elle met aussi à disposition un riche fonds d’archives, analysé et restauré sous la responsabilité du chanoine Olivier Roduit. Environ 700 000 pages ont été numérisées, dont des parchemins d’avant l’an 1000. Un patrimoine désormais accessible via internet. Messe en eurovision Les festivités, qui auront assurément des retombées positives sur la ville de Saint-Maurice, comme s’en réjouit son président Damien Revaz, se poursuivront durant toute une année. L’un des prochains moments forts sera la retransmission en eurovision de la messe de minuit à Noël, depuis la basilique. Un événement médiatique qui confortera l’image d’ouverture que veut se donner l’abbaye, et confirmera son rayonnement international. I > www.abbaye1500.ch ***** Trois questions à… Mgr Joseph Roduit > Père-Abbé de l’abbaye de Saint-Maurice, Mgr Joseph Roduit ouvre dimanche la Porte jubilaire de l’abbatiale, marquant par ce geste le début des célébrations de quinze siècles de fidélité. Entretien. - Père-Abbé, quelle importance revêt pour vous ce 1500e anniversaire? C’est l’histoire d’une longue fidélité de confrères qui sont restés fidèles jour après jour, année après année, depuis des siècles. Ce n’est pas rien! Ils auraient pu se décourager plus d’une fois, à cause des chutes de rochers, des incendies, des invasions, de la Réforme. Déjà quand l’Empire romain est tombé, l’Eglise, qui était liée au pouvoir romain, aurait pu tomber avec elle. Mais elle s’est mise au contraire à convertir les barbares. L’abbaye de Saint-Maurice est le fruit de la conversion d’un de ces barbares, le roi Sigismond. Saint Augustin, dont nous suivons la règle, a vécu à l’époque où les barbares envahissaient l’Europe. Il prêchait l’espérance, disant: «N’ayez pas crainte, quel que soit le régime qui nous gouverne, les chrétiens ont une mission.» Je crois que de telles paroles ont guidé nos confrères à ne pas se laisser abattre par tous les événements contraires qui se sont produits ici. - L’abbaye est dévolue à saint Maurice. Qu’a encore à nous dire ce saint martyr en ce début de XXIe siècle? Saint Maurice avait refusé de persécuter des chrétiens. Aujourd’hui, on sait ce que cela signifie dans le monde. Nous sommes particulièrement liés avec les orthodoxes coptes d’Egypte. Sa Sainteté le patriarche Tawadros II est venu dernièrement chez nous. Il nous a témoigné avoir prêché le pardon, l’an dernier, lorsque des malfaiteurs ont incendié 58 églises en un jour. Il a dit aux chrétiens de ne pas se venger, de considérer que la fumée des églises incendiées était «l’encens d’une prière». Il n’y a eu aucune vengeance. Cela a même été salué par le président égyptien al-Sissi. Les chrétiens ont ainsi évité une guerre civile. - L’abbaye met l’accent sur son prestigieux passé à l’occasion de son jubilé. Qu’en est-il de son avenir? L’abbaye va poursuivre dans son rôle habituel, qui est constitutionnel. C’est la vie liturgique, qui cadre nos journées. C’est la pastorale dans les 18 paroisses que nous desservons. Enfin, ce sont les missions lointaines. Après avoir amené l’Evangile au pied de l’Himalaya, on l’apporte aujourd’hui au Congo et au Kazakhstan. Propos recueillis par PFY ***** Un site culturel patrimonial riche en trésors Pour marquer ses quinze siècles d’histoire, l’abbaye de Saint-Maurice a créé un nouveau parcours de visite qui sera ouvert au public dès mardi prochain. Son cheminement conduira le visiteur de la basilique du XVIIe siècle à la nouvelle chapelle du Martyre, en passant par le site archéologique restauré, les catacombes, la nouvelle salle du trésor abbatial et le cloître. Comme l’explique le muséologue Michel Etter, la visite se fera majoritairement en silence - comme à Westminster Abbey - pour respecter le vœu de la communauté religieuse. Mais elle sera accompagnée d’un audioguide avec commentaire à deux voix entrecoupé du chant émouvant des chanoines. «Les gens arriveront en touristes et peu à peu, pris par l’esprit des lieux, se transformeront en pèlerins», commente le Père-Abbé Joseph Roduit. Au pied de la falaise, le site archéologique impressionne sous sa couverture lumineuse de 1200 m2. La structure, ancrée dans le rocher et suspendue par des haubans, est stabilisée par 170 tonnes de pierres réparties sur sa surface et visibles en transparence. Une muséographie moderne, avec film, vidéos 3D et maquettes numériques permet de comprendre facilement l’évolution des constructions des sanctuaires et édifices qui se sont succédé sur le site à travers les siècles. Le clou de la visite est évidemment le trésor abbatial, cinq fois plus grand qu’autrefois, et dont la majeure partie des 60 chefs-d’œuvre exposés reliquaires, calices, crosses d’évêque ou ostensoirs - ont été restaurés pour l’occasion. Pour l’aménager, les chanoines ont dû sacrifier une cave à vin. La discussion, dit-on, a été plutôt vive… PFY > www.abbaye-stmaurice.ch ***** Une longue histoire 297 ou 303 Martyre de la légion thébaine. Vers 380 Théodore, évêque du Valais, retrouve les ossements des martyrs et les transfère au pied de la falaise, au Martolet (site des fouilles). 515 Fondation de l’abbaye par le roi Sigismond. 888 Le roi Rodolphe I fonde à Saint-Maurice le second royaume de Bourgogne. 1128 Adoption de la règle de saint Augustin. 1148 Le pape Eugène III consacre une nouvelle église abbatiale. 1693 Un terrible incendie ravage le monastère et la ville de Saint-Maurice. 1800 Napoléon passe à Saint-Maurice. Mais le trésor a (heureusement) été caché depuis 1798 en raison des troubles révolutionnaires. 1806 Ouverture du collège de l’abbaye de Saint-Maurice. 1934 Début de la Mission du Sikkim, en Inde. 2000 Nouveaux vitraux à la basilique. PFY