2 Imagerie fonctionnelle tEp et SpECt des foyers
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2 Imagerie fonctionnelle tEp et SpECt des foyers
La chirurgie de l’épilepsie en 2011 DOSSIER 2 Imagerie fonctionnelle TEP et SPECT des foyers épileptogènes Que sont les promesses des années 1990 devenues… n L’intérêt de la tomographie par émission de positons et de la tomographie d’émission monophotonique est, en plus de la localisation du foyer épileptogène, l’évaluation fonctionnelle des cortex à opérer et donc à prévenir le risque de déficits neurologiques ou neuropsychologiques induits par l’intervention. L e rôle principal de la neuroimagerie devant une épilepsie partielle pharmacorésistante (EPPR) est d’élucider son étiologie. L’IRM en reste l’examen principal. Elle permet de conseiller le patient quant au pronostic (1) et une première estimation de viabilité du projet chirurgical. En règle générale les EPPR sans lésion sur l’IRM ont un pronostic médical meilleur que celles avec lésion. C’est exactement le contraire vis-à-vis du traitement chirurgical. Préalablement à la réalisation d’une tomograhie d’émission de positon (TEP) ou d’une tomographie d’émission monophotonique (TEMP), il convient toujours de vérifier soi-même le résultat de l’IRM et sa bonne exécution car, en pratique clinique, une partie importante des IRM n’est pas conforme aux normes minimales définies par la Ligue internationale contre l’épilepsie à la fin des années 1990 (2, 3). Des lésions peuvent aussi échapper à une lecture première *Chaire d’Excellence de Neuroimagerie Fonctionnelle, Fondation Neurodis, Lyon ; Honorary Reader, Institute of Neurology, Queen Square, London, UK ; Visiting Reader, Imperial College London, UK 288 Alexander Hammers* notamment par des non-spécialistes (4). La mise en évidence d’une lésion ou d’une zone de dysfonctionnement métabolique ou vasculaire ne résume bien sûr pas le bilan préchirurgical et la valeur de ces résultats dépend avant tout de leur cohérence avec les hypothèses de localisation du FE issues en particulier des enregistrements vidéo et électroencéphalographiques (V-EEG) des crises épileptiques. Outre la localisation du FE, ces explorations peuvent participer à l’évaluation fonctionnelle des cortex à opérer et donc à prévenir le risque de déficits neurologiques ou neuropsychologiques induits par l’intervention. La tomographie par émission de position Depuis les années 1980, la TEP (5) a été utilisée pour l’évaluation des maladies épileptiques (6). Elle utilise des substances émettrices de positons : quand un positon libéré dans le cerveau rencontre un électron, les deux s’annihilent et émettent deux rayons gamma orientés à 180° l’un de l’autre, qui peuvent ensuite être détectés par les anneaux de détecteurs de la caméra TEP. En pratique, une substance chimique est labélisée avec une trace de radioactivité - un isotope radioactif qui émet des positons. La substance chimique radiolabélisée est injectée par voie veineuse, puis se lie à ses cibles cellulaires intra-cérébrales. La camera TEP permet de recueillir l’activité émise et de la traduire en images tomographiques. Il y a un grand nombre de radiotraceurs pour sonder différents aspects du métabolisme et débit sanguin cérébral, ainsi que différents systèmes de neurotransmission, notamment dopaminergique, sérotoninergique et GABAergique (7, 8). La substance de loin la plus utilisée est le [18F]fluoro-deoxy-glucose, ou FDG, qui mesure le métabolisme glucidique, souvent réduit dans et autour du FE. La réalisation d’une TEP au [18F] FDG est le plus souvent réalisée après quelques heures de jeun, afin de minimiser la compétition Neurologies • Mai 2011 • vol. 14 • numéro 138 avec le glucose et d’assurer une bonne captation du [18F]FDG par les neurones. La phase dite de “captation” dure de 30 à 50 minutes après injection du traceur. Elle se déroule normalement dans une salle sombre et silencieuse, est suivie par un examen le plus souvent “statique” (une seule prise d’images) qui dure de 10 à 20 minutes. La dose de radiation reçue par l’organisme atteint 4-7 mSv (9) ; elle équivaut à celle reçue lors d’un scanner crânien. Dans les années 1990, la multiplication sans cesse croissante de nouveaux traceurs avait laissé planer l’espoir que l’on pourrait bientôt définir les contours du FE grâce à cette technique non invasive. Ces espoirs ont été déçus : d’une part, aucun traceur de tissu épileptogène n’a été découvert et, par ailleurs, la notion même de foyer épileptogène a progressivement cédé la place à celle de réseau épileptogène (10, 11). La place de la TEP Enfin, par delà les résultats objectifs, la place de la TEP dans le bilan préchirurgical n’est pas établie de façon absolue et varie beaucoup d’un centre à l’autre. Ainsi, pour les équipes habituées aux interventions standardisées pour les épilepsies du lobe temporal en particulier, une information sur la latéralisation et la localisation lobaire du foyer hypométabolique est précieuse et suffisante (12). Cette même information aura infiniment moins de valeur dans les équipes attachées à la définition anatomique individuelle des zones épileptogène. Cette position qui privilégie la “chirurgie à façon” fera alors plus souvent appel aux techniques invasives (13). Neurologies • Mai 2011 • vol. 14 • numéro 138 Les autres traceurs Hormis le [18F]FDG, pratiquement aucun des radiotraceurs exploitables dans le domaine de l’épilepsie n’est disponible en dehors des centres de chirurgie de l’épilepsie les plus spécialisés. Il en va ainsi du [11C]AMT pour la détection de tubers se caractérisant par des anomalies du métabolisme de la sérotonine, en particulier dans la sclérose tubéreuse de Bourneville et d’autres pathologies (14, 15) ; le [11C]flumazenil pour la quantification (16) de récepteurs GABAA notamment dans les EPPR à IRM normale (17-20) ; les traceurs 5-HT1A dans les épilepsies limbiques (21, 22) ; et les acides aminés labellisés utilisés dans la caractérisation de tumeurs glioneuronales de bas grade (23, 24). Un outil de recherche Outre son utilisation clanique dans le cadre d’une évaluation pré-chirurgicale, la TEP, avec sa sensibilité nanomolaire, demeure un indispensable outil de recherche. Elle a ainsi permis d’élucider le rôle de la dopamine dans la modulation des crises (25-28) ; des opiacés dans l’arrêt des crises induites (29) et spontanées (30) ; et de désigner un rôle possible des protéines de multi-résistance dans la pharmacorésistance dans les EPPR. La tomographie par émission de positons à [18F]FDG, en pratique A quoi peut me servir ce type d’examen ? La TEP à [18F]FDG peut être très utile pour la latéralisation, parfois la localisation de la ZE, et pour raffiner une hypothèse clinique. Elle est d’autant plus utile que l’IRM est normale. La réalisation dans un centre d’épileptologie permet, entre autres, le recalage IRM-TEP du malade, et souvent la comparaison à une base de données de témoins, obtenues avec le même protocole sur la même machine. Quelles réponses à quelles questions suis-je en droit d’attendre de ces explorations vis-à-vis du projet chirurgical ? La TEP à [18F]FDG a une bonne chance de montrer une ou plusieurs zones de dérangement métabolique qui ont de fortes chances d’être en rapport avec la ZE. Elle est surtout utile devant une EF pharmacorésistante certaine, où l’IRM bien faite a été non contributive. A quel stade du bilan faut-il envisager ce type d’exploration ? La TEP à [18F]FDG n’est pas un examen diagnostique de la présence ou non d’une EF. Sa place est donc dans le bilan préchirurgical pour une EF pharmacorésistante : après IRM suivant les directives (http://www.ilaeepilepsy.org/Visitors/Centre/PedsNeuroimaging.cfm), la TEP à [18F]FDG peut être considérée comme prochaine étape d’imagerie. Suivant les expertises et possibilités locales, dans cette situation, d’autres possibilités de neuroimagerie incluent l’analyse avancée de l’IRM (49-52) ; la magnéto-encéphalographie (MEG), notamment quand le patient a beaucoup de pointes à l’EEG pour permettre la modélisation de la source en MEG (52) ; la TEMP ictale (voir article) ; et parfois la TEP avec d’autres radioligands (voir article). 289 DOSSIER La chirurgie de l’épilepsie en 2011 La chirurgie de l’épilepsie en 2011 DOSSIER Figure 1 - Exemple de l’utilité de l’analyse voxel-par-voxel de la TEP à [18F]FDG. Patient avec position des électrodes S-EEG planifiés initialement en rouge. Bleu/vert, hypométabolisme statistique superposé sur l’IRM sagittale du malade. Orange, position de l’électrode rajouté après résultat FDG-SPM. Tracé, activité interictale hautement pathologique au sein de l’hypométabolisme, avec début de crise vu d’abord sur cette électrode. Sans cette électrode, le début de la crise aurait été situé sur l’électrode désignée par la flèche rouge. Remerciements au Dr Jean Isnard, CHU de Lyon, pour les données EEG. Place de la TEP au (18F)FDG Cette revue sera centrée sur le traceur de loin le plus utilisé, le [18F]FDG. Localisation du FE Le résultat le plus solide concerne la capacité de latéralisation du FE qui, dès 1995, apparaissait exacte dans 60 % des cas, y compris lorsque l’IRM était normale (32). Les progrès réalisés depuis ont permis à Hwang et al. (33) de montrer, sur un échantillon de 117 patients porteurs d’un FE néocortical, qu’il était possible non plus seulement de latéraliser, mais surtout de localiser de façon exacte le FE dans plus de 78 % des cas. “Signification clinique” de la zone hypométabolique Plusieurs centres ont montré que les anomalies de captation 290 corticales du [18F]FDG s’étendent au-delà des limites des lésions structurelles. Ces aires sont le plus souvent colocalisées avec les zones de départ de crises et/ ou les zones de propagation (34). Une localisation discordante entre la zone hypométabolique et les autres éléments localisateurs du bilan préchirurgical est un élément de mauvais pronostic chirurgical en cas d’EPPR à IRM (35). Deux développements méthodologiques ont contribué à un plus grand rendement de la TEP à [18F]FDG récemment. Au-delà de l’analyse visuelle subjective La détection des zones d’hypométabolisme peut être sensibilisée par la fusion des images TEP à [18F]FDG et l’IRM du patient, ce qui permettra de rapporter les irrégularités métaboliques régionales à la morphologie du cortex correspondant (notion d’hypométabolisme relatif) (voir figures 1 et 2 dans ref. 36). Ces zones peuvent échapper à l’analyse visuelle surtout quand elles touchent des fonds profonds de sillons, site préférentiel des dysplasies corticales focales (37). L’analyse voxel-par-voxel, initialement développée pour les neurosciences, a été adaptée pour l’analyse “clinique” d’un sujet contre un groupe de témoins (17, 38) et permet d’introduire la notion “d’hypométabolisme statistiquement significatif” avec le logiciel le plus couramment utilisé : Statistical Parametric Mapping (SPM). Ces analyses SPM permettent d’identifier des anomalies avec à la fois une plus grande sensibilité et une meilleure spécificité que par la seule analyse visuelle (39, 40), en particulier pour les cortex en miroir de la ligne médiane (40) (Fig. 1). Neurologies • Mai 2011 • vol. 14 • numéro 138 La tomographie par émission monophotonique La TEMP est une méthode tomographique d’imagerie assez analogue à la TEP à [18F]FDG décrite en début de cette revue. Par contre, les isotopes utilisés sont émetteurs de photons simples et non de positons. Le plus souvent il s’agit de technétium-99m (99mTc) et d’iode-123 (123I). Les contraintes de la technique Les traceurs utilisés (le [99mTc] ECD et le [99mTc]HMPAO) ont une caractéristique cinétique originale précieuse en épileptologie : celle de se fixer dans le cerveau (à 60 % et 85 %, respectivement) au premier passage sanguin (41). La demi-vie d’à peu près six heures permet donc l’injection de ces radioéléments par voie intraveineuse au moment d’une crise et d’acquérir les images quelques heures plus tard, images révélant les modifications régionales de débit sanguin cérébral au moment de la crise. Étant donné le délai nécessaire d’environ 30 secondes pour que le bolus intraveineux injecté au plis du coude atteigne le cerveau après avoir franchi la circulation pulmonaire, d’une part, et la cinétique d’augmentation critique du débit sanguin cérébral qui se transforme au contraire en hypodébit artériel une à deux minutes après la crise (42), il est indispensable que l’injection du traceur au lieu le plus tôt possible après le début de la crise, idéalement au cours des 15 premières secondes (43, 44). La réalisation de ce test est donc particulièrement contraignante, nécessitant une infrastructure complexe, un approvisionneNeurologies • Mai 2011 • vol. 14 • numéro 138 La tomographie par émission monophotonique, en pratique A quoi peut me servir ce type d’examen ? La TEMP ictale présente une bonne sensibilité pour localiser l’aire de début des crises, y compris chez les patients dont l’IRM est normale. Cette exploration ne peut se dérouler qu’à l’occasion d’un enregistrement vidéo-EEG. La comparaison avec un examen intercritique est essentielle et sera au mieux réalisée au moyen d’une analyse statistique avec une image de soustraction recalée sur l’IRM du patient (SISCOM, voir texte). Attention : la TEMP interictale seule est très peu fiable et ne devrait pas être considérée en l’absence de TEMP ictale. Quelles réponses à quelles questions suis-je en droit d’attendre de ces explorations vis-à-vis du projet chirurgical ? Pour un patient avec une fréquence de crises suffisante, et une durée de crises suffisante, la TEMP ictale peut permettre de définir la situation de la zone de début de crises au sein de cortex cérébral. La réalisation de ces images nécessite une infrastructure importante, et une bonne liaison entre neurologie et médecine nucléaire est nécessaire. Dû au délai de ~ 30 secondes entre injection et fixation au cerveau, une injection très précoce et une durée suffisante de la crise après injection sont essentielles pour un examen valide (voir texte pour détails). Des injections tardives peuvent montrer des zones de propagation plutôt que de début de crises. Des crises partielles simples ont un rendement pauvre et ne sont donc pas à recommander pour une étude de TEMP ictale. A quel stade du bilan faut-il envisager ce type d’exploration ? La TEMP ictale n’est pas un examen diagnostique de la présence ou non d’une EF. Sa place est donc dans le bilan préchirurgical pour une EF pharmacorésistante : après IRM suivant les directives (http://www. ilae-epilepsy.org/Visitors/Centre/PedsNeuroimaging.cfm), la TEMP ictale peut être considérée comme prochaine étape d’imagerie. Suivant les expertises et possiblités locales, dans cette situation, d’autres possibilités de neuroimagerie incluent l’analyse avancée de l’IRM (49-51) ; la magnéto-encéphalographie (MEG), notamment quand le patient a beaucoup de pointes à l’EEG pour permettre la modélisation de la source en MEG (52) ; la TEP à [18F]FDG (voir article) ; et parfois la TEP avec d’autres radioligands (voir section TEP dans l’article). ment régulier des traceurs destinés à l’unité de vidéo-EEG, un bon entraînement de l’équipe soignante, des liens étroits entre le service de neurologie et celui de médecine nucléaire, et une flexibilité pour les plages horaires d’acquisition des images, l’injection de traceur intervenant de façon aléatoire, au gré de l’apparition des crises. A ces conditions, on estime que, dans un centre entraîné, on peut espérer réaliser une exploration TEMP en condition ictale chez près de 80 % des patients en cours de bilan pré-chirurgical (45). Sur une série de 117 patients, Hwang (33) a observé que la TEMP ictale permettait de localiser correctement le FE dans 291 DOSSIER La chirurgie de l’épilepsie en 2011 La chirurgie de l’épilepsie en 2011 DOSSIER près de 55 % des cas au sein du sous-groupe de 31 malades souffrant d’une épilepsie néocorticale cryptogénique. L’interprétation Chez un patient donné, l’interprétation des images TEMP ictales est grandement facilitée par la comparaison avec des images TEMP interictales. La technique la plus utilisée, le SISCOM (Subtraction Ictal SPECT CO-registered to MRI) (46) consiste à recaler dans un même espace les TEMP ictales et inter-ictales qui, après normalisation peuvent être soustraites l’une de l’autre, et l’IRM du patient. Les différences d’activité peuvent ainsi appa- raitre directement sur l’IRM. Le pouvoir localisateur de FE de la TEMP qui atteint en moyenne 39 % si on examine les résultats par analyse visuelle comparative simplement, s’élève à 88 % dès lors que les images sont traitées selon la procédure SISCOM (46). D’autres méthodes d’analyse statistique des images TEMP ont depuis été proposées et qui rendraient cette exploration toujours plus sensible et spécifique (47). Cette dernière méthode est peut-être supérieure à SISCOM. Par contraste, la TEMP inter-ictale isolément offre de très mauvaises performances de localisation du FE, si bien qu’en l’absence d’examen ictal de référence, il est préférable de ne pas utiliser ce résultat dans la synthèse du bilan pré-opératoire (48). En terme d’irradiation, la dose totale n’excède pas 5 mSv en général, soit des valeurs comparables à celles rapportées pour la n procédure TEP. 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