PÈRE OU MÈRE

Transcription

PÈRE OU MÈRE
numéro
197
avril 2016 Mensuel - 8 € (France) - 10 € (Etranger)
le Carnet PSY
Pour une évaluation clinique des
psychothérapies psychanalytiques
L’évaluation des psychothérapies référées à la
psychanalyse est devenue une préoccupation majeure des
cliniciens, confrontés à l’impérialisme de méthodologies
évaluatives asservies à des logiques financières ou
inféodées à des méthodologies non cliniques, qui
prétendent rendre compte des résultats de
psychothérapies psychanalytiques. Pourtant une
méta-analyse très complète publiée en 2008 dans la très
sérieuse revue américaine JAMA a montré que, si on
prend en compte les comorbidités installées depuis plus
d’un an, les psychothérapies psychodynamiques à long
terme sont plus efficaces que les thérapies brèves (voir à
ce sujet R. Perron, Revue Française de Psychanalyse,
2009/2 Vol. 73 p 534-543).
Sur les terrains de soin institutionnel, les attaques
actuelles contre l’approche psychanalytique s’avèrent
souvent menées au nom de pratiques évaluatives du soin
selon un modèle purement médical, avec des
méthodologies d’évaluation des psychothérapies qui ont
bénéficié aux thérapies comportementales et cognitives, et
disqualifié les psychothérapies psychanalytiques.
Editorial
Dans ce contexte, il s’impose de sortir de notre « tour
d’ivoire analytique » pour combattre sur le terrain même
de l’évaluation, en inventant des critères d’évaluation
clinique de l’approche psychanalytique, fondés sur notre
épistémologie. Il est en particulier urgent de proposer une
approche évaluative des formes de la psychothérapie
institutionnelle, par exemple des pratiques groupales de
médiations thérapeutiques, qui ne soit pas corrélée à des
logiques comptables mais à un souci de comprendre les
logiques sous-jacentes du processus de soin : élaborer des
outils d’évaluation constitue en effet une méthode avec
une double visée : améliorer et transmettre nos pratiques,
remodeler et affiner nos modèles théoriques.
Les psychanalystes et cliniciens ont déjà commencé à
engager cette lutte, par la construction de méthodologies
d’évaluation qualitative fondées sur l’épistémologie
psychanalytique : cette tâche immense ne devient-elle pas
une des conditions de la défense de la valeur de la
référence psychanalytique ?
Pr Anne Brun
Professeur de psychopathologie et psychologie clinique,
Université Lyon 2
2
11
Agenda
Aenda
10
Parutions
Parutions du mois
Bloc-notes
Bloc-notes
11 La jeune fille et le psychanalyste de Catherine Chabert
Catherine Matha
13 Dialectique du monstre de Sylvain Piron
Guénaël Visentini
15 De la haine de soi à la haine de l’autre de Didier Lauru
Jean-François Solal
17 Autismes : les inquiétudes d’une psychanalyste
de Marie Dominique Amy
Pierre Delion
19 Exposition : L’art et l’enfant.
Chefs-d’oeuvre de la peinture française
Simone Korff-Sausse
2ème partie
20
Actes
Père ou mère ?
entre bisexualité psychique et différence des sexes
20 Bisexualité,
36 L’écart ou l’entre au regard
genre et corps érogène
CHRISTOPHE DEJOURS
26 Deux en un, un pour deux :
l’interlocution interne de
l’analyste en question
JEAN-FRANÇOIS CHIANTARETTO
31 L’angoisse de redevenir père
FRANÇOISE NEAU
50 Le temps qui passe
de la différence des sexes
BERNARD GOLSE
42 La petite sirène
MANUELLA DE LUCA
45 Retrouvailles œdipiennes
et audace de la bisexualité
chez l’homme vieux
BENOÎT VERDON
50
Le site du mois
w w w. c a r n e t p s y. c o m
le Carnet PSY • avril 2016
2
Agenda
psychiatrie
de l’adulte
Lieu : Domaine Rockefeller, 69008.
Violence contre la pensée,
Suivi du colloque de printemps de la
Lieu : Amphi Buffon,
Contact : Tél : 01 72 75 53 20.
souffrance dans la démocratie.
Société du Rorschach et des
15 rue Hélène Brion, 75013 Paris.
[email protected]
Lieu : Université Lyon 2.
méthodes projectives de langue
Contact : Tél : 01 57 27 66 93.
Contact :
française (9 avril) : Problématiques
[email protected]
[email protected]
du corps : corps et symbolisation.
14-15 avril 2016
CYCLE 2016
Paris
Paris
Journée de formation de l’ASM13.
Séminaire mensuel de l’ASM13.
Précarité et spécificité des soins
L’autisme infantile - recherches,
psychiatriques.
modèles, cliniques.
Dijon (21)
Contact : [email protected]
(3e lundi du mois).
22e Congrès National de la Société
Contact : [email protected]
Française d’Accompagnement et de
Lieu : Amphi culturel du campus
u 16-18 juin 2016
Soins Palliatifs (SFAP).
3 juin 2016
Paris
psychologie
Colloque du Dpt de psychiatrie
2 avril 2016
Comment l’humeur vient
Paris
à la psychose...
Journée internationale de l’Autisme
Lieu : ASM13, ERP, 1er étage, salle
De l’impossible vers les
possibles... Créer, innover,
permettre.
Adulte de l’ASM13.
Lieu : Palais des Congrès.
Contact : www.sfap.org
organisée par la Coordination
Diatkine, 76 avenue Edison, 75013.
Internationale entre Psychothéra-
Contact : Tél : 01 40 77 43 18 (ou
peutes Psychanalystes s'occupant
43 17).
de personnes avec Autisme (CIPPA)
Faire avec, au désir de la rencontre.
Lieu : Les Chapiteaux, 75017 Paris.
Contact :
[email protected]
8 avril 2016
Saint-Etienne (42)
Colloque organisé par l’Association
Lyonnaise pour une Psychanalyse
Lille (59)
Colloque du groupe régional SPP
Nord-Pas de Calais.
Le processus analytique.
Voies et parcours.
Lieu : URIOPSS.
Contact : Tél : 03 20 93 94 52.
à partir de la Clinique de l’Enfant
(ALPACE). Quelles traces laissent
les expériences infantiles ?
21 mai 2016
Lieu : Centre de Congrès, Espace
Journée d’étude Lire Jung au
Fauriel, 42100 St-Etienne.
GERPA organisé par le Groupe
Contact : Tél : 07 68 38 64 22.
d’Etudes et de Réflexion de
[email protected]
Psychologie Analytique.
psychopathologie
L’individuel et le collectif :
u 9 avril 2016
et “La main à l’oreille”.
u 23-26 novembre 2016
u 23 avril 2016
universitaire de Bron.
Paris
CYCLE 2015-2016
XXXe colloque du Réseau pour la
une opposition féconde.
Contact : Tél : 06 77 90 87 38.
[email protected]
Montpellier(34)
Contact : Tél : 06 60 56 46 47.
Paris
Psychanalyse à l’Hôpital (RPH).
8e Congrès Français
[email protected]
Séminaires de psychopathologie
Les masques de la haine.
des Troubles des Conduites
Lieu : Salle du Conseil de la Mairie
Alimentaires (TCA) de l’Institut
de Paris, 75009 Paris.
Paris
Mutualiste Montsouris.
Contact : Réseau pour la
Week-end de travail organisé par le
de Psychiatrie.
Lieu : Le Corum.
28-29 avril 2016
Contact :
www.congresfrancaispsychiatrie.org
5 avril 2016 : N. Mammar :
Psychanalyse à l’Hôpital.
Groupe d’Etudes et de Recherches
23es Journées de réflexion
Etude, vie professionnelle et soins.
Tél : 01 45 26 81 30.
Psychanalytiques pour le
organisées par le Centre de
A. Pham-Scottez :
Grenoble (38)
psychologie clinique interculturelle
psychiatrie de
l’enfant et de
l’adolescent
Paris
Colloque Enfances & PSY.
Même pas peur ! Les phobies de
Devenir à l’âge adulte.
Développement de l’Enfant et du
u 14 avril 2016
Nourrisson.
L’adolescent et son corps.
APPM-CREFSI et le Laboratoire
10 mai 2016 : I. Nicolas :
Paris
interuniversitaire de psychologie
TCA, grossesse et post-partum.
Journée organisée par l’Université
Lieu : Asiem, 6 rue A. de Lapparent,
Grenoble-Chambéry.
C. Doyen : TCA chez l’enfant.
Paris Diderot.
75007 Paris.
L’adolescence à l’épreuve de la
31 mai 2016 : P. Votadoro :
Entre clinique et politique, autour
Contact : GERPEN.
Tél : 01 45 94 16 30.
[email protected]
stigmatisation / discrimination.
u 20 mai 2016
u 21-22 mai 2016
Automutilation.
de l’œuvre et la vie de Jacqueline
De la perception aux risques de
J. Chambry : L’anorexie
Barus-Michel.
radicalisation.
masculine.
Lieu : Maison des associations.
28 juin 2016 : M. Corcos :
Contact : Tél : 04 76 46 94 00.
Présentation clinique avec
[email protected]
enregistrement vidéo.
Lieu : Institut Mutualiste Montsouris.
l’enfant et de l’adolescent.
Lieu : Espace Reuilly, 75012 Paris.
27 mai 2016
Contact : Tél : 01 56 61 69 23.
Contact : Tél : 01 46 33 70 47
Les sables-d’Olonne (85)
[email protected]
(boîte vocale).
Journée des Pays de Loire de soins
[email protected]
palliatifs et d’accompagnement.
De l’épreuve de mourir
Nouvelles rubriques en ligne
prochainement sur notre site
www.carnetpsy.com
psychanalyse
à l’absence...
27-28 mai 2016
Lyon (69)
Congrès de la Société Française de
Psychiatrie de l’Enfant et de
Lieu : Centre de Congrès
Les Atlantes.
7-8-9 avril 2016
Contact : Tél : 02 40 86 76 79.
Bron (Lyon 69)
4e colloque du réseau international
3-4 juin 2016
Méthodes projectives et
Associées (SFPEADA).
Lyon (69)
psychanalyse (7-8 avril) :
Pratiques thérapeutiques.
Colloque organisé par l’Institut de
Problématiques du corps : clinique
Actualités et perspectives.
Psychologie, Université Lyon 2.
et épistémologie.
l’Adolescent et Disciplines
THÈSES, KIOSQUE PSY,
LITTÉRATURE,
THÉÂTRE, CINÉMA, SÉRIES,
EXPOS, JEUX VIDÉOS
23-27 mai 2016
18 juin 2016
Freud, Lacan et nous.
Paris
Paris
Les incidences du contemporain
Semaine du Collège International de
Colloque Uforca de l’Université
dans les processus
L’Adolescent (CILA).
populaire Jacques Lacan.
de subjectivation.
Actualité de la psychopathologie
Le point de capiton.
Lieu : ENS, 45 rue d’Ulm,
de l’adolescent.
Lieu : Maison de l’Université,
75005 Paris.
Les conduites d’échec.
24 rue Saint-Victor, 75005 Paris.
Contact :
Lieu : FIAP J. Monnet, 75014.
Contact :
[email protected]
Contact : Tél : 06 70 11 80 84.
[email protected]
[email protected]
CYCLE 2016
30 septembre - 1er octobre 2016
u 25-26 mai 2016
Aix-en-Provence (13)
76e Congrès des
Psychanalystes de
Langue Française
BRUXELLES - Centre de Congrès
du 5 au 8 mai 2016
Organisé par la Société Psychanalytique de Paris
et la Société Belge de Psychanalyse,
avec le concours des
Sociétés composantes du CPLF
Coordination scientifique : B. Chervet et M. Aisenstein
LE “MOI INCONSCIENT”
Paris
Séminaires ouverts (20h-22h)
Limoges (87)
Colloque BBADOS organisé par
du Groupe d’Etudes Cliniques et
Journées organisées par la Libre
Bernard Golse, Alain Braconnier et
Psychopathologiques du
Association Freudienne.
Carnet PSY.
Développement (GECP).
Que serait une institution de soin
Destructivité et exaltation.
La clinique actuelle et les
congruente, dans le champ de la
Lieu : Maison de la Mutualité.
fondements de la psychanalyse.
Psychanalyse ?
Contact : Tél : 01 46 04 74 35.
4 avril : Gérard Pirlot :
Lieu : Amphi Blanqui, 9 place Betoulle.
[email protected]
Situation psychanalytique au
LE TRAVAIL ONIRIQUE
DU MOI INCONSCIENT
cadre aménagée :
Discutant : Georges Pragier (SPP, Paris)
Contact : www.libre-associationfreudienne.org
28 mai 2016
8 octobre 2016
Strasbourg (67)
Journée-séminaire du Collège de
Paris
formation de Psychopathologie et
Séminaire thématique du CIPA dans
de Psychologie Clinique (CFPPC).
le cadre du cycle “Politiques du
Psychothérapies des démences :
Marché et Cultures dans le
questions d’aujourd’hui,
transfert”. Les transferts culturels.
perspectives de demain.
Lieu : FIAP J. Monet, 75014 Paris.
Contact : [email protected]
[email protected]
u 26 novembre 2016
Paris
Journée d’étude du Groupe
Caen (14)
International du Rêve Eveillé
Rencontres normandes de
en Psychanalyse (GIREP).
Psychothérapie Psychanalytique
Masculin / Féminin :
organisées par l’Association
l’altérité en questions ?
Régionale de Psychothérapie
Contact : Tél : 01 42 22 75 14.
Psychanalytique de l’Enfant
et de l’Adolescent (ARPPEA).
d’enfant : apports de D. Meltzer.
Lieu : Maison des associations.
Contact : Tél : 02 31 47 85 79.
[email protected]
u 4 juin 2016
TABLES RONDES
et délinquance dans la famille.
Lieu : Hôpital de Montperrin.
Contact : [email protected]
CYCLE 2015-2016
Paris
Schibboleth, Actualités de Freud.
Journée scientifique du CIPPA
7 avril, 12 mai, 9 juin, 7 juillet.
Lieu : ISEG, 28 rue des FrancsBourgeois, 75004 Paris.
Contact : [email protected]
CYCLE 2015-2016
Séminaires Théâtre et
Paris
psychanalyse «A corps perdu»
Colloque de la revue Cliniques.
organisés par Theatra II.
La répétition en institution :
Espace de drame antique
pour le meilleur et pour le pire.
contemporain.
Lieu : Théâtre Adyar,
Antigone de Sophocle.
4 square Rapp, 75007 Paris.
Lieu : 206 Quai de Valmy, 75010.
Contact : [email protected]
Contact : [email protected]
[email protected]
Paris
10-11 décembre 2016
(Coordination Internationale entre
Paris
Psychothérapeutes Psychanalystes
Colloque organisé par le Collège
CYCLE 2015-2016
s’occupant de personnes avec
International de L’Adolescence.
Paris
Autisme).
Psychothérapies d’adolescents.
Cycle de conférence organisé par
Evaluation clinique des
Le CILA a 20 ans.
Diana Kamienny Boczkowski.
pratiques en unités de soins
Contact :
Psychanalyse et Transferts
infanto-juvéniles pour des enfants
www.cila-adolescence.com
culturels.
de 3 à 6 ans présentant un
Michèle VAN LYSEBETH-LEDENT (SBP)
Le “moi inconscient” : Perspectives
freudienne, bionnienne et winnicottienne
Louis Brunet (SCP, Montréal), Claude Smadja (SPP, Paris),
Diana Messina-Pizzuti (SBP, Bruxelles),
Giuseppe Squitieri (SPI, Rome)
L’inconscient du moi
et le “moi inconscient”
Antonino Ferro (SPI, Pavie),
Christian Delourmel (SPP, Chavagne),
Nicole Minazio (SBP, Bruxelles),
Conceiçao Tavares de Almeida (SP Portugal, Lisbonne)
Les incidents de séance
Jacques André (APF, Paris),
Françoise Coblence (SPP, Paris),
Jacqueline Godfrind-Haber (SBP, Bruxelles),
Nathalie Zilkha (SSPsa, Genève)
L’étrange et le maléfique
Maggiorino Genta (SSPsa,Vevey),
Gilbert Diatkine (SPP, Paris), Patrick Merot (APF, Paris),
Arlette Lecoq (SBP, Liège)
L’érogénéité, les racines corporelles du moi
Rui Aragão Oliveira (SPP, Lisbonne),
Paul Denis (SPP, Paris), Martin Gauthier (SCP, Montréal),
Françoise Labbé (SBP, Bruxelles)
Les identifications aliénantes
et l’utilisation de l‘objet
Yael Samuel (SPI, Raanana), Ellen Sparer (SPP, Paris),
Denis Hirsch (SBP, Bruxelles),
Anastasia Hadjyanni (SPH, Athènes)
L’espace, poétique et perspectives
Invité : Paul Andreu, architecte
Claudio Laks Eizirik (SPPA, Porto Alegre),
Marilia Aisenstein (SPP, Paris/Athènes),
Bernard Chervet (SPP, Paris/Lyon)
Paris
2 décembre 2016
La technique de la psychanalyse
Discutant : Jacques Delaunoy (SBP, Liège)
Adolescence, violence
Le sujet face au réel.
u 3-4 juin 2016
QUELQUE CHOSE
DE L’INCONSCIENT
6 juin : Florian Houssier :
Séminaires organisés par
Contact :
Dominique CUPA (SPP)
Lieu : Maison de l’Amérique Latine,
autisme typique ou atypique.
u CYCLE 2016
217 bd St-Germain, 75007 Paris.
Lieu : Université Paris
Paris
12 avril, 17 mai, 14 juin.
Diderot Paris 7.
Séminaire de l’association
Contact : psychanalyse@
Contact : [email protected]
Psychanalyse Actuelle.
transferts-cutlurels.com
4 ateliers cliniques (réservés aux Analystes
en formation) animés par :
Robert Asséo (SPP, Paris), Alain Gibeault (SPP, Paris),
Patrick Miller (SPRF, Paris), Renata Sgier (SSPsa, Berne)
Ateliers du jeudi 5 mai avec :
A. Alexandridis, C. Baruch, N. Bujor, A-C. Campos, J. Canestri,
M-P. Chaumont, M. Cid-Sanz, N. De Coulon, M-P. Durieux, E. Ego,
M. Engel, S. Frisch, J. Glas, A. Gurdal-Kuey, B. Habip, R. Havas, E. Jonchères,
M. Khoury, G. Lavallée, JP. Matot, J. Picard, G. Pirlot, J-Y. Tamet, E. Weil.
Ateliers du vendredi 6 mai avec :
E. Abrevaya, M. Benhamou, M-C. Camus-Delage, N. Carels,
C. De Vriendt-Goldman, J-C. Elbez, A. Faure-Bismuth, L. Falcao, C. Franckx,
M. Hebbrecht, A. Horn, D. Irago, M-F. Laval-Hygonenq, R. Levy,
I. Maître-Lewy-Bertaut, L-C. Menezes, F. Munari, G. Noir, T. Parman,
M. Picco, M. Pichon-Damesin,V. Sandor, M. Utrilla-Robles, P. Valon.
Renseignements et bulletin d’inscription :
Congrès des Psychanalystes de Langue Française
187 rue Saint-Jacques - 75005 Paris - France
Tél : +33 (0)1 43 29 66 70 (du lundi au jeudi de 9h30 à 13h)
E-mail : [email protected] - Site : www.spp.asso.fr
3
le Carnet PSY • avril 2016
Agenda
Agenda
le Carnet PSY • avril 2016
4
Colloque
MÊME PAS PEUR !
Les phobies de l’enfant et de l’adolescent
Vendredi 20 mai 2016 (9h - 17h30)
La vie du couple.
Destins de l’Oedipe freudien.
6 ou 9 avril 2016 : Haine et
Névrose, psychose et perversion.
ressentiment dans le couple.
Lieu : Hôpital Montperrin.
8 ou 25 mai 2016 :
Contact : Tél : 06 12 21 94 75
Séparation et divorce.
et/ou 06 61 89 98 70.
9 ou 12 juin 2016 :
[email protected]
Espace Reuilly - 21 rue Hénard - 75012 PARIS
Le deuil de l’aimé.
Lieu : Espace Reuilly.
CYCLE 2015-2016
A chaque âge ses phobies. Du bébé à lʼenfant puis à lʼadolescent, les phobies
évoluent dans leur nature et leur fonction. Lʼenfance est dominée par les phobies
dʼanimaux, qui peuvent prendre un tour pathologique, comme ce fut le cas pour
le petit Hans de Freud.
Lʼadolescence avec la puberté pose la question de lʼautre, sous les auspices de
lʼamitié ou de lʼamour, de lʼintersubjectivité et de la séduction, du genre et de la
sexuation, de lʼérotisation et de la sexualité. Les relations peuvent alors être
prises dans une organisation phobique temporaire, donnant lieu plus souvent
que dans lʼenfance à des phobies de situation : phobie de lʼécole, phobie sociale,
phobie des transports, ou phobie de rougir, etc. La clinique des phobies pose la
question de la structure sous-jacente, structure qui opère dans le réel une
coupure avec la réalité jusquʼà conduire à un paroxysme : la peur dʼavoir peur.
Quelle place occupe ainsi la phobie dans notre clinique contemporaine ?
Si les approches comportementales peuvent dénouer le vif de certains
symptômes, lʼapproche psychodynamique reste une indication privilégiée, dans
tous les cas de phobies de lʼenfant et de lʼadolescent. Comment appréhender ce
symptôme phobique et comment prendre en compte la souffrance des parents
en institution ou en privé ? Car les phobies restreignent considérablement
lʼespace et lʼélan vital du sujet, même si celui-ci énonce souvent le fameux :
« Même pas peur ! »
Contact : Tél : 01 46 47 66 04.
Paris
[email protected]
Soirées de l’Ecole de Propédeutique
à la Connaissance de l'Inconscient
CYCLE 2015-2016
(EPCI). Le lundi (19h30-22h).
Paris
21 mars 2016 : Honte et
Ateliers de lecture Lire Jung au
culpabilité. S. Lepastier.
GERPA organisés par le Groupe
11 avril 2016 : Le drame
d’Etudes et de Réflexion de
de l’inhibition. Th. Braconnier.
Psychologie Analytique.
9 mai 2016 : L’identification.
Lire, Interagir, Réfléchir pour
Ch. Flavigny.
Étudier l’œuvre de C. G. Jung.
23 mai 2016 : Les premiers
- Groupe d’introduction à la
entretiens. C. Lebrun.
Psychologie Analytique.
15 juin 2016 : A propos de Balint.
- La dialectique du Moi
K. Atger et J.-F. Coudreuse.
et de l’inconscient.
Christian HOFFMANN, Didier LAURU, Jean-Yves Le FOURN,
Daniel MARCELLI, Olivier OUVRY, Annick Le NESTOUR,
Jean-Louis Le RUN, Nadia MORETTON,
Jordan SIBEONI, Benoit VIROLE.
Lieu : Hôpital des Diaconesses.
Dominique Gour (le vendredi) :
Contact : Tél : 01 43 07 89 26.
Tarifs : 50 € (tarif réduit), 100 € (inscription individuelle)
150 € (formation continue)
Contact : [email protected] ou 01 46 33 70 47
(boite vocale) - Inscriptions possibles sur www.enfancesetpsy.fr
Intervenants : Jean-Pierre BENOIT, Cristina FIGUEIREDO,
15/04 et 6/05/16.
- Ecouter Jung être son propre
CYCLE 2015-2016
biographe. Michel Bénet
Paris
(le mercredi) : 6/04, 4/05/16.
Journées de formation (9h-16h30)
- Les complexes : théorie et
de Ecole de Propédeutique
figuration dans le rêve et le jeu
à la Connaissance de
de sable. Catherine Farzat
l'Inconscient (EPCI).
(le mercredi) : 20/04 et 25/05/16.
19 avril 2016 : Deuil et séparation.
- Etude de « La structure de l’âme »,
G. Bonnet.
conférence donnée par Jung, en
24 mai 2016 : Le féminin
français, en 1928. Sophie Braun et
de la lettre. P.-L. Assoun.
Philippe Buonafine (le samedi) :
14 juin 2016 : La fonction
CYCLE 2015-2016
CYCLE 2015-2016
CYCLE 2015-2016
Paris
Paris
Paris
- Sentiment de soi, sentiment de
Cycle de 5 conférences organisé
Séminaire organisé
Cycle de séminaire organisé par
l’autre. Identité et altérité dans le
par le CRPMS de l’Université Paris
par Daniel Sibony.
S. Korff-Sausse, Université Paris
transfert. Giovanna Galdo (le jeudi) :
Diderot - Paris 7.
Psychanalyse éthique.
Dideriot Paris 7, UFR Etudes
19/05/16.
« Psychanalyse, art et image VIII ».
13 avril, 18 mai, 22 juin 2016.
Psychanalytiques.
Lieu : Forum 104, 75006 Paris.
Lundi 11 avril 2016.
Lieu : Faculté de Médecine, 15 rue
Introduction à la lecture de W.R.
Contact : Tél : 06 77 90 87 38.
Lieu : Beaux-arts de Paris,
de l’Ecole de Médecine, Pavillon 1.
Bion. (un mardi par mois, 18h-20h).
[email protected]
75006 Paris.
Contact :
Lieu : Université Paris 7.
Contact : Tél : 01 47 03 50 00.
[email protected]
Contact : [email protected]
CYCLE 2015-2016
CYCLE 2015-2016
Marseille (13)
CYCLE 2015-2016
CYCLE 2015-2016
Paris
Paris
Groupes d’échange organisés par
Séminaire Babylone “Psychanalyse
“Médecine et Psychanalyse”.
et littérature” organisé par l’Institut
Entre Médecine et Psychanalyse.
Mutualiste Montsouris.
Lieu : Campus des Cordeliers, 75006.
9 mai 2016 (Littérature) :
Contact : www.medpsycha.org
Paris
Cycle de séminaire organisé par
S. Korff-Sausse et R. Waintrater,
Université Paris Dideriot Paris 7,
UFR Etudes Psychanalytiques.
Les courants contemporains de la
psychothérapie psychanalytique.
Serge Boimare :
(Le 2e Jeudi par mois, 18h-20h).
9/04/16.
paternelle. F. Marty.
Lieu : Forum de l'Eglise Saint Eloi.
Contact : Tél : 01 43 07 89 26.
CYCLE 2015-2017
Paris
Cycle de formation organisé par
l’Association Psychanalyse
Journées de formation organisées
par l’Institut du Champ Freudien.
- Etre fou n’est pas un privilège.
Les mots, le corps, les objets au
temps de la forclusion
généralisée.
et Psychothérapies.
Pratique de la clinique et des
thérapies psychanalytiques.
Contact : Tél : 06 69 05 90 01
ou 01 44 93 57 36.
[email protected]
CYCLE 2015-2016
- Entrées dans la psychose.
Lyon (69)
Enseignement de Propédeutique.
Cycle de cinq conférences
Mythes et mythologie, Héraclès….
CYCLE 2015-2016
Discutant : D. Bochereau.
Paris
6 juin 2016 (Art) : Bernard Golse :
Séminaire théorico-clinique
Ilots autistiques et créativité :
du Groupe International du Rêve
de Picasso à Glenn Gould.
Eveillé en Psychanalyse (GIREP).
CYCLE 2015-2016
CYCLE 2015-2016
Maurice Corcos.
Discutant : Y. Loisel.
Approche spécifique du Rêve
Paris
Aix-en-Provence (13)
Lieu : Palais de la Mutualité, 1 place
Lieu : IMM, 42 Bd Jourdan, 75014.
Eveillé en Psychanalyse.
Cycle de conférences
Conférences d’introduction à la
Antonin Jutard, 69003 Lyon.
Contact : Tél : 01 56 61 69 80.
Contact : Dr Jacques Boulin.
organisé par les “Séminaires
psychanalyse organisées par
Contact : Tél : 04 78 38 78 01.
[email protected]
Tél : 01 46 05 16 08.
Psychanalytiques de Paris”.
l’Institut du Champ Freudien.
[email protected]
Lieu : Université Paris 7.
Contact : [email protected]
Contact : Tél : 06 12 21 94 75
“Rêver encore” (à 20h30) du
et/ou 06 61 89 98 70.
Groupe Lyonnais de Psychanalyse
[email protected]
Rhône-Alpes (GLPRA).
5 avril 2016 : Rêver peut-être…
Colloque du Département de
Psychiatrie Adulte de l’ASM13
QUAND L’HUMEUR
VIENT À LA PSYCHOSE
Intervenants :
N. BEAUCHET - P. BROKMANN - A. FONTAINE
A. FREJAVILLE - N. GAILLARD-JANIN
A. JEANNEAU - P. JEANNEAU-TOLILA
V. KAPSAMBELIS - R. MALGAT - J-P. MELUN
B. ODIER - J. PLANCKAERT - J. SINZELLE
Vendredi 3 juin 2016 (9h - 17h30)
Salle René Diatkine - ASM13 ERP
76 avenue Edison - 75013 Paris
Tarifs : Formation continue : 160 €
Formation individuelle : 100 €
Etudiants, retraités, demandeurs d'emploi : 50 €
ASM13 – Département ERP – 76, av Edison – 75013 PARIS
Renseignements et inscriptions : 01 40 77 43 18 (ou 43 17)
Programme détaillé et bulletin d’inscription sur :
www.asm13.org
CYCLE 2015-2016
CYCLE 2015-2016
Paris
Paris
Cycle de conférences organisé
Cycle de séminaires Jean Cournut
12-13 mai : Troubles du
Traumatismes psychologiques et
Comportement alimentaire.
vieillissements.
10 juin : Addictions sexuelles.
Lieu : Palais des Congrès,
u 7-8 avril 2016
21-23 septembre et 8-9 décembre :
place des Ducs de Rohan.
addictologie
par la SPP.
organisé par la SPP d’Introduction à
La psychanalyse à l’épreuve de la
la psychanalyse (un lundi par mois).
Paris
Approches sur le jeu pathologique
Contact : Tél : 02 99 54 94 68.
clinique contemporaine.
Le sexuel infantile (20h45).
1ère Audition publique de la
et le jeu excessif.
[email protected]
Le mercredi à 21h15 :
Théorie et clinique en psychanalyse.
Fédération Française
Contact : Tél : 02 40 84 76 20.
Introduction à la psychanalyse de
30 mai 2016 :
d’addictologie (FFA).
l’enfant et de l’adolescent.
Le sexuel infantile
Réduction des risques
18 mai 2016 : Les troubles
dans la psychose.
et des dommages liés aux
oppositionnels avec provocation
Vassilis Kapsambelis.
conduites addictives.
de l’enfant. Approche psycha-
20 juin 2016 :
Lieu : Ministère de la Santé.
nalytique. Gilbert Diatkine.
Le sexuel infantile au jeu du
Contact : www.addictologie.org
Le jeudi à 21h15 :
psychodrame.
Introduction à la
Cyrille Munier.
handicap
art-thérapie
28-29 avril 2016
13-14 mai 2016
Paris
Lyon (69)
Colloque de l’Union Nationale des
u 1er - 3 juin 2016
Journées de printemps de la Société
Associations de Parents et Amis de
Française de Psychopathologie de
Personnes Handicapées Mentales
(UNAPEI).
psychanalyse de l’adulte.
Lieu : SPP, 187 rue St-Jacques,
Paris
24 mars 2016 : Les troubles
75005 Paris.
Congrès International d’Addictologie
l’Expression et d’Art-Thérapie
Impulser des parcours de santé
du caractère : une pathologie
Contact : Tél : 01 43 23 66 70.
de l’Albatros.
(SFPE-AT). Désir et amour.
Lieu : MJC de Montplaisir.
coordonnés au service des
[email protected]
Les addictions :
au carrefour des connaissances.
Contact : www.sfpe-art-therapie.fr
personnes handicapées.
actuelle ? Marie Sirjacq.
26 mai 2016 : Aurions-nous
Lieu : Maison de la RATP,
Lieu : Novotel Tour Eiffel.
mauvais genre ? En quoi les
u 27-28 janvier 2017
théories du genre concernent-
Paris
elles la psychanalyse ?
16e Colloque de la Société
Jacqueline Schaeffer.
Médecine et Psychanalyse (SMP).
Lieu : Université Paris Descartes,
Tous connectés :
CYCLE 2016
7-9 avril 2016
u 25-26 novembre 2016
43 rue des Saints-Pères, 75006.
Le numérique et le soin.
Nantes (44)
Pontivy (56)
Paris
Contact : Tél : 01 43 23 66 70.
Lieu : Campus Jussieu,
Journées de formations
Congrès organisé par
11ème Séminaire Interuniversitaire
(du lundi au jeudi de 9h30 à 13h.)
4 Place Jussieu, 75005 Paris.
de l’IFAC (Institut Fédératif des
l’association Psychologie
International sur la Clinique
[email protected]
Contact : www.medpsycha.org
Addictions Comportementales).
et vieillissement.
du Handicap (SIICLHA).
Contact :
www.centredesaddictions.org
5
le Carnet PSY • avril 2016
Agenda
75012 Paris.
gérontologie
Contact : www.unapei.org
Agenda
le Carnet PSY • avril 2016
6
11 juin 2016
Paris
19e Journée de psychopathologie
du nourrisson de l’ASM13.
Recevoir les parents.
psychosomatique,
psychologie
médicale
Lieu : Amphi Buffon,
15 rue Hélène Brion, 75013 Paris.
12 juin 2016
Contact : [email protected]
Paris
XXXIIe Journée scientifique de
15-16 septembre 2016
l’Institut de Psychosomatique
Paris
(IPSO) Pierre MARTY
Colloque des 30 ans de
Destructivité et désorganisation.
l’Association Nationale des
Lieu : Association du Quartier de
Psychologues pour la Petite
Notre-Dame des Champs.
Enfance (ANAPSYpe).
Contact : Tél : 06 85 89 27 31.
Quand les temps changent, les
[email protected]
bébés changent-ils ?
Lieu : Espace Reuilly, 75012.
Contact : Tél : 01 45 41 40 32.
[email protected]
9-10 novembre 2016
Beaune (21)
Journées annuelles de la Société
Marcé Francophone.
Bébés et cultures.
Histoires et empreintes culturelles
d’hier et de demain...
Lieu : Palais des Congrès.
Contact : Tél : 03 80 42 48 31.
[email protected]
17-18-19 novembre 2016
Avignon (84)
12e Colloque de périnatalité de
en Santé Mentale.
28 juin : Soins somatiques en
santé mentale.
29-30 juin : Douleur en santé
mentale et autisme.
Lieu : Maison Internationale Cité
Universitaire de Paris.
Contact : Comm Santé.
Tél : 05 57 97 19 19.
u 9 juillet 2016
Premières rencontres de l’Institut de
Psychosomatique Méditerranéen.
Bébé attentif cherche
Sensations et perceptions dans la
adulte(s) attentionné(s).
clinique psychosomatique.
Lieu : Centre International des
Lieu : Fondation Vasarely,
Congrès, Palais des Papes.
1 av. Marcel Pagnol,
Contact : Tél : 04 90 23 99 35
13090 Aix-en-Provence
[email protected]
Contact : [email protected]
Boulogne (92)
une identité entre-deux.
Nanterre (92)
universitaire International
Séminaire “1er Chapitre” organisé
Contact : Séminaire Inter-
Séminaire Inter-universitaire Inter-
sur la Clinique du Handicap.
par S. Missonnier, la Waimh fr.,
universitaire International
national sur la Clinique du Handicap
[email protected]
l’APEA et le laboratoire PCPP Paris
sur la Clinique du Handicap.
(SIICLHA).
Descartes (le mercredi 18h-21h).
[email protected]
1er jeudi du mois (20h30).
3 avril : Dr Gilles Levy :
Le père et l’accoucheur.
11 mai : Dr Marie-Noëlle Vacheron :
7 avril 2016 :
Promotion des Soins Somatiques
Périnatalité).
CYCLE 2016
CYCLE 2015-2016
l’Association Nationale pour la
Aix-en-Provence (13)
Contact : Séminaire Inter-
Les mots alliés ou traitres.
14e Congrès organisé par
Recherche et l’Information en
CYCLE 2015-2016
périnatalité
Paris
l’ARIP (Association pour la
Le handicap,
Clinique et annonce du handicap.
u 28-29-30 juin 2016
La consultation d’Information, de
u 30 septembre - 1er oct. 2016
Nantes (44)
13e Congrès National
Corps & Psyché.
Soigner le corps.
Le corps du malade et le corps de
la médecine : un grand écart, une
inquiétante étrangeté.
Lieu : Odyssée d’Orvault, Nantes.
Contact : Tél : 07 62 33 20 03.
Paris
Handicap comme figure
u 7-8 avril 2016
Journées de formation
de stigmatisation.
Sérignan (34)
femmes suivies pour troubles psy-
de l’ASM13.
Le poids des mots.
Journées de Périnatalité
chiques, enceintes ou présentant
Des maladies mentales
Marcela Gargiulo.
& Parentalité.
un désir d’enfant (CICO).
au handicap psychique.
2 juin 2016 :
Le temps des uns,
8 juin : Emmanuel Devouch :
Nantes (44)
19-20 mai et 29 et 30 sept.
Violence des mots et des actes.
le temps des autres.
La prise de tour dans la relation
33e Congrès annuel de la Société
Lieu : ASM13.
Albert Ciccone.
Lieu : La Cigalière.
mère/nouveau-né.
Française de Psycho-Oncologie
Contact : [email protected]
Lieu : Hôpital Pitié Salpétrière.
Contact : [email protected]
Contact : www.rap5.org
(SFPO).
Conseils et d’Orientation des
[email protected]
u 7-9 décembre 2016
Le corps fragmenté :
2-3 juin 2016
évolutions thérapeutiques
Mont-Saint-Aignan (76)
et enjeux psychiques.
Journées organisées par
Lieu : Cité des Congrès.
l’Association Internationale pour le
Contact : Tél : 05 57 97 19 19.
Développement de l'Observation du
Bébé selon Bicket (AIDOBB)
et l’Association Mon Ti’ Loup.
société
Prévention des violences
intrafamiliales chez les 0-4 ans.
u 11-12-13 juillet 2016
Paris
14e Congrès de l’International
Association of Human - Animal
Interaction Organization (IAHAIO)
organisé par la Fondation Sommer.
Contact : [email protected]
Lieu (2 juin) : Maison de l’Université.
Lieu (3 juin) : Faculté de psychologie,
amphi 400, Bât. Tillion.
Contact : Tél : 01 47 40 90 08
ou 06 62 77 72 88.
[email protected]
u 16-17 juin 2016
Brest (29)
thérapie familiale
et de groupe,
thérapie de couple
11e Congrès national sur la
parentalité et les liens familiaux.
De quelles violences les liens
familiaux sont-ils l’occasion ?
Lieu : Facultés de Lettres et des
Sc. Sociales Victor Ségalen.
2 avril 2016
Contact : www.parentel.org
Paris
CYCLE 2016
Colloque de la revue Dialogue et de
Paris
PSYFA (Psychanalyse et Famille),
Journées de formations du Centre
en collaboration avec le Centre de
d’Information et de Recherche en
Recherche-médecine-psycha-
Psychologie et Psychanalyse
nalyse-société - UFR d’Etudes
Appliquées (CIRPPA).
psychanalytiques Paris-Diderot.
Contact : Tél : 01 42 40 41 12.
Familles au risque de la justice.
[email protected]
Quels accompagnements ?
Quels soins ?
Lieu : Université Paris Diderot,
CYCLE 2016
Amphi A “Les grands moulins”,
Paris et province
esplanade Pierre Vidal-Naquet,
Journées de formation de l’Institut
75013 Paris.
Français d’Analyse de Groupe et de
Contact : [email protected]
Psychodrame (IFAGP).
- Séminaires de 1ère approche
4-5-6 avril 2016
Paris
Journées d’études de la Société de
Thérapie Familiale d’Ile-de-France.
Périnalité et groupalité.
Contact : Tél : 01 74 71 71 66.
[email protected]
21 mai 2016
Nice (06)
d’analyse de groupe et de
psychodrame.
Paris : 10-12 juin, 18-20 nov,
9-11 déc.
Avignon : 18-20 nov
10 juin 2016
Emotions et développement des
Issy-les-Moulineaux (92)
capacités de prise de décision :
Rennes : 4-6 nov.
Colloque de l’Institut du Virtuel.
les rôles contrastés du contexte
- Séminaire de perfectionnement
Robots : vertus et vertiges.
Bordeaux : 2-4 déc.
Lyon : 18-20 nov.
des praticiens de groupe et de
psychodrame : Paris : 4-6 nov.
7
le Carnet PSY • avril 2016
Agenda
virtuel
20 mai 2016
L'androïde sur le divan ?
Lieu : Espace Andrée Chedid
social réel versus virtuel.
Lieu : Espace Andrée Chedid.
Contact :
[email protected]
Journée du Groupe Méditerranéen
- Groupes d’analyse de groupe et
Paris
de la SPP (GMSPP) avec André
de psychodrame (10 séminaires) :
Colloque de l’Association Européenne
Carel, Président du Collège de
Paris, Avignon, Bordeaux, Lyon,
de Psychopathologie de l’Enfant et
Psychanalyse Groupale et Familiale.
Nantes (à partir d’avril-mai).
de l’Adolescent (AEPEA).
La souffrance familiale et ses
- Groupes de formation
La psychopathologie de l’enfant
défenses par la paradoxalité, la
au psychodrame :
et de l’adolescent face
CYCLE 2015-2016
Rouen (76)
perversion narcissique,
Paris et Montpellier (à partir de mai).
aux défis du web.
Issy-les-Moulineaux (92)
Soirées “Une soirée, un auteur”
l’incestualité suivie de
- Groupes de travail théorico-
Lieu : Théâtre Adyar,
Cycle de conférence organisé par
organisées par l’Université de
Jouer en famille.
cliniques.
75007 Paris.
l’Institut du Virtuel.
Rouen et PsyNCA (Psychologie,
Lieu : Hôtel Le Saint-Paul.
Contact : Tél : 01 45 88 23 22.
Contact : AEPEA.
Le Robot.
Neurosciences, Cognition,
Contact : Tél : 04 93 85 64 78.
[email protected]
[email protected]
10 mai 2016 : Pr. Sylvain Moutier.
Affectivité).
Contact :
[email protected]
conférence-débat
3 juin 2016
Agenda
8
le Carnet PSY • avril 2016
SPÉCIAL FORMATIONS À PARAÎTRE :
N uméro de juillet/août (n°200)
S PÉCIAL F ORMATIONS 2016
Présentation des différents diplômes (DU, DIU, DESU, ...),
Masters, stages, formations, cycles, séminaires,
colloques, offres d’emploi, etc.
Parution le 4 juillet 2016
et diffusion jusqu’au 26 septembre 2016
Pour obtenir les tarifs publicitaires (revue et/ou site) :
Estelle Georges-Chassot : +33 (0) 46 04 74 35 - [email protected]
Réserver votre encart au plus tard le 10 juin 2016
Violences intra-familiales.
u EXPO 2016
EXPO 2016
L’observation selon
Paris
Marseille (13)
E. Bick, un moyen de prévention :
Exposition L’esprit singulier.
Exposition Made in Algeria,
Lieu : Studio des Ursulines, 75005.
Contact :
[email protected]
AGENDA
INTERNATIONAL
Bernard Golse, Didier Houzel.
Collection de l’Abbaye d’Auberive.
généalogie d’un territoire.
Contact : [email protected]
Jusqu’au 26 août 2016.
Jusqu’au 2 mai 2016.
Lieu : La Halle Saint-Pierre.
Lieu : MuCEM.
Paris
Contact : www.mucem.org
3e épisode de la trilogie Nathalie
Bruxelles (belgique)
Joly chante Yvette Guilbert
Journée de la WAIMH
Contact : Tél : 01 42 58 72 89.
expo
u EXPO 2016
radio
Paris
u EXPO 2016
Paris
Exposition Anselm Kiefer.
Jusqu’au 18 avril.
Lieu : Centre Pompidou.
Exposition L’art et l’enfant. Chefs-
RADIO
d’oeuvre de la peinture française.
Paris
Jusqu’au 3 juillet 2016
Cycle Musique & Cerveau 2016
Chanson sans gêne.
belgo-luxembourgeoise.
Adoptions. Matrices corporelles
La Cartoucherie.
et transmissions psychiques.
Contact : www.la-tempete.fr
Lieu : ULB, 44 av. Jeanne, Bât. S,
u 27-29 mai 2016
Contact : Tél : +32 (0)475 908 106.
1er étage (salle Dupréel).
organisé par Radio France.
Contact : www.marmottan.fr
4 juin : Créativité,
Bordeaux (33)
cerveau et musique.
Festival CinoPSY’s organisé par la
u EXPO 2016
Paris
Exposition Persona, étrangement
humain. Jusqu’au 13 nov. 2016.
Villeneuve d’Ascq (59)
Lieu : Musée du Quai Branly.
Exposition organisée par le Lille
Contact : www.quaibranly.fr
Métropole Musée d'art moderne,
d'art contemporain et d'art brut
EXPO 2016
(LaM) et la Réunion des
Paris
u 15 avril 2016
Lieu : Théâtre de la Tempête
Lieu : Musée Marmottan Monet.
Contact : www.centrepompidou.fr
u EXPO 2016
13-22 mai 2016
10 septembre : Musique du futur /
Fédération Française de Psycho-
Cerveau du futur.
thérapie et Psychanalyse (FF2P).
18-19-20 avril 2016
Jérusalem (Israël)
Lieu : Maison de la Radio.
La psychothérapie fait son
Colloque international et
Contact : [email protected]
cinéma. La traversée du temps.
interuniversitaire organisé
Contact : [email protected]
par l’association
Schibboleth-Actualité de Freud.
théâtre/cinéma
u 7-30 juillet 2016
Avignon (84)
u 13 avril 2016
If it was Jerusalem.
Lieu : Begin Heritage Center.
Contact : [email protected]
Pièce de théâtre de W. Mouawad et
musées nationaux - Grand Palais.
Exposition Mental désordre.
Paris
B. Vermeulen, mise en scène par la
Amedeo Modigliani.
Changez de regard sur les
“Actualité de la clinique et des arts”
Compagnie Le Bruit de la Rouille.
L’oeil intérieur.
troubles psychiques.
(20h30) proposé par P. Sullivan,
Assoiffés.
Barcelone (Espagne)
Jusqu’au 5 juin 2016.
Du 5 avril au 28 août 2016.
A. de Canove et L. Lalu.
Lieu : Théâtre de l’Alizé.
23th International Symposium about
28-29-30 avril 2016
Lieu : LaM.
Lieu : Cité des Sciences.
“L’Exercice de l’Etat” de P. Schoeller,
Contact : http://www.theatre-
Current Issues and Controversies in
Contact : www.musee-lam.fr
Contact : www.cite-sciences.fr
en présence du réalisateur.
contemporain.net/spectacles/Assoiffes/
Psychiatry (ISCP).
Agenda
Gerpen
GROUPE D'ÉTUDES ET DE RECHERCHES PSYCHANALYTIQUES POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L'ENFANT ET DU NOURRISSON
21 et 22 mai 2016 à Paris
Le Gerpen a le grand plaisir d’annoncer la venue de
Jonathan BRADLEY
Psychanalyste, Consultant de Psychothérapie de l’Enfant et de l’Adolescent. Directeur du Département pour Enfants et Adolescents du Tavistock Centre
« L’Adolescent et son Corps »
Travail sur un cas clinique à partir de matériel de thérapie analytique
Jonathan Bradley dirige le Département de psychothérapie d’enfant et d’adolescent du Tavistock Centre, où il exerce des fonctions
de consultant. Il est responsable du Diplôme approfondi d’études psychanalytiques organisé par le Tavistock Centre et l’Université
d’East London. Auteur de nombreux ouvrages portant sur l’enfant et l’adolescent, il dirige une série destinée à aider les parents à mieux
comprendre leurs enfants (Undestanding Your Child). Il s’intéresse tout particulièrement aux troubles d’expression corporelle
chez l’adolescent. Ses recherches ont porté également sur la dynamique de groupe.
Accessible aux personnes inscrites sur la liste du Gerpen.
Pour toute nouvelle candidature, psychanalystes et psychothérapeutes devront prendre contact avec l’un des membres du Gerpen.
Lieu : ASIEM, 6 rue Albert de Lapparent, 75007 PARIS
Préinscription obligatoire
01 45 94 16 30 - [email protected] - gerpen.org
Déclaration d’existence n°11 94 06 758 94 - Siret : 394 349 229 000 28
Borderlines of psychiatry.
26-27 mai 2016
Signes discrets dans les
CYCLE 2015-2016
Lire Freud aujourd’hui.
Contact :
Liège (Belgique)
psychoses ordinaires.
Bruxelles (Belgique)
I. Découverte de la psychanalyse
www.controversiasbarcelona.org
Colloque organisé par Parole
Clinique et traitement.
Cycle de conférence organisé par
1895-1910.
d’Enfants.Tout ce que vous
Lieu : The Printworks, Dublin Castle.
l’APPCF. L’approche
II. Années de maturité 1911-1920.
n’auriez jamais voulu savoir sur le
Contact : www.amp-nls.org
5-8 mai 2016
sexe...Quand l’intime s’invite dans
Bruxelles (Belgique)
les interventions psychosociales.
76e Congrès des Psychanalystes
Lieu : Palais des Congrès.
de Langue Française organisé par la
Contact : [email protected]
SPP, la Société Belge de
Psychanalyse, avec le concours
des Sociétés composantes
psychanalytique groupale de
III. Nouvelles perspectives
couple et de famille. Une clinique
1920-1939.
u 19-23 septembre 2016
psychanalytique des liens.
Lieu : Société Belge de Psychanalyse.
Liège (Belgique)
30/04, 28/05, 25/06/2016 :
Contact : [email protected]
2e Colloque de la Fédération
Liens sociaux et groupaux.
28 mai 2016
Trauma Suicide Liaison Urgence.
Lieu : Le Méridien, 1210 Bruxelles.
Genève (Suisse)
Evaluer pour agir.
Contact : [email protected]
du CPLF.
XXIIIe Journée de l’Association
Contact : Fédération
Trauma Suicide Liaison Urgence.
CYCLE 2015-2016
Le “Moi inconscient”.
Genevoise de Psychosomatique.
Ombres et lumières du temps.
Tél :+32 (0)423 727 43.
Bruxelles (Belgique)
Lieu : Centre de Congrès.
Contact : SPP.
[email protected]
Tél : +33 (0)1 43 29 66 70.
(du lundi au jeudi de 9h30 à 13h).
www.spp-asso.fr
Lieu : Uni Mail (salle à préciser).
Contact : www.agepso.ch
u 3 juin 2016
Waterloo (Belgique)
Journée d’étude organisée par
20-21 mai 2016
Séminaires du mercredi organisées
L’inoubliable en psychosomatique.
l’équipe du SSM Le Méridien.
Le Méridien, sa pratique d’hier,
Liège (Belgique)
d’aujourd’hui et de demain.
3es Rencontres contextuelles
Lieu : Centre culturel J.Franck.
du Service de santé mentale (SSM)
Contact :
Le Méridien. Les dégats psycholo-
[email protected]
CYCLE 2015-2016
Bruxelles (Belgique)
Séminaires de lecture organisés par
l’Association pour la Psychothérapie
Psychanalytique de Couple et de la
Famille (APPCF).
- “La Haine de l’Amour La perversion du lien” de M. Hurni
et G. Stoll (Ed. Harmattan) :
6/04, 1/06/2016.
par la Société Belge de Psychanalyse.
Emotions et Affects.
27 avril 2016 : Les sentiments
de culpabilité, un regard
psychanalytique. P. Paduart.
Cycles de conférences
“Maladies d’amour” organisé par
la Ligue Bruxellois Francophone
pour la Santé Mentale (LBFSM).
Clinique de l’Amour.
13/04, 11/05, 8/06/2016.
Lieu : LBFSM.
Contact : [email protected]
25 mai 2016 : Des émotions pour
penser et rêver.
D. Messina et M. Van Bourgonie.
Lieu : Société Belge de Psychanalyse.
Contact : [email protected]
CYCLE 2016-2017
Bruxelles (Belgique)
Cycle du Groupe d’Etude en Clinique
Familiale Psychanalytique
de la Petite Enfance (GERFAPPE).
Lieu : rue Berkendael 97.
- “Recherches sur les petits
giques liés aux coupures du lien
CYCLE 2015-2016
Bruxelle (Belgique)
CYCLE 2016
Formation au travail psycho-
affectif parent-enfant. Impossibilité
u 2-3 juillet 2016
groupes” de W. Bion (Ed. PUF) :
Bruxelles, Liège (Belgique)
thérapeutique parents-bébé.
de donner, imposibilité de vivre.
Dublin (Irlande)
22/04, 20/05, 17/06/2016.
Cycle de 3 ans de séminaires
Lieu : Hôpital Edith Cavell.
Lieu : Auberge Simenon.
XIVe Congrès of Psychoanalysis
Lieu : Le Méridien.
ouverts organisés par la Société
Contact :
Contact : [email protected]
de la New Lacanian School (NLS).
Contact : Tél : +32 (0)496 147 565.
Belge de Psychanalyse.
[email protected]
le Carnet PSY • avril 2016
9
le Carnet PSY • avril 2016
10
Parutions du mois
Actes, n°5
Le meurtre et l'inceste
Paris, In Press, 22 €
Allouch Jean
L’Autresexe
Paris, EPEL, 20 €
Annuel de l’APF, 2016
Guy Rosolato :
passeur critique de Lacan
Paris, PUF, 26 €
AREPS
Rêve(rie)
Paris, L’Harmattan, 19 €
Corcos Maurice
Rimbaud.
Le trauma adolescent
Paris, L’Esprit du Temps, 21 €
Grosz Stephen
Les examens de conscience
Genève, Slatkine & Cie, 17 €
Masson Marie
Introduire l’enfant au social
Bruxelles, Yapaka.be
Criquillion Sophie,
Doyen Catherine (coord.)
Anorexie, boulimie.
Grotstein James S.
Un rayon d’intense obscurité.
Meynard André
Des mains pour parler,
des yeux pour entendre
Toulouse, Erès, 28 €
Nouveaux concepts,
nouvelles approches
Darchis Elisabeth
Clinique familiale de la
périnatalité
Paris, Dunod, 26 €
Duflot Carole
L’art-thérapie en soins palliatifs :
l’entre-temps
Toulouse, Erès, 14 €
Bazalgette Gérard
La folie et la psychanalyse
Paris, Campagne Première, 27 €
Egge Martin
La cure de l’enfant autistique
Paris, L’Harmattan, 25,50 €
Bonnet Gérard (dir.)
Le désir.
Eiguer Alberto
Une maison natale.
L’objet qui nous fait vivre
Psychanalyse de l’intime
Paris, In Press, 10 €
Paris, Dunod, 13,90 €
Cahiers critiques de thérapie
familiale et de pratiques de
réseaux, 55
Hypnose,
EMDR et thérapie familiale
Bruxelles, De Boeck, 35 €
Chimères, n°87
Politiques de la communauté
Toulouse, Erès, 20 €
Montreuil, Ithaque, 34 €
Paris, Lavoisier, 35 €
Bayle Benoît (dir.)
Le déni de grossesse, un trouble
de la gestation psychique
Toulouse, Erès, 25 €
Bréchon Geneviève,
Emmanuelli Michèle (dir.)
Les troubles des conduites
alimentaires chez l’enfant et
l’adolescent
Toulouse, Erès, 15 €
Ce que Bion a légué à la
psychanalyse
Ferenczi Sandor
Confusion de langue entre les
adultes et l’enfant
Paris, Payot, 5,10 €
Freymann Jean-Richard,
Patris Michel
Du délire au désir :
les dix propriétés
de la clinique analytique
Toulouse, Erès, 18 €
Garcia-Fons Tristan,
Solal Jean-François
L’événement juvénile dans la cure
de l’adolescent et de l’adulte
Paris, PUF, 14 €
Groupe AEMO / ADSEA
Puy de Dôme
L’abus sexuel intrafamilial.
L’approche spécifique
d’une équipe d’Action Educative
en Milieu Ouvert
Paris, L’Harmattan, 28 €
Halpern Catherine
Identité(s).
L’individu, le groupe, la société
Paris, Ed. Sc Humaines,
25,40 €
Journal des Psychologues,
n°335
Les idéologies :
de l’individu au groupe.
Paris, Martin Média, 7,50 €
Journal Français de
Psychiatrie, 42
Psychose maniaco-dépressive
ou troubles bipolaires ?
Toulouse, Erès, 26 €
Juffé Michel
Sigmund Freud,
Benedictus de Spinoza.
Millêtre Béatrice
Le burn-out des enfants
Paris, Payot, 16 €
Neuropsychiatrie
de l’enfance et de
l’adolescence, 64/1
Genre - Psychiatrie
transculturelle - Autisme
Paris, Elsevier
Nkayé Emiléa
Une problématique
de la douleur chronique
Paris, L’Harmattan, 23,50 €
Pérouse de Montclos
Marie-Odile, Poggionovo
Marie-Paule (coord.)
Adoption internationale.
De la rencontre à la filiation.
Paris, Lavoisier, 29 €
Revue de psychothérapie
psychanalytique de groupe, 65
Transmission psychique et
transformations
Toulouse, Erès, 26,50 €
Revue Française de
Psychanalyse, 5 (2015)
Le sexuel infantile et ses destins
Paris, PUF, 31 €
Paris, Gallimard, 24,50 €
Santé mentale, 205
Troubles du sommeil
en psychiatrie
Paris, Ed. Actes Presse, 18 €
Le Dorze Albert
La chair
et le signifiant
Paris, L’Harmattan, 22,50 €
Semi Antonio Alberto
Contes de faits.
Correspondance 1676-1938
Scènes de la vie consciente
Paris, Gallimard, 20 €
Collinet Philippe
Je est un autre,
la psychanalyse aujourd’hui
Paris, L’Harmattan, 17,50 €
Gozlan Angélique
L’adolescent face à Facebook.
Lepastier Samuel
L’hystérie.
Enjeux de la “virtualescence”
Une souffrance méconnue
Paris, In Press, 19 €
Paris, In Press, 10 €
Tisseron Serge
Comment l’esprit vient aux objets
Paris, PUF, 19 €
Bloc-notes
perspicacité les processus de
différenciation, qu’ils se déclinent
entre le statut du fantasme et de
ses articulations avec la réalité,
entre moi et autre, masculin et
féminin. Temps paradigmatique de
la métamorphose, du changement
et des expériences de séparation
qui organisent l’alternance de la
présence et de l’absence, entre
attraction et perte, séduction et
renoncement.
Dunod, 2015,
208 pages, 22 €
Avec La jeune fille et le
psychanalyste, C. Chabert poursuit
son œuvre de pensée entée dans
une expérience clinique vivante,
habitée, à la source de laquelle elle
puise la force de ses élaborations,
centrées ici sur l’expérience du
transfert avec des adolescentes et
des jeunes femmes. Se dessinent
ainsi de multiples portraits,
soutenus par des réflexions
théoriques subtiles et profondes
mises en valeur par une écriture
sensible, toujours respectueuse de
l’énigme que chacune de ces
jeunes filles porte à son insu.
Le titre choisi déploie d’emblée
des harmoniques faisant résonner
des variations associatives autour
des termes qui le composent. Entre
braises incandescentes et cendres,
une première évocation s’impose :
celle du quatuor de Schubert
nommé La jeune fille et la mort,
titre donné au dernier chapitre sur
lequel
s’achève
l’ouvrage.
Evocation qui noue au plus serré le
fol espoir de vivre et la révolte
contre l’inéluctable : l’expérience
de la perte dont la mort constitue
la figure radicale. Se trouve ainsi
immédiatement convoquée la
dialectique qui articule le registre
de la problématique œdipienne et
de la sexualité avec celui de la
perte. Dialectique tributaire de la
capacité à renoncer, dont les
destins seront divers, modulés par
la
complexité
des
jeux
identificatoires au sein desquels
les
mouvements
sexuels
ordonnent des configurations
singulières. Double courant
intimement lié, qui parcourt
l’ensemble de ce nouveau recueil
au sein duquel nous retrouvons
déployées les perspectives offertes
dans deux précédents ouvrages
centraux de l’auteure : Féminin
mélancolique (2003) et L’amour de
la différence (2011). Aux excès
narcissiques et leur potentialité de
dérive mélancolique qui engagent
une logique d’effacement des
distinctions, répond la logique des
courants de la bisexualité, celle de
la différence « qui soutient et
affirme l’existence et la
reconnaissance d’objets internes
pris dans les réseaux de la
sexualité quels qu’en soient les
registres ».
Ce double courant est interrogé à
l’aune de l’adolescence féminine,
le choix des termes de « jeune
fille » mêlant d’emblée le présent
au passé d’un temps (celui de
l’enfance) non tout à fait révolu.
Une temporalité aux repères
incertains, qui indique déjà
finement la difficulté qu’il y a à
circonscrire ce que l’on nomme
communément « l’adolescence »,
et le vivant d’un infantile
intemporel qui marque de son
empreinte toute vie psychique,
colorant singulièrement pour
chacun chaque épreuve que la vie
lui impose. Choix d’une période
dont les lisières mal définies
permettent d’interroger avec
Dans le choix du masculin pour
« psychanalyste » « la bisexualité
de l’analyste s’y présente
d’emblée », celle qui permet que
se déploie dans le transfert le jeu
des
différences
et
des
identifications, sans que soit
négligée pour autant l’importance
du sexe de l’analyste. Comment
ignorer d’ailleurs que cette écriture
témoigne de l’œuvre du féminin,
celui qui recueille davantage qu’il
ne cherche à saisir, qui fait place
au mystère plus qu’il ne prétend
l’élucider ? C’est bien le talent de
C. Chabert que de pouvoir rendre
compte de l’unicité de chaque
rencontre, de conjonctions qui
tissent en leur sein une multitude
de fils issus des profondeurs et qui
ne se rencontreront nulle part de
nouveau ainsi, car tout processus
analytique
s’origine
d’une
rencontre chaque fois singulière.
« Entre-eux-deux » (la jeune
fille et le psychanalyste), pour
reprendre le jeu de mots souligné
dans L’amour de la différence, qui
dialectise la référence de la scène
primitive à celle de l’« entre-deux »
winnicottien, une autre sorte de
conjonction. Une conjonction de
coordination « et », qui pose
d’emblée
l’altérité
comme
consubstantielle à la situation
analytique. Un « et » qui fait écart,
ouvre la voie aux déplacements
possibles, et au surgissement de
l’inattendu. Dans cet entre ouvert
de la rencontre, l’intime, qui relève
étymologiquement de l’être
auprès, pourra naître, se déployer,
et autoriser dès lors l’expression
de « l’étrangèreté du transfert ».
le Carnet PSY • avril 2016
CATHERINE CHABERT
La jeune fille et le
psychanalyste
11
le Carnet PSY • avril 2016
12
Bloc-notes
L’intime se partage et ne se
représente pas. Ainsi, l’ouvrage
s’organise autour de quatre
parties dont les titres évocateurs
soulignent, entre espoir et perte,
les destins variables de la
construction féminine dont je ne
soulignerai
que
quelques
perspectives transférentielles.
En prélude, L’espoir et la nostalgie,
en référence au roman de Carson
Mc Cullers, Le Cœur est un
chasseur solitaire, roman d’une
adolescente plutôt que sur
l’adolescence. Le travail psychique
sollicité
spécifiquement
à
l’adolescence est abordé à travers
la métaphore de la « chambre
intérieure », comme espace secret
particulièrement sensible aux jeux
des différences. Différences
actualisées par le changement, la
sexualité et la séparation. Ce motif
en forme de triptyque traverse
l’ensemble de l’ouvrage.
La métaphore se déplace alors du
côté du site analytique. S’il n’y a
pas
selon
l’auteure
une
« psychanalyse de l’adolescent »,
l’essence du transfert se
caractérise par une centralité des
enjeux narcissiques, ceux-là même
que Freud a pu reconnaître comme
obstacle majeur dans les cures.
Mais les cures d’adolescentes
montrent que « les butées
narcissiques ne sauraient être
considérées seulement comme des
obstacles inaltérables (…) elles
montrent que la part narcissique
du transfert est constitutive de son
essence, de sa force et de son
attraction ». Certaines situations
cliniques illustrent l’acharnement
du « négatif » auquel l’analyste
doit pouvoir survivre, en se
saisissant des paradoxes violents
inhérents au travail d’adolescence
qui animent le transfert, au risque
sinon que ce dernier ne s’enferre
dans la catégorie du neutre (telle
que l’a défini Green) dans le refus
obstiné de tout effet mobilisateur
du lien analytique. Comment
« Devenir quelqu’un » ?
Une des caractéristiques de
l’adolescence est sa propension à
externaliser les conflits. La place
du corps et des recours en acte est
alors essentielle servant une sorte
d’extraterritorialité dans le cadre
de laquelle la scène psychique est
située au-dehors et nécessite le
recours à un metteur en scène
pour « se sentir exister ».
C. Chabert interroge le devenir de
cette inclination dans l’intimité des
cures analytiques, soit à son
incarnation dans le transfert.
Question non séparable de la
problématique centrale des effets
de présence/absence auxquels
s’articulent
le
jeu
des
perceptions/représentations. Le
corps de l’analyste et l’intimité
qu’il représente « dit sa
paradoxale présence à la fois
séductrice et interdictrice ».
Se trouve convoqué un double
risque : celui de la tentation liée à
l’offre de séduction et celui de la
trahison liée à la peur
d’abandonner les premiers objets
d’amour au bénéfice de ce nouvel
objet incarné par l’analyste.
Quand
les
différenciations
rencontrent
des
zones
d’incertitudes trop vives, la
négativité, qui témoigne de
l’éprouvé
d’une
blessure
narcissique fondamentale, est
sollicitée avec force contaminant
corporellement l’analyste. Du côté
de l’adolescent, le corps peut être
engagé dans un destin sacrificiel,
les aménagements pervers tentant
de répondre aux dérives
mélancoliques. Il se trouve alors
« désobjectalisé dans le refus de le
voir se constituer comme source
du désir de l’autre, (et) devient lieu
de désaveu des fantasmes
originaires ».
La question des affects dans le
transfert, notamment dans leurs
liens avec la perception et les
possibilités de représentation de
l’absence, se trouve dès lors
soulevée, autour de ce que
C. Chabert nomme les perceptions
intérieures. Car, pour que le travail
psychique devienne effectif, il faut
que les images « réactivent des
traces d’affect qui lui donneront
droit d’existence et sens dans un
champ interne ». Cette possibilité
s’ouvre quand un transfert de
l’éprouvé de la patiente s’opère
sur la scène intérieure de
l’analyste.
Les Incertitudes œdipiennes
explorent les voies de passage
entre fille et femme et entre
femme et mère telles qu’elles
s’actualisent dans le lien
transférentiel. Travail inhérent à
l’activité identificatoire qui s’opère
inéluctablement dans un contexte
de perte, lié à la manière dont le
renoncement
aux
objets
(originaires puis œdipiens) s’est
éprouvé. L’angoisse de perte de
l’amour de la part de l’objet est
particulièrement activée chez les
filles car l’invitation à se tourner
vers leur père par détournement
déceptif de la mère est
appréhendée comme identification
à l’être aimé perdu. Dans certaines
organisations fantasmatiques, la
conviction incestueuse, liée à la
croyance qu’avec leur nouveau
corps de femmes, les jeunes filles
exercent une source d’excitation
extrême chez l’autre, détermine
une angoisse majeure de perte
d’amour et un retournement
haineux contre le moi des
attaques destructrices visant
l’objet. Ce retournement s’opère
au nom d’une culpabilité
inconsciente importante nourrie
par le masochisme moral.
L’inefficacité de la part protectrice
du surmoi « mal-différencié »
donne force à sa nature
tyrannique,
appelant
des
conduites
sacrificielles
qui
relèvent d’un « mouvement
mélancolique ». Un portrait
clinique en donne un magistral
exemple à partir d’une quête quasi
compulsive de nouveaux objets
d’amour à peine idéalisés qu’ils se
trouvent
déchus,
nommée
« amour maniaque » par
C. Chabert. Situation actualisant
répétitivement
la
tragédie
œdipienne dans une quête
compulsive d’amour immense et
partiellement méconnue, qui
dévoile « l’infini rabaissement
d’un moi soumis à une culpabilité
déchirante et à l’attraction de la
mort qu’elle entraîne ».
Si cette dynamique prend
aisément force au temps de
l’adolescence, C. Chabert soutient
dans La perte et la mort que toute
cure traverse un « moment
mélancolique » déterminé par la
lutte contre la passivité : refus actif
de reconnaître l’empreinte de
l’analyste et des modifications
qu’elle implique. Les formes
radicales du masochisme sont
interrogées dans leur paradoxalité : quand il s’agit d’opérer
un meurtre de la pensée au sein
duquel seule la pensée de la mort
constitue un recours possible
pour le maintien de la vie ; mourir
pour survivre.
Dans ce très bel ouvrage centré sur
des portraits de toutes jeunes
femmes, C. Chabert témoigne de
la manière dont deux « appareils
d’âmes », dans le respect d’une
place différenciée pour chacun, se
trouvent mobilisés par la force de
l’expérience du transfert pour
l’animation ou la réanimation de
ce qui s’est un temps figé ou
perdu. L’intime, consubstantiel à la
situation transférentielle, œuvre
dans sa force constituante pour la
construction de l’analyse et de la
singularité, chaque fois, de son
histoire. C’est l’expérience inouïe
du transfert que C. Chabert nous
offre en partage pour notre joie
renouvelée.
Catherine Matha
Psychologue, Maître de
Conférences, Paris 13
SYLVAIN PIRON
Dialectique du
monstre. Enquête sur
Opicio de Canistris
Bruxelles, Zone sensibles, 2015,
208 pages, 26 €
« Tu es l’Egoceros, de ego qui veut
dire chèvre et ceros qui est la
corne » (Opicino, ms. P 20r).
Les œuvres ainsi que les concepts
sont empiriques et, comme tels,
historiques. Leurs dispositifs de
production (culturels, sociaux,
psychiques) relèvent d’univers
symboliques
complexes
et
hétérogènes. Moins une œuvre est
académique, plus est grand le
risque d’anachronisme dans son
approche, même venant d’un
contemporain, car le temps de
l’œuvre résiste parfois à toute
prise - et le risque s’accroit avec
n’est pas entièrement réductible
aux normes de son temps, en ce
qu’il déchire l’étoffe de son savoir
d’historien, y laissant comme un
trou et la saveur exquise d’une
ignorance.
l’éloignement socio-historique du
récepteur. Aussi, est-ce avec
prudence
qu’il
convenait
d’aborder l’œuvre d’Opicino de
Canistris, scribe de la Pénitencerie
d’Avignon au XIVe siècle, dont les
notes auto-biographiques et les
singulières
cartes
psychogéographiques,
longtemps
inaccessibles au grand public,
révèlent aujourd’hui à l’œil du XXIe
siècle leur insaisissable beauté.
C’est avec une telle modestie
méthodologique que Sylvain Piron,
historien médiéviste, se propose
de re-problématiser ce que fut
l’œuvre de ce vivant parlant
singulier, né à Lomello, près de
Pavie, en 1296, passé par la
République maritime génoise et
mort à Avignon vers 1353, en ses
fonctions de prêtre et de scribe
pontifical.
En ses pages introductives,
l’auteur rappelle « l’effort
d’accommodation requis » (p. 7),
le « travail de restauration
imaginaire » (p. 7) à faire,
l’absence de « compréhension
spontanée » (p. 7) et la nécessaire
déprise des « conventions liées
aux habitudes visuelles » (p. 8)
pour aborder ce singulier corpus :
le savoir de l’historien est ici
requis, soit ce que l’on peut
reconstituer comme ayant fait
cadre psychique et social aux
productions d’Opicino. Mais, si le
travail d’Opicino intéresse l’auteur,
c’est aussi et surtout en ce qu’il
Et c’est bien par là que ce livre
peut intéresser le champ
analytique et les cliniciens actuels :
en ce qu’il nous parle d’un sujet
humain ayant eu à affronter un
« réel inconnaissable » (Freud) qui
lui fut propre, une « bestialité »
(p. 45) ou du « sauvage » (p. 75)
comme Opicino le nomme, qu’il
tenta de « domestiquer » (p. 75)
par ses cartes, plans et notes.
La teneur des références de
l’auteur à Bleuler, Kraepelin, Freud,
Kris, Jung, Binswanger, Lacan et
d’autres sont de ce point de vue
significatives, en ce qu’elles
constituent l’esquisse d’une façon
nouvelle d’entrer en dialogue avec
les sciences cliniques : moins
convaincue que dans les années
1970, plus exigeante et critique,
mais résolument intéressée, ce qui
devrait constituer pour les
cliniciens un appel à une
réinvention de leurs rapports avec
l’anthropologie et l’histoire,
comme cela est en train de se
produire aujourd’hui.
Pour donner un aperçu de
l’énigme d’Opicino, évoquons ces
cartes d’Europe colorées en vert,
rouge, noir et brun, à visages
vivants et mobiles, lisibles à
double ou triple sens, livrant leurs
images renversantes, en négatif et
positif, superposant d’autres
schémas d’intelligibilité comme
ces « lignes de conversion »
mystiques ou ces réseaux fluviaux
redimensionnés, jouant avec les
analogies, les étymologies, les
projections et les points de
rencontre
entre
signifiants
majeurs pour lui (Jésus, Marie, le
pape, Pavie, Venise, Jérusalem,
Alexandrie, Antioche, Constantinople
et Rome), générant ainsi des
images uniques, très différentes de
ce que produira, à partir du XVIIIe
siècle, la tradition des cartes
anthropomorphes, plus réglées
dans leur sens de l’allégorie.
Certes l’on trouve une carte où
l’Europe est femme et l’Afrique
le Carnet PSY • avril 2016
13
le Carnet PSY • avril 2016
14
Bloc-notes
homme. Mais la femme est nue,
chaussée de bottes de cuir, et
reçoit un coup de poing dans sa
matrice (où une Europe miniature
est en gestation) ; une
méditerranée-monstre lui enfonce
encore un bras au bas-ventre.
Certes, l’Afrique apparaît en prêtre
vêtu, exhibant une croix, mais la
dimension allégorique semble
submergée par des bouts de corps
obscurs : une bouche béante, un
monstre marin, un phallus
éjaculant, un vagin ensanglanté,
un regard féroce, des jambes à
moitié dévorées.
Si le cadre socio-psychique
d’Opicino est bien pour part
l’« analogisme », tel que défini par
Philippe Descola dans Par-delà
nature et culture, et s’exerçant ici
en contexte médiéval et chrétien, il
y a dans la richesse de ces
planches plus qu’une inventivité
analogique propre à ce schème
anthropologique : une prolifération féconde, plutôt, dont ce
scribe du XIVe siècle tente de
trouver le point d’arrêt par et pour
lui-même.
On ne peut s’empêcher ici de
penser aux Mémoires du président
Schreber, tant les thèmes de la vie,
de la mort, de la génération ou de
la dévoration s’y retrouvent ici
comme là enchevêtrés ; tant la
recherche d’un ordre manquant y
est dans les deux cas présente.
Mais l’on doit reconnaître ici la
spécificité médiévale et chrétienne
de l’enveloppe formelle des
productions d’Opicino, témoignant
d’une historicité du délire, tant
dans ses contenus que dans ses
procédés formels (voir l’extrait de
son journal, p. 125-126).
En un point du travail de Sylvain
Piron se produit donc un lien à la
clinique, mais dont celui-ci montre
qu’il a jusqu’ici été problématique,
car pensé à distance et ex
cathedra, les psychiatres ou
psychanalystes
enseignant
doctement sur Opicino, du point de
vue des catégories de leur temps,
sans
être
réciproquement
enseignés par le réel de son œuvre.
L’auteur revient sur l’histoire de
ces manuscrits. Il est important de
rappeler qu’Opicino n’a pas
divulgué ceux-ci de son vivant, à la
différence de ses traités
théologiques aujourd’hui perdus.
Il écrit lui-même en 1337 :
« Jusqu’à présent, cette œuvre n’a
été révélée à personne, si ce n’est
à certains qui ne pouvaient
comprendre, tandis que je gardais
le silence » (p. 76). On note une
réticence légitime.
Si l’histoire les a conservés, c’est
en vertu d’un « droit de dépouille »
de la Papauté qui, lors du
rapatriement de ses archives à
Rome, en a saisi le codex, décrivant
« un livre plein de figures
difficilement compréhensibles,
concernant Pavie et d’autres
parties de l’Église, avec de
nombreux mystères » (p. 15).
L’œuvre
y
restera,
sans
commentateur identifié, jusqu’au
début du XXe siècle.
lui, un réveil où il n’avait plus
« qu’une compréhension sauvage
des mots » (p. 75) (intellectu
silvestri verborum), jusqu’à ce qu’il
puisse en témoigner quelque
chose « ayant toutefois du sens »
(p. 75) (sententialium tamen).
A partir de cette maladie, il cessera
de désigner les années par leur
millésime et leur donnera des
noms - année de l’attente (1335),
de la récompense (1336), de la
rénovation (1337) de la perfection
(1338), de la révélation (1339), du
couronnement (1340), de la
tranquillité (1341) (p. 151) -, au fil
de sa re-théorisation globale du
sens de l’Église, du peuple chrétien
et de sa propre vie, témoignant
ainsi du passage à un ordre
supérieur de temporalité, plus
mystique
et
parfaitement
signifiant et donnant l’exemple
d’un processus médiéval de
stabilisation psychique.
Il est important, d’un point de vue
clinique, de mentionner que les
saisissantes images sont toutes
postérieures à une certaine
« maladie » (infirmitas) qu’a eu
Opicino en 1334, maladie jugée si
grave par ses nombreux proches
qu’on est allé jusqu’à lui
administrer l’extrême onction.
Il s’en fait le scribe dans son
journal : « 31 mars. Ce jour est
survenue la maladie. Ayant reçu
tous les sacrements nécessaires.
(...) Avril. Pendant le tiers de ce
mois, je fus presque mort.
Respirant encore, je ne pouvais rien
faire de mes membres. Je crois que
je me suis rétabli pour avoir donné
témoignage de mon obéissance
aux clés (c’est-à-dire au pape). (...)
3 juin. Ce jour, après les vêpres,
avec un serviteur comme témoin,
j’ai vu un vase dans les nuages.
Étant demeuré muet, à la suite de
cette maladie, et le bras droit sans
vigueur, j’ai étonnamment perdu
une grande part de ma mémoire
littérale » (p. 43). Ces notes
semblent indiquer ce que Lacan
désigne du nom d’« événement de
corps » (Joyce, le symptôme) et
que l’on repère sémiologiquement
comme « phénomènes élémentaires » dans les récits de sujets
témoignant de vécus dits
« psychotiques ». Opicino évoque,
L’auteur retrace également
l’histoire de la réception d’Opicino.
Les cartes et notes sommeillèrent
pendant près de six siècles aux
archives du Vatican, avant d’être
exhumées en 1913 par Franz Ehrle,
jésuite allemand, alors préfet de la
Bibliothèque apostolique. Il les
signala à Fritz Saxl, lequel
travaillait pour Aby Warburg à un
catalogue
des
œuvres
astrologiques. Celui-ci ne retint
pas l’œuvre pour son catalogue,
mais en commanda quelques
clichés pour la bibliothèque de
Warburg, suscitant d’intenses
curiosités. A partir de 1925,
Opicino devint un objet de
recherche important du cercle
Warburg (Saxl, Salomon, Heimann,
Krautheimmer, Kris). Aussitôt, fut
posée la question de sa « folie »,
de sa « psychose » et du rapport
entre art et souffrance psychique.
Saxl envoya un exemplaire à Jung
qui énonça : « Je reconnais qu’une
telle cohérence et un art si
extraordinairement soigné militent
contre l’idée d’une schizophrénie
ordinaire ; toutefois, il existe aussi
des formes raffinées dans
lesquelles il y a de la méthode
dans la folie » (p. 22).
Ernst Kris, historien de l’art devenu
psychanalyste, consacrera un
article
de
son
ouvrage
Psychanalyse de l’art à Opicino,
proposant d’appliquer l’idée d’une
fixation libidinale infantile. Sylvain
Piron en pointe la fragilité : « Cette
lecture, qui invente des soupçons
de sexualité infantile en
comprenant mal certaines phrases
latines, est trop rapide et
désinvolte pour être pleinement
convaincante » (p. 22). L’auteur est
tout aussi sceptique concernant le
diagnostic de « paraphrénie
fantastique », formulé par Muriel
Laharie, en collaboration avec le
psychiatre Guy Roux, dans son
ouvrage Art et folie au Moyen Âge
(1991). D’une manière générale,
dans l’approche diagnostique, il
relève la « lecture imprécise des
documents, souvent biaisée par les
hypothèses de départ » (p. 24). On
ne peut que le suivre sur le faible
intérêt d’un diagnostic sans
rencontre, sans transfert et sans
perspectives thérapeutiques. De
même, il est difficile de défendre
les « trop nombreuses confusions,
contresens et erreurs de traduction
du latin » (p. 24) auxquelles se
livrent parfois les cliniciens,
pressés de comprendre et de
nosographier.
L’auteur donne un exemple parmi
d’autres : la traduction, dans
l’ouvrage sus-cité, de « papa
stupor mundi » (« le pape est
l’éblouissement du monde ») en
« le pape est la honte du monde »,
pour appuyer le préjugé d’une
hostilité paranoïaque d’Opicino à
l’encontre de Benoit XII, qui nous
dit Sylvain Piron, « n’existe que
dans l’esprit des deux auteurs »
(p. 183), car, au contraire, on
trouve chez Opicino nombre de
suppliques aimantes au pape et un
constant arrimage psychique à
cette figure idéalisée. De quoi
réfléchir, surtout si l’on a en tête la
célèbre erreur de traduction de
Freud, à propos des Carnets de
Léonard de Vinci !
Sylvain Piron recense par ailleurs
d’autres catégories d’approches
non cliniques de l’œuvre et de son
auteur - « mystique », « écrivain
cryptique », « prêtre tiraillé par les
contradictions de l’Église »,
« exemple d’art brut » - en en
montrant à chaque fois la valeur
heuristique et les limites.
L’intérêt de sa réflexion est qu’il
critique, dans le même temps, les
approches qui feraient d’Opicino
un cas représentatif de prêtre
pontifical de son temps : « En
cherchant, par différent biais, à
ramener Opicino dans le cadre
d’une normalité, elles tendent à
araser les aspérités les plus
marquées de son expression - ses
jeux de mots rocambolesques, les
coq-à-l’âne qui ponctuent de
nombreux
développements.
A force de contourner l’hypothèse
de troubles mentaux, elles
ignorent une question qui devrait
au contraire être centrale dans une
tentative de restituer, de l’intérieur,
le sens d’une activité expressive
aussi intense. Cette question est
celle de la souffrance psychique
d’Opicino » (p. 25-26). En effet,
sitôt ordonné prêtre en 1320,
Opicino dépeint une vive angoisse
et les affres impossibles de devoir,
par sa fonction, absoudre les
pénitents de leurs péchés, alors
qu’il se vit comme le plus impur
des pécheurs. C’est ce long conflit
- et très probablement les
perturbations psychiques qu’il finit
par engendrer, jusqu’à sa crise
dissociative de 1334 - qu’il
cherche à résoudre par ces
« instruments spirituels à usager
unique » (p. 164) - comme les
nomme judicieusement l’auteur que sont ces notes et ses cartes.
Dialectique du monstre, au-delà
de son intérêt historique et
esthétique (car c’est un beau livre,
aux nombreuses reproductions
judicieusement encastrées - et il
faut saluer ici le travail de l’éditeur
Zones sensibles), pose ainsi aux
cliniciens la question, non encore
résolue, des conditions d’une interdisciplinarité
renouvelée
:
comment recherches cliniques et
recherches historiques - aux
terrains, concepts heuristiques et
pratiques différenciés - pourraientelles dialoguer de façon
rigoureuse et féconde, à propos
d’un cas socio-historiquement
documenté ?
Guénaël Visentini
Psychologue clinicien,
psychanalyste
DIDIER LAURU
De la haine de soi à la
haine de l’autre
Albin Michel, 2015, 200 pages,
16 €.
Avec son nouveau livre, Didier
Lauru semble se détourner de
l’amour, le thème de prédilection
de ses précédents ouvrages : Pèrefille, La folie adolescente, ou Folies
d’amour. Un livre destiné à un
public averti mais non spécialisé,
qui lui donne l’occasion d’adresser
à ses lecteurs son inquiétude de
psychanalyste : dans la vie de ses
patients, dans les séances, la haine
infiltre tous les rapports sociaux
qu’ils soient amoureux, familiaux,
politiques ; la haine menace, selon
lui, l’essor de la culture. Il introduit
son propos par une question
universelle : « Pourquoi tant de
haine ? » et son dernier chapitre
pré-conclusif est aussi une
question : « Faire reculer la
haine ? » Autant dire que l’ouvrage
n’apportera pas les réponses qui
apaiseraient l’inquiétude de
l’auteur.
« Ne pouvant prendre pour loi une
parole qui énoncerait : « Tu haïras
ton prochain comme toi-même »,
le principe religieux est édicté au
nom de l’amour », Lauru propose
ainsi le renversement de la parole
biblique qui fait lien obligé entre
l’amour et la haine, la première
contre-investissant la seconde.
L’auteur est sur le droit fil de la
pensée freudienne évoquée dans
son premier chapitre : « l’amour
de soi fonde la haine », écrit-il à
propos du bébé - ruthless, sans
égard, aurait préféré écrire
Winnicott. La haine se développe
ensuite entre narcissisme et
Œdipe.
Difficile alors d’établir un lien de
causalité univoque entre haine de
soi et haine de l’autre. Qui de soi
ou de l’autre est cause de haine ?
L’auteur hésite entre les deux
options selon qu’il privilégie un
narcissisme primaire pré-objectal,
ou une altérité qui serait à
l’origine
du
narcissisme.
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le Carnet PSY • avril 2016
Bloc-notes
le Carnet PSY • avril 2016
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Bloc-notes
Peu importe l’ambivalence des
sentiments, l’amour-haine est
protecteur tant que la haine ne
prend pas le dessus et transforme
le binôme en haïr/se haïr.
La rivalité fraternelle du couple
biblique Abel et Caïn est un
paradigme de la haine, Didier
Lauru se montre convainquant. La
jalousie de Caïn est inaugurée par
l’injustice que constitue le regard
de Dieu, un « regard asymétrique »
adressé à Abel qui a su le
complaire. La haine du frère se
fonde sur le déficit d’attention et
de valorisation du père. Un
paradigme qui permettra à
l’auteur de former le vœu d’une
éducation bienveillante, respectueuse des évolutions singulières
des enfants et des élèves. Un vœu
pieux ? Peut-être, mais qui, sinon
l’analyste qui accueille les
souffrances des enfants et des
adolescents, serait légitime pour
en formuler l’urgence ?
Ce livre est émaillé de vignettes
cliniques et de références
littéraires, théâtrales, cinématographiques qui déclinent les
innombrables figures de la haine :
à l’adolescence, dans le couple,
dans le rapport à son propre corps
et dans les occurrences de la
pathologie : obsession, paranoïa,
dépression. C’est une des qualités
de cet ouvrage que de proposer le
prisme de la haine pour éclairer
autrement la vie libidinale.
Un exemple issu de la clinique de
l’auteur auprès d’adolescents :
c’est un sujet que Lauru ne
prénomme pas, contrairement aux
autres cas. Un oubli ?
Probablement pas, ce garçon est
innommé parce que d’abord, il ne
s’est pas reconnu dans le miroir et
ensuite qu’il « s’est mal vu ». En
l’occurrence, non par l’autre, dans
un moment persécutif, mais par
lui-même, dans un mouvement
dissociatif. Il se lacère alors le
visage : « Il s’est vu comme si un
autre le regardait avec une
dimension de malveillance et de
haine (…) Il lui fallait rayer son
inscription dans une lignée pour
advenir enfin comme sujet » écrit
son psychanalyste à l’issue d’une
thérapie qui fut productive. Bien
sûr, la dimension transférentielle
de ces mouvements haineux
envers soi-même, envers les
autres, affleure dans chacune des
vignettes : la haine maltraite le
psychanalyste, dont chaque
interprétation, chaque regard,
chaque geste est l’occasion d’une
déferlante haineuse dont on se
demande comment l’analyste en
subit le contre-transfert sans
dommage. Lauru semble encaisser
les attaques avec fermeté et
bienveillance, et ses interprétations
portent. On aurait toutefois aimé
en savoir un peu plus, connaître
ses errances ou ses ratages. Il
faudra probablement attendre un
autre ouvrage adressé aux
psychanalystes.
Je donnerai un second exemple
cette fois-ci des plus banals : la
haine est d’autant plus forte dans
le couple que l’amour a connu un
intense investissement par l’un et
l’autre partenaire. Lauru donne
l’exemple du roman de Simenon,
le Chat, adapté à l’écran par
Garnier-Deferre avec Simone
Signoret et Jean Gabin. Le couple
de retraités vit dans une méfiance
réciproque depuis que le chat de
l’homme est mort : l’homme
soupçonne sa femme de l’avoir
empoisonné. Une haine « qui ne
s’encombre d’aucun semblant ».
Leur folie n’est pourtant pas
paranoïaque, mais ordinaire :
Lauru écrit : « Ils agissent par
amour, en ce sens que la haine est
venue s’insérer précisément en
lieu et place de l’amour. Exemple
d’une haine qui persiste à unir un
couple, une fois brûlés les feux du
désir. » Un exemple parmi d’autres
d’une pulsion de mort au service
de la libido. L’intrication des
pulsions est une règle qui suppose
qu’amour et haine se conjuguent ;
on se demande in fine si « faire
reculer la haine » peut être un
objectif social et politique crédible.
Par contre on comprend mieux
l’objectif que l’auteur se donne
dans certaines cures : pacification,
réconciliation sont des mots
souvent
utilisés,
comme
résolutoires de passions haineuses
qui ne connaissaient plus
l’ambivalence, l’ambitendance des
sentiments avant la cure de parole
chez l’analyste. Didier Lauru,
attentif au langage de la haine
constate que le fameux « J’ai la
haine » est l’exemple éloquent
d’une démétaphorisation dans
l’acte de langage : « puisque
l’autre ne m’aime pas, je le hais »
doit être entendu comme un défi
transférentiel lancé à l’analyste.
Ce défi doit être relevé pour
réduire
ses
conséquences
délétères sur la vie culturelle.
Quant au fait que nous soyons
entrés dans une « civilisation de la
haine », je laisserai cette opinion
pessimiste à l’auteur. Il me semble
que la créativité, évoquée dans ses
cures et dans la vie de ses
patients, restera en toute
circonstance et malgré les
vicissitudes, l’indice de vitalité de
la culture.
Jean-François Solal
Psychiatre, psychanalyste
MARIE DOMINIQUE AMY
Autismes : les
inquiétudes d’une
psychanalyste
Erès, 2015, 252 pages, 13 €.
Marie Dominique Amy nous avait
déjà donné quelques livres
importants
pour
mieux
comprendre et aider les enfants
autistes et accompagner les
processus de parentalisation avec
un bébé. Nous la savions engagée
dans la défense d’une pensée et
de pratiques ouvertes au service
des
enfants
autistes
et
psychotiques, et notamment dans
ses fonctions de présidente
militante
de
la
CIPPA
(Coordination Internationale de
Psychothérapeutes Psychanalystes
et membres associés s’occupant
de personnes avec Autisme,
fondée avec Geneviève Haag,
Bernard Golse et beaucoup
d‘autres). Mais là, elle signe son
grand œuvre en nous livrant un
ouvrage puissant, argumenté et
intelligent, mettant en évidence
les outrances inacceptables des
dernières années en matière
d’autisme, tout en nous faisant
part de sa « colère d’avoir à
affronter des méconnaissances
inouïes de la pathologie autistique
et des méconnaissances tout aussi
consternantes de ce en quoi et sur
quoi la psychanalyse intervient
dans le champ de l’autisme » et de
son « inquiétude, quant aux
projets à venir, ceux dont les
contours se dessinent et qui vont
mettre en danger professionnels,
parents et autistes eux-mêmes ».
En effet, la pluie récente de textes
réglementaires, de recommandations et autres plans Autismes
relève plus de l’affirmation d’une
idéologie dominatrice que d’une
proposition raisonnée d’approches
complémentaires d’un phénomène
extrêmement complexe tel que
celui des autismes et autres
TED/TSA (Trouble Envahissant du
Développement / Trouble du Spectre
Autistique).
Le trépied que Marie Dominique
Amy défend à partir de ses
pratiques et de sa très grande
expérience est affirmé à nouveau
comme la base d’une position
générale ouverte, autorisant pour
chaque cas particulier, l’utilisation
d’éléments en provenance de ces
trois
champs
éminemment
complémentaires : l’éducatif, le
pédagogique et le psychothérapeutique. Plutôt que d’opter
pour un protocole standard
dérivant de je ne sais quelles
recherches factices, relevant de
démonstrations fondées sur les
seules invectives, notre auteure
décrit par le menu les
interventions les unes après les
autres pour mieux en penser les
articulations nécessaires. Elle est
bien mieux placée que quiconque
pour aborder ces questions,
puisqu’elle a eu le mérite et le
courage de ne pas en rester à des
approximations en matière
d’éducatif, mais bien au contraire
de s’y former depuis longtemps
déjà, que ce soit à la méthode
TEACCH (Treatment and Education
of
Autistic
and
related
Communication
handicapped
CHildren), à la méthode ABA
(Applied Behavior Analysis
= Analyse Appliquée du
comportement)
ou
aux
interventions PECS (Picture
Exchange Communication System
= Système de communication par
échange d’image), Makaton
(Programme d'Aide à la
Communication et au Langage) ou
autres approches éducatives et
pédagogiques. De ce fait, sa
connaissance des problèmes
rencontrés par l’inclusion des
petits enfants à l’école l’a amenée
à réfléchir aux modalités
optimales de ces accueils
d’enfants TED/TSA par les
pédagogues, et soutenus par les
éducateurs. Enfin, lorsque les
angoisses des enfants ainsi pris en
charge continuent de désorganiser
leur développement, sa formation
de psychanalyste et de thérapeute
familiale lui permet de parler des
indications de psychothérapies en
sachant de quoi elle parle, quand
les messages qui circulent en
boucle sur les forums à ce sujet
sont d’un niveau affligeant de
désinformation. Sans compter que
ces raccourcis voire ces erreurs
systématiques sont trop souvent
utilisées de façon perverse pour
discréditer l’adversaire sans
aucun débat, évitant ainsi la
conflictualisation nécessaire à tout
débat démocratique.
Son livre commence par une prise
en considération extrêmement
respectueuse de la demande des
parents, non conforme à la plupart
des propos avancés par des
médias complaisants, celle de ne
pas continuer d’accepter les
attaques et propos diffamatoires
sans réagir par des réponses
cohérentes et argumentées. Ce
premier point est essentiel, car
notre expérience montre à l’envi
que les propos présentés comme
majoritaires par les campagnes
calomnieuses orchestrées contre
les approches pédopsychiatriques
ne le sont pas toujours, dans la
mesure où nous avons reconnu
que des pratiques prônées par
certains psychanalystes étaient
tout simplement inacceptables,
non pas en raison de la
psychanalyse, mais du fait des
personnes concernées. Il est
d’ailleurs bien dommage que les
parents blessés à juste titre par de
telles conduites n’aient pas pu en
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le Carnet PSY • avril 2016
Bloc-notes
le Carnet PSY • avril 2016
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Bloc-notes
dénoncer les auteurs plutôt que
les bannières sous lesquelles ils se
rangeaient « par défaut ». J’espère
qu’un jour, la leçon sera tirée par
les historiens de ces errances
pénibles pour tout un ensemble de
professionnels de l’autisme qui ne
s’y reconnaissent pas. Puis Marie
Dominique Amy raconte l’histoire
de l’autisme telle qu’elle l’a vécue,
agie et accompagnée en
accueillant dans la structure
qu’elle a créée de jeunes enfants
autistes, non sans dénoncer, elle
aussi, son vécu antérieur dans une
équipe de pédopsychiatrie où
« l’on attendait la demande… ».
Mais avec toutes ses expériences
multiples des prises en charge, elle
ne craint pas aujourd’hui de
continuer à dénoncer les
insuffisances de moyens, de
formations de professionnels, de
places d’accueil des enfants et de
préoccupation pour des parents
démunis quand ils ne sont pas
désespérés. Pire, elle s’insurge
devant les torrents de haine qui
déferlent sur les professionnels de
formation psychopathologique
sous le seul prétexte de
recommandations de la HAS qui
ne tiendront pas dans la durée, et
qui, pourtant, ont déjà fait tant de
mal à tous ceux qui accueillent
chaque jour les enfants autistes et
leurs parents. L’éditorial publié par
la
revue
Prescrire, dont
l’indépendance et l’absence de
conflits d’intérêts n’est plus à
démontrer, dit d’ailleurs à quel
point ces recommandations ne
sont absolument pas conformes
aux prétentions scientifiques
qu’elles affichent. Elle montre à
quel point ces clivages entretenus
par les plus hautes instances de
l’Etat viennent mettre à mal la
nécessité de s’articuler avec
plusieurs compétences autour des
prises en charge des enfants
autistes. Le comble semble réalisé
dans le « troisième plan autisme »
qui balaye d’un trait de plume tout
ce sur quoi insistait les
recommandations Haute Autorité
de Santé (HAS), « à savoir les
approches intégratives et pluridisciplinaires, les politiques de
réseaux, les choix laissés aux
parents ainsi que l’importance des
articulations entre sanitaire et
médico-social ». Mais ne se
satisfaisant point des seules
critiques, Marie Dominique Amy
fait le point sur les diverses
hypothèses que l’on peut retenir
aujourd’hui qui tentent d’allier des
paramètres génétiques et épigénétiques, sensoriels et interactifs,
des neurosciences et de la
psychopathologie. Partisane de la
complexité plutôt que de la
simplification, elle nous montre
comment cette ouverture au
niveau des hypothèses étiologiques vient conforter celle de la
pluralité des modes de prises en
charges. Et le diagnostic prend
ainsi une grande place dans les
recherches entreprises à ce sujet.
Mais elle insiste avec juste raison
sur l’importance de prendre en
considération
les
aspects
institutionnels, aussi bien au
niveau de l’enfant lui-même que
de celui des parents et des
professionnels. Les partages entre
ces différentes personnes sont
essentiels à la réussite des
alliances entre les membres du
réseau ainsi créé autour d’un
enfant, et sous l’égide de ses
parents. Seules ces précautions
instituantes pourront faciliter le
projet personnalisé de l’enfant en
le faisant vivre authentiquement
pour lui et sa famille et non pas
seulement en satisfaisant à de
nouvelles obligations formelles
et/ou bureaucratiques comme
nous en connaissons de plus en
plus. Elle insiste également sur les
dimensions du faire semblant et
de l’humour qui sont à la fois les
marques
de
la
vivance
émotionnelle de ceux qui
accompagnent l’enfant mais
également de leurs capacités à
penser de façon métaphorique là
où les angoisses archaïques
viennent enliser les processus de
partages d’expériences.
Tout cela nécessite évidemment
un temps considérable accordé à
la formation, aussi bien à ceux qui
forment qu’à ceux qui sont formés.
Il est évident, pour le pédagogue
que je suis, que ces deux aspects
sont en fait les deux faces d’un
même processus, celui qui consiste
à théoriser au fur et à mesure des
expériences rencontrées et
traversées, les pratiques utilisées,
validées ou invalidées, transmises
ou critiquées. Ces mouvements de
pensée déclenchés par le
côtoiement ordinaire des enfants
autistes se travaillent beaucoup
plus facilement en équipe, lieu
d’une élaboration groupale
propice à transformer les
projections nombreuses qui
l’atteignent et qui aident à mieux
faire connaissance avec l’enfant.
Dans ce nouvel ouvrage constitué
à la fois de réflexion et
d’engagement, Marie Dominique
Amy, non seulement, dénonce les
aspects
idéologiques
qui
empêchent un vrai débat en
revenant sur la plupart des
mauvais procès intentés en
sorcellerie
contre
la
psychopathologie d’inspiration
psychanalytique, tout en essayant
de les analyser et de les
comprendre dans un contexte
particulier de notre société, mais
nous engage également à
continuer les recherches des
neurosciences, les innovations
psychopathologiques et les
pratiques intégratives entreprises
avec les enfants TED/TSA dans une
logique d’ouverture renouant avec
un esprit de découverte et de
nécessité des complémentarités,
seul susceptible de faciliter l’accès
à la complexité du sujet en
question. Nul doute que tous les
acteurs, parents, professionnels et
personnes concernées à un titre
ou à un autre par l’autisme,
doivent lire ce manifeste pour en
tenir compte dans leurs
théorisations et leurs pratiques
afin de transformer les apories
actuelles en autant de pistes pour
l’avenir.
Pr Pierre Delion
Professeur à la Faculté de
Médecine de Lille 2,
Psychanalyste
EXPOSITION
l’enfance, une interrogation
profonde, l’espoir et l’inquiétude,
l’attente si caractéristique de
l’enfance.
L’art et l’enfant.
Chefs-d'œuvre de la
peinture française
Musée Marmottan Monet, Paris.
L’art et l’enfant dans la peinture
française en une seule exposition,
c’est une gageure ! Evidemment
l’accrochage ne peut réellement
développer une thématique aussi
vaste et intéressante, et manque
de moyens pour répondre à son
ambition. On est frappé par la
grande diversité des enfants
représentés qui correspondent à
des aspects multiples de l’enfance,
mais cela manque d’une problématique d’ensemble. Il y a des
peintres connus et moins connus,
et les tableaux ne sont pas
tous des chefs-d'œuvre comme
l’annonce le titre assez racoleur.
On y voit néanmoins de très belles
toiles. Beaucoup d’enfants bien
sûr, mais aussi de très jolies
mamans. Le 18ème et le 19ème
siècles sont les mieux représentés.
Pour ces périodes, la plupart des
peintres donnent une image
idéalisée de l’enfant et la famille.
Cette idéalisation est en contradiction avec le texte très intéressant de l’historien Jacques Gelis
(catalogue), qui rapporte la mortalité infantile, la mise en nourrice
et les conditions de vie difficiles
des enfants malgré l’importance
qui leur était accordée du fait qu’il
fallait absolument assurer sa
descendance.
Quelques œuvres cependant
donnent une autre image de
l’enfance, plus douloureuse, mais
elles sont isolées, et insuffisantes
pour aborder un thème à peine
évoqué qui mériterait pourtant un
développement : l’enfant mort,
l’enfant pauvre, l’enfant au travail,
l’enfant à la guerre, l’enfant puni.
Pour le 20ème siècle, l’exposition
prend un raccourci trop rapide,
faute d’œuvres pour démontrer
son idée pourtant très pertinente :
la modification radicale du statut
de l’enfant dans la société et
l’intérêt des artistes pour le dessin
de l’enfant. Dès lors, l’enfant n’est
plus seulement un sujet à
représenter, mais on va s’intéresser
à ses propres productions.
Il devient source de créativité.
L’intérêt grandissant pour l’enfant
dans l’art du 20ème siècle ne peut
se limiter à des œuvres françaises.
En effet, comment parler de l’art
et l’enfant sans Paul Klee ? Le
Bauhaus et le mouvement Cobra ?
Qui se sont intéressés aux dessins
des enfants comme de véritables
réalisations artistiques, source
d’inspiration pour les peintres.
Peut-être faudrait-il commencer
d’ailleurs par la dernière toile de
l’exposition, L’enfant et le peintre
de Picasso, qui, avec son génie
habituel, condense en un seul
tableau tous les enjeux du thème.
L’enfant qui tient des pinceaux
comme le peintre. Le peintre
proche de l’enfant, dont l’œuvre
est issue de l’art enfantin. On
rappellera ici la fameuse phrase de
Picasso : « Quand j’avais leur âge,
je dessinais comme Raphaël. Mais
il m’a fallu toute une vie pour
apprendre à dessiner comme eux ».
Dans cet ensemble, il y a des
visages d’enfants qui nous
accrochent. Ceux-là évoquent
autre chose, le mystère de
Que voit le jeune garçon au toton
(L’enfant au Toton) de Chardin ? A
quoi pense-t-il ? Et les petits
princes de Philippe de Champaigne ? On est séduit par l’incroyable charme des jeunes filles
de Renoir. Le merveilleux Enfant
au pâté de sable de Bonnard. Une
étonnante petite tête de Julie
Manet, bébé, par Manet. Ou
encore le portrait de son fils par
Cézanne. Ceux-là sont de vrais
chefs-d’œuvre. Les portraits de
Pierre et Marguerite, les enfants
de Matisse, dont les visages
réduits à quelques traits, au regard
profond et énigmatique, rendent
bien compte de ce que disait
l’artiste : « Il faut regarder toute la
vie avec des yeux d’enfant. »
Simone Korff-Sausse
Psychanalyste, SPP
NOUVEAUTÉS
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“CARNET PSY”
Ed. ERES
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19
le Carnet PSY • avril 2016
Exposition
20
le Carnet PSY • avril 2016
ACTES DU COLLOQUE 7 NOVEMBRE 2015- PARIS
Père ou mère ?
Entre bisexualité psychique et différence des sexes
Christophe DEJOURS
Jean-François CHIANTARETTO
Bisexualité, genre et corps érogène
Deux en un, un pour deux : l’interlocution interne
de l’analyste en question
Françoise NEAU
L’angoisse de redevenir père
Bernard GOLSE
L’écart ou l’entre au regard de la différence des sexes
Manuella DE LUCA
Benoît VERDON
La petite sirène
Retrouvailles œdipiennes et audace de la bisexualité
chez l’homme vieux
Bisexualité, genre et
corps érogène ?
Père ou mère ? partie 2
Christophe DEJOURS
Introduction
La question de la bisexualité, traditionnellement,
renvoie à la différence entre homme et femme, soit
directement entendue comme différence anatomique
entre les sexes, soit indirectement comme différence
entre masculin et féminin, ce qui est tout autre chose.
Aujourd’hui en raison de l’introduction du genre dans
la théorie sociale, il faudrait ajouter une troisième
dichotomie : la différence entre virilité et muliébrité.
Soit trois couples qui renverraient successivement à
la biologie - le corps -, à la psychanalyse - la sexualité -,
à la sociologie - les rapports de domination -.
Mais cette belle classification ne résiste pas bien à
l’épreuve de la clinique et de la théorie.
I- Corps et sexualité originaire
Pour essayer d’aborder la controverse sur la bisexualité,
je propose de suivre l’ordre génétique de la
construction de la sexualité. Dès le début de cette
construction, le corps est convoqué. Mais même si le
corps du nouveau-né est morphologiquement mâle
ou femelle, ce n’est pas, me semble-t-il, l’anatomie
sexuelle qui est en cause dans cette construction.
Pour la genèse de la sexualité, la question anatomique est au second plan derrière la question physiologique. Ce qui compte, en effet, à l’orée de la vie,
c’est l’immaturité des fonctions ou, mieux, des régulations physiologiques. En raison de cette immaturité,
la vie au sens biologique du terme, ne peut pas se
poursuivre sans assistance ou sans soin apporté à ce
corps, de l’extérieur.
Mais les soins du corps apportés par l’adulte, on le
sait, ne peuvent pas se jouer exclusivement sur le
plan de l’instinctuel et de la conservation. L’autoconservation est portée chez le nouveau-né par des
comportements instinctuels que l’on convient de
réunir sous la description de l’attachement. En retour,
même si les soins prodigués par l’adulte sont aussi
portés par des montages instinctuels, décrits sous le
nom de « retrieval », ils ne peuvent pas se situer
exclusivement sur le plan instrumental de l’hygiénodiététique. Le soin, en effet, passe toujours par un
corps à corps entre l’adulte et l’enfant, qu’il s’agisse
de lui donner le sein, de le porter dans ses bras, de le
laver ou de l’habiller. Et dans ce corps à corps, les
comportements de l’adulte sont contaminés par des
fantasmes et des affects sexuels qui viennent de son
inconscient sexuel à lui. Dans la communication
originelle entre l’enfant et l’adulte, où s’échangent
des messages auto-conservatifs entre « attachement »
et « retrieval », la communication est inégale en ceci
que les messages de l’adulte sont compromis, c’està-dire contaminés de contenus sensuels et sexuels
qui ont un pouvoir excitant sur le corps de l’enfant.
Dans le même temps où l’adulte donne un soin
à l’enfant en touchant son corps avec le sien,
il « implante » dans le corps de cet enfant une
excitation sexuelle. Commence alors pour l’enfant un
travail psychique que Laplanche caractérise comme
une traduction, qui consiste à traduire le message
compromis et excitant de l’adulte. Traduire pour
l’enfant, c’est lier l’excitation en une signification qui,
au plan économique, lui permet de maîtriser ce qui
se produit dans son corps, du fait de ses rapports avec
l’adulte. Ce deuxième temps - traductif - est un temps
actif de l’enfant.
passivement exposé. Ce dernier ne peut pas échapper
à la séduction de l’adulte qui l’entraîne nolensvolens, dans la sexualité humaine. Mais cette passivité
n’est ni masculine, ni féminine, ni mâle, ni femelle.
Car elle est à l’origine de la sexualité aussi bien chez
le petit garçon que chez la petite fille. Ou, pour le dire
autrement, la sexualité originaire n’a pas de sexe.
Mais il a été précédé par un premier temps, passif,
celui de l’implantation. Cette archi-passivité de
l’enfant face à l’implantation, est consubstantielle à
la séduction de l’enfant par l’adulte. Et elle est le
truchement par lequel le corps s’affranchit de ses
déterminations biologiques, pour initier la formation
d’un deuxième corps, issu du premier : l’implantation
est le truchement par lequel passe la subversion
libidinale des fonctions biologiques au profit de la
formation du deuxième corps, le corps érogène. Une
étude plus approfondie montrerait que la traduction
n’est pas seulement une production qui procède du
génie de l’intelligence de l’enfant. Dans le temps
même où il traduit le message, l’enfant acquiert un
début de maîtrise sur ce qu’il subissait jusque là
passivement. Il peut commencer à jouer autour de
cette excitation avec l’adulte, et même à entraîner
l’adulte dans ce jeu, au point de le faire tourner en
bourrique. Mais par le truchement de ce jeu, dans le
corps-à-corps avec l’adulte, il déploie de nouvelles
habiletés grâce auxquelles il commence aussi à
s’émanciper des contraintes de son corps biologique.
Et lorsqu’il a faim, il peut différer son besoin de
nourriture, et jouer pendant un temps à bavouiller, à
suçoter, à mordiller le mamelon ou la tétine, à jouer
donc, au lieu de se nourrir. Ainsi se profile peu à peu
un procès d’émancipation grâce auquel se développe,
à la marge du corps biologique, un deuxième corps :
le corps érotique, d’une part ; et se forme une
capacité de maîtrise, d’autre part, par laquelle il
s’émancipe de l’archi-passivité qui caractérisait au
départ l’implantation du message excitant de l’adulte.
II- L’inconscient a-t-il un sexe ?
Peut-être faudrait-il compléter cette première proposition en ajoutant qu’à ce stade, il n’y a pas de différence père-mère. Il y a seulement un adulte qui
prodigue des soins. La différence ne se situe pas à ce
niveau. Ce qui compte, ici, c’est l’asymétrie des positions
entre l’enfant et l’adulte, ou plus précisément
l’inégalité des positions, dont le corollaire est la
passivité de l’enfant. Et cette passivité de l’enfant
dans le premier temps de la genèse de la sexualité,
confère au masochisme primaire érogène un rôle
primordial dans l’organisation de la sexualité.
Poursuivant cette investigation dans le sillage de
Laplanche, on arrive à l’étape de la traduction par
l’enfant des messages compromis et énigmatiques
venant à lui par l’adulte. Cette traduction, on le sait,
n’est jamais complète, elle laisse un reste non traduit,
ni compris, qui vient se déposer dans l’inconscient sexuel et refoulé - de l’enfant. C’est de cette façon,
par accumulation de ces restes non-traduits, que se
forme l’inconscient sexuel. La traduction et, dans son
ombre, les résidus non-traduits qui forment l’inconscient constituent le principe même du refoulement :
la théorie de la séduction est aussi une théorie
traductive du refoulement.
La question qui vient alors est la suivante : l’inconscient sexuel refoulé a-t-il un sexe ? Ou encore :
l’inconscient sexuel est-il sexué ? Question embarrassante dont la réponse ne peut être examinée qu’en
deux étapes :
- la première étape est celle du genre, et non celle du
sexe. Réponse contre-intuitive, fondée sur la précédence chez l’enfant de la différence de genre sur la
différence de sexe. Dans ses Problématiques II,
Laplanche s’attarde sur deux textes de Freud :
Théories sexuelles infantiles et Quelques conséquences psychiques de la différence des sexes au
niveau anatomique (1925). Dans le premier texte
(1908), Freud écrit : « Si, en renonçant à notre
corporéité, nous pouvions, êtres purement pensants,
arrivant par exemple d’une autre planète, envisager
d’un œil neuf les choses de cette terre, peut-être rien
ne frapperait-il davantage notre attention que
l’existence de deux sexes parmi les humains qui, par
ailleurs si semblables, accentuent pourtant leur
Père ou mère ?
Si j’insiste sur cette archi-passivité, c’est pour indiquer qu’à ce stade existe une inégalité fondamentale
entre un adulte actif et séducteur, et un enfant
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Actes
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Actes
Père ou mère ? partie 2
caractère distinct par les indices les plus extérieurs.
Or il ne semble pas que même les enfants choisissent
ce fait fondamental pour point de départ de leurs
recherches sur les problèmes sexuels. Etant donné
qu’ils connaissant père et mère aussi loin qu’ils se
souviennent de leur vie, ils acceptent leur présence
comme une réalité qu’il n’y a pas lieu de soumettre
davantage à investigation » (OCFP, VIII, p 229).
Freud revient sur cette affirmation en 1925 (OCFP,
XVII, p 196, note n°1). Voici le commentaire de
Laplanche : « Je dirai pour reprendre un terme qui est
actuellement remis en avant à la suite de travaux de
langue anglaise, que, à cette époque - et Freud le
reconnaît là, mais de façon évidemment trop
passagère - il y a, dans une étape pré-castrative, une
reconnaissance d’une distinction des genres
précédant la différence des sexes » (souligné par
Laplanche. Problématiques II, PUF, 1980, p 32-33).
Il précise plus loin citant Freud : « La première de ces
théories (sexuelles infantiles) est liée au fait que sont
négligées les différences entre les sexes, négligence
dont nous avons souligné dès le départ qu’elle était
caractéristique de l’enfant. Cette théorie consiste à
attribuer à tous les êtres humains, y compris les êtres
féminins, un pénis, comme celui que le petit garçon
connaît à partir de son propre corps » (Freud, 1908).
« Les deux genres sont admis mais leur distinction ne
passe pas par la différence sexuée ». « Il y a (donc)
une différence de genre, écrit Laplanche admise sans
être théorisée par l’enfant, préalablement à la
différence des sexes. L’enfant est plongé dans un
univers adulte, il désigne d’emblée le masculin et le
féminin qui sont d’abord connotés par des marques
sociales ; - ou plutôt il admet sans d’abord la
questionner cette distinction masculin-féminin ».
(Problématiques II, p 170).
Laplanche reviendra par la suite sur la question dans
un autre texte : Le genre, le sexe, le sexual (2003).
Il prendra alors clairement position en faveur du
genre comme source précoce du questionnement ou
comme message énigmatique premier adressé à
l’enfant par le socius, dès les tout débuts de la vie.
Qu’est-ce que le masculin, qu’est-ce que le féminin ?
Qu’est-ce qu’être un homme ? Qu’est-ce qu’être une
femme ? Sur quelles différences l’enfant peut-il bâtir
la distinction et son origine ?
Pourquoi ces questions s’imposent-elles à l’enfant
avec une telle force ? Parce qu’elles lui arrivent sous
une forme incontournable : l’assignation de genre qui
commence dès la déclaration à l’état civil et le choix
d’un prénom. Assignation qui se mute chez l’enfant
en exigence de travail à traduire ce message. Que
signifie donc d’être assigné garçon ou fille ?
Pour traduire l’assignation, l’enfant recourt au code,
ou à « l’aide à la traduction », qui lui sont fournis par
le socius ou par la culture, à savoir : c’est avoir un
pénis ou n’en point avoir. Traduction binaire qui
convoque donc la différence anatomique des sexes,
cette fois, pour traduire le genre en phallique/châtré.
Le sexe anatomique donc est convoqué dans un
temps second par rapport au genre. La différence de
genre masculin/féminin précède donc la convocation
de la différence anatomique des sexes.
Dans ce travail de traduction, du genre par le sexe,
toutefois, comme dans toute traduction, il y a des
restes non traduits qui s’inscrivent dans l’inconscient
sexuel refoulé. Mais ces restes sont en état de déliaison,
et comme source d’excitation venant désormais de
l’intérieur ils ont perdu leur liaison signifiante avec le
genre. C’est pourquoi on aboutit à la conclusion que
l’inconscient refoulé est sexuel, (source d’excitation
interne) mais non sexué, c’est-à-dire ni masculin, ni
féminin. Les restes déposés dans l’inconscient
seraient plutôt polyvalents, indistinctement masculins
et féminins, ou mieux masculins et féminins simultanément. Ou, pour caractériser la force potentielle
contenue dans l’inconscient qui est au principe du
« sexual », on pourrait dire que l’inconscient sexuel
refoulé est pansexuel, voire pansexualiste. Ou, pour
le dire autrement, l’inconscient sexuel refoulé n’a que
faire des différences, il peut faire feu de tout bois !
Vient alors la seconde étape : celle de la différence
anatomique entre les sexes, plus précisément l’interrogation de l’enfant sur l’origine de cette différence
entre les sexes. Freud en parle longuement dans le
texte sur les Théories sexuelles infantiles. Mais ici
s’intercale une discussion qui, donnée par prétérition
par Freud, est sans doute inaperçue de la plupart des
psychanalystes. « (La petite fille) remarque le pénis,
visible de manière frappante et bien dimensionné,
d’un frère ou d’un compagnon de jeu, le reconnaît
aussitôt comme la contrepartie supérieure de son
propre organe, petit et caché, et elle a dès lors
succombé à l’envie de pénis ».
Puis Freud parle de petit garçon : « Une opposition
intéressante dans le comportement des deux sexes :
dans le cas analogue, quand le petit garçon aperçoit
pour la première fois la région génitale de la fille, il se
montre indécis, tout d’abord peu intéressé ; il ne voit
rien, ou il dénie sa perception, l’atténue, cherche des
expédients pour la mettre en harmonie avec son
attente. Ce n’est que plus tard, lorsqu’une menace de
castration a acquis de l’influence sur lui, que cette
observation va devenir significative pour lui ;
le souvenir ou le renouvellement de la menace
Freud affirme donc, ici, que la différence anatomique
des sexes (qui a pris le relais de la différence de
genre), est traduite différemment par le garçon et la
fille, en raison précisément de leur anatomie
différente. Mais un peu plus loin, Freud écrit : « La
différence dans cette part du développement sexuel
chez l’homme et la femme est une conséquence
compréhensible de la diversité anatomique des
organes génitaux et de la situation psychique qui
s’y connecte, elle correspond à la différence entre
la castration accomplie (chez la fille) et la
castration simplement proférée en menace (chez le
garçon)…(ibid. p 200).
Or la castration proférée comme une menace, passe
par le langage. En raison de la différence anatomique,
le garçon et la fille ne reçoivent donc pas l’énigme
de la castration de la même façon. Pour la fille c’est
une perception, pour le garçon, c’est une menace.
La fille est d’emblée dans la reconnaissance du réel,
le garçon commence par un déni de perception, qui
devient déni de la menace. D’où résulterait une
différence fondamentale entre l’homme et la femme
vis-à-vis du réel d’une part, vis-à-vis de l’ordre du
discours d’autre part. C’est cette différence qui a été
analysée par Serge Leclaire dans un texte où il laisse
entendre « qu’animé d’une passion de clairvoyance
l’homme mâle peut être amené à tenter d’en
reconstruire l’hypothèse (de la castration primaire),
d’articuler laborieusement les preuves de l’existence
du phallus. A la recherche de la castration sans le
savoir, il deviendra « chercheur », se révèlera parfois
inventeur. Encore faut-il pour cela qu’il conserve
quelque vigueur pour dépasser les chemins ravinés
de séduisantes ornières, tracés sur la carte du savoirvivre de l’honnête homme : philosophie, recherche
scientifique, création artistique, exploration, ethnologie… psychanalyse ; ou qu’il sache conserver
quelque ironie à l’égard d’activités si parfaitement
« viriles » que celles de tous les bâtisseurs de famille,
de fortunes, de routes, de barrages (!), de cités, de
sociétés, d’empires » (S. Leclaire, 1975,On tue un
enfant, p 42-43, Editions du Seuil). « La femme est
autrement engagée dans cette voie de l’amour (…)
Rien de ce qu’elle peut attendre de l’homme, et elle
en attend tout, n’est recevable qu’en surcroît de cette
reconnaissance qu’elle est femme et qu’elle parle
d’un lieu de certitude du sexe » (ibid. p 43) (c’est-àdire de la « castration accomplie »).
Si donc il y a place pour une bi-sexualité, cette
dernière renvoie maintenant à une différence entre
masculin et féminin qui se concrétise dans une différence de posture par rapport au savoir et au discours,
et non dans une opposition supposée entre activité et
passivité, on entre sadisme et masochisme. Et de
surcroît cette bi-sexualité ne s’enracine nullement
dans la différence anatomique des sexes. Cette bisexualité est secondaire et convoque la différence
anatomique comme argument d’une démonstration
seulement et non comme inclination ou disposition
« naturelle » des motions sexuelles à s’orienter dans
une direction soit masculine soit féminine.
III- Du genre au choix d’objet
Leclaire : « Ce qui importe dans cette approche du
sexe qu’impose le travail psychanalytique, c’est que
la détermination sexuelle est un fait de discours, une
position subjective radicale, qui fait apparaître qu’il
n’y a pas de discours universel qui soit légitime :
parce qu’il n’y a pas de discours asexué ». (Leclaire p
40-41). Plus loin il précise : « Discours marqués, en
leur « origine », du clivage de sexe (…) qui constituent ce qu’on a repéré depuis longtemps comme
« bi-sexualité » ; ajoutons que cette intrication (entre
les discours sexués) peut aller jusqu’à inverser pour
chacun la dominance « naturelle » du discours de son
sexe » (S. Leclaire p 41). La question, me semble-t-il,
n’est pas l’inversion des discours sexués qui est certes
possible, mais exceptionnelle (c’est la question du
transsexualisme), c’est plutôt celle de l’ambiguïté du
genre, de l’ambivalence que ce dernier génère, et des
conflits qu’il fait surgir dans le moi.
Virilité et muliébrité sont deux catégories de discours
et de pensée qui sont aussi deux catégories de comportement et d’habitus, socialement construits, essentiellement à partir de la référence au travail. En
effet la virilité exalte dans le travail l’endurance à la
douleur, la revendication du recours à la force et à la
violence, et le primat de la rationalité instrumentale
et de son critère, l’efficacité. La virilité est en fait une
construction défensive, produite collectivement par
les hommes pour maîtriser la peur face au danger
dans les métiers à risques de la navigation ou du
bâtiment jusqu’au métier des armes. La muliébrité au
contraire célèbre le renoncement, la disponibilité face
à la volonté de l’autre, et la vocation à servir. C’est le
produit d’une stratégie de défense contre la
souffrance imposée par les contraintes parfois exténuantes du travail domestique. Virilité et muliébrité
dissimulent derrière le masculin et le féminin, des
positions dans l’ordre de la domination sociale des
hommes sur les femmes qu’on désigne actuellement
sous le nom de « genre ».
Père ou mère ?
suscite en lui une terrible tempête d’affects et le
soumet à la croyance en la réalité effective de la
menace proférée dont il se riait jusque là » (Freud,
OCFP, XVII, p 195).
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Actes
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Actes
« La théorie du complexe de castration revient à faire
jouer à l’organe mâle un rôle prévalent, cette fois-ci
en tant que symbole, dans la mesure où son absence
ou sa présence transforme une différence
anatomique en critère majeur de classification des
êtres humains », écrivent Laplanche et Pontalis dans
le Vocabulaire de la psychanalyse à l’article Phallus.
Dans son texte sur l’introduction du genre dans la
théorie sexuelle, Laplanche entend le genre comme
une catégorie plurielle : « il est d’ordinaire double,
avec le masculin-féminin, mais il ne l’est pas par
nature. Il est souvent pluriel, comme dans l’histoire
des langues, et dans l’évolution sociale » (Laplanche
J. (2007), Sexual, p 153). Mais si l’on fait référence
aux « gender studies », on aurait plutôt tendance à
insister sur le fait que le genre n’est pas pluriel,
justement. Homme et femme, ou, mieux, virilité et
muliébrité ne sont pas deux genres séparés. Ils sont
au contraire indissociables l’un de l’autre et se
définissent voire se construisent toujours l’un par
l’autre. Il n’y a qu’un seul genre, parce que le genre
est un rapport d’opposition dont la vérité est un
rapport de domination.
Père ou mère ? partie 2
L’assignation de genre dès le début de la vie, n’est
pas seulement un message sur la place que le socius
donne à l’enfant dans l’une des deux catégories
homme ou femme. C’est toujours en même temps un
message sur la domination. Classer l’enfant en
garçon ou fille, c’est aussi lui signifier, de facto, qu’il
entrera dans la société par le côté des dominants ou
par celui des dominés.
Les messages d’assignation de genre vont par la suite
faire l’objet de multiples opérations de traduction détraduction - retraduction. On a déjà insisté sur le
fait que la différence binaire phallique-châtré (qui
renvoie à la différence anatomique des sexes) s’offre
comme code de traduction du genre, selon la formule :
c’est le sexe qui interprète le genre ; ou encore : c’est
par le truchement du recours à la différence anatomique des sexes que le message compromis relatif
au genre est traduit par l’enfant.
Dans la suite du développement sexuel, l’énigme de
la domination de genre va revenir principalement par
l’intermédiaire du rapport au travail, à l’emploi, au
chômage, et, en amont par l’intermédiaire de l’école
qui préfigure les rapports de domination dans le
monde du travail, et prépare non sans cruauté, les
enfants à les affronter. L’orientation, dans l’ordre de
la domination, vers l’une ou l’autre des positions virilité ou muliébrité - ne va pas sans entraîner des
conflits intrapsychiques qui passent par des conflits
d’identification qui commencent à l’école communale
et culminent à l’adolescence. Les identifications
successives qui scandent l’adolescence sont autant
de tentatives pour traduire les messages d’assignation
de genre à l’heure de prendre une place dans le
monde des adultes.
Force est de constater en clinique, qu’aujourd’hui,
c’est surtout à l’adolescence que la question de la
bisexualité se fait entendre avec le plus de force.
L’adolescent, en effet, est sommé de se définir dans
sa position de genre. Surgissent alors nombre de
difficultés à choisir sa situation dans le gradient qui
sépare les deux extrêmes que sont la virilité machiste
et la muliébrité drapée dans un niqab.
Si l’on admet, donc, que la bisexualité renvoie à la
construction sociale du genre et non à des données
de l’anatomie ou de l’embryologie comme le
soutenait Fliess, dont Freud est parti pour penser la
bisexualité, alors il faut écouter comment la bisexualité
est thématisée aujourd’hui dans la société.
Le terme en effet est désormais utilisé aussi pour
désigner l’orientation sexuelle, homo et hétérosexuelle, ce que Freud pensait en termes de choix
d’objet. Bisexualité désigne alors le choix chez un
adolescent ou plus tard à l’âge adulte, de pratiquer la
sexualité dans les deux registres homo - et hétérosexuels. De prime abord, cette acception de la notion
de bisexualité est totalement étrangère à la bisexualité
référée à l’assignation de genre. Pour Freud, le choix
d’objet homosexuel a une généalogie spécifique,
dont il donne des versions différentes dans les textes
comme Des théories sexuelles infantiles (1908), « Un
souvenir d’enfance de Léonard de Vinci (1910) ou
Pour introduire le narcissisme (1914). Mais en fin de
compte il semble que le choix d’objet homosexuel,
dans la mesure où il se rattache au choix d’objet
narcissique, est finalement présent chez tous les
individus, y compris chez ceux qui ne sont pas
homosexuels, avec toutefois l’idée que dans le
développement normal, le choix d’objet narcissique
cède progressivement la place au choix d’objet
hétérosexuel. Judith Butler, quant à elle, soutient que
l’orientation hétérosexuelle résulte d’une répression,
voire d’une amputation du potentiel homosexuel
originellement présent chez tout individu par le
truchement d’une mélancolie de genre.
La difficulté théorique, c’est que la bisexualité
pratique ne dit rien de la bisexualité référée au genre
dont il a été précédemment question. Qu’un homme
ait une orientation sexuelle hétéro, homo ou bisexuelle ne permet en rien d’inférer en quoi que ce
soit ce qui se joue pour lui dans son identité de genre.
Il y a des homosexualités masculines qui s’expriment
par un habitus efféminé, mais dans d’autres cas
Conclusion
En 1930, Freud écrivait « La doctrine de la bisexualité
demeure encore dans une grande obscurité, et nous
ne pouvons en psychanalyse que ressentir comme
une grave perturbation le fait qu’elle n’ait pas encore
trouvé de connexion avec la doctrine des pulsions »
(Malaise dans la culture, OCFP, XVIII, p 293). La
grande obscurité dont parle Freud à propos de la
doctrine de la bisexualité demeure. On peut surtout
dire à son propos ce qu’elle n’est pas. La bisexualité
psychique ne renvoie pas au mâle et à la femelle, ou
à la différence anatomique des sexes. Il n’y a pas de
différence psychique entre un mâle et une femelle car
la sexualité ne vient pas du corps biologique. La
transsexualité est la récusation radicale de tout
biologisme et de tout essentialisme. S’il y a une
bisexualité psychique, elle ne peut être que secondaire. Elle renvoie à un autre corps, à savoir le corps
érogène. De surcroît on ne peut pas établir de relation
nomologique, c’est-à-dire de loi entre orientation
sexuelle (hétéro, homo ou bisexuelle) et problématique de la bisexualité. La bisexualité semble être
surtout en rapport avec la problématique du genre,
c’est-à-dire avec une construction sociale et non avec
une donnée d’ordre biologique (Chiland C. (2011) :
Changer de sexe : illusion et réalité, Paris Editions
Odile Jacob). D’avoir à se positionner dans le gradient
virilité-muliébrité, il semble qu’aucun individu ne
puisse s’y soustraire. Mais, là encore, il faut prudence
garder, car ce gradient lui-même est aujourd’hui
soumis à des turbulences sous l’effet des nouvelles
pratiques de la sexualité (sexualité queer) d’une part,
des nouvelles productions théoriques (Gender
Studies), en particulier lorsqu’elles font une place à
part entière aux différentes formes d’hermaphrodisme, et remettent en cause l’universalité de la
différence anatomique entre les 2 sexes mâle ou
femelle (Anne Fausto-Sterling (1993 et 2000) :
Les cinq sexes : pourquoi mâle et femelle ne suffisent
pas. Traduction française, Paris, Editions Payot et
Rivages, 2013), ou encore lorsqu’elles ont des
incidences jusque sur la législation en matière
d’assignation de genre, qu’il s’agisse du changement
d’état civil des transsexuels ou de l’inscription dans
l’ordre de la filiation pour les enfants de mères
porteuses ou de couples homosexuels.
Judith Butler parlait de « Trouble dans le genre ».
Pour le psychanalyste, cela se traduit par un trouble
dans la doctrine de la bisexualité. Et pour nos
contemporains, il semble bien que cela se manifeste
par un trouble des repères identificatoires qui génère
l’éclosion d’une kyrielle de nouvelles configurations
cliniques et psychopathologiques inédites dont on n’a
pas fini, je crois, de débattre dans la communauté
psychanalytique.
Pr Christophe Dejours
Psychiatre, Professeur à la chaire de PsychanalyseSanté-Travail au Conservatoire National des Arts et
Métiers (CNAM), directeur de recherche au Laboratoire
PCPP, président du conseil scientifique de la
Fondation Jean Laplanche, psychanalyste, membre
de l’Association Psychanalytique de France
ACTES (partie1)
ducolloque
PÈREOUMÈRE?
dansleCarnetPSY
n°196/mars2016
aveclesinterventionsde:
JACQUES ANDRÉ
ANDRÉ BEETSCHEN
CATHERINE CHABERT
MAURICE CORCOS
CATHERINE MATHA
SYLVAIN MISSONNIER
Père ou mère ?
l’homosexualité exalte la virilité jusqu’à la caricature,
dans le body-building, aussi bien que dans le mépris
machiste des femmes. Et dans un couple homosexuel,
le travail dans la sphère privée n’est pas toujours
réparti de façon égale, en particulier lorsqu’il y a des
enfants, l’un des deux partenaires faisant plutôt
fonction de mère tandis que l’autre joue le rôle du
père. Enfin il existe de nombreuses formes différentes
de l’homosexualité comme le montre bien l’étude de
Léo Bersani sur Gide, Proust et Genet, et il faut bien
en arriver à la conclusion qu’entre bisexualité
pratique dans la sphère érotique et bisexualité par
rapport au genre dans la sphère sociale il n’y a
aucune relation nomologique.
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le Carnet PSY • avril 2016
Actes
le Carnet PSY • avril 2016
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Actes
Deux en un, un pour deux :
l’interlocution interne de
l’analyste en question
Jean-François CHIANTARETTO
Ou qu’est-ce que la cure analytique si ce n’est (…)
non plus commander ou persuader, ce qui implique
toujours de faire pression et de forcer en faisant
appel à quelque transcendance de la parole
(devenant message), mais simplement activer de
l’entre entre l’analysant et son analyste ? 1
Père ou mère ? partie 2
La formulation même du titre de ce colloque, avec le
« ou » qui suppose le « et », est essentielle dans les
temps troublés où nous sommes en matière
d’identité. Et le sous-titre oblige non seulement à
aborder la question du père et de la mère dans les
termes d’un entre-deux, mais en outre situe cet entredeux entre la bipolarité psychique masculin/féminin
et la différence corporelle des sexes. Est ainsi maintenue et revivifiée la dimension de l’énigmatique, au
cœur du lien entre le sexuel infantile et ce que
j’appellerais la composition relationnelle de l’être.
Au-delà des remerciements adressés aux organisateurs, je voudrais faire état de ma reconnaissance à
l’égard de Catherine Chabert. Dans L’amour de la
différence 2, elle nous offre un apport théorique et
clinique décisif pour cette journée et trouve une
forme d’écriture en pleine connivence avec l’expérience analytique, sans céder à la tentation fictionnelle, une écriture qui sait nous faire ressentir le
contre-transfert et nous en parler. Ma reconnaissance
va également à Catherine Matha, qui m’a fait
découvrir la pensée de François Jullien, ce penseur de
l’entre-deux et de l’écart abordant les notions de
différence et d’altérité à partir d’une théorisation de
l’intime. Il aura été une source d’inspiration décisive
pour mon propos. Et il me semble tellement essentiel
de garder à l’esprit que nous ne cessons de nous
former, en tant que psychanalystes, aussi, de l’extérieur de la psychanalyse. Dans un rapport qu’il faut
espérer créatif et singulier à ce que Freud nommait
les « sciences connexes », mais surtout, à partir de
ce qui nous est donné à vivre.
Ecrire, analyser, aimer. Qui écrit qui, qui analyse qui,
qui aime qui ? L’énigme du désir ? Plutôt l’énigme de
l’amour, là où s’associent le besoin et le désir, c’està-dire là où il aura fallu que s’intriquent suffisamment
bien le désir et le besoin du père et de la mère. La
rencontre de l’énigme de l’amour et de l’énigme de la
cure, communément appelée amour de transfert, si
elle a bien lieu dans l’espace analytique, n’est
pleinement officialisée que lorsque l’analyste passe
à l’écriture et accepte de voir dans les mots qu’il écrit,
la preuve des éprouvés liés à son dialogue intérieur
en situation. Le dialogue intérieur de l’analyste 3 met
en mots un ensemble de polarités, un espace tendu et
déployé entre deux pôles, émissif et réceptif, actif et
passif, le différent et le semblable, la parole dans
l’écoute et l’écoute dans la parole… Et avec ces
différentes figures de la séparation et de l’accueil, il
s’agit bien des différents aspects des pôles masculin
et féminin déterminant la vie psychique, dans ses
multiples croisements avec les figures paternelles et
maternelles.
Le deux en un de ce dialogue intérieur chez l’analyste
déploie un entre-deux générant le un pour deux de
l’offre contre-transférentielle accueillant par anticipation la demande transférentielle - un pour deux dont
vient témoigner l’écriture de l’analyste lorsqu’il s’y
risque et lorsqu’il consent à ne pas témoigner pour
l’analysant, à ne pas occuper toute la place, mais à
donner sa version de l’entre-deux du transfert et du
contre-transfert, laissant ainsi la place à une version
potentielle, autre, de l’autre. L’analyste s’affirme par
là, jusque dans l’après-coup, comme tiers garant du
cadre, c’est-à-dire aussi garant du caractère irréductiblement énigmatique du fonctionnement de l’un et de
l’autre comme de la relation de l’un avec l’autre. Le
un pour deux est ici supposé se situer très précisément
à l’opposé du un en deux de la non-séparation, de la
complétude imaginaire que cherchent à maintenir par
l’agir les patients chez qui prédomine une problématique limite, pour lesquels l’angoisse de la perte
prévaut sur l’angoisse de castration.
Première scène. Père ou mère ? Un garçon de dix
ans voit son père poignarder à mort sa mère devant
lui. Il est placé dans un foyer d’accueil et pris en
charge par une psychologue qu’il semble investir. La
prise en charge est interrompue après quelques mois,
du fait du placement dans une famille d’accueil.
L’éducatrice référente propose alors à l’enfant de
rencontrer un analyste. Lors du premier rendez-vous,
hors la présence de l’enfant, elle raconte la chose à
l’analyste et précise les troubles du sommeil et de
l’attention qui, outre la tristesse envahissante, l’ont
amenée à proposer cette rencontre. Puis, en présence
de l’enfant, elle souligne le besoin de l’enfant de
parler de tout ce qui lui est arrivé. L’enfant sourit et
restera souriant et dans le désir de communiquer les
deux premières séances, pendant lesquelles il parle
de sa famille d’accueil puis dessine silencieusement.
Il dessine, d’une part, la scène du meurtre de sa mère,
d’autre part, une scène familiale de facture apparemment « classique », à ceci près qu’y manque le
père ! L’analyste est troublé car il n’est plus sûr de la
scène de meurtre évoquée par l’éducatrice et il se
Dans ces premiers mois de psychothérapie, l’analyste
est investi transférentiellement comme le père qui
supplante la mère (la psychologue, voire l’éducatrice)
et pourrait non seulement la planter mais aussi et
surtout planter le fils, témoin du meurtre et venant
en témoigner. Planter : poignarder et concevoir. La
figure transférentielle du père associe le meurtre et la
conception, l’angoisse du meurtre et la demande
d’amour. L’analyste est ainsi d’emblée amené à
prendre la mesure de son offre contre-transférentielle :
l’accueil du besoin vital qu’a l’enfant d’être accueilli,
c’est-à-dire, pour Ferenczi, investi comme gratifiant
aux plans narcissique et libidinal, indissociablement.
Deuxième scène. Un homme quitte une femme. La
mère de ses enfants. Pour une autre femme, elle aussi
mère. Il est plus âgé que celle-ci, leurs parents et leurs
enfants ont toutefois le même âge. Avec la première
femme, il s’aimait survivant et il l’aimait pour sa
capacité, à elle, de survivre à leur autodestructivité.
Il sollicitait alors l’analyste comme témoin impuissant
et interdit d’écoute, maintenu dans une position de
mère toute-puissante venant menacer un lien conjugal
fondé sur l’investissement d’un penser commun. Avec
la seconde femme, il entreprend de s’ouvrir au risque
de l’amour et de permettre à l’amour de survivre à
son autodestructivité, qu’il peut enfin ressentir et
expérimenter dans le transfert sur l’analyste.
L’analyste est autorisé maintenant à occuper et une
position tierce, de garant du cadre, et une place de
père tuable - tuable parce que vivant et capable de
survivre à la haine. Avec la première femme, l’homme,
à défaut de disposer en lui de quelqu’un pour l’aimer,
cherchait à se rendre aimable comme enfant déprimé
et mal accueilli. Du même geste, il récusait sa
dépression dans le recours à l’agir. Un agir visant à
déplacer la haine sur la femme, particulièrement
lorsqu’elle est devenue mère - une haine autodestructrice du féminin malade chez sa mère et son
père. Avec la seconde femme, qui ne supporte pas ses
postures d’enfant mal aimé, il tend à accepter de
s’aimer mieux en prenant contact en lui avec l’enfant
déprimé. Il paraît pouvoir suffisamment désirer et
être désiré par la femme dans la mère et la mère dans
la femme, tout en jouant, semble-t-il avec mesure,
hors toute confusion, le rôle fantasmatique attendu
par elle et pour elle, de père et de mère, différents et
complémentaires.
L’analyste aura dû pour cela, et pendant une longue
période, supporter le labeur du contre-transfert. Un
labeur contre-transférentiel lui permettant de suffisamment incarner dans le transfert une figure hybride
mêlant le féminin malade du père et de la mère :
incapable d’accueillir, c’est-à-dire de prendre soin, et
impuissant à séparer, c’est-à-dire à penser.
Troisième scène. Une femme rencontre un homme
qui quitte une femme pour elle. Elle vient juste de
commencer une analyse et sera longtemps occupée
par un fantasme obsédant : l’analyste lui aurait
adressé cet homme, comme une sorte d’auxiliaire,
pour l’aider à la fois à vivre et à faire son analyse. Elle
se précipite dans une vie commune avec cet homme
et commencera une manière de travail analytique
avec lui - travail dont elle parle de manière détaillée
à l’analyste, réduit à la position silencieuse d’une
complicité vis-à-vis de son dessaisissement.
Lorsqu’enfin la femme pourra interroger ses sentiments
amoureux dans son analyse, l’analyste répondra par
un agir contre-transférentiel, peut-être inévitable :
il voudra la rassurer en lui confirmant qu’elle aimait
son compagnon. La femme pourra alors commencer
à haïr l’analyste et par là même, commencer son
analyse, c’est-à-dire commencer à utiliser l’analyste,
au sens winnicottien du terme.
L’agir de l’analyste a rendu manifeste le refoulement
de sa haine pour la patiente qui le dessaisissait de sa
position au profit de l’homme « aimé ». Et de ce fait,
il a autorisé la patiente à exprimer sa propre haine
et non plus à l’agir - sa haine pour l’analyste, qui
prenait projectivement la défense de l’homme et se
protégeait ainsi tant de sa haine à lui que de sa haine
à elle ; et sa haine pour l’homme, qui en jouant à
l’analyste exerçait une emprise sur elle d’autant plus
forte qu’elle la requérait, elle, pour se protéger du
risque de l’amour. Car l’enjeu que recélait et révélait
ce début d’analyse, c’était bien le remède coûteux
utilisé face à l’angoisse de perdre l’amour : la haine
pour l’autre là où il est empêché d’aimer, une haine
ayant fonction de désaveu chez soi du besoin de
l’amour au cœur du désir. Et la confrontation à
l’angoisse de la perte supposait de sortir de la
confusion entre l’analyse et la vie.
Père ou mère ?
sent pris dans une position du type double contrainte,
où il ne peut ni interroger l’enfant, ni y renoncer. Et
l’enfant, à partir de la séance d’après, où il déchire le
dessin du meurtre, s’installe durablement dans un
silence provocateur, sur le mode surjoué du « Quoi ?
Pourquoi tu me regardes ? ». La période silencieuse
débouche sur une période de plus en plus provocatrice, explorant les limites du cadre sur un mode
relativement tempéré, jouant l’agressivité plutôt que
l’agissant. Au fil des séances, de brefs moments
d’humour partagé se font jour pour accompagner les
provocations. Ces moments apparaissent après deux
séances marquées par des larmes liées à une peur
réactionnelle, suite à une intervention de l’analyste
marquant la limite à ne pas dépasser. Dans ce même
mouvement, la préoccupation obsédante de l’enfant,
concernant la fiabilité de l’engagement de l’analyste
à ne pas parler des séances à l’éducatrice ou à
l’assistante maternelle, s’apaise notablement.
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le Carnet PSY • avril 2016
Actes
Père ou mère ? partie 2
le Carnet PSY • avril 2016
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Actes
Quatrième scène. Un homme perd sa femme et sa
sœur dans la même période, toutes les deux
décédées d’un cancer foudroyant. Pendant des
années, il reste fidèle à l’épouse morte, s’occupant
avec soin des enfants dans une maison restant strictement inchangée. Rencontrant une nouvelle femme
et s’installant dans un lien amoureux durable, il est
saisi d’angoisses corporelles extrêmes qui l’amènent
vers un analyste - il en a déjà rencontré plusieurs à
différents moments de sa vie, sans jamais parvenir à
véritablement les utiliser, toujours au sens winnicottien.
Ces angoisses, qui ne relèvent pas en propre d’un
registre hypocondriaque, ont pour lieu exclusif le
ventre et se manifestent électivement en relation
avec l’engagement amoureux actuel. Après un accident
somatique grave, ayant nécessité une opération en
urgence, les angoisses de façon surprenante
s’apaisent plutôt et la fidélité à l’épouse morte commence à apparaître comme un écran protecteur visà-vis d’une mère au phallicisme triomphant :
impossible à perdre et impossible à aimer, en place
d’amante mortifère et de meurtrière d’un père
décédé depuis déjà longtemps d’une maladie grave.
Cette mise en œuvre de l’après-coup est confirmée
par le discours sur l’écriture, qui peut se reconnaître
libérée da la tâche qui lui était allouée jusque-là :
combler le vide de père pour la mère - pour la mère
et non pas pour lui. Les mots deviennent aptes à
exprimer l’angoisse et montrent à l’analyste la scène
fantasmatique de la rencontre en l’homme de ses
père et mère. Ils l’autorisent à se voir en train de
mettre à l’œuvre père et mère : autrement dit, de
naître à lui-même. L’écriture viendrait donner un
corps à cette naissance, non plus assigner une place
vidée mais désigner une place vacante, à occuper.
L’absence et l’écart se sont possiblement substitués
au vide et à la confusion dans et par la représentation
du vide et de la confusion - la mise en mots permettant d’associer plus librement éprouvé, affect,
représentations de mot et de chose. Et à la fin de
cette séance si particulière, l’homme demandera à
l’analyste de revenir pour des séances épisodiques,
programmées en fonction de ses voyages - ce que
l’analyste acceptera. Peut-être comme pour mettre
en jeu l’absence et mettre du jeu dans l’identité, là
où il y avait l’identique de la répétition.
Quelques mois plus tard, la mère meurt et le fils vend
la maison qui le rattachait à l’épouse morte. Il part
s’installer avec sa nouvelle compagne dans la ville de
son enfance, à bonne distance de sa maison natale,
qui était habitée par sa mère et qu’il décide de
conserver comme maison familiale de vacances, lui
permettant d’accueillir enfants et petits-enfants. La
psychothérapie est ainsi interrompue, au bout de
quelques années. Et les angoisses reviennent rapidement. L’homme appelle l’analyste au téléphone, qui
lui en avait proposé la possibilité. Après deux entretiens téléphoniques, l’homme profite d’un voyage
pour solliciter une séance, laquelle sera exceptionnelle, dans tous les sens du terme. Écrivain reconnu
vivant de sa plume, son discours associe alors de
façon saisissante deux éléments apparemment
étrangers. D’une part, il constate une évolution de
son écriture, qui abandonne ce qu’il nomme « un
roman familial » centré sur la lignée paternelle, pour
une écriture pleinement fictionnelle. D’autre part,
il met en mots de façon inédite ses angoisses
corporelles au niveau du ventre : « un trou », comme
« une fermeture éclair qui s’ouvre ».
Ces situations cliniques sont délibérément diverses.
Diverses quant au type de matériel : le tout début
d’une psychothérapie, la dernière phase d’une longue
analyse, la résistible mise en place d’une analyse,
l’interruption d’une psychothérapie. Et diverses aussi
quant aux problématiques : un garçon confronté au
meurtre de sa mère par son père ; un homme se
séparant de la mère de ses enfants avec laquelle il
s’enfermait dans la haine du féminin malade de ses
père et mère ; une femme cherchant la haine de
l’analyste pour ouvrir la possibilité de l’analyse et de
l’amour ; un homme qui trouve comme écrivain une
manière de combler le vide de père pour la mère.
Avec cette diversité clinique, je voulais suggérer la
diversité des problématiques caractérisant la psychopathologie des limites, qui convoque comme on sait
les limites de la psychanalyse et des psychanalystes.
La catastrophe, qui avait trouvé son lieu dans le corps,
peut enfin avoir lieu dans des mots trouvant la bonne
adresse transférentielle. Les angoisses habitant le
ventre et qui permettaient la rencontre catastrophique du père et de la mère, se délivrent dans une
parole qui s’ouvre et s’offre à l’analyste. L’homme
met en œuvre l’après-coup : l’après-coup de la mort
de sa mère, de la vente de la maison le séparant de
l’épouse morte et de la séparation d’avec l’analyste.
Il reste qu’une modalité d’écriture clinique s’est
imposée à moi, très sélective et orientée, avec quatre
« scènes cliniques » l’une à la suite de l’autre, le
recours à la troisième personne et surtout, une
présentation particulière des patients - revendiquant
sa nature contre-transférentielle et mettant au
premier plan la reconstruction de la dynamique de
vie du patient, plutôt que la reconstruction de la
dynamique de la cure. L’essentiel d’une cure se joue
autour de la capacité de l’analysant à créer seul et
dans le lien maintenu à l’analyste, entre les séances,
dans sa vie intérieure et relationnelle, ce qu’il trouve
avec l’analyste pendant les séances - ce qu’il trouve :
les potentialités créatrices d’un écart de la réponse
de l’analyste par rapport à la demande transféren-
Le dialogue intérieur de l’analyste conditionne chez
les patients dominés par une problématique limite
l’expérience de l’intériorité comme espace de l’entredeux, de l’écart intérieur entre soi et l’autre, de la
tension entre les pôles masculin et féminin croisés
avec les figures paternelle et maternelle de la
séparation et de l’accueil. Ce dialogue intérieur prend
en charge en l’analyste la confrontation entre la
demande transférentielle et l’offre contre-transférentielle. L’analyste se parle pendant la séance, autre
manière de dire qu’il écoute son écoute, que son
écoute a besoin d’un interlocuteur interne, semblable
différent en soi qui ouvre l’au-delà à l’intérieur de soi,
dans les mots, à travers l’expérience du deux en un.
L’au-delà : en termes plus convenus, est désignée
ainsi la fonction tierce du cadre, telle qu’elle est
garantie par le tiers interne ou le cadre interne de
l’analyste. Le deux en un, le dialogue en l’analyste
vient matérialiser l’espace intérieur de celui-ci comme
espace de l’entre-deux générant et mettant à l’œuvre
le cadre interne dans sa fonction de différenciation
et de contenance. La dimension du tiers n’est pas
possible sans le cadre interne et avec une problématique limite, il faut d’abord rendre possible cette
dimension, qui ne peut advenir pour le patient
qu’avec l’expérience du dialogue intérieur chez l’autre.
Paul Denis l’a rappelé dans un livre récent 4, le
concept même de contre-transfert a constitué un
enjeu central tout au long de l’histoire de la psychanalyse jusqu’à aujourd’hui. Les controverses concernent la légitimité même du concept, contestée par
Lacan. Elles portent aussi sur la conception restreinte
ou élargie du concept : désigne-t-il seulement les
réactions préconscientes et inconscientes de l’analyste au transfert ? Je me situe quant à moi dans la
lignée des travaux de Michel Neyraut 5 puis André
Green 6, qui ont définitivement théorisé l’idée d’une
précession du contre-transfert sur le transfert, d’une
offre contre-transférentielle précédant et conditionnant la demande transférentielle - Neyraut allant
même jusqu’à penser le contre-transfert en termes
de demande. Il s’agit bien de définir le contre-transfert comme l’implication du fonctionnement
psychique de l’analyste par le transfert de l’analysant.
Et l’implication porte sur l’ensemble du fonctionne-
ment psychique de l’analyste : non seulement tout ce
qui a trait à sa pratique analytique (son expérience
clinique, sa formation, ses appartenances institutionnelles, sa conception de la psychanalyse et ses engagements théoriques), mais tous les investissements
relationnels, sociaux et culturels qui le constituent
dans la dynamique de ses identifications. Il faut bien
préciser néanmoins que cet ensemble est relatif, à
trois égards : du fait qu’il est évolutif et par nature
non totalisable au regard du parcours de vie et de
formation de l’analyste ; du fait qu’il est au moins
potentiellement modifiable à chaque séance et bien
sûr avec chaque patient ; et surtout du fait que cet
ensemble est impliqué chaque fois différemment et
partiellement avec chaque patient - inégalement
aimanté dans la singularité toujours inédite du transfert.
Reste le plus important : le transfert implique toujours
l’inanalysé de l’analyste, qui active le destin en l’analyste de l’inanalysé de ses propres analystes. Tel est
bien le cœur du contre-transfert, c’est-à-dire le cœur
vivant et instabilisant de la position d’analyste. Cette
instabilité est constitutionnelle et se révèle dans le
dialogue originel et originaire de Freud et Ferenczi,
dialogue qui vient déployer de façon à la fois féconde
et malheureuse la polarité, la dualité créatrice au
principe même du processus créateur chez Freud. Le
dialogue Freud-Ferenczi vient matérialiser le passage,
d’un auto-transfert dans l’écriture, caractérisant la
création d’abord solitaire de Freud, à un croisement
transférentiel dans l’alliance du commencement
freudien et du recommencement ferenczien 7.
Comme pour tout analyste, la théorie a chez Ferenczi
une fonction d’auto-observation et d’auto-théorisation, enjeu d’une lutte entre levée et renforcement
du refoulement - à ceci près qu’elle prend chez lui
une charge dramatique particulière. Une charge qui
tient autant à la donne structurale de leurs places
respectives dans la scène originelle de la psychanalyse qu’à la personnalité de Ferenczi et Freud notamment l’emboîtement catastrophique de leur
relation au registre maternel. Freud est un analyste
définitivement sans analyste, pour lequel la place de
l’analyste est occupée par l’invention de la psychanalyse. Face à lui, Ferenczi est un analysant définitivement sans analyste, condamné à faire comme
Freud alors qu’il ne peut, lui, que réinventer la
psychanalyse : réinventer la psychanalyse afin
d’occuper pour Freud la place de l’analyste, c’est-àdire donc de l’analyste de l’analyste, dans l’espoir ou
l’attente d’avoir un analyste et d’être un analysant.
Dans l’après-coup de cette impossibilité inaugurale,
chaque analyste, dans l’intimité de l’affectation transférentielle des patients, doit apprendre à renoncer à
faire l’analyste et pour Freud et pour Ferenczi. Cela
Père ou mère ?
tielle. Or, cette capacité à être seul dans l’absence et
la présence de l’autre est plus ou moins défaillante
avec une problématique limite. Elle doit être gagnée
à partir du façonnage de cet entre-deux du transfert
et du contre-transfert, dans la séance, par le dialogue
en l’analyste (deux en un). Et le but consiste précisément ici à montrer l’œuvre de ce dialogue intérieur
au travers d’une présentation clinique unifiée par le
travail d’élaboration contre-transférentielle.
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Actes
le Carnet PSY • avril 2016
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Actes
signifie qu’il revient à l’analyste d’assumer pour luimême d’investir fantasmatiquement la place d’analyste de son propre analyste et d’autoriser le patient
à rivaliser avec lui à cet endroit - la responsabilité de
l’analyste étant de maintenir un écart différentiel
suffisant entre les fantasmes de l’un et les fantasmes
de l’autre. Pour cela, il appartient à l’analyste de
distinguer, d’un côté, sa réponse contre-transférentielle en réaction à l’affectation transférentielle et
d’un autre côté, ce que j’appellerais l’œuvre contretransférentielle. L’œuvre contre-transférentielle, soit
un travail élaboratif démêlant ce qui reste agissant
- susceptible d’induire un agir - de son transfert sur
son propre analyste, et ce qui relève de son offre au
transfert du patient.
Père ou mère ? partie 2
Le dialogue entre Freud et Ferenczi n’a pu trouver son
lieu - lieu que chaque analyste a la charge de
trouver/créer en lui, dans la situation analytique.
Autrement dit, la rencontre analytique de Freud et
Ferenczi, si elle n’a pas lieu dans la mesure où
n’advient qu’une relation, qui plus est à dominante
passionnelle, donne vraiment lieu à la mise en œuvre,
entre eux deux, d’un inanalysé qui n’appartient en
propre, ni à l’un, ni à l’autre. Après eux, chaque analyste, dans son penser hors la cure ou à partir de la
cure, est supposé affronter la tâche d’avoir à rendre
vivable, élaborable et créatif le travail en lui de
l’inanalysé de ses analystes, tel qu’il rencontre ses
propres résistances à l’analyse dans la pratique même
de l’analyse.
C’est sans doute dans cette perspective qu’il faudrait
reconsidérer beaucoup des questions qui nous
agitent en tant qu’analystes autour du contretransfert, telles qu’elles sont rendues plus vives avec
les problématiques limites. On a longtemps schématiquement opposé l’idée de neutralité et le primat des
exigences scientifiques, chez Freud, à l’analyse
mutuelle et au primat des exigences thérapeutiques,
chez Ferenczi. Et ce schéma pèse aujourd’hui encore
lorsqu’il s’agit d’opposer fonction miroir et fonction
empathique de l’analyste, opposition que la clinique
des limites obligerait à penser en termes de tension
nécessaire plutôt qu’en termes d’exclusion. Plus
fondamentalement, l’investissement sexuel et
narcissique du fonctionnement psychique du patient
par l’analyste, en tant qu’il est source d’une autoinvestigation de son propre psychisme, caractérise
toute cure. Mais il devient l’enjeu central avec une
problématique limite.
L’analyse n’est possible que si le patient peut faire
l’expérience de se retrouver dans le fonctionnement
psychique de l’analyste, ce qui suppose pour ce type
de patients de pouvoir le haïr : haïr l’analyste là où le
patient est haï par lui, c’est-à-dire là où il peut
adresser son auto-destructivité et donc la transformer en destructivité, puis en agressivité, si l’un et
l’autre y survivent. L’attaque portera bien sûr au plus
vif de l’inanalysé de l’analyste, au plus vif de ce qui
reste inanalysé voire inanalysable de son transfert sur
ses propres analystes. L’acte interprétatif devra être
avec ces patients chèrement gagné, dans la mesure
où, comme l’a bien théorisé Neyraut, il a pour origine
un affect contre-transférentiel en prise directe avec
l’inanalysé de l’analyste. Le dialogue intérieur de
l’analyste comme lieu et vecteur d’auto-observation
devient ainsi essentiel, en ce qu’il produit et constitue
du tiers, seule manière de sauver la distinction entre
le cadre et l’analyste, distinction que les problématiques limites attaquent. Pour le dire autrement,
l’enjeu est ici le maintien pour le patient d’un écart
entre l’analyste interprète et l’analyste affectuable le registre limite faisant du patient un tueur d’affects
en mal d’adresse.
Laurence Kahn l’a souligné récemment avec force 8,
après André Green : la scène analytique se joue à
quatre et non pas à deux, activant l’altérité interne de
l’analyste et de l’analysant. À ceci près qu’avec un
patient aux prises avec une problématique limite, le
contact avec son altérité interne doit être (r)établi
dans et par l’attaque de l’altérité interne de l’analyste.
Je terminerai néanmoins en revenant à un registre
plus névrotique, en résonance avec L’amour de la
différence, de Catherine Chabert et L’écart et l’entre,
de François Jullien. Et si l’intime créé à deux dans
l’analyse permettait de repenser l’entre-deux entre
père et mère, dans l’alliance et l’écart du masculin et
du féminin en chaque un des deux ?
Jean-François Chiantaretto
Psychologue clinicien et psychanalyste, Professeur
de psychopathologie à l’Université Paris 13 - SPC
Notes
1- Jullien F. (2012), L’écart et l’entre, Galilée, pp. 65-66.
2- Chabert C. (2011), L’amour de la différence, PUF.
3- Cf. Chiantaretto J.-F. (2011), Trouver en soi la force
d’exister. Clinique et écriture, Campagne Première.
4- Denis P. (2010), Rives et dérives du contre-transfert,
Paris, PUF.
5- Neyraut M. (1974), Le transfert, Paris, PUF.
6- Cf. notamment Green A. (1974), « L’analyste, la
symbolisation et l’absence dans le cadre analytique »,
in Green A., La folie privée, Paris, Gallimard, 1990.
7- Concernant le dialogue Freud-Ferenczi :
cf. Chiantaretto J.-F. (2016), « Au commencement
était le meurtre », Le Coq-Héron, n°224, 2016/1.
8- Kahn L. (2014), Le psychanalyste apathique et le
patient postmoderne, Paris, Editions de l’Olivier.
Françoise NEAU
« Tu vas être père »
Dans un provoquant récit de quelques pages signé
d’ « Un certain Plume », alias Henri Michaux, intitulé
Tu vas être père 1, un homme qui va l’être accepte
plutôt mal cette idée ; père, il le devient pourtant,
jusqu’au jour où l’enfant, à trois ans, pour sa première
grande promenade dans le monde, s’approche trop
près de la fosse de l’ours. Issue fatale : « Peut-être
me serais-je fait un jour à l’idée d’être père », ainsi se
termine le texte publié en 1943. Sous l’événement
autobiographique - la femme du poète est enceinte,
à un mauvais moment : c’est la guerre au-dehors et
dans le couple -, apparaissent, avec l’ironie du conte
cruel, haine et fantaisie meurtrière à l’égard de
l’enfant. Dans la réalité, une fausse-couche résoudra
l’épreuve, que le texte exorcise avec ruse, selon une
méthode chère à Michaux.
Quatre ans plus tard, Winnicott confirmera l’intuition
de l’artiste : « la sentimentalité est inutile chez les
parents, car elle nie la haine et la sentimentalité
chez une mère ne vaut rien du point de vue du petit
enfant »2. Pas de sentimentalité non plus chez le père
- passé à la trappe d’une ligne à l’autre de Winnicott,
on l’aura remarqué : pas de différence, un parent
suffisamment bon est un parent à la haine bien
tempérée, autrement dit une mère non sentimentale.
Pas de différence, ou plutôt si : « elle, elle doit l’aimer
lui, ses excréments et tout, au moins au début,
jusqu’à ce qu’il (l’enfant) ait des doutes sur lui-même »,
écrit Winnicott 3. Et lui, le père, écrit Michaux, que je
ne résiste pas à citer un peu longuement, il « fait
docilement le dada (pour un enfant son père sera toujours infiniment moins intéressant qu’un cheval),
mais pas trop souvent (…), et puis il faut redevenir
père et commander, commander à l’enfant, commander à sa voix, commander à ses yeux, commander à la mère, commander des choses. A ce moment,
il arrive que par la fenêtre on voit passer au galop un
grand chien, dont l’enfant est aussitôt occupé,
sentant en lui des mouvements quadrupédiques,
agréable accroissement de l’être, et il se détourne de
vous, dans un oubli insolent ».
Comment se priver de l’insolence de la littérature ?
Papa, maman, la fenêtre et le galop du grand chien
qui traverse, telle la charge pulsionnelle : voilà réunis
les acteurs de la scène primitive. Laissons Michaux
protester : « Freud, il veut me refiler une famille ! »,
disait-il 4. Restons un instant encore dans la chambre
de l’enfant, où se pressent derrière « le père »
différents genres de père : le Daddy au dada, qui fait
l’enfant, docile compagnon de jeu, « inguérissable fils
de fils » peut-être (et là encore c’est une expression de
Michaux), et le père Commandeur – ici père Ubu, ivre
de sa toute puissance.
S’y glisse aussi, celui-ci écrit d’un pays lointain,
l’ombre d’un autre père, idéal et idéalement aimé de
cet amour œdipien que la psychanalyse nomme
inversé, ou négatif, pour décrire (chez le garçon) cet
attachement amoureux trouble, dirigé vers le père,
tout aussi essentiel à la constitution et surtout au
déclin du complexe d’Œdipe que l’autre : toujours
Michaux, qui s’embarque pour l’Equateur l’année où
Freud écrit L’Avenir d’une illusion : « j’aurais tant
désiré avoir un père. J’entends : comme une femme…
qu’on cherche, qu’on choisit, et si l’on trouve c’est un
émerveillement »5 (Ecuador, OC I, 163).
Au lieu de ce père merveilleux de papier, se présente
un père plus réel : dans « la plus autobiographique de
ses fictions de légende »6 , intitulée « Le Portrait de
A » (A est un fils à la vie insignifiante), Michaux
brosse un portrait de ce père là, vu par le fils : « Son
père avait ceci pour idéal : se retirer. Jamais il n’eut
rien d’offrant. Il était prudent, très prudent, d’humeur
égale et triste. Il s’effaçait parfois comme une tache.
Il avait aussi de ces énervements terribles, douloureux et extrêmement rares comme en ont les
éléphants lorsque, quittant une tranquillité qui leur a
coûté des années de surveillance, ils s’abandonnent
à la colère pour une bagatelle »7.
Père ou mère, mais quel père - ou quelle mère ? C’est
que l’un comme l’autre ont de multiples visages. Côté
père, chez Michaux, et ma recension est loin d’être
exhaustive : le Daddy père-enfant, le Commandeur,
père-éléphant, le père effacé comme une tache, le
père désiré comme une femme et le père à fuir - lui,
et tous les ancêtres 8…. Autant d’ombres ou de
fantômes que le poète vient déposer dans le mot, et
la chose, « père ».
A sa manière à elle, sur un autre ton, la métapsychologie freudienne dit elle aussi la multiplicité des
figures paternelles, et l’impossibilité d’essentialiser
Père ou Mère : elle distingue par exemple (et ces
distinctions sont de vraies différences, fondatrices et
de l’objet « père » et de la métapsychologie, qui lui
doit beaucoup) le père originaire, celui de la horde
primitive et celui du père de la préhistoire individuelle, le père du complexe d’Œdipe, haï et aimé, le
Père ou mère ?
L’angoisse de
redevenir père
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le Carnet PSY • avril 2016
Actes
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Actes
père séducteur dans la réalité et dans le fantasme, et
puis encore le père qu’on a et celui qu’on devient. Les
identifications dans lesquelles viennent se sédimenter
ces gisements d’objets de haine et d’amour constituent autant de couches géologiques, mêlées dans
les sols et sous-sols de la réalité psychique (primaires
et pré-œdipiennes, secondaires et post-œdipiennes…), bien difficiles à distinguer, elles, d’autant
qu’elles sont, comme on sait, d’étoffes et de textures
variées (hystérique, narcissique, mélancolique…).
Dans le patient dont j’ai choisi de parler, un homme
d’une quarantaine d’années, plusieurs de ces figures
de père, et d’autres encore, se croisent, se nouent et
combattent - comme en chacun de nous.
Père ou mère ? partie 2
L’angoisse de Dominique, qui va redevenir père
Sueur froide, colère froide, vague joie, écœurement,
haine pour l’enfant à naître, écrivait Michaux….
Moins qualifiée, moins spécifiée, c’est d’angoisse que
Dominique a été saisi à l’annonce de la grossesse de
sa compagne, après presque un an de traitement (je
le vois alors deux fois par semaine, en face à face).
D’un précédent mariage, il a déjà deux filles, au bord
de l’adolescence, et il espèrait bien « s’arrêter là ». La
compagne avec laquelle il vit avec bonheur depuis
quelques années n’avait pas d’enfant. A la douleur
causée par ce que la médecine appelait une infertilité,
Dominique compatissait, secrètement soulagé.
La nouvelle de cette grossesse inespérée est pour lui
« comme un coup de tonnerre ». L’orage s’approche ;
bien pire, c’est « une catastrophe » qui le « met plus
bas que terre », et l’angoisse terriblement, dit-il,
tandis que son amie, elle, est toute à sa joie. De cette
angoisse qui lui fera visiter les sous-sols, Dominique
se dégagera peu ou prou au fil de nos rencontres ;
s’il est un peu plus apaisé vers la fin de la grossesse,
la naissance de l’enfant suscite pendant plusieurs
mois une élation massive.
Délibérément je n’évoquerai pas ici un phénomène
de couvade, dont G. Delaisi de Parseval 9 a souligné
toute la complexité, pas plus que je n’attribuerai ce
tableau clinique aux « vissicitudes de la paternalité » 10.
Mon point de vue ici n’est pas celui d’une psychopathologie de la paternité, mais bien davantage
d’une clinique singulière : de quels mouvements
psychiques l’angoisse, qui saisit Dominique à
l’annonce de sa prochaine paternité 11, et entrave
fortement ses capacités de travailler et d’aimer
pendant presque toute la grossesse de sa compagne,
témoigne-t-elle ?
Une « enfance fermée »
Dominique avait souhaité consulter six mois plus tôt
à cause d’éprouvés de violence intense, notamment
envers ses filles, qu’il dit adorer pourtant, et reçoit en
garde alternée : presque jamais agie, cette violence
l’effrayait, et venait renforcer les auto-reproches de
n’avoir pas été un « bon père » dans leur petite
enfance, tant la mésentente conjugale qui s’était vite
installée lui faisait fuir le foyer. Cette peur de sa
propre violence avait rapidement disparu, et des
séances et du quotidien familial. Les premiers mois
de la cure avaient été occupés par l’histoire et les
motifs de cette mésentente, à laquelle les désaccords
permanents à propos des filles et les procédures sans
fin de leur mère continuaient à donner une vive et
pénible actualité.
L’histoire d’enfant de Dominique, restée dans l’ombre
ces premiers mois du traitement, laissaient apercevoir « une enfance fermée »12. Ses efforts pour la
banaliser et la laisser dans l’imprécision me
donnaient à penser qu’elle avait été douloureuse :
« moi aussi mes parents ont divorcé », dit-il, blessé
des conséquences de son propre divorce sur ses filles.
Il avait 4 ans, ses grands-parents maternels l’ont alors
« récupéré », sans qu’il sache ni n’ait voulu savoir
pourquoi, puis c’est son père qui l’a « pris » ensuite,
vers 6-7 ans, ou bien 8. Vers 10 ans, il a décidé seul
de repartir chez sa mère parce que sa belle-mère le
« malmenait » décidément trop - comme le fera son
ex-femme. Chez sa mère, remariée avec un homme
riche, la vie matérielle est beaucoup plus facile, mais
la solitude domine une adolescence « triste » et
« très moyenne » au lycée. Il ne brille que dans une
matière, celle dont il va faire son métier : bon qu’à ça.
Que ce père n’ait pas même tenté de retenir l’enfant
fugueur à dix ans le confirme à Dominique : décidément il compte peu dans la vie de ce père, content
finalement, pense-t-il, d’être débarrassé du fils…Il ne
le reverra presque pas - son père ne cherchera pas
non plus à le revoir, pas même à la naissance de ses
filles. Dans les premiers mois du traitement, ce père
n’apparaît quasiment pas : « de mon père, moi aussi
je me suis débarrassé ».
Revient en séance, au détour d’un récit de rêve, une
image, comme un motif supplémentaire pour s’en
être débarrassé. Elle s’impose comme un souvenirécran, le « dégoûte » : il est petit, son père se
promène dans l’appartement, nu, le sexe en érection.
« Comme si je n’étais pas là, comme si je ne
comptais pas. Vous vous rendez compte ? Il faut
vraiment être taré ». Petit comment ? Plutôt vers
8-10 ans, d’après le décor : pas si petit… Derrière
l’éprouvé d’abandon, le souvenir refoulé d’une excitation énigmatique, et traumatique, qui m’est
adressé. Ou derrière l’excitation, le sentiment de ne
pas compter, qui lui aussi m’est adressé ?13
L’annonce de la grossesse de sa compagne, quelques
mois après le début du traitement, désoriente ainsi
le cours de notre travail : l’angoisse de redevenir père
va occuper le devant de la scène plusieurs mois, dans
sa vie et dans la cure, presque jusqu’à l’arrivée de
l’enfant, avec parfois des accents d’allure mélancolique. C’est de ce moment là que je vais parler.
Qu’est-ce qui angoisse ainsi Dominique, de quoi
a-t-il peur ? Je maintiens les deux questions, Freud
proposant de distinguer peur et angoisse bien que
l’Angst allemand puisse recevoir les deux traductions :
même si « le rapport de l’angoisse à la peur reste
fluctuant », en première analyse l’angoisse n’a pas
d’objet, « fait abstraction de l’objet pour mettre
l’accent sur la préparation au danger », comme l’a
souligné Jean Laplanche, « tandis que pour Freud
l’objet suppose un objet défini dont on a peur »14.
C’est de redevenir père que Dominique a peur, c’est
aussi de cet enfant à venir, on va le voir ; mais l’invasion
par l’angoisse dépasse ces seules représentations.
Si l’angoisse est avant tout signal de danger face à la
menace de perte dans toutes ses déclinaisons (perte
d’objet, partiel ou total, perte d’amour de la part de
l’objet, perte de la perception de l’objet), quel danger
guette Dominique, au-dehors comme au-dedans ?
Cette angoisse en tout cas le rend incapable de
travailler, et même de penser, alors que son métier
exige de lui dynamisme et créativité, sans lesquelles
il se retrouve vite en grande difficulté financière.
Il recommence à fumer du hasch chaque soir pour
s’endormir, puis toute la journée, alors qu’il avait
cessé peu avant le début du traitement, après
avoir longtemps consommé, et beaucoup. Souvent
incapable de se lever le matin, il manque des séances,
ou bien il y vient sans y être, « zombie », et gêné de
l’être. Grâce au produit, il parvient parfois à « se
couper du monde », sans trouver aucun plaisir dans
ce retrait. De toutes façons, l’anesthésie dure peu :
dès qu’il pense à l’avenir qui s’annonce, le cauchemar reprend.
Quel cauchemar ? Celui de son exclusion - tout
s’écroule, son destin d’enfant rejeté le rattrape. Il
avait enfin réussi à obtenir la garde partagée de ses
filles, à construire une vie épanouie, avec des succès
professionnels dont il n’osait même pas rêver, lui,
l’homme sans héritage ni compromissions. Après ce
mariage malheureux, enfin il aime là où il désire, et
désire là où il aime. C’est à ce courant continu depuis
quelques années, à la fois tendre et sensuel, que
Dominique puise son sentiment d’exister enfin, et sa
capacité à créer. Toutes ressources qui se tarissent
avec l’annonce : plus rien ne peut sortir, « je suis
constipé de rêves », me dit-il. Plus de métabolisation,
plus de transformation psychique possible, le ventre
noué sur un contenu inexpulsable. Comme sa
compagne ? La douleur en plus, et puis l’enfant n’est
pas de rêve, il est de cauchemar : « je suis fichu ».
Les motifs conscients de l’angoisse ne manquent pas.
Il a le sentiment d’être pris au piège : il se sent
« refait », dit-il. Vont recommencer les nuits sans
sommeil, et, pour citer encore Michaux, la « nouvelle
et tenace amarre qui va venir s’ajouter aux cordages
innombrables qui le tiennent déjà »15. Là encore,
Winnicott confirmera : « au début il faut que l’enfant
fasse subir sa loi ».
Face à cette loi là, celle-là même à laquelle en fuyant
le foyer conjugal il s’est plus ou moins soustrait
malgré ses deux très petites filles, il sait bien cette
fois-ci qu’il ne pourra pas « se défiler ». Apparaît alors
toute la culpabilité consciente liée au « mauvais père »
qu’il a commencé par être, et qu’il ne cesse d’essayer
d’effacer.
Et puis surtout, même si ce motif là, moins avouable,
commence par être caché sous le tapis des nuits sans
sommeil, Dominique a peur que cet enfant à naître ne
lui fasse perdre sa compagne, et le désir qui les
enflamme depuis leur rencontre : il pourrait perdre
son désir à lui, pour un corps qu’il ne reconnaîtrait
plus, et son désir à elle, occupée ailleurs. Peur d’être
supplanté dans le cœur de sa compagne par cet
enfant, peur de perdre sa place 16. Ces dangers là,
Dominique les identifie sans difficulté. En somme, il
craint de perdre sa liberté et la femme qu’il aime.
Avoir honte de cette peur ne change rien à l’intensité
de son angoisse. Davantage : il a peur de ne plus
avoir de place nulle part, de « devenir rien », de
n’avoir jamais été quelqu’un. D’ailleurs, il n’est déjà
plus rien : après avoir cultivé l’illusion qu’il avait
« percé » dans un milieu difficile, à la seule force de
son travail, il a maintenant le sentiment d’une
imposture.
Sous l’angoisse. C’est l’ambivalence transférentielle qui va permettre d’accéder, derrière ces
accents mélancoliques, à des mouvements moins
manifestes. Et d’abord, l’ambivalence envers le
cadre lui-même : l’extrême difficulté à maintenir le
rythme du traitement, sous couvert de restrictions
financières - effets concrets de la « constipation de
rêve ». L’idée de s’allonger sur le divan et la peur de
régresser coexistent avec une attente anxieuse des
séances que l’anesthésie volontaire ne suffit pas à
abraser tout à fait.
« Refait », par cette grossesse qui lui tombe dessus ?
Fait une deuxième fois, pour le pire : l’enfant à venir,
c’est lui autrefois. Arrivent peu à peu en séance, avec
Père ou mère ?
L’angoisse devant l’annonce
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Actes
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Actes
Père ou mère ? partie 2
les rêves, des traces de ce passé trop encombrant :
souvenirs déformés-remaniés, traces de théories
infantiles, fragments de constructions et reconstructions fantasmatiques, affects douloureux. Sa mère lui
annonce qu’elle part avec un autre homme : à quatre
ans, l’enfant comprend que loin d’épouser sa mère,
comme il se souvient l’avoir un temps rêvé, il va la
perdre pour de vrai. Si les grands-parents l’ont « pris »
à ce moment là, c’est peut-être parce qu’ils jugeaient
sa mère incapable de l’élever. Mais pourquoi ? De ce
séjour chez les grand-parents, dont il avait tout
oublié, remontent des sensations de pièces froides,
de repas tristes, sans affection - ne faisaient-ils donc
que leur devoir ? Est-ce pour cela, ou parce qu’ils
étaient trop vieux, que son père l’a « repris » à son
tour, alors qu’il s’était remarié ? Le « malmenage »
cesse d’être un nom abstrait, et générique : la plus
petite part du gâteau, à partager avec les autres
enfants du couple, c’était toujours pour lui, son père
n’intervenant jamais. Mais à ce père là, malgré la
déception, étrangement il n’en veut pas : le ressentiment s’adresse tout entier à la belle-mère. Et à sa
mère : quand en quittant son père il l’a rejointe,
l’enfant ne manquait plus de rien, sinon d’amour :
une fois - une seule - elle vient le voir jouer à
l’entraînement de foot. Depuis le terrain, il guettera
chaque semaine de l’année la voiture de sa mère, dit-il.
Pas envie de redevenir père, de redevenir l’enfant
dont cette paternité à venir charrie les blessures qu’il
pensait cicatrisées ; de telles blessures, cet homme
les traitait jusque là à sa façon, lui auquel, comme le
héros du film de Truffaut, « la compagnie des femmes
était indispensable – sinon leur compagnie, du moins
leur vision ». Histoire banale à pleurer, d’ailleurs
Dominique pleure parfois, et c’est l’enfant dédaigné 17
autant qu’abandonné qui pleure sur son destin
tragique d’enfant œdipien.
Séduit, avant d’être abandonné. Le père devant lui en
érection ? La phrase est ambiguë, et la confusion de
Dominique, qui peut entendre lui aussi la polysémie
de la phrase, massive : indûment séduit et abandonné
par l’adulte, mais excité aussi. Dans la même séance,
Dominique rapporte un conflit avec un fournisseur
par lequel il a le sentiment de « se faire avoir » sans
que les circonstances lui permettent de rompre le
contrat qui le lie à lui : impuissant comme il est ces
temps-ci, il est incapable de réagir -« Comme vous
l’étiez face à votre père, avec le sentiment de vous
faire avoir ? ».
Peu à peu, apparut une autre figure du complexe
paternel : ce père « taré » et décevant avait été aussi
très aimé par Dominique. Ce père en retrait, qui
quittait la table familiale dès qu’il pouvait pour
s’enfermer dans son cabinet de bricoleur-inventeur
de machines inutiles, parfois l’enfant avait
l’autorisation de le rejoindre, plein d’admiration. Le
plaisir et l’émotion pris à cette évocation surprirent
Dominique. « Dans son cabinet ? »
Her Majesty the Baby. Dans mon cabinet à moi,
nous partageons tous les deux, avec l’échographe, un
secret : le sexe de l’enfant, que la mère veut ignorer.
Il vient de l’apprendre, et en jubile : « Ce qui me
sauve, c’est que mon vœu ait été exaucé, c’est que
j’aie une fille ». « Comme ça, ajoute-t-il en riant, je
reste le seul homme de la famille »18. Pour de rire et
pour de vrai, toute menace de rivalité paraît d’emblée écartée, et l’angoisse va peu à peu se retirer, à
partir de ce moment là, et la constipation de rêves
s’éloigner. « Quand je touche ma fille, me dit
Dominique en évoquant la séance d’haptonomie,
c’est bien une fille que je touche », et il en est soulagé, de ces retrouvailles avec la fille-mère-femme :
« il y a le même voile, comme transparent, que quand
je regarde les femmes »19. Celle-là, l’homme qui les
aimait toutes, cher à François Truffaut, ne l’avait pas
encore croisée…
La naissance d’Aurore va dissoudre l’angoisse de
Dominique dans une marée de libido narcissique, où
l’idéalisation garde elle aussi toute sa teneur libidinale : Aurore est d’emblée cette enfant « miraculeuse
», « une miraculée de l’amour » dit le père énamouré
comme il n’a pas été avec les aînées, chargées d’une
relation ambivalente où la haine prévalait alors sur
l’amour. L’enfant à venir du fantasme, porteur de tous
les dangers, et d’abord de cette haine accumulée
aussi comme un rempart contre la détresse et la
solitude de cet enfant « mal accueilli »20 s’efface
devant Her Majesty the Baby : le bébé sauve son père
de presque tous les dangers.
Lorsqu’Aurore paraît, elle a d’emblée tous les
pouvoirs des recommencements : toutes les qualités,
tous les talents et tous les charmes, à l’intérieur du
cercle de famille qu’elle « cimente », dit Dominique,
et au-dehors ; le monde entier s’étonne de la petite
merveille - les grandes sœurs, les amis, la crèche.
Dominique retrouve « magiquement », sous la
baguette de la fée Aurore, son désir pour sa
compagne et leur intimité érotique, sa capacité à
travailler et sa créativité, en même temps
qu’un surmoi bien plus bienveillant que cruel :
« maintenant, dit-il près d’un an plus tard, je m’aide,
je ne me détruis plus comme pendant ces six mois ».
Ainsi Aurore serait-elle venue réanimer l’instance
idéale du moi, dont l’enfant à naître avait fantasmatiquement fragilisé l’édification en faisant revenir sur
la scène psychique le fils détrôné et des pères sans
majesté : le « mauvais père » qu’il fut, avec ses deux
filles aînées, et le « mauvais » père qu’il eut, dégoûtant
Qu’Aurore soit une fille compte infiniment dans cette
fonction de restauration narcissique qu’il lui prête.
La chaîne des identifications peut être croisée avec
la trame des choix d’objet : grâce à sa fille, l’enfant
dans Dominique retrouve la voie d’une séduction
œdipienne « positive », et active, dans laquelle il aura
la main sans « se faire avoir ».
C’est bien du sexuel infantile de l’adulte qu’il s’agit.
Le père Dominique ne peut être dit un père incestueux, ni incestuel - sauf à méconnaître ce sexuel
infantile synonyme d’inconscient : « je fuis la
maternité avec ma femme, je plonge dans la
maternité avec elle », me dit-il quelques mois plus
tard. « Quand on ferme la porte de la chambre et
qu’Aurore dort, nous ne sommes que des amants.
Quand on s’occupe d’Aurore, on le fait tous les deux,
mais alors il n’y a rien d’érotique entre nous, enfin
moi j’y insiste beaucoup, quand elle m’embrasse
devant la petite j’ai beaucoup de mal ».
« L’enfant est le père de l’homme » : Freud emprunte
la formule énigmatique à Wordsworth, encore un
poète. Avec Aurore, Dominique trouve enfin un père
à son goût, à sa mesure - un père tout puissant et
sans danger, un père merveilleux et s’émerveillant,
un père qui s’abandonne sans l’abandonner, tel le
vieil Anchise porté sur le dos de son fils Enée fuyant
Troie en flammes. Que cet enfant soit une fille
rapproche davantage encore Dominique de ce père
là - du père tant désiré par Michaux, peut-être :
« comme avec une femme… c’est un émerveillement ».
L’enfant ne serait-il pas plutôt le père et la mère de
l’homme ? Même si Freud est formel - c’est de « la
première et plus significative identification de l’individu, celle avec le père de la préhistoire personnelle »21
que naît l’idéal du moi-, une célèbre note en bas de
page ajoute : « ou les parents » : tous les deux (et on
sait qu’ils sont au moins quatre, voire seize, sans
compter les autres) sources auxquelles puiseraient et
l’identification primaire 22 et les identifications
œdipiennes. Ces sources là alimentent l’enfant de la
réalité psychique, qu’il prenne corps et âme et
devienne un autre enfant, ou bien qu’il reste dans les
limbes - celui qu’on refuse d’avoir, ou d’être, celui
qu’on aurait voulu avoir, ou être : l’enfant de la
pré-histoire en somme, sinon l’infantile.
La note posthume de Freud (1938) est célèbre :
« Avoir et être chez l’enfant. L’enfant aime bien
exprimer la relation d’objet par l’identification : je suis
l’objet. L’avoir est la relation ultérieure, retombe dans
l’être après la perte de l’objet. Modèle le sein »,
écrivait-il en 1938 23. Modèle : le père ? Le père est un
morceau de moi, je suis le père. Plus tard seulement,
je l’ai. Plus tard encore, je le redeviens ? Modèle : père
et mère, aux sources de la bisexualité psychique quelque soit leur genre ?
J’y ajouterais bien la fenêtre, avec ou sans grand
chien au galop qui la traverse - pour « l’agréable
accroissement de l’être » qui occupe l’enfant selon
Henri Michaux, une fourmi suffirait.
Pr Françoise Neau
Professeur de psychopathologie, Université Paris
Descartes-Sorbonne Paris Cité, Laboratoire PCPP,
Psychanalyste,
membre du comité de publication
de l’Annuel de l’APF
Notes
1- H. Michaux (1943), « Tu vas être père », Œuvres
Complètes I, Paris, Gallimard (Pléiade),1998, p.747-750.
2- D.W. Winnicott (1947), « La haine dans le contretransfert », in De la pédiatrie à la psychanalyse, Payot,
1969, p. 81.
3- Ibid., p. 80.
4- C’est par cette citation non référencée que JeanPierre Martin commence sa belle biographie du poète
(J.-P. Martin, Henri Michaux, Paris, Gallimard, 2003).
5- H. Michaux, Œuvres complètes, I, op. cit., p. 163.
6- Selon le propos de Raymond Bellour dans son
Introduction à l’édition des Œuvres Complètes de
Michaux qu’il a dirigée en Pléiade, I, p. XIII.
7- H. Michaux, Œuvres complètes, I, op. cit., p.608.
8- « J’ai lutté contre mon père (et contre ma mère et
contre mon grand-père, ma grand-mère, mes arrières
grands-parents. ; faute de les connaître, je n’ai pu lutter
contre de plus lointains aïeux »). Postface de Plume,
OC I, p. 215.
9- in La part du père, Seuil, 1991.
10- G. Delaisi de Parseval traduit par « vicissitudes de la
paternité » les « contingencies of paternal behaviors »
de l’anthropologue américaine Harriet Kupferer (ibid.).
11- La peur, fear, fait partie de ce que les psychologues
et les épidémiologues américains appellent les 3 F pour
décrire les actings des futurs pères : fight, flight et fear :
bagarres, fugues et peurs - ces dernières, précise
G. Delaisi de Parseval, sont non des actings mais des
manifestations névrotiques normales.
12- J’emprunte l’expression à Raymond Bellour,
si fin lecteur et éditeur de Michaux (Michaux, OC, 1,
Pléiade, XI).
13- Dans L’homme qui aimait les femmes, le film de
Truffaut, c’est la mère qui a l’habitude de se promener
à demi-nue devant l’enfant, se rappelle dans son journal
le héros du film, Bertand Morane, alias le cinéaste.
« Non pour me provoquer, évidemment mais plutôt, je
suppose, pour se confirmer à elle-même que je n’existais
pas. Tout, dans son comportement avec moi petit
garçon, semblait dire : « J’aurais mieux fait de me casser
Père ou mère ?
et décevant, trop menaçant pour ne pas s’en
débarrasser. Un homme trop aimé aussi, pour que
Dominique puisse digérer sans douleur et cet amour
et sa perte.
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Actes
Père ou mère ? partie 2
le Carnet PSY • avril 2016
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Actes
la jambe le jour où j’ai enfanté ce petit abruti. »
(A. de Baeque, S. Toubiana, François Truffaut, Paris,
Gallimard, 1996, p489).
14- In « Une métapsychologie à l’épreuve de l’angoisse »,
La révolultion corpernicienne inachevée, Paris,
Flamamion, 1992, p. 140.
15- Tu vas être père, op. cit., 748. Et Michaux d’ajouter
les « Milliers de jours, milliers de nuits qui se préparent,
où l’on devra faire bon visage au martyre abondamment
administré par l’être (…) bouffi comme un melon
enragé ».
16- Dans le complexe d’Œdipe, ne faut-il pas ajouter au
vœu meurtrier de l’enfant celui du père, plus souvent
jaloux à l’égard de l’enfant que ne l’est la mère, et
davantage encore quand c’est un garçon ? Le « regard
amer » du père envers le nouveau-né, écho de celui que
lance le puîné délaissé au nouveau-né, en serait une
forme atténuée, bien plus banale : « il n’y en a plus que
pour lui (ou, moins souvent, pour elle). Et moi alors ? »,
s’indignent tels jeunes pères amers face à l’épouse ou la
compagne en pleine préoccupation maternelle primaire.
Les Indiens Mohave devancent ces revendications : chez
eux, le nouveau père est rituellement baigné soit par sa
femme (comme le bébé), soit par sa propre mère,
comme s’il voulait régresser à cet état de dépendance
néonatale dans laquelle son propre enfant se trouve
alors » (G. Delaisi de Parseval, La part du père, Seuil,
1981). Georges Devereux, qui le rapporte, interprète
cette couvade post-partum des Indiens Mohave
« comme un moyen de contrôler les pulsions agressives
du père à l’égard du nouveau-né dont celui-là peut être
jaloux, le bébé devenant pour lui un rival vis à vis de sa
femme » (ibid.)
17- Cf réf. à Au-delà, p.60, Petite Bibliotheque de Psychanalyse, PUF.
18- « C’est en jouant avec Ginette, écrit le héros du film
de Truffaut, l’homme qui aimait les femmes, que je me
suis aperçu que la compagnie des femmes m’était indispensable. Sinon leur compagnie, en tout cas leur vision ». Bertrand Morane joue-t-il avec la connotation
sexuelle qu’a en argot américain le verbe « to play » ?
19- S. Ferenczi, « L’enfant mal accueilli et sa pulsion de
mort » (1929), dans Psychanalyse IV, Paris, Payot, 1990.
Voir le n° 224 du Coq Héron (2016/1) autour de ce texte,
qui a donné lieu à une journée scientifique organisée
par J.-F. Chiantatetto en septembre 2015. Voir en particulier F. Neau, « Les deux espèces de haine dans L’enfant
mal accueilli »
20- S. Freud (1923), Le moi et le ça, O.C.F. XVI, PUF p. 275.
21- Dans cette autre région de la préhistoire personnelle,
non plus celle du Vaterkomplex mais du Nebenmensch
Komplex, c’est bien à l’autre secourable - plutôt la
mère - que le petit d’homme va commencer à s’identifier, en identifiant la part de l’autre semblable à lui et en
rejetant l’inconnu porteur de menace - expérience
essentielle puisque Freud en fait la matrice du jugement
et de la pensée.
22- S. Freud (1938), Résultats, Idées, Problèmes, t. II, PUF,
1985, p.287.
L’écart ou l’entre au regard
de la différence des sexes
Bernard GOLSE
Puisqu’on ne peut parler d’un sexe sans faire
référence à l’autre, il importe de se centrer sur
l’entre-deux
Introduction
Reconnaître sa mère, reconnaître son père, distinguer
l’un de l’autre, voilà - sans nul doute - l’un des
grands chantiers développementaux de l’enfant.
Ceci pose à l’évidence la question du masculin et du
féminin, question que l’enfant se doit d’élaborer
conjointement en tant que sujet appartenant luimême à l’un ou l’autre sexe, mais aussi au niveau de
ses objets relationnels qui sont homme ou qui sont
femme. Il ne saurait donc y avoir de père ou de mère
sans repérage préalable de la différence des sexes,
repérage qui se joue de manière dialectique au
niveau du sujet et au niveau de ses objets, puisque la
découverte de soi et la découverte de l’autre s’avèrent inextricablement liées. Mais ceci ne suffit pas.
Encore faut-il que l’enfant accède à l’appréhension
du dosage du masculin et du féminin propre à chaque
sexe et, plus encore, à la question de savoir si le
masculin de l’homme et le masculin de la femme sont
identiques ou non, la même question se posant bien
entendu quant au féminin de la femme et au féminin
de l’homme. Tout ceci n’est pas simple, on en
conviendra aisément ...
Après quelques rappels concernant les grandes
étapes de cette problématique développementale, et
quelques remarques concernant la bisexualité
psychique et ses précurseurs, je proposerai ensuite
une hypothèse selon laquelle le bébé ou l’enfant
procèderait plutôt par une mise en opposition
dynamique des deux genres que par la définition
statique de chacun des deux sexes de l’espèce
humaine. L’idée qui est la mienne, mais qui demeure
toutefois à vérifier, est en effet que l’enfant va
approfondir la question de l’écart et de l’entre, avant
même que de pouvoir précisément définir chacun des
deux sexes. Autrement dit encore, on aurait à faire,
dans ce registre, plus à une structure des processus
qu’à une structure des états, ce qui n’est pas,
aujourd’hui, pour nous étonner dans le champ du
dévelopement précoce.
La différence des sexes en soi et en l’autre
Il importe que l’enfant repère en lui (par l’éveil de ses
organes génitaux), mais aussi autour de lui, des
indices de l’existence de la différence des sexes. Ceci
rejoint en fait la dialectique classique qui existe, je le
répète, entre la découverte du Soi et du non-Soi
puisque c’est en découvrant ses objets que le sujet
se découvre lui-même et que, dans le même temps,
c’est en se découvrant lui-même comme sujet qu’il
peut repérer et investir ses objets.
Tout commence par le repérage du sexuel
Avant de découvrir la différence des sexes à proprement parler, le bébé a d’abord à repérer le registre du
sexuel, comme l’a bien montré un auteur comme
G. Rosolato, avec le concept « d’écart différenciateur
des satisfactions ». Je n’y insisterai pas davantage ici,
mais il s’agit à l’évidence d’un préalable important,
puisqu’en découvrant qu’il y a des satisfactions pour
l’obtention desquelles il peut ne compter que sur luimême (les auto-érotismes), et d’autres pour l’obtention desquelles il est contraint de s’en remettre à
autrui du fait de sa néoténie fondamentale (les
besoins auto-conservatoires), le bébé découvre du
même coup que le registre du sexuel se trouve
d’emblée connoté par une dimension d’intime,
de secret et de privé.
La découverte de la différence des sexes
proprement dite
Quoi qu’il en soit, une fois démarqué ce registre du
sexuel, l’enfant va devoir découvrir peu à peu la
différence des sexes et cette découverte est alors le
fruit d’un processus qui va se jouer simultanément
sur différents plans pour l’enfant : celui du soi, celui
des objets matériels de son environnement, et celui
de ses imagos parentales enfin.
Sur le plan du soi, en termes de vécu subjectif,
l’enfant ressent des excitations dans son corps, des
choses différentes selon qu’il est garçon ou fille - les
manifestations masturbatoires en témoignent - mais
il les vit comme un absolu sans savoir que d’autres
que lui éprouvent d’autres choses et donc,
à l’évidence, sans point de comparaison possible avec
autrui (adultes, autres enfants …), alors qu’en termes
de marques objectives en revanche, l’enfant va
pouvoir travailler l’accès à la reconnaissance de la
différence des sexes.
C’est là, on le sait, un chapitre classique de la métapsychologie freudienne et les différentes étapes de
cette dynamique sont désormais bien connues.
Disons seulement, ici, que d’une part cette dynamique est extrêmement progressive et conflictuelle
dans la mesure où une grande énergie va se trouver
en fait consacrée à la lutte contre cette perception de
la différence qui s’impose à l’enfant de manière plus
ou moins angoissante. Il s’agit d’une dynamique
progressive en ce sens que l’accès à la reconnaissance de la différence des sexes ne se pose pas qu’au
moment de la phase phallique-œdipienne.
Le « en avoir ou pas » propre à cette période centrée
sur la question du pénis est en effet précédé et
préparé par toute une série d’interrogations dialectiques qui viennent s’inscrire dans le champ des
problématiques orales et anales en amont du stade
phallique : celle « de l’avaler ou du cracher » comme
précurseur de l’opposition entre la réceptivité féminine et l’expulsion ou la pénétration masculine, celle
« du retenir ou de l’évacuer » qui sous-tend en
réalité les autres oppositions partielles (montrer/
cacher, actif/passif, grand/petit et fort/faible) qui
annoncent et préfigurent certains de nos stéréotypes
différentiels entre le masculin et le féminin.
C’est également une dynamique conflictuelle en ce
sens que l’enfant va longtemps lutter contre la
perception et l’intégration de ces différences entre
les deux sexes relevant de l’acceptation de la castration.
Les ambitions phalliques des petites filles qui se comportent comme des « garçons manqués » (soit
comme des garçons à qui il ne manque que cela, le
pénis), les diverses théories sexuelles infantiles qui
font penser au garçon que le pénis des filles leur a
été coupé mais qu’il repoussera, le fantasme de mère
pénienne qu’on peut retrouver dans les dessins des
enfants des deux sexes comme dernier acte de
résistance avant d’admettre que toutes les femmes
sont effectivement dépourvues de pénis, et même le
désir de la petite fille d’avoir un enfant du père en
tant que pénis interne qui viendrait la dédommager
de son manque de pénis externe, toutes ces formations et configurations psychiques ont en fait valeur
de déni actif de la perception de la différence des
sexes. Cette perception ne sera finalement intégrée
par l’enfant qu’assez tardivement, vers deux ou trois
ans dans le schéma freudien, et comme à regret, sur
un mode quelque peu résigné, à son corps défendant
pourrait-on dire.
Les fréquents éléments dépressifs de la période
œdipienne témoignent probablement en partie de ce
renoncement à une vision unisexuée du monde, et
l’on sait tous les mécanismes de désaveu de la
Père ou mère ?
Bien que je sois pédopsychiatre et psychanalyste,
dans le cadre de ce travail mes propos seront formulés
d’un point de vue peut-être plus développemental
que strictement psychanalytique, ou plutôt ils le
seront à partir d’un regard psychanalytique porté sur
le développement.
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Actes
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Actes
castration féminine que l’on retrouvera encore, longtemps après, au niveau de l’élaboration des positions
fétichistes qui représentent le dernier baroud
d’honneur possible - si j’ose m’exprimer ainsi à l’encontre de la perception et de l’acceptation de la
différence des sexes.
Je rappelle, ici, les travaux de H. Roiphe et E. Galenson qui ont bien montré également l’existence
« d’angoisses génitales précoces » que l’enfant va
vivre, bien avant la période œdipienne, dans sa
rencontre avec les différences perçues par lui au
niveau des organes génitaux externes (les siens et
ceux des adultes qui l’entourent).
Père ou mère ? partie 2
Sur le fond de tout ceci, l’enfant va alors travailler ces
différentes questions en les projetant sur son
environnement matériel et G. Haag a ainsi décrit, de
manière très parlante, le véritable travail de
catégorisation auquel les bébés vont se livrer très tôt,
en différenciant ce qu’elle appelle des « objetsmaman » (ronds, doux, mous, creux ou concaves ...)
et des « objets-papa » (pointus, rugueux, durs, pleins
ou convexes…).
Enfin, au niveau non plus des objets concrets mais
des objets parentaux eux-mêmes, les enfants vont
également distinguer progressivement entre ce que
D. Houzel appelle les « saillances paternelles » et les
« prégnances maternelles », différences interactives
qui vont participer à son élaboration de la différence
des sexes et à son intégration graduelle. L’enfant
semble ainsi capable de reconnaître et de différencier
très tôt certaines caractéristiques parentales telles
que la voix, l’odeur, le grain de la peau, la façon dont
il est porté … (J. Mehler et E. Dupoux) et, de ce fait,
il semble capable de se positionner beaucoup plus
précocement qu’on ne le pensait par rapport à la
triade, et pas seulement par rapport à la dyade qu’il
forme avec sa mère (E. Fivaz-Depeursinge).
De nombreuses recherches ont également montré
que les pères et les mères n’interagissent pas de la
même manière avec leur enfant, que ce soit en
termes d’attachement, en termes d’utilisation des
objets, et même en termes d’interactions comportementales.
• Les schémas d’attachement des enfants peuvent
être différents vis-à-vis de la figure primaire d’attachement (généralement la mère) et vis-à-vis des
figures d’attachement secondaires (dont celle du
père), et l’on sait que ces schémas d’attachement se
mettent en place dès la première année de la vie.
• Les mères, quand elles jouent avec leur bébé,
utiliseraient plus souvent les objets dans leur
fonction usuelle que les pères qui font davantage
preuve d’inventivité symbolique ou semi-symbolique,
comme si ces derniers voulaient activement capter
l’attention de leur enfant vis-à-vis duquel ils peuvent
se sentir coupables d’être souvent moins présents
que les mères, avec une éventuelle envie à l’égard de
celles-ci.
• Il a également été décrit un lancer-des-bébés-enl’air, pour jouer, qui seraient davantage le fait des
pères que des mères...
Même si, finalement, d’un point de vue expérimental,
nous n’avons pas encore beaucoup d’éléments qui
nous permettent de dire avec précision comment,
avant dix-huit mois, le bébé parvient à catégoriser le
registre maternel et le registre paternel, on sent bien
cependant que tout ceci concourt, progressivement,
au repérage par l’enfant d’objets relationnels
distincts et à son accès à la question de la différence
des sexes. Cependant, tout ceci n’est pas très
probant, chaque père et chaque mère fournissant sans
doute à l’enfant un « répertoire » de signaux différentiels non pas généraux - mais au contraire spécifiques
de chaque dyade ou de chaque triade - et alors
explorables par l’enfant dans leur mise en perspective.
Reste à savoir, cependant, si cette distinction des
deux sexes porte seulement sur les fonctions parentales ou plus profondément sur les imagos parentales. C’est là une question difficile, car les fonctions
parentales peuvent être assumées par des adultes
très divers. Le passage des fonctions parentales aux
imagos parentales se fait sans doute par injection
dans le système interactif précoce de l’histoire
parentale (par le biais des inévitables projections
parentales), de la névrose infantile des parents et de
leurs problématiques trans- et intergénérationnelles
spécifiques, ce qui demeure une problématique
complexe car, si l’instauration des fonctions parentales est désormais relativement bien étudiée ainsi
que la délimitation de la place du tiers, comprendre
précisément comment tel ou tel adulte va se spécifier
comme tel auprès de l’enfant demeure, aujourd’hui
encore, extrêmement délicat.
Les travaux de l’Institut Pikler-Loczy à Budapest nous
offrent à ce sujet, une piste de réflexion fort féconde,
mais tout, dans ce domaine, n’est sans doute pas
observable et c’est l’analyse, bien entendu, qui est
susceptible de nous apporter également beaucoup
sur la compréhension rétrospective de ces dynamiques précoces.
La bisexualité psychique au regard des
précurseurs de la différence des sexes
C’est Didier Houzel qui insiste souvent sur le fait que
la bisexualité psychique ne se joue pas seulement en
termes d’objets totaux mais qu’elle reconnaît des
Au niveau des enveloppes qui sont d’abord cutanées
et corporelles, avant d’être dyadiques, triadiques,
groupales et psychiques, les travaux d’Esther Bick ont
bien montré la nécessité d’un équilibre satisfaisant
entre les composantes féminines de contenance et
les composantes masculines de limite, ceci en
référence à nos stéréotypes symboliques habituels.
Cet équilibre se retrouvera aussi, mutatis mutandis,
au niveau du cadre psychothérapeutique, quelles que
soient les modalités techniques des psychothérapies
mises en œuvre.
D. Houzel a précisé que chaque fois qu’un enfant
rencontre un équilibre insatisfaisant de ces composantes masculines et féminines au niveau des adultes
(parents ou professionnels) qui prennent soin de lui
ou au niveau des fonctionnements institutionnels
dans lesquels il s’inscrit, immanquablement il jouera
le clivage, alors que s’il rencontre un bon équilibre de
ces deux types de composantes, alors il pourra s’en
servir utilement pour sa croissance et sa maturation
psychique.
Au niveau des objets partiels, les précurseurs de la
bisexualité psychique peuvent être pensés au niveau
de ce que j’ai déjà évoqué quant aux « objets-maman »
et aux « objets-papa » décrits par G. Haag, cette
distinction pouvant concerner non seulement
certaines caractéristiques des objets matériels mais
aussi diverses spécificités partielles des personnages
adultes de l’entourage de l’enfant.
La bisexualité psychique en termes d’objets totaux
apparaît alors comme le fruit ou comme la résultante
des précurseurs ainsi décrits au niveau des enveloppes et des objets partiels, et elle peut être appréhendée sous la forme du classique équilibre
« animus/anima » propre à tout sujet humain, y compris
névrotico-normal. Il est banal de dire que tout sujet
comporte en lui-même une dimension de féminin et
une dimension de masculin, et la référence à cet équilibre interne clarifierait sans doute des débats comme
ceux qui ont trait à la résidence alternée à la suite
d’un divorce, débats qui ne peuvent que se conflictualiser si on raisonne seulement en termes d’homme
ou de femme, de père ou de mère.
En tout état de cause, mais il nous reste un énorme
travail pour spécifier qualitativement le féminin et le
masculin des deux sexes : sont-ils comparables et
seul l’équilibre quantitatif entre ces deux composantes différerait alors entre les hommes et les
femmes, ou au contraire sont-ils intrinsèquement et
qualitativement différents, et ceci indépendamment
de leur équilibre quantitatif ?
Le concept d’écart ou d’entre
Rappelons maintenant, et c’est ce sur quoi je
conclurai, l’hypothèse qui est de faire du travail du
bébé quant au repérage de la différence des sexes,
un travail qui renvoie à une structure des processus
plutôt qu’à une structure des états.
Le concept d’opposition dialectique nous vient en fait
de la biologie. C’est ainsi que Jean-Didier Vincent a
pu dire :
« Au commencement, des molécules se reconnaissent
et s’unissent en s’opposant entre elles.
Une seule ne peut prétendre être vivante ; la présence
contradictoire de l’autre est nécessaire.
La vie naît de cette rencontre et de cet affrontement.
Elle établit un lien fondé sur la confrontation entre
des entités singulières.
On pourrait presque dire qu’elle est un phénomène
religieux, en donnant au mot son étymologie latine
(re-ligare) ».
Autrement dit, c’est le lien qui importe au premier
chef, lien de convergence ou lien de divergence, et
ceci au niveau le plus élémentaire, c’est-à-dire au
niveau moléculaire. De manière isomorphe, peut-on
alors penser qu’il pourrait en aller de même au
niveau des deux sexes de notre espèce où la
dynamique du lien entre le féminin et le masculin
serait également susceptible de l’emporter sur les
spécificités propres à chacun d’entre eux ?
Ce qui nous renvoie à la Négation freudienne, encore
et toujours
Au point où nous en sommes, il me semble important, en effet, d’évoquer le texte célèbre de S. Freud
de 1925 sur « La négation », texte dont on sait à quel
point il nous aide à penser l’instauration de la frontière
entre le dedans et le dehors, chez le bébé,
instauration rendue nécessaire du fait d’une menace
interne. En effet, si la première partie de l’article est
consacrée à la négation en tant que mécanisme de
défense chez des sujets adultes névrotiques alors en
analyse avec S. Freud, la seconde partie se centre sur
le mécanisme de la négation à l’aube de la vie, chez
le très jeune enfant, comme moyen de séparer la
réalité interne de la réalité externe, division participant probablement à la constitution de l’inconscient
dit primordial 1. Ce que je voudrais souligner ici, c’est
que le mécanisme de la Négation s’avère véritablement fondateur d’un certain nombre de liens
d’opposition : entre le dedans et le dehors, entre le
sujet et l’autre, et peut-être aussi, d’une certaine
manière, entre le masculin et le féminin, et partant
entre le père et la mère. Bien entendu, il ne s’agit en
rien de dire que la distinction entre le père et la mère
s’opérerait en référence à l’opposition plaisir/déplaisir
mais seulement de supposer que la mise en lien
d’opposition entre les deux se ferait selon un
Père ou mère ?
précurseurs au niveau des enveloppes psychiques et
des objets partiels.
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Actes
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Actes
processus dynamique de dialectisation de part et
d’autre d’une limite elle-même signifiante. L’article
commence d’ailleurs par une projection et une négation devenues célèbres : « Vous allez penser que c’est
ma mère, et bien non, ce n’est pas elle ». L’idée que
ce soit ma mère est insupportable et si elle se fraye
un chemin jusqu’à la conscience cognitive, c’est pour
se voir immédiatement réfutée d’un point de vue
émotionnel. N’y a-t-il pas là un modèle structural de
l’accès à la différence des sexes ? Vous allez penser
que c’est ma mère, vous allez penser que c’est mon
père... Et bien non, ce ne sont pas eux et penser leurs
différences serait tellement dangereux qu’il faut un
double mécanisme de défense contre cette perception inquiétante - une projection et une négation car les défenses, on le sait bien, sont toujours à la
hauteur des menaces. Sans doute est-il alors moins
dangereux pour le bébé et pour l’enfant de penser
conjointement les deux - le père et la mère - et de réfuter leurs différences, au moins dans un premier
temps, afin d’inscrire dans sa psyché naissante ni l’un
ou l’autre, mais l’un et l’autre dans leur rencontre sur
un écart ou sur un entre-deux acceptable.
Père ou mère ? partie 2
Le concept d’écart ou d’entre selon François
Jullien nous servira alors de conclusion
En 2012, François Jullien a prononcé sa Leçon inaugurale de la Chaire sur l’altérité sur le thème de
L’écart et l’entre, texte qui a ensuite été publié dans
la Collection « Débats » des Editions Galilée. C’est un
écrit véritablement remarquable et heuristique probablement lié au fait que François Jullien, comme il le
dit lui-même, est certes un philosophe spécialiste de
la philosophie orientale mais que ce qui l’intéresse, ce
n’est ni la philosophie occidentale en tant que telle,
ni la philosophie orientale en tant que telle, mais la
mise en perspective des deux et le travail de pensée
à l’interface. On rejoint, ici et autrement, le concept
de transdisciplinarité et de complémentarisme selon
G. Devereux, mais avec un focus sur l’entre-deux.
Est-ce que cela peut nous aider à penser la question
de la différence des sexes ? Selon moi, oui puisque si
l’on ne peut parler d’un sexe sans faire référence à
l’autre, il importe alors, précisément, de se centrer sur
l’entre-deux. Le bébé travaillerait ainsi non pas
directement sur la mise en représentation mentale du
père en tant que père ou de la mère en tant que mère,
mais sur leurs différences, sur leurs écarts et sur leurs
possibilités de permutation comme il le fait dans le
domaine linguistique à propos de la découverte des
différents phonèmes pertinents dans sa langue.
De même que l’identité de genre ne découle pas de
manière linéaire des spécificités propres à chaque
sexe mais dépend fondamentalement de la manière
dont une culture donnée traite et élabore la sexuation
biologique de l’espèce en conférant du dehors des
rôles spécifiques à chacun des deux sexes, le bébé
aurait aussi à prendre acte de la différence des sexes
biologiques pour attribuer à chacun des deux sexes
des index de reconnaissance qui dépendraient plus
de sa manière à lui d’articuler leurs différences dans
l’écart et dans l’entre-deux que de spécificités
véritablement inhérentes à chacun des deux sexes.
Autrement dit encore, c’est le bébé qui attribuerait
progressivement aux adultes qui prennent soin de lui
une identité de genre en quelque sorte locale, intrafamiliale et personnelle, en se fondant moins sur des
caractéristiques supposées inhérentes au fonctionnement des hommes et des femmes que sur la mise
en perspective de leurs différences interactives,
quelles que soient ce que celles-ci puissent être dans
l’absolu.
Alors père et mère, ou père ou mère ?
Inclusion ou exclusion ?
Je laisserai bien sûr la question ouverte, ouverte à
toutes les possibilités et à tous les avenirs développementaux possibles en précisant toutefois que,
posée de cette manière là, c’est-à-dire en se centrant
sur l’écart et la différence et non pas sur les
repérages statiques de chaque sexe et, en prenant en
compte le masculin et le féminin des hommes comme
des femmes, alors il devient peut-être possible de
penser de manière non obligatoirement polémique
les fonctions maternelles et paternelles pour des
enfants élevés par des couples homoparentaux.
Ce qui importerait toujours pour l’enfant, c’est d’être
introduit à la différence dont la différence des sexes
- en termes d’homme ou de femme - ne serait alors
qu’un des paradigmes possibles : le plus visible, le
plus clair, mais peut-être pas le seul ?
D’où deux questionnements diversement mélancoliques :
• la différence des sexes est-elle structurale en tant
que telle, ou est-ce la différence en général (et pas
seulement sexuelle) qui serait fondamentalement
structurante avec, comme le dit si bien Catherine
Chabert, L’amour de la différence en tant qu’espace
d’oscillation et de dialectisation ?
• l’être humain, qu’il soit homme ou qu’il soit femme,
ne serait-il qu’un effet de bordure, bordure d’un trou
physique et psychique (dans la suite des propos de
Jacques André), et bordure dont la qualité féminine
et/ou masculine ne serait finalement qu’un ornement
ou une parure jouant comme support d’un double
effet de marquage et de masquage ?
Pr Bernard Golse
Chef de service de pédopsychiatrie de l’Hôpital
Necker-Enfants Malades, Paris. Professeur de
psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à Paris
Descartes, Laboratoire PCPP, psychanalyste APF.
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Notes
1- On sait aussi que dans cet article dont l’architecture suit donc le mouvement régrédient de la cure,
S. Freud effectue une sorte de coup de force épistémologique en inversant le point de vue académique
selon lequel toute nouvelle expérience devrait
d’abord être pensée comme existant ou non en tant
que réalité externe (jugement de réalité) avant d’être
évaluée comme bonne ou mauvaise (jugement
d’attribution). Selon S. Freud, le bébé, à l’inverse,
procède d’abord au jugement d’attribution (cette
nouvelle expérience est-elle source de plaisir ou de
déplaisir ?) avant de procéder au jugement de réalité
(cette expérience existe bel et bien dans la réalité
externe, et elle est donc susceptible d’y être retrouvée).
Quoi qu’il en soit, rappelons que ce texte a été écrit
en 1925, soit quelques années après la mise en forme
par S. Freud de la deuxième théorie pulsionnelle
(1920) opposant désormais les pulsions de vie et les
pulsions de mort, et après la découverte de son
cancer de la mâchoire en 1923, cancer qui allait
l’emporter seize années plus tard en 1939.
Autrement dit, ce travail sur la négation apparaît
comme hanté par la question de la mort et par celle
du mauvais ou du dangereux à extirper de soi, avec
cette solution régressive qui consiste parfois à penser
- ou à espérer ? - que le mauvais et le dangereux
n’existeraient en tant que tels que dans la réalité
externe...
Finalement, dans ce travail de 1925, on comprend
que dans un premier temps, le bébé va éjecter hors de
lui tout le mauvais, et ne garde en lui que le bon, d’où
un clivage initial radical entre la réalité externe
entièrement mauvaise et la réalité interne entièrement bonne, clivage qui ne pourra se réduire que par
l’accès à l’ambivalence, ce travail annonçant et
préparant en quelque sorte les développements
kleiniens ultérieurs.
En tout état de cause, ce mécanisme physiologique
de la négation porte en lui, en quelque sorte, les
racines d’un fonctionnement de type paranoïaque
puisqu’il donne lieu, ne serait-ce que transitoirement,
à un extérieur entièrement mauvais et un intérieur
entièrement bon.
En 1925, le concept kleinien d’ambivalence n’avait
pas encore vu le jour ...
Père ou mère ?
le Carnet PSY • avril 2016
Actes
Père ou mère ? partie 2
le Carnet PSY • avril 2016
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Actes
Bibliographie
La petite sirène
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sexuelle. P.U.F., Coll. « Le fil rouge », Paris, 1987 (1ère
éd.)
J.-D. Vincent, Biologie du couple, Robert Laffont, Paris,
2015
Manuella DE LUCA
En accord avec l’auteur et
pour des raisons de
protection des patients et
d’éthique, l’intervention de
Karinne GUENICHE
«La parabole de l’escargot»
n’est pas publiée.
Elle se tenait debout dans la salle d’attente. A peine
assise, un flot de paroles jaillit. Elle parlait d’une voix
à peine audible, avec un débit très rapide, saccadé,
comme si une urgence la poussait à se livrer, peutêtre à se libérer. Elle avait de nouveau voulu mourir,
elle ne se sentait pas à sa place depuis des années,
depuis l’année de ses 13 ans, l’année de ses
premières règles qui la dégoûtait et qu’elle subissait,
mais aussi l’année où sa mère avait accepté qu’elle
aille à l’internat. Malgré l’espoir de ne plus être
tiraillée entre les semaines chez sa mère et les
semaines chez son père, rien n’avait vraiment changé,
les attaques méthodiques contre ce corps qu’elle
détestait s’étaient amplifiées, elle se scarifiait tous
les jours, plusieurs fois par jour. Ondine décrivait son
urgence à se détruire à trouver un exutoire, une issue
à sa douleur de n’être à sa place ni dans son corps ni
dans sa famille. Elle avait pourtant la solution à
l’impasse dans laquelle elle se trouvait : elle voulait
être un garçon avec un esprit de femme.
Le passage de l’adolescence à l’âge adulte s’accompagne pour les adolescents les plus fragiles d’achoppements dans le traitement de la perte inhérent à cet
âge. Perte de l’idéal de tout ce qui pourrait se réaliser
mais qui une fois « devenu grand » semble se
dérober dans une confrontation cruelle à la banalité
de son être et de l’existence. Perte aussi de figures
parentales toutes puissantes, porteuses de consolation et de réassurance. Perte enfin d’une bisexualité
infantile apaisante permettant d’être l’un et l’autre
des deux sexes et de n’avoir à choisir ni l’un ni l’autre
mais qui à l’adolescence peut tourmenter, faute de
n’être ni vraiment l’un ni vraiment l’autre. Les transformations pubertaires, l’avènement des caractères
sexuels secondaires, l’accès au plaisir orgasmique et
à la potentialité reproductrice, réactivent la confrontation à la différence des sexes, en contre point d’une
flambée œdipienne qui bouleverse la solidité et la
sureté des identifications aux imagos parentales.
Il faut combattre sur deux fronts : celui du corps perçu
comme décevant, à l’origine d’un renoncement aux
espoirs de grandeur dont il était porteur et celui de la
psyché et du travail de transformation qu’elle exige
tant pulsionnel qu’identificatoire et identitaire.
Le processus adolescent actualise directement les
enjeux de la bisexualité et souligne les contradictions
dont elle est porteuse : il s’agit de renoncer à sa part
infantile, renoncer aux sirènes de la toute-puissance
narcissique qui l’accompagne, tout en la maintenant
comme support de la vie psychique, de la dualité
Ondine est une longue jeune fille filiforme de 18 ans.
Son visage émacié, encadré par des cheveux très
courts blonds presque blancs, est envahi par de
grands yeux verts. Elle semble à la fois épuisée et
tendue à l’extrême. Elle décrit ses difficultés avec une
sorte de détachement : les scarifications depuis
qu’elle a 13 ans, les deux tentatives de suicide, la
première parce que sa mère ne voulait pas qu’elle
vive chez son père, la deuxième il y a moins d’un mois
parce qu’elle se dégoute, qu’elle est devenue une
grosse larve. Devenue une grosse larve ? Oui parce
qu’elle ne fait plus rien, ne quitte plus son lit, ne va
plus à la fac, ne mange plus, ne se lave plus, parce
qu’elle ne se sent à sa place nulle part. Bien sûr ditelle, on pourrait croire que la mort de son oncle
qu’elle chérissait, qu’elle est allée voir tous les jours
après son opération pour une tumeur au cerveau et
qui est mort une nuit sans personne à ses côtés, a
tout précipité, tout réactivé de ce malaise présent
depuis bien plus longtemps en fait depuis toujours
pense-t-elle.
Ondine ne se sent pas à sa place dans son corps
qu’elle hait et dont elle a honte. Elle déteste surtout
ses seins qu’elle trouve énormes alors que les autres
s’acharnent à lui dire qu’ils sont plutôt petits, elle
déteste aussi tout son côté gauche mais plus particulièrement le pied et l’oreille. Elle s’est tatouée pour
cela plusieurs étoiles sous le sein gauche, les étoiles
des poupées Barbie qu’elle aimait tant enfant. Elle
n’est pas plus à sa place dans sa famille car elle
pense qu’elle est née pour réunir le couple de ses
parents, qu’elle n’était donc pas désirée, même si sa
mère lui répète que sa naissance était souhaitée.
Sa sœur et son frère aînés, dit-elle, avaient été eux,
voulus par le père et la mère. Pour elle le doute est là,
lancinant, renforcé par l’injonction paternelle que la
mère se fasse ligaturer les trompes dans les suites
immédiates de sa naissance et, confirmé, quand le
mariage de ses parents s’est brisé à ses 5 ans. Elle se
désole des conséquences de cette séparation : le tête
à tête avec sa mère, son frère et sa sœur ayant fait le
choix de vivre chez leur père. Elle se désole encore
plus de n’avoir aucun souvenir de la période où toute
la famille était réunie. Aucun souvenir ? En fait si, un
souvenir qui lui vient là tout de suite la prenant au
dépourvu : elle se revoit assise sur les marches de
l’escalier avec son frère et sa sœur, ses parents en
train de se disputer, sa grande sœur et son grand
frère leur disant « arrêtez on dirait des petits CP » et
elle, répétant « arrêtez on dirait des petits CP ».
Elle décrit ce souvenir avec netteté, la netteté des
souvenirs de couverture. Elle est sûre qu’elle était en
moyenne section de maternelle, c’était en fin de
journée, elle était en pyjama ; à l’époque elle avait
beaucoup ri et maintenant elle le trouvait pathétique
ce seul, cet unique souvenir. Pathétique comme son
père qui n’aime que les grosses voitures, l’argent et
les jeunes femmes mais qui n’a pas été capable de
satisfaire sa mère comme cette dernière le lui a
raconté, pathétique comme sa mère qui a menacé de
se suicider, quand à ses 13 ans, elle avait fait le choix
de vivre chez son père. C’était vital de la quitter, ditelle, pour sortir de son emprise, des comptes qu’elle
devait rendre sur ses sorties, ses fréquentations, son
emploi du temps et ces dizaines d’appels téléphoniques « c’était comme un cordon ombilical entre elle
et moi. A cause de cela je voulais qu’elle meure,
j’avais envie de la pousser dans les escaliers. J’ai
honte quand j’en parle ». Elle a finalement choisi
l’internat et sa mère a dû accepter à cause de la
tentative de suicide qu’elle a faite face à ce refus
maternel. L’internat a été une période formidable, elle
y a rencontré sa première petite amie, elle a éprouvé
un sentiment de liberté, pourtant mis à mal en
terminale au moment de son orientation, décidée par
sa mère vers une classe préparatoire ou médecine
alors que son désir à elle était une faculté d’archéologie. Elle décrit comment elle a délibérément,
méthodiquement, avec application, raté ses contrôles
de mathématiques et de physique, puis le jour du bac
comment elle est sortie après une heure d’épreuve
pour ne pas avoir plus de 8 sur 20 dans ses deux
matières à fort coefficient pour mieux mettre en
avant son excellence en philosophie , en histoire géographie et ainsi s’ouvrir les portes de la fac et celle
d’un nouvel espoir de liberté. L’archéologie, un rêve
de petite fille, car elle adore fouiller la terre, trouver
des petits fragments d’objet, essayer de les recoller et
surtout comprendre ce qui s’est passé. Elle souffre
aussi dans ses relations amoureuses, elle a toujours
peur qu’on l’abandonne, alors elle frise le harcèlement mais surtout si l’objet aimé n’est pas à la
hauteur, elle se lasse et le quitte. Elle passe de
conquêtes en conquêtes, féminines parce qu’elle a
essayé deux fois avec des garçons mais elle a été
déçue, elle s’est beaucoup ennuyée. Alors qu’avec sa
copine actuelle « je ne me lasse pas de regarder le
corps de ma copine, il est trop beau, quand on est au
lit toutes les deux, nos deux corps, c’est magique,
dommage personne ne peut le voir ».
Les enjeux de la bisexualité sont vifs et complexes à
l’adolescence. Ils peuvent s’exprimer dans une
concrétude et une figuration à la fois leurre et
le Carnet PSY • avril 2016
fantasmatique et identificatoire qu’elle comporte. La
mise en tension de l’intégration de la bisexualité psychique et l’acceptation de la différence des sexes sollicite fortement les capacités de traitement psychique
des adolescents. Ces capacités peuvent être débordées ou mises à mal conduisant à une mobilisation
de supports concrets comme peuvent l’être certains
comportements symptomatiques ou la sexualité.
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Père ou mère ?
Actes
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Actes
Père ou mère ? partie 2
séduction pour le thérapeute. Ainsi, le recours aux
scarifications, la préférence d’un côté du corps, l’identité bisexuelle affirmée comme une solution, les choix
d’objets plus féminins que masculins sont à la fois
des manifestations de la bisexualité mais aussi du
travail psychique permettant son intégration. Les
scarifications peuvent venir figurer une volonté de
maintien d’une bisexualité dans la réalité : l’adolescente faute de pouvoir accepter une castration subie
en choisirait une a minima, retournant le vécu de
passivité de la puberté en activité et détournant
également le regard de la béance du sexe de la
femme vers celui de l’incision provoquée. La forte
part d’activité de la conduite comme la volonté de
centrer le regard sur l’extériorité et la superficialité
de la peau avec la coupure et la cicatrice souligneraient la dimension bisexuelle du symptôme comme
le dit Freud « l’association de ces pulsions actives et
passives dans notre vie psychique est le témoin de la
bisexualité de chacun qu’il soit de l’un ou de l’autre
sexe »1. La solution qu’elle propose « être un garçon
avec un esprit de femme » tout comme la détestation affirmée d’un hémicorps, le gauche celui de la
féminité pour Fliess, semble cantonner la bisexualité
à sa part anatomique, alors que la part inconsciente
de celle-ci, la bisexualité psychique réaffirmée par
Freud est fortement mobilisée chez Ondine. Elle se
fait tatouer les étoiles de Barbie sous le sein gauche
haï et rejeté car doublement inscrit dans une
féminité manifeste, dans une nostalgie de l’enfance
et dans une bisexualité réparatrice des blessures
infligées à l’adolescent par le vacillement narcissique
et le flamboiement œdipien.
Les deux termes de la formulation d’Ondine « être un
garçon avec un esprit de femme » ne sont pas du
même ordre : elle oppose garçon à femme, adulte à
enfant, prégénital à génital, non sexuel à sexuel,
fantasme à réalité. Elle réactualise dans le discours
la conflictualité consubstantielle à toute vie
psychique et à la bisexualité, mais inscrites dans une
mise en tension et en opposition spécifique à l’adolescence. La différence est à la fois niée et reconnue
dans l’accolement des deux propositions ni vraiment
un corps de garçon ni vraiment un esprit de femme,
enviant aux garçons leur assurance tout en leur
reprochant leur égoïsme et restant fascinée par le
corps des femmes. Etre un garçon n’est pas être un
homme, même si elle dit envier les facilités qu’ils ont
dans la vie : ne pas avoir de règles, ne pas tomber
enceinte et risquer de perdre son travail, avoir de
meilleurs salaires que les femmes. Elle donne en fait
une description en négatif du masculin dans ce qu’il
n’a pas et de ce qu’il n’est pas soumis aux contraintes
de la passivité féminine les règles, la grossesse… La
revendication phallique semble moins manifeste
qu’une envie de puissance et de reconnaissance
d’avant la prise en compte de la différence des sexes,
illusion bisexuelle pour J. Mac Dougall « rêve de
l’enfant incestueux (…) en quête de toute puissance
d’avant la chute »2.
Ondine déteste son corps, mais elle décrit la fascination pour le corps des femmes, celui de sa petite amie
sorte de double et de prolongement d’elle-même,
mais surtout pour l’être parfait qu’elles forment
quand elles sont enlacées. La figure de Narcisse
semble ici convoquée, le Narcisse de la version de
Conon qui se mire dans l’eau à la recherche de sa
jumelle morte. La recherche du même, d’un double
de soi-même si fréquente à l’adolescence, semble
pour Ondine une modalité de réassurance narcissique. Réassurance transitoire rapidement battue en
brèche comme pour Hermaphrodite figure mythologique du désespoir de sa condition d’être comme le
souligne Ovide à la fois l’un et l’autre et ni l’un ni
l’autre : homme/femme, fille/garçon, père/mère.
Au-delà de la figuration dans le discours manifeste
de la bisexualité et de son apparente revendication
consciente, elle s’inscrit dans la vie fantasmatique
intriquée au commerce objectal dans les identifications et dans les choix d’objets. Dans le fantasme,
l’identification à cette figure de garçon avec un
esprit de femme, empreinte des caractéristiques de
la mère dont Ondine reconnaît la réussite professionnelle et envie l’apparence physique « elle a gardé
son corps de jeune fille, elle est toujours très mince
malgré ses grossesses » mais aussi de celles du père
qu’elle disqualifie tout en appréciant sa sollicitude et
sa compréhension « la première fois où il nous a vues
avec ma copine il a tout de suite compris et il a été
super ». Supports identificatoires porteurs d’une
négativité délétère : d’une mère égoïste si attachée
aux apparences à la réussite de sa fille, déniant ses
désirs et ses aspirations ; d’un père passionné de
voitures et de jolies filles, impuissant à satisfaire sa
femme. Ces imagos parentales doublement
décevantes infiltrées de négativité et inscrites dans
une configuration œdipienne fortement colorée de
violence comme dans le récit du souvenir d’enfance,
qui à l’excitation et du rire de l’enfance, laisse place
à un vécu plus ambivalent voire pathétique, car liant
étroitement amour et haine, sexualité et mort,
comme dans le mythe d’hermaphrodite.
Le risque est grand de ne voir alors les fantasmes bisexuels chez Ondine que du côté de la désexualisation, de la négation de la différence des sexes sans
tenter d’y repérer les indices d’un processus de
transformation et d’intégration de cette différence.
Ondine a quitté sa région d’origine et sa mère, elle a
sollicité son père pour qu’il la soutienne financièrement. Elle veut poursuive ses études dans la fac de son
choix, avoir un appartement et commencer une
thérapie « De toute façon je ne serais jamais comme
dans le rêve de ma mère, une jolie petite fille rousse ».
Les sirènes de la mythologie ne sont pas que des
jeunes femmes mi humaine mi poisson ou mi oiseau,
voire à la longue chevelure rousse comme dans le
dessin animé de Walt Disney, elles sont aussi des
êtres hybrides, médiatrices entre les humains et les
dieux, porteuses d’une séduction et d’un message qui
peut conduire celui qui l’entend à la mort ou à un
destin héroïque tel Ulysse. La bisexualité porte en elle
cette fonction de médiation entre fantasme et sexualité, entre identification et choix d’objet, entre rejet et
intégration de la différence des sexes, elle peut
menacer les adolescentes les plus fragiles mais aussi
les accompagner vers des rivages plus accueillants.
Manuella De Luca
Psychiatre, Docteur en psychologie, chef du service
de psychiatrie de l’enfant et de l’adolecsent de
l’Institut Marcel Rivière à La Verrière,
Membre du Laboratoire PCPP
de l’Université Paris Descartes
Notes
1- Freud S. (1905) Trois essais sur la théorie sexuelle,
in OCF, vol. VI, PUF, Paris, 2006 : 58-182.
2- Mac Dougall J. « L’idéal hermaphrodite »,
Nouvelle Revue Française de Psychanalyse, Paris,
1974, p. 410.
Retrouvailles œdipiennes
et audace de la bisexualité
chez l’homme vieux
Benoît VERDON
S’il importe de ne pas faire de l’expérience du vieillissement et de la vieillesse une maladie - il s’agit d’un
phénomène naturel, bienvenu même en ce qu’il est
toujours aujourd’hui lié au fait de n’être pas mort
jeune - on ne peut cependant omettre, comme le
disait Henri Danon-Boileau dans une formule subtile
et laconique, que « vieillir est un exercice périlleux
dont on connaît le dénouement » (2000, p. 9). Vieillir
est difficile. Au plus intime du regard que chacun-e
peut porter sur soi-même, se déploie pas à pas la
confrontation à une vulnérabilité grandissante liée à
la mise à mal de l’intégrité des fonctions somatiques
et cognitives, voire à une insécurité liée aux pertes
multiples qui ne cessent de solliciter un traitement
psychique. Freud s’avère ainsi de plus en plus
sensible à l’idée d’affaiblissement du moi, lequel
peine à traiter les excitations, un moi par trop étreint
par l’insidieux passage du temps et la douleur d’événements violents qui ne manquent pas de survenir :
« L’ardeur contenue vous use ou use ce qui reste de
l’ancien moi. Et ce n’est pas à 78 ans qu’on en recrée
un nouveau » confie-t-il, en 1934, à Lou AndreasSalomé (1966, p. 250).
Les hommes dont je vais parler ici sont des hommes
qui vieillissent et qui trouvent dans cette expérience
psychique singulière l’occasion de renouer des liens
intenses avec des figures parentales desquelles est
attendue avec ardeur une fonction tout à la fois
secourable et source de plaisir. Ce qui s’observe là n’est
pas généralisable. Il est des hommes pour lesquels
passivité et régression n’engagent pas forcément la
possibilité de mobiliser le courant tendre de la libido.
La figure de Faust (Goethe) en est exemplaire criant.
Ne plus appartenir à l’armée des gens d’aplomb
Je vais vous parler d’hommes, mais je vais d’abord
donner la parole à une femme, qui a écrit de bien
belles pages sur l’expérience de la maladie. Car si je
maintiens que vieillir n’est pas en soi une maladie, il
est des mots que formule Virginia Woolf sur ce que
tomber malade fait vivre que ne renieraient pas bien
des personnes qui vieillissent. Elle évoque ainsi « la
stupéfaction que nous cause, en cas de santé
déclinante, la découverte de contrées jusqu’alors
inexplorées, (…) les chênes antiques et inflexibles
Père ou mère ?
Les modalités de traitement pulsionnel sont d’abord
narcissiques dans la recherche du même, du double,
mais aussi partialisées dans une mobilisation
scopique : avoir du plaisir à voir le corps de sa petite
amie mais aussi à être vue. Cette recherche de complétude, nostalgie de la fusion avec l’objet primaire,
est suivie par une tentative de différenciation et
d’appropriation subjectale marquée et figurée sur le
corps, comme premier temps du passage à un registre
objectal. Les scarifications et les tatouages offrent un
support à ce double travail psychique : marquer son
corps pour se l’approprier et le signifier comme un
corps différent de celui donné par la mère et séparé
d’elle ; l’ouvrir pour se représenter un intérieur vivant
et contenant indispensable à la reprise des processus
de symbolisation. Ondine cherche à être vivante
« Vivante dans le dedans ça je le sais, j’ai mal je
saigne. Mais vivante avec les autres pas seulement un
fantôme, une ombre ». Ne plus être l’ombre de sa
mère, ne plus craindre d’avoir le même corps qu’elle,
un corps porteur de mort, ne plus être un fantôme
non désiré par son père et construire un féminin
intégrant une bisexualité tempérée, plus uniquement
un rêve ou un idéal restauré.
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Actes
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Actes
Père ou mère ? partie 2
déracinés en nous sous l’effet d’une indisposition, la
façon dont nous sombrons dans l’abîme de la mort et
sentons les eaux de l’anéantissement se refermer
juste au-dessus de nos têtes. (…) Alors nous cessons
d’appartenir à l’armée des gens d’aplomb : nous
devenons des déserteurs. Eux marchent au combat.
Quant à nous, nous flottons avec les bouts de bois au
gré du courant - pêle-mêle avec les feuilles mortes
sur la pelouse, irresponsable, indifférent et en mesure,
peut-être pour la première fois depuis des années, de
regarder autour de nous, de regarder en l’air, de
regarder, par exemple, le ciel. (…) Nous sommes
condamnés à nous tortiller tout le temps que nous
restons accrochés au bout de l’hameçon de la vie »
(1930, p. 23, 37 et 43).
Nous sommes là sur une ligne de crête, oscillant entre
le risque du découragement et de l’abdication face à
des idéaux d’utilité, d’intégrité et de performance
malmenés, et la possibilité dégageante de réaménagement des investissements narcissiques, identificatoires et objectaux permettant de vivre et de vivre
avec plaisir, suffisamment. « Il y a, dit Virginia Woolf,
avouons-le (car la maladie est le confessionnal
suprême), une franchise tout enfantine dans la
maladie : des choses sont dites, des vérités
échappent étourdiment que la prudente respectabilité
de la santé dissimule » (ibid., p. 35). Bel écho à ce
que Freud soutient dans Le poète et l’activité de
fantaisie : « l’adulte a honte de ses fantaisies et les
dissimule à la vue des autres, il les choie comme ses
intimités les plus personnelles ; il aimerait mieux, en
règle générale, confesser ses manquements que
communiquer ses fantaisies. (…) L’adulte sait d’une
part qu’on attend de lui qu’il ne joue ou ne fantaisie
plus, mais qu’il agisse dans le monde réel ; et d’autre
part, parmi les souhaits générateurs de ses fantaisies,
il en est beaucoup qu’il est absolument indispensable
de dissimuler ; c’est pourquoi il a honte de son
activité de fantaisie comme de quelque chose
d’enfantin et de non autorisé » (1908, p. 163).
Fantaisies intimes
Comment ne pas repenser là à ces paroles saisissantes, ces confidences fortes écrites par ces hommes
avancés en âge que furent Jean-Jacques Rousseau,
Léon Tolstoï et François Mauriac ? Dans plusieurs de
leurs écrits - et notamment leurs journaux, où
s’expriment avec force, par un vigoureux regard
surplombant, tant l’investissement et la préoccupation pour les choses du monde que l’intérêt et le souci
de soi -, on peut saisir tant la vaillance des convictions politiques, philosophiques ou religieuses,
l’appétence au travail de lecture et d’écriture, que
l’aveu de la prégnance de la fatigue, de la somnolence et de l’insomnie, du doute et de l’intranquillité,
de la vulnérabilité et, partant, du désir d’être porté/
investi psychiquement, voire physiquement, par une
figure maternelle.
Ainsi, Rousseau, dans ses Confessions, écrit, en
parlant de sa tante - sa mère est décédée quelques
jours après sa naissance - : « L’attrait que son chant
avait pour moi fut tel que non seulement plusieurs
de ses chansons me sont toujours restées dans la
mémoire, mais qu’il m’en revient même, aujourd’hui
que je l’ai perdue, qui, totalement oubliées depuis
mon enfance, se retracent à mesure que je vieillis,
avec un charme que je ne puis exprimer. Dirait-on que
moi, vieux radoteur, rongé de soucis et de peines, je
me surprends quelquefois à pleurer comme un enfant
en marmottant ces petits airs d'une voix déjà cassée
et tremblante ? » (1782, p. 40).
Plus d’un siècle plus tard, Tolstoï, alors âgé de 78 ans,
écrit : « Toute la journée, état hébété, déprimé. Sur le
soir, cet état est passé à un attendrissement - un désir
de douceur - d’amour. J’avais envie, comme dans
l’enfance, de me presser contre un être aimant,
compatissant, et de pleurer d’attendrissement et
d’être consolé. Mais quel est l’être auquel je pourrais
ainsi me presser ? Je passe en revue tous les gens
que j’aime - pas un seul ne convient. Contre qui me
presser ? Me faire tout petit et contre ma mère,
comme je me la représente (sa mère est également
décédée quand il avait deux ans). Oui, oui, maman,
que je n’ai encore jamais appelée, ne sachant pas
parler. Oui, elle, ma plus haute représentation du pur
amour, mais non pas du froid amour divin, mais d’un
amour terrestre, chaud, maternel. C’est à cela que
tendait mon âme la meilleure, fatiguée. Toi, maman,
toi, dorlote-moi. Tout cela n’a pas de sens, mais tout
cela est la vérité » (1905-1910, p. 205).
Enfin, évoquant une pénible situation de fatigue
et de grippe alors qu’il doit voyager, « ahuri et
flageolant », qu’il lui faut « trotter » derrière son fils,
être « hissé » dans un wagon, « devenu bagage
moi-même », Mauriac, 82 ans, écrit, lui qui peu avant
se redressait face aux attaques d’un jeune collègue
qu’il jugeait arrogant et clamait « ce n’est pas parce
que j’ai un pied dans la tombe qu’il faut me marcher
sur l’autre ! », il écrit : « Ma mère occupe beaucoup
plus ma pensée aujourd’hui où je suis si près de la
rejoindre, que lorsqu’elle était vivante. Le vieil
homme, même s’il ne retombe pas en enfance,
y retourne en secret, se donne le plaisir d’appeler
maman à mi-voix. (…) Ces servantes au sourire
docile qui me prenaient sur leurs genoux, je me redis
Bisexualité et passivité
Mais à côté de cette construction fantasmatique
somme toute assez classique - les retrouvailles sont
espérées avec une figure féminine maternelle en
l’absence d’un tiers séparateur -, on peut aussi être à
l’écoute de fantaisies où la bisexualité psychique
permet un déploiement d’investissements identificatoires et objectaux particulièrement précieux où la
fonction maternelle, toujours attendue, peut être
portée par des figures masculines.
Si Tolstoï, parlant de lui, convoque ainsi sans ambages sa mère comme figure d’étayage et de consolation aimante, il peut, par le truchement du
déplacement sur la figure d’un personnage de roman,
mobiliser un fantasme où la composante homosexuelle passive, liée à la régression consolatrice, est
autrement plus lisible. Dans son roman La mort d’Ivan
Ilitch, il décrit en ces termes la relation que tisse l’intransigeant juge Ivan Ilitch, vieillissant et malade,
avec son jeune et robuste domestique : « De ses
mains fortes, avec la même aisance que dans sa
démarche, Guérassime mit Ivan Ilitch autour de son
cou adroitement, doucement, et le retenant d’une
main tandis que de l’autre il empêchait son pantalon
de glisser, il voulut l’asseoir sur le vase. (… Ivan Ilitch
dit à Guérassime de s’asseoir et de lui tenir les pieds.
Il se mit à causer avec lui. Et, chose bizarre, il eut
l’impression d’aller mieux tant que Guérassime lui
tenait les pieds. (…) La santé, la force, l’énergie vitale
chez tous les autres offensaient Ivan Ilitch ; tandis
que la force et l’énergie vitale de Guérassime, loin de
l’offenser, le rassérénaient. […] A certains moments,
après de longues souffrances, il aurait voulu pardessus tout, bien qu’il eût honte de se l’avouer, il
aurait voulu que quelqu’un le plaignît comme un
enfant malade. Il aurait voulu être caressé, embrassé,
et qu’on pleurât au-dessus de lui, comme on caresse
et on console les enfants. Il savait qu’il était un
magistrat important, qu’il avait une barbe grisonnante, et qu’il ne fallait donc pas y compter ; mais il
ne désirait pas moins. Dans ses relations avec
Guérassime, il y avait quelque chose d’approchant,
aussi ces relations lui apportaient une consolation.
Ivan Ilitch a envie de pleurer, il voudrait qu’on le
caresse et qu’on pleure au-dessus de lui, et voilà
qu’arrive son collègue Schebeck : au lieu de pleurer et
de s’attendrir, Ivan Ilitch arbore une mine sérieuse,
sévère, concentrée, et par routine expose son opinion
sur la portée de l’arrêt de cassation et la soutient
avec insistance. Le mensonge qui l’entourait et qui
l’habitait lui-même empoisonna plus que tout les
derniers jours d’Ivan Ilitch » (1886, p. 374 et sqq.).
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dans un délai minimum de 2 mois.
Père ou mère ?
leurs noms en une litanie dont je me berce comme
d’une comptine d’autrefois » (1970, p. 495).
Ces phrases fortes de ces trois hommes mûrs
donnent ainsi à entendre l’actualité d’un sexuel
infantile tendre qui se mêle à l’aspiration au holding,
source d’un plaisir intimement intriqué au vœu
d’apaisement des tensions et de l’angoisse. Une aire
de repos face à l’âpreté du vieillissement est permise,
susceptible de ne pas irriter par trop les censures,
d’autant plus que les propos tenus ne sont pas
indemnes de cette conscience du jeu joué avec
l’interdit des retrouvailles œdipiennes et l’audace de
la régression (« tout cela n’a pas de sens », « en
secret », « à mi-voix »), de ce chemin emprunté où
s’exprime le désir d’être physiquement/psychiquement porté, à défaut d’être assuré de pouvoir encore
se porter soi-même physiquement/psychiquement.
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Actes
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Actes
La fantaisie peut même se déployer en mobilisant
une figure paternelle, comme dans certaines représentations religieuses. Les mots latin, arabe et hébreu
qui cherchent à dire la miséricorde de Dieu trouvent
d’ailleurs leur racine dans des mots qui désignent
tant l’amour maternel que le sein, le ventre, la
matrice, le cœur. L’historien Jérôme Baschet a publié
il y a quelques années une étude passionnante sur la
figure d’Abraham et la thématique du « sein du père »
dans le haut Moyen-Age. Patriarche fécond, disposé
à tuer son fils Isaac, Abraham est là représenté vêtu
d’un linge entrouvert au niveau de la poitrine créant
une concavité où se pelotonnent les âmes des morts.
Le lieu, si ce n’est la fonction, est appelé sinus - le
sein - et désigne « l’espace compris entre la poitrine
et les bras ouverts en avant. (…) Le propre du sinus
serait ainsi de constituer un lieu à la fois accueillant,
ouvert, et doté d’un puissant caractère d’intériorité.
Autrement dit, une bonne ouverture, car contrôlée et
atténuée » (2000, p. 208 et 196), portée par la figure
d’un père aimant.
Père ou mère ? partie 2
Le sein du père
Bernard est âgé de 72 ans. Il est venu me voir suite à
un accident vasculaire cérébral qui l’a plongé dans le
coma pendant quelques jours. Après plusieurs mois
de rééducation, et dans la continuité de la psychothérapie avec une collègue qu’il rencontra à l’hôpital
et qui me l’adressa, Bernard parle encore avec
précaution mais il a pleinement récupéré ses capacités
de marche et sa dextérité gestuelle, et ses capacités
cognitives sont tout à fait remarquables. Mais
Bernard a vécu là « le déracinement des chênes
antiques et inflexibles » dont parle Virginia Woolf.
Et il n’est pas rare qu’il se réveille en pleine nuit, pétri
d’angoisse, peinant à retrouver le sommeil. Il me dit
alors, sans que cela ne suscite en lui, ni en moi, la
moindre représentation morbide, combien est alors
apaisante pour lui, lorsqu'il s'éveille ainsi haletant,
de repenser à la dernière image qu’il a de son père,
étendu sur son lit de mort, auprès de qui il aurait
voulu se blottir, ce qu'il n'avait évidemment pas fait
depuis des dizaines d'années et qu’il ne se permit pas
de faire sur l’instant.
Bernard voulait dire au revoir à son père, avoir un
geste tendre pour lui, une dernière fois, et c’est cette
image là de lui, étendu sur un lit, silencieux et absent,
qui participe à apaiser l’angoisse nocturne. Bernard
associe alors sur un autre souvenir, celui du visage de
son père lorsqu’il s’éveilla de son coma. Lui, l’homme
mûr, marié plusieurs fois et père de plusieurs enfants,
toujours très actif au plan social, se découvrait étendu
dans un lit, entouré de son père et de sa mère…
Le visage de cette dernière était, comme à l’accoutumé me dit Bernard, fermé et peu compatissant ; elle
n’aurait pas manqué, lorsqu’il alla mieux, de lui dire
que son accident vasculaire était la claire conséquence de sa vie dissolue et de son irréductible
indolence. Bernard insiste par contre sur la douceur
du visage de son père, qui resta longtemps à son
chevet, qui prenait le temps d’arranger ses oreillers,
de lui parler, et de découper de petits morceaux de
fruits mûrs qu’il insérait entre ses lèvres. Et c’est la
figure de cet homme puissant, ardent travailleur,
infatigable militant des droits de l’Homme, capable
de tendresse, jouant avec son jeune fils, nourrissant
son vieux fils, qui revient aujourd’hui sur la scène
psychique et participe à apaiser Bernard.
Retourner l’enfance
Roger Dadoun et Gérard Ponthieu soutiennent avec
justesse que « loin de “retourner à l’enfance”, loin
de “retomber en enfance”, le vieillard peut se
révéler enclin et apte à retourner l’enfance, c’est-àdire à reprendre à nouveaux frais, dans des conditions et pour des fins originales, des éléments
constitutifs et caractéristiques de son enfance ;
il tentera de retrouver et de récupérer des virtualités,
des désirs, des valeurs et des élans demeurés
en suspens » (1999, p. 75).
Vieillir est une expérience qui peut s’avérer parfois si
difficile, elle suscite de tels réaménagements internes,
entre temps qui passe et temps qui ne passe pas, que
l’on saisit combien l’investissement d’objet peut
mêler quête de plaisir et auto-conservation, objet
œdipien et objet secourable. Là où d’aucuns puisent
volontiers l’argument de brosser des adultes qui
vieillissent le tableau de personnes infantilisables à
l’envi, il apparaît au contraire plus que précieux que
des hommes s’autorisent - ce qui ne va vraiment pas
de soi - de n’être plus incessamment endurant,
performant, érigé, et de trouver du plaisir dans la
passivité, sécurité et liberté dans la reconnaissance
de la dépendance.
C’est à 77 ans que Aragon écrira ces mots pour Elsa
Triolet qu’il avait rencontrée 46 ans plus tôt, comme
en écho à ce très beau texte, Le motif du choix des
coffrets, où Freud évoque cette figure partagée de la
mère en trois femmes dans la vie d’un homme : sa
mère, qui lui donne la vie, sa compagne, qui chemine
à ses côtés, et celle qui, au dernier jour, le prend dans
ses bras.
Aragon écrit :
Donne-moi tes mains pour l'inquiétude
Sauras-tu jamais ce qui me traverse
Qui me bouleverse et qui m'envahit
Sauras-tu jamais ce qui me transperce
Ce que j'ai trahi quand j'ai tressailli
Donne-moi tes mains que mon cœur s'y forme
S'y taise le monde au moins un moment
Donne-moi tes mains que mon âme y dorme
Que mon âme y dorme éternellement.
Pr Benoît Verdon
Psychologue clinicien, psychanalyste
Professeur des Universités
Laboratoire « Psychologie Clinique,
Psychopathologie, Psychanalyse » (EA 4056)
Université Paris Descartes
[email protected]
Bibliographie
Andreas-Salomé L. (1966), Correspondance avec
Sigmund Freud (1912-1936), Paris, Gallimard, 1970.
Baschet J. (2000), Le Sein du père : Abraham et la
paternité dans l’Occident médiéval, Paris, Gallimard.
Dadoun R. et Ponthieu G. (1999), Vieillir et jouir. Feux
sous la cendre, Paris, Phébus.
Danon-Boileau H. (2000), De la vieillesse à la mort.
Point de vue d’un usager, Paris, Calmann-Levy.
Freud S. (1908), Le poète et l’activité de fantaisie,
Œuvres Complètes, VIII, Paris, Puf, 159-171.
LE CARNET PSY
Freud S. (1913), Le motif du choix des coffrets, Œuvres
Complètes, XII, Paris, Puf, 51-65.
Mauriac F. (1970), Bloc-notes, tome IV 1965-1967,
Editions du seuil, 1993.
Rousseau J.J. (1782), Confessions, Paris, Gallimard,
1973.
Tolstoï L. (1886), La mort d’Ivan Ilitch, Paris,
Flammarion, 1993.
Tolstoï L. (1905-1910), Journaux et carnets III, Paris,
Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade.
Verdon B. (2012), Jusqu’à la fin, le sein. Subversion
dans le consentement au vieillissement, in Cliniques
de l’extrême, sous la direction de F. Marty et
V. Estellon, Paris, Armand Colin, 195-212.
Verdon B. (2013), Le vieillissement psychique, Paris,
Puf, coll. « Que sais-je ? », 2ème édition remaniée
2016.
Verdon B. (2015), La sexualité à l’épreuve du
vieillissement. A propos d’altération et d’altérité, in
Janin-Oudinot M., Durieux M.C. et Danon-Boileau L.
(eds.), La sexualité masculine, Monographies et
débats de psychanalyse, Paris, PUF, 153-171.
Verdon B. (2015), Le chemin vers l’inévitable. Freud,
la vieillesse, la maladie, la mort, in Perron R. et
Missonnier S. (eds.), Sigmund Freud, Paris, Cahiers de
l’Herne, 74-80.
Woolf V. (1930), De la maladie, Paris, Payot, 2007.
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Actes
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Père ou mère ?
Pr Bernard Golse - Université Paris Descartes, Hôpital Necker
50
le temps qui passe... par Alain
de Mijolla
h i s t o i re d e l a p s y c h a n a l y s e - h i s t o i re d e l a p s y c h a n a l y s e
Mardi 15 avril 1884 - Lettre de Freud à Martha : « Comme tu l’écris : "Tout, oui, il faut que tout change".
Les nouvelles que je vais te donner vont justifier ta confiance, elles annoncent un changement. Je n’aime guère le
pathos bien que tout ceci me laisse rêveur. Disons donc qu’il semble, pourrait-on dire, que nous en sommes au
second volume de notre passionnant roman familial (Richesse). Écoute bien, on dirait vraiment un chapitre de
Dickens. Paneth et sa fiancée ont placé à mon nom un capital de quinze cents florins dont l’intérêt (84 florins
par an) servira à payer un voyage annuel à Wandsbek ; toutefois cette somme sera toujours à ma disposition, surtout au cas où
j’entreprendrais une démarche décisive pour notre mariage, par exemple en m’établissant. J’ai en tout cas déjà tant d’obligations
envers d’autres personnes que cela me pèse beaucoup. Mais n’est-il pas très beau de voir un être humain, d’ordinaire avare, entraîné
par la puissance d’un fidèle amour, tel que le sien et le nôtre, s’enflammer et être prêt à faire des sacrifices ? Et n’est-il pas très beau
aussi qu’un homme riche cherche à atténuer l’injustice de notre naissance et l’illégitimité de sa propre situation privilégiée ? »
Vendredi 1er avril 1921 - Article d’Albert Thibaudet dans la N.R.F : « On sait quelle influence considérable exercent aujourd’hui hors
de France les théories psychologiques et les moyens de thérapeutique morale que Sigmund Freud a formulés sous le nom de
psychanalyse. Je dis hors de France, car des étrangers et Freud lui-même ont manifesté plusieurs fois un étonnement un peu attristé
en voyant que non seulement le public instruit mais même, ce qui est plus grave, les psychologues paraissent les ignorer à peu près.
La Revue Philosophique n’y a guère fait attention, jusqu’ici, que par des comptes-rendus sommaires, un peu ironiques. Seuls des
médecins en ont donné des exposés, mais la littérature dogmatique et courte des médecins est une chose, et la psychologie en est une
autre. Pour des raisons qu’il serait peut-être possible de voir en se servant de fortes lunettes, la psychologie est une science qui prend
à ses heures une figure curieusement nationaliste. Freud et ses disciples ont pensé que la psychanalyse jetait une très neuve lumière
sur la genèse des œuvres littéraires ; ils ont essayé, parfois avec ingéniosité et parfois avec une bien lourde fantaisie, de l’appliquer à
l’histoire intérieure des artistes et des écrivains. Il ne faut pas liquider dédaigneusement les livres qu’elle (la Psychanalyse) inspire
en Suisse ou en Allemagne parce qu’ils nous rebutent d’abord par leur aspect d’excentricité et de lourdeur. »
Vendredi 1er avril 1988 - Roland Jaccard écrit dans Le Monde autour d’Écrits sur le racisme : « Mathématicien dévoyé par la
psychanalyse, Daniel Sibony aime se présenter comme un "métèque franc-tireur", un juif qui a grandi à Marrakech, entre un père
émigré et une mère analphabète. Cette identité fêlée, Sibony la cultive, l’interroge d’un livre à l’autre. Le racisme ? C’est "vouloir
définir l’autre de peur que, différent, il tourne au semblable, ou que, semblable, il fasse faux bond et se révèle différent". À chacun
sa "constellation phobique", ses dégoûts, ses angoisses et son impuissance à jongler avec les vertiges de l’identité. Si l’étranger qui
entre "chez nous" n’a rien donné, rien sacrifié (ses mœurs, sa langue ou même sa vie), c’est qu’il nous a volés, violés. D’où la
tentation soit de définir l’autre, soit d’en finir avec lui. À travers Joyce, Kafka, l’Ancien Testament ou les faits anodins de la vie
quotidienne, Daniel Sibony, qui ne dénonce ni ne s’indigne, traque la haine sous ses dehors les plus amènes : démagogie antiraciste,
hystérie de l’"assimilation" à tout prix. »
Alain de Mijolla
[email protected]
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histoire de la psychanalyse-histoire de la psychanalyse-histoire de la psychanalyse-histoire de la psychanalyse
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@
La Réponse du Psy
http://www.lareponsedupsy.info/
Avec 4 heures par jour en moyenne sur Internet, dont 1 heure
et demi sur les réseaux sociaux, les Francais sont de grands
utilisateurs du réseau. C’est vers lui qu’ils se tournent pour
les choses importantes comme pour les questions futiles.
Pourtant, les réponses que l’on peut trouver sur le réseau
peuvent être peu pertinentes voire même erronnées.
C’est à ce problème que s’attaque La Réponse du Psy, un blog
qui s’attache à donner une information fiable sur les questions
de santé mentale. Un conseil scientifique permet de valider
les contributions avant qu’elles soient mises en ligne. Le blog
par ailleurs est le compagnon de la collection “Savoir pour
guérir” qui fait un travail de vulgarisation sur les questions de
santé mentale.
L’initiative est intéressante à plusieurs niveaux. Tout d’abord
elle utilise habillement plusieurs médias sans les mettre en
opposition. Il est aujourd’hui nécessaire d’être sur plusieurs
plateformes pour toucher le plus de publics possible. Le livre
est aussi important que Facebook ou un blog dans la
dynamique de diffusion des savoirs. Les auteurs de La
Réponse du Psy l’ont bien compris puisqu’ils utilisent avec la
même habilité Facebook, Twitter et le blog ce qui leur permet
de toucher des publics différents.
La Réponse du Psy est tournée vers le grand public. Mais elle
peut aussi être utile au professionnel. Le blog peut par
exemple être utilisé en médiation. Il est en effet possible
de donner l’adresse de la page sur les psychotraumatisme ou les Centres Médico Psychologiques lors d’une
consultation psychologique. En effet le fait d’être confronté à
un exposé clair et fiable d’un problème est bénéfique au patient
Pour toute personne qui souhaite trouver des informations et
des conseils sur la santé mentale, La Réponse du Psy est
définitivement à suivre !
Yann Leroux
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