PÈRE OU MÈRE
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PÈRE OU MÈRE
numéro 197 avril 2016 Mensuel - 8 € (France) - 10 € (Etranger) le Carnet PSY Pour une évaluation clinique des psychothérapies psychanalytiques L’évaluation des psychothérapies référées à la psychanalyse est devenue une préoccupation majeure des cliniciens, confrontés à l’impérialisme de méthodologies évaluatives asservies à des logiques financières ou inféodées à des méthodologies non cliniques, qui prétendent rendre compte des résultats de psychothérapies psychanalytiques. Pourtant une méta-analyse très complète publiée en 2008 dans la très sérieuse revue américaine JAMA a montré que, si on prend en compte les comorbidités installées depuis plus d’un an, les psychothérapies psychodynamiques à long terme sont plus efficaces que les thérapies brèves (voir à ce sujet R. Perron, Revue Française de Psychanalyse, 2009/2 Vol. 73 p 534-543). Sur les terrains de soin institutionnel, les attaques actuelles contre l’approche psychanalytique s’avèrent souvent menées au nom de pratiques évaluatives du soin selon un modèle purement médical, avec des méthodologies d’évaluation des psychothérapies qui ont bénéficié aux thérapies comportementales et cognitives, et disqualifié les psychothérapies psychanalytiques. Editorial Dans ce contexte, il s’impose de sortir de notre « tour d’ivoire analytique » pour combattre sur le terrain même de l’évaluation, en inventant des critères d’évaluation clinique de l’approche psychanalytique, fondés sur notre épistémologie. Il est en particulier urgent de proposer une approche évaluative des formes de la psychothérapie institutionnelle, par exemple des pratiques groupales de médiations thérapeutiques, qui ne soit pas corrélée à des logiques comptables mais à un souci de comprendre les logiques sous-jacentes du processus de soin : élaborer des outils d’évaluation constitue en effet une méthode avec une double visée : améliorer et transmettre nos pratiques, remodeler et affiner nos modèles théoriques. Les psychanalystes et cliniciens ont déjà commencé à engager cette lutte, par la construction de méthodologies d’évaluation qualitative fondées sur l’épistémologie psychanalytique : cette tâche immense ne devient-elle pas une des conditions de la défense de la valeur de la référence psychanalytique ? Pr Anne Brun Professeur de psychopathologie et psychologie clinique, Université Lyon 2 2 11 Agenda Aenda 10 Parutions Parutions du mois Bloc-notes Bloc-notes 11 La jeune fille et le psychanalyste de Catherine Chabert Catherine Matha 13 Dialectique du monstre de Sylvain Piron Guénaël Visentini 15 De la haine de soi à la haine de l’autre de Didier Lauru Jean-François Solal 17 Autismes : les inquiétudes d’une psychanalyste de Marie Dominique Amy Pierre Delion 19 Exposition : L’art et l’enfant. Chefs-d’oeuvre de la peinture française Simone Korff-Sausse 2ème partie 20 Actes Père ou mère ? entre bisexualité psychique et différence des sexes 20 Bisexualité, 36 L’écart ou l’entre au regard genre et corps érogène CHRISTOPHE DEJOURS 26 Deux en un, un pour deux : l’interlocution interne de l’analyste en question JEAN-FRANÇOIS CHIANTARETTO 31 L’angoisse de redevenir père FRANÇOISE NEAU 50 Le temps qui passe de la différence des sexes BERNARD GOLSE 42 La petite sirène MANUELLA DE LUCA 45 Retrouvailles œdipiennes et audace de la bisexualité chez l’homme vieux BENOÎT VERDON 50 Le site du mois w w w. c a r n e t p s y. c o m le Carnet PSY • avril 2016 2 Agenda psychiatrie de l’adulte Lieu : Domaine Rockefeller, 69008. Violence contre la pensée, Suivi du colloque de printemps de la Lieu : Amphi Buffon, Contact : Tél : 01 72 75 53 20. souffrance dans la démocratie. Société du Rorschach et des 15 rue Hélène Brion, 75013 Paris. [email protected] Lieu : Université Lyon 2. méthodes projectives de langue Contact : Tél : 01 57 27 66 93. Contact : française (9 avril) : Problématiques [email protected] [email protected] du corps : corps et symbolisation. 14-15 avril 2016 CYCLE 2016 Paris Paris Journée de formation de l’ASM13. Séminaire mensuel de l’ASM13. Précarité et spécificité des soins L’autisme infantile - recherches, psychiatriques. modèles, cliniques. Dijon (21) Contact : [email protected] (3e lundi du mois). 22e Congrès National de la Société Contact : [email protected] Française d’Accompagnement et de Lieu : Amphi culturel du campus u 16-18 juin 2016 Soins Palliatifs (SFAP). 3 juin 2016 Paris psychologie Colloque du Dpt de psychiatrie 2 avril 2016 Comment l’humeur vient Paris à la psychose... Journée internationale de l’Autisme Lieu : ASM13, ERP, 1er étage, salle De l’impossible vers les possibles... Créer, innover, permettre. Adulte de l’ASM13. Lieu : Palais des Congrès. Contact : www.sfap.org organisée par la Coordination Diatkine, 76 avenue Edison, 75013. Internationale entre Psychothéra- Contact : Tél : 01 40 77 43 18 (ou peutes Psychanalystes s'occupant 43 17). de personnes avec Autisme (CIPPA) Faire avec, au désir de la rencontre. Lieu : Les Chapiteaux, 75017 Paris. Contact : [email protected] 8 avril 2016 Saint-Etienne (42) Colloque organisé par l’Association Lyonnaise pour une Psychanalyse Lille (59) Colloque du groupe régional SPP Nord-Pas de Calais. Le processus analytique. Voies et parcours. Lieu : URIOPSS. Contact : Tél : 03 20 93 94 52. à partir de la Clinique de l’Enfant (ALPACE). Quelles traces laissent les expériences infantiles ? 21 mai 2016 Lieu : Centre de Congrès, Espace Journée d’étude Lire Jung au Fauriel, 42100 St-Etienne. GERPA organisé par le Groupe Contact : Tél : 07 68 38 64 22. d’Etudes et de Réflexion de [email protected] Psychologie Analytique. psychopathologie L’individuel et le collectif : u 9 avril 2016 et “La main à l’oreille”. u 23-26 novembre 2016 u 23 avril 2016 universitaire de Bron. Paris CYCLE 2015-2016 XXXe colloque du Réseau pour la une opposition féconde. Contact : Tél : 06 77 90 87 38. [email protected] Montpellier(34) Contact : Tél : 06 60 56 46 47. Paris Psychanalyse à l’Hôpital (RPH). 8e Congrès Français [email protected] Séminaires de psychopathologie Les masques de la haine. des Troubles des Conduites Lieu : Salle du Conseil de la Mairie Alimentaires (TCA) de l’Institut de Paris, 75009 Paris. Paris Mutualiste Montsouris. Contact : Réseau pour la Week-end de travail organisé par le de Psychiatrie. Lieu : Le Corum. 28-29 avril 2016 Contact : www.congresfrancaispsychiatrie.org 5 avril 2016 : N. Mammar : Psychanalyse à l’Hôpital. Groupe d’Etudes et de Recherches 23es Journées de réflexion Etude, vie professionnelle et soins. Tél : 01 45 26 81 30. Psychanalytiques pour le organisées par le Centre de A. Pham-Scottez : Grenoble (38) psychologie clinique interculturelle psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent Paris Colloque Enfances & PSY. Même pas peur ! Les phobies de Devenir à l’âge adulte. Développement de l’Enfant et du u 14 avril 2016 Nourrisson. L’adolescent et son corps. APPM-CREFSI et le Laboratoire 10 mai 2016 : I. Nicolas : Paris interuniversitaire de psychologie TCA, grossesse et post-partum. Journée organisée par l’Université Lieu : Asiem, 6 rue A. de Lapparent, Grenoble-Chambéry. C. Doyen : TCA chez l’enfant. Paris Diderot. 75007 Paris. L’adolescence à l’épreuve de la 31 mai 2016 : P. Votadoro : Entre clinique et politique, autour Contact : GERPEN. Tél : 01 45 94 16 30. [email protected] stigmatisation / discrimination. u 20 mai 2016 u 21-22 mai 2016 Automutilation. de l’œuvre et la vie de Jacqueline De la perception aux risques de J. Chambry : L’anorexie Barus-Michel. radicalisation. masculine. Lieu : Maison des associations. 28 juin 2016 : M. Corcos : Contact : Tél : 04 76 46 94 00. Présentation clinique avec [email protected] enregistrement vidéo. Lieu : Institut Mutualiste Montsouris. l’enfant et de l’adolescent. Lieu : Espace Reuilly, 75012 Paris. 27 mai 2016 Contact : Tél : 01 56 61 69 23. Contact : Tél : 01 46 33 70 47 Les sables-d’Olonne (85) [email protected] (boîte vocale). Journée des Pays de Loire de soins [email protected] palliatifs et d’accompagnement. De l’épreuve de mourir Nouvelles rubriques en ligne prochainement sur notre site www.carnetpsy.com psychanalyse à l’absence... 27-28 mai 2016 Lyon (69) Congrès de la Société Française de Psychiatrie de l’Enfant et de Lieu : Centre de Congrès Les Atlantes. 7-8-9 avril 2016 Contact : Tél : 02 40 86 76 79. Bron (Lyon 69) 4e colloque du réseau international 3-4 juin 2016 Méthodes projectives et Associées (SFPEADA). Lyon (69) psychanalyse (7-8 avril) : Pratiques thérapeutiques. Colloque organisé par l’Institut de Problématiques du corps : clinique Actualités et perspectives. Psychologie, Université Lyon 2. et épistémologie. l’Adolescent et Disciplines THÈSES, KIOSQUE PSY, LITTÉRATURE, THÉÂTRE, CINÉMA, SÉRIES, EXPOS, JEUX VIDÉOS 23-27 mai 2016 18 juin 2016 Freud, Lacan et nous. Paris Paris Les incidences du contemporain Semaine du Collège International de Colloque Uforca de l’Université dans les processus L’Adolescent (CILA). populaire Jacques Lacan. de subjectivation. Actualité de la psychopathologie Le point de capiton. Lieu : ENS, 45 rue d’Ulm, de l’adolescent. Lieu : Maison de l’Université, 75005 Paris. Les conduites d’échec. 24 rue Saint-Victor, 75005 Paris. Contact : Lieu : FIAP J. Monnet, 75014. Contact : [email protected] Contact : Tél : 06 70 11 80 84. [email protected] [email protected] CYCLE 2016 30 septembre - 1er octobre 2016 u 25-26 mai 2016 Aix-en-Provence (13) 76e Congrès des Psychanalystes de Langue Française BRUXELLES - Centre de Congrès du 5 au 8 mai 2016 Organisé par la Société Psychanalytique de Paris et la Société Belge de Psychanalyse, avec le concours des Sociétés composantes du CPLF Coordination scientifique : B. Chervet et M. Aisenstein LE “MOI INCONSCIENT” Paris Séminaires ouverts (20h-22h) Limoges (87) Colloque BBADOS organisé par du Groupe d’Etudes Cliniques et Journées organisées par la Libre Bernard Golse, Alain Braconnier et Psychopathologiques du Association Freudienne. Carnet PSY. Développement (GECP). Que serait une institution de soin Destructivité et exaltation. La clinique actuelle et les congruente, dans le champ de la Lieu : Maison de la Mutualité. fondements de la psychanalyse. Psychanalyse ? Contact : Tél : 01 46 04 74 35. 4 avril : Gérard Pirlot : Lieu : Amphi Blanqui, 9 place Betoulle. [email protected] Situation psychanalytique au LE TRAVAIL ONIRIQUE DU MOI INCONSCIENT cadre aménagée : Discutant : Georges Pragier (SPP, Paris) Contact : www.libre-associationfreudienne.org 28 mai 2016 8 octobre 2016 Strasbourg (67) Journée-séminaire du Collège de Paris formation de Psychopathologie et Séminaire thématique du CIPA dans de Psychologie Clinique (CFPPC). le cadre du cycle “Politiques du Psychothérapies des démences : Marché et Cultures dans le questions d’aujourd’hui, transfert”. Les transferts culturels. perspectives de demain. Lieu : FIAP J. Monet, 75014 Paris. Contact : [email protected] [email protected] u 26 novembre 2016 Paris Journée d’étude du Groupe Caen (14) International du Rêve Eveillé Rencontres normandes de en Psychanalyse (GIREP). Psychothérapie Psychanalytique Masculin / Féminin : organisées par l’Association l’altérité en questions ? Régionale de Psychothérapie Contact : Tél : 01 42 22 75 14. Psychanalytique de l’Enfant et de l’Adolescent (ARPPEA). d’enfant : apports de D. Meltzer. Lieu : Maison des associations. Contact : Tél : 02 31 47 85 79. [email protected] u 4 juin 2016 TABLES RONDES et délinquance dans la famille. Lieu : Hôpital de Montperrin. Contact : [email protected] CYCLE 2015-2016 Paris Schibboleth, Actualités de Freud. Journée scientifique du CIPPA 7 avril, 12 mai, 9 juin, 7 juillet. Lieu : ISEG, 28 rue des FrancsBourgeois, 75004 Paris. Contact : [email protected] CYCLE 2015-2016 Séminaires Théâtre et Paris psychanalyse «A corps perdu» Colloque de la revue Cliniques. organisés par Theatra II. La répétition en institution : Espace de drame antique pour le meilleur et pour le pire. contemporain. Lieu : Théâtre Adyar, Antigone de Sophocle. 4 square Rapp, 75007 Paris. Lieu : 206 Quai de Valmy, 75010. Contact : [email protected] Contact : [email protected] [email protected] Paris 10-11 décembre 2016 (Coordination Internationale entre Paris Psychothérapeutes Psychanalystes Colloque organisé par le Collège CYCLE 2015-2016 s’occupant de personnes avec International de L’Adolescence. Paris Autisme). Psychothérapies d’adolescents. Cycle de conférence organisé par Evaluation clinique des Le CILA a 20 ans. Diana Kamienny Boczkowski. pratiques en unités de soins Contact : Psychanalyse et Transferts infanto-juvéniles pour des enfants www.cila-adolescence.com culturels. de 3 à 6 ans présentant un Michèle VAN LYSEBETH-LEDENT (SBP) Le “moi inconscient” : Perspectives freudienne, bionnienne et winnicottienne Louis Brunet (SCP, Montréal), Claude Smadja (SPP, Paris), Diana Messina-Pizzuti (SBP, Bruxelles), Giuseppe Squitieri (SPI, Rome) L’inconscient du moi et le “moi inconscient” Antonino Ferro (SPI, Pavie), Christian Delourmel (SPP, Chavagne), Nicole Minazio (SBP, Bruxelles), Conceiçao Tavares de Almeida (SP Portugal, Lisbonne) Les incidents de séance Jacques André (APF, Paris), Françoise Coblence (SPP, Paris), Jacqueline Godfrind-Haber (SBP, Bruxelles), Nathalie Zilkha (SSPsa, Genève) L’étrange et le maléfique Maggiorino Genta (SSPsa,Vevey), Gilbert Diatkine (SPP, Paris), Patrick Merot (APF, Paris), Arlette Lecoq (SBP, Liège) L’érogénéité, les racines corporelles du moi Rui Aragão Oliveira (SPP, Lisbonne), Paul Denis (SPP, Paris), Martin Gauthier (SCP, Montréal), Françoise Labbé (SBP, Bruxelles) Les identifications aliénantes et l’utilisation de l‘objet Yael Samuel (SPI, Raanana), Ellen Sparer (SPP, Paris), Denis Hirsch (SBP, Bruxelles), Anastasia Hadjyanni (SPH, Athènes) L’espace, poétique et perspectives Invité : Paul Andreu, architecte Claudio Laks Eizirik (SPPA, Porto Alegre), Marilia Aisenstein (SPP, Paris/Athènes), Bernard Chervet (SPP, Paris/Lyon) Paris 2 décembre 2016 La technique de la psychanalyse Discutant : Jacques Delaunoy (SBP, Liège) Adolescence, violence Le sujet face au réel. u 3-4 juin 2016 QUELQUE CHOSE DE L’INCONSCIENT 6 juin : Florian Houssier : Séminaires organisés par Contact : Dominique CUPA (SPP) Lieu : Maison de l’Amérique Latine, autisme typique ou atypique. u CYCLE 2016 217 bd St-Germain, 75007 Paris. Lieu : Université Paris Paris 12 avril, 17 mai, 14 juin. Diderot Paris 7. Séminaire de l’association Contact : psychanalyse@ Contact : [email protected] Psychanalyse Actuelle. transferts-cutlurels.com 4 ateliers cliniques (réservés aux Analystes en formation) animés par : Robert Asséo (SPP, Paris), Alain Gibeault (SPP, Paris), Patrick Miller (SPRF, Paris), Renata Sgier (SSPsa, Berne) Ateliers du jeudi 5 mai avec : A. Alexandridis, C. Baruch, N. Bujor, A-C. Campos, J. Canestri, M-P. Chaumont, M. Cid-Sanz, N. De Coulon, M-P. Durieux, E. Ego, M. Engel, S. Frisch, J. Glas, A. Gurdal-Kuey, B. Habip, R. Havas, E. Jonchères, M. Khoury, G. Lavallée, JP. Matot, J. Picard, G. Pirlot, J-Y. Tamet, E. Weil. Ateliers du vendredi 6 mai avec : E. Abrevaya, M. Benhamou, M-C. Camus-Delage, N. Carels, C. De Vriendt-Goldman, J-C. Elbez, A. Faure-Bismuth, L. Falcao, C. Franckx, M. Hebbrecht, A. Horn, D. Irago, M-F. Laval-Hygonenq, R. Levy, I. Maître-Lewy-Bertaut, L-C. Menezes, F. Munari, G. Noir, T. Parman, M. Picco, M. Pichon-Damesin,V. Sandor, M. Utrilla-Robles, P. Valon. Renseignements et bulletin d’inscription : Congrès des Psychanalystes de Langue Française 187 rue Saint-Jacques - 75005 Paris - France Tél : +33 (0)1 43 29 66 70 (du lundi au jeudi de 9h30 à 13h) E-mail : [email protected] - Site : www.spp.asso.fr 3 le Carnet PSY • avril 2016 Agenda Agenda le Carnet PSY • avril 2016 4 Colloque MÊME PAS PEUR ! Les phobies de l’enfant et de l’adolescent Vendredi 20 mai 2016 (9h - 17h30) La vie du couple. Destins de l’Oedipe freudien. 6 ou 9 avril 2016 : Haine et Névrose, psychose et perversion. ressentiment dans le couple. Lieu : Hôpital Montperrin. 8 ou 25 mai 2016 : Contact : Tél : 06 12 21 94 75 Séparation et divorce. et/ou 06 61 89 98 70. 9 ou 12 juin 2016 : [email protected] Espace Reuilly - 21 rue Hénard - 75012 PARIS Le deuil de l’aimé. Lieu : Espace Reuilly. CYCLE 2015-2016 A chaque âge ses phobies. Du bébé à lʼenfant puis à lʼadolescent, les phobies évoluent dans leur nature et leur fonction. Lʼenfance est dominée par les phobies dʼanimaux, qui peuvent prendre un tour pathologique, comme ce fut le cas pour le petit Hans de Freud. Lʼadolescence avec la puberté pose la question de lʼautre, sous les auspices de lʼamitié ou de lʼamour, de lʼintersubjectivité et de la séduction, du genre et de la sexuation, de lʼérotisation et de la sexualité. Les relations peuvent alors être prises dans une organisation phobique temporaire, donnant lieu plus souvent que dans lʼenfance à des phobies de situation : phobie de lʼécole, phobie sociale, phobie des transports, ou phobie de rougir, etc. La clinique des phobies pose la question de la structure sous-jacente, structure qui opère dans le réel une coupure avec la réalité jusquʼà conduire à un paroxysme : la peur dʼavoir peur. Quelle place occupe ainsi la phobie dans notre clinique contemporaine ? Si les approches comportementales peuvent dénouer le vif de certains symptômes, lʼapproche psychodynamique reste une indication privilégiée, dans tous les cas de phobies de lʼenfant et de lʼadolescent. Comment appréhender ce symptôme phobique et comment prendre en compte la souffrance des parents en institution ou en privé ? Car les phobies restreignent considérablement lʼespace et lʼélan vital du sujet, même si celui-ci énonce souvent le fameux : « Même pas peur ! » Contact : Tél : 01 46 47 66 04. Paris [email protected] Soirées de l’Ecole de Propédeutique à la Connaissance de l'Inconscient CYCLE 2015-2016 (EPCI). Le lundi (19h30-22h). Paris 21 mars 2016 : Honte et Ateliers de lecture Lire Jung au culpabilité. S. Lepastier. GERPA organisés par le Groupe 11 avril 2016 : Le drame d’Etudes et de Réflexion de de l’inhibition. Th. Braconnier. Psychologie Analytique. 9 mai 2016 : L’identification. Lire, Interagir, Réfléchir pour Ch. Flavigny. Étudier l’œuvre de C. G. Jung. 23 mai 2016 : Les premiers - Groupe d’introduction à la entretiens. C. Lebrun. Psychologie Analytique. 15 juin 2016 : A propos de Balint. - La dialectique du Moi K. Atger et J.-F. Coudreuse. et de l’inconscient. Christian HOFFMANN, Didier LAURU, Jean-Yves Le FOURN, Daniel MARCELLI, Olivier OUVRY, Annick Le NESTOUR, Jean-Louis Le RUN, Nadia MORETTON, Jordan SIBEONI, Benoit VIROLE. Lieu : Hôpital des Diaconesses. Dominique Gour (le vendredi) : Contact : Tél : 01 43 07 89 26. Tarifs : 50 € (tarif réduit), 100 € (inscription individuelle) 150 € (formation continue) Contact : [email protected] ou 01 46 33 70 47 (boite vocale) - Inscriptions possibles sur www.enfancesetpsy.fr Intervenants : Jean-Pierre BENOIT, Cristina FIGUEIREDO, 15/04 et 6/05/16. - Ecouter Jung être son propre CYCLE 2015-2016 biographe. Michel Bénet Paris (le mercredi) : 6/04, 4/05/16. Journées de formation (9h-16h30) - Les complexes : théorie et de Ecole de Propédeutique figuration dans le rêve et le jeu à la Connaissance de de sable. Catherine Farzat l'Inconscient (EPCI). (le mercredi) : 20/04 et 25/05/16. 19 avril 2016 : Deuil et séparation. - Etude de « La structure de l’âme », G. Bonnet. conférence donnée par Jung, en 24 mai 2016 : Le féminin français, en 1928. Sophie Braun et de la lettre. P.-L. Assoun. Philippe Buonafine (le samedi) : 14 juin 2016 : La fonction CYCLE 2015-2016 CYCLE 2015-2016 CYCLE 2015-2016 Paris Paris Paris - Sentiment de soi, sentiment de Cycle de 5 conférences organisé Séminaire organisé Cycle de séminaire organisé par l’autre. Identité et altérité dans le par le CRPMS de l’Université Paris par Daniel Sibony. S. Korff-Sausse, Université Paris transfert. Giovanna Galdo (le jeudi) : Diderot - Paris 7. Psychanalyse éthique. Dideriot Paris 7, UFR Etudes 19/05/16. « Psychanalyse, art et image VIII ». 13 avril, 18 mai, 22 juin 2016. Psychanalytiques. Lieu : Forum 104, 75006 Paris. Lundi 11 avril 2016. Lieu : Faculté de Médecine, 15 rue Introduction à la lecture de W.R. Contact : Tél : 06 77 90 87 38. Lieu : Beaux-arts de Paris, de l’Ecole de Médecine, Pavillon 1. Bion. (un mardi par mois, 18h-20h). [email protected] 75006 Paris. Contact : Lieu : Université Paris 7. Contact : Tél : 01 47 03 50 00. [email protected] Contact : [email protected] CYCLE 2015-2016 CYCLE 2015-2016 Marseille (13) CYCLE 2015-2016 CYCLE 2015-2016 Paris Paris Groupes d’échange organisés par Séminaire Babylone “Psychanalyse “Médecine et Psychanalyse”. et littérature” organisé par l’Institut Entre Médecine et Psychanalyse. Mutualiste Montsouris. Lieu : Campus des Cordeliers, 75006. 9 mai 2016 (Littérature) : Contact : www.medpsycha.org Paris Cycle de séminaire organisé par S. Korff-Sausse et R. Waintrater, Université Paris Dideriot Paris 7, UFR Etudes Psychanalytiques. Les courants contemporains de la psychothérapie psychanalytique. Serge Boimare : (Le 2e Jeudi par mois, 18h-20h). 9/04/16. paternelle. F. Marty. Lieu : Forum de l'Eglise Saint Eloi. Contact : Tél : 01 43 07 89 26. CYCLE 2015-2017 Paris Cycle de formation organisé par l’Association Psychanalyse Journées de formation organisées par l’Institut du Champ Freudien. - Etre fou n’est pas un privilège. Les mots, le corps, les objets au temps de la forclusion généralisée. et Psychothérapies. Pratique de la clinique et des thérapies psychanalytiques. Contact : Tél : 06 69 05 90 01 ou 01 44 93 57 36. [email protected] CYCLE 2015-2016 - Entrées dans la psychose. Lyon (69) Enseignement de Propédeutique. Cycle de cinq conférences Mythes et mythologie, Héraclès…. CYCLE 2015-2016 Discutant : D. Bochereau. Paris 6 juin 2016 (Art) : Bernard Golse : Séminaire théorico-clinique Ilots autistiques et créativité : du Groupe International du Rêve de Picasso à Glenn Gould. Eveillé en Psychanalyse (GIREP). CYCLE 2015-2016 CYCLE 2015-2016 Maurice Corcos. Discutant : Y. Loisel. Approche spécifique du Rêve Paris Aix-en-Provence (13) Lieu : Palais de la Mutualité, 1 place Lieu : IMM, 42 Bd Jourdan, 75014. Eveillé en Psychanalyse. Cycle de conférences Conférences d’introduction à la Antonin Jutard, 69003 Lyon. Contact : Tél : 01 56 61 69 80. Contact : Dr Jacques Boulin. organisé par les “Séminaires psychanalyse organisées par Contact : Tél : 04 78 38 78 01. [email protected] Tél : 01 46 05 16 08. Psychanalytiques de Paris”. l’Institut du Champ Freudien. [email protected] Lieu : Université Paris 7. Contact : [email protected] Contact : Tél : 06 12 21 94 75 “Rêver encore” (à 20h30) du et/ou 06 61 89 98 70. Groupe Lyonnais de Psychanalyse [email protected] Rhône-Alpes (GLPRA). 5 avril 2016 : Rêver peut-être… Colloque du Département de Psychiatrie Adulte de l’ASM13 QUAND L’HUMEUR VIENT À LA PSYCHOSE Intervenants : N. BEAUCHET - P. BROKMANN - A. FONTAINE A. FREJAVILLE - N. GAILLARD-JANIN A. JEANNEAU - P. JEANNEAU-TOLILA V. KAPSAMBELIS - R. MALGAT - J-P. MELUN B. ODIER - J. PLANCKAERT - J. SINZELLE Vendredi 3 juin 2016 (9h - 17h30) Salle René Diatkine - ASM13 ERP 76 avenue Edison - 75013 Paris Tarifs : Formation continue : 160 € Formation individuelle : 100 € Etudiants, retraités, demandeurs d'emploi : 50 € ASM13 – Département ERP – 76, av Edison – 75013 PARIS Renseignements et inscriptions : 01 40 77 43 18 (ou 43 17) Programme détaillé et bulletin d’inscription sur : www.asm13.org CYCLE 2015-2016 CYCLE 2015-2016 Paris Paris Cycle de conférences organisé Cycle de séminaires Jean Cournut 12-13 mai : Troubles du Traumatismes psychologiques et Comportement alimentaire. vieillissements. 10 juin : Addictions sexuelles. Lieu : Palais des Congrès, u 7-8 avril 2016 21-23 septembre et 8-9 décembre : place des Ducs de Rohan. addictologie par la SPP. organisé par la SPP d’Introduction à La psychanalyse à l’épreuve de la la psychanalyse (un lundi par mois). Paris Approches sur le jeu pathologique Contact : Tél : 02 99 54 94 68. clinique contemporaine. Le sexuel infantile (20h45). 1ère Audition publique de la et le jeu excessif. [email protected] Le mercredi à 21h15 : Théorie et clinique en psychanalyse. Fédération Française Contact : Tél : 02 40 84 76 20. Introduction à la psychanalyse de 30 mai 2016 : d’addictologie (FFA). l’enfant et de l’adolescent. Le sexuel infantile Réduction des risques 18 mai 2016 : Les troubles dans la psychose. et des dommages liés aux oppositionnels avec provocation Vassilis Kapsambelis. conduites addictives. de l’enfant. Approche psycha- 20 juin 2016 : Lieu : Ministère de la Santé. nalytique. Gilbert Diatkine. Le sexuel infantile au jeu du Contact : www.addictologie.org Le jeudi à 21h15 : psychodrame. Introduction à la Cyrille Munier. handicap art-thérapie 28-29 avril 2016 13-14 mai 2016 Paris Lyon (69) Colloque de l’Union Nationale des u 1er - 3 juin 2016 Journées de printemps de la Société Associations de Parents et Amis de Française de Psychopathologie de Personnes Handicapées Mentales (UNAPEI). psychanalyse de l’adulte. Lieu : SPP, 187 rue St-Jacques, Paris 24 mars 2016 : Les troubles 75005 Paris. Congrès International d’Addictologie l’Expression et d’Art-Thérapie Impulser des parcours de santé du caractère : une pathologie Contact : Tél : 01 43 23 66 70. de l’Albatros. (SFPE-AT). Désir et amour. Lieu : MJC de Montplaisir. coordonnés au service des [email protected] Les addictions : au carrefour des connaissances. Contact : www.sfpe-art-therapie.fr personnes handicapées. actuelle ? Marie Sirjacq. 26 mai 2016 : Aurions-nous Lieu : Maison de la RATP, Lieu : Novotel Tour Eiffel. mauvais genre ? En quoi les u 27-28 janvier 2017 théories du genre concernent- Paris elles la psychanalyse ? 16e Colloque de la Société Jacqueline Schaeffer. Médecine et Psychanalyse (SMP). Lieu : Université Paris Descartes, Tous connectés : CYCLE 2016 7-9 avril 2016 u 25-26 novembre 2016 43 rue des Saints-Pères, 75006. Le numérique et le soin. Nantes (44) Pontivy (56) Paris Contact : Tél : 01 43 23 66 70. Lieu : Campus Jussieu, Journées de formations Congrès organisé par 11ème Séminaire Interuniversitaire (du lundi au jeudi de 9h30 à 13h.) 4 Place Jussieu, 75005 Paris. de l’IFAC (Institut Fédératif des l’association Psychologie International sur la Clinique [email protected] Contact : www.medpsycha.org Addictions Comportementales). et vieillissement. du Handicap (SIICLHA). Contact : www.centredesaddictions.org 5 le Carnet PSY • avril 2016 Agenda 75012 Paris. gérontologie Contact : www.unapei.org Agenda le Carnet PSY • avril 2016 6 11 juin 2016 Paris 19e Journée de psychopathologie du nourrisson de l’ASM13. Recevoir les parents. psychosomatique, psychologie médicale Lieu : Amphi Buffon, 15 rue Hélène Brion, 75013 Paris. 12 juin 2016 Contact : [email protected] Paris XXXIIe Journée scientifique de 15-16 septembre 2016 l’Institut de Psychosomatique Paris (IPSO) Pierre MARTY Colloque des 30 ans de Destructivité et désorganisation. l’Association Nationale des Lieu : Association du Quartier de Psychologues pour la Petite Notre-Dame des Champs. Enfance (ANAPSYpe). Contact : Tél : 06 85 89 27 31. Quand les temps changent, les [email protected] bébés changent-ils ? Lieu : Espace Reuilly, 75012. Contact : Tél : 01 45 41 40 32. [email protected] 9-10 novembre 2016 Beaune (21) Journées annuelles de la Société Marcé Francophone. Bébés et cultures. Histoires et empreintes culturelles d’hier et de demain... Lieu : Palais des Congrès. Contact : Tél : 03 80 42 48 31. [email protected] 17-18-19 novembre 2016 Avignon (84) 12e Colloque de périnatalité de en Santé Mentale. 28 juin : Soins somatiques en santé mentale. 29-30 juin : Douleur en santé mentale et autisme. Lieu : Maison Internationale Cité Universitaire de Paris. Contact : Comm Santé. Tél : 05 57 97 19 19. u 9 juillet 2016 Premières rencontres de l’Institut de Psychosomatique Méditerranéen. Bébé attentif cherche Sensations et perceptions dans la adulte(s) attentionné(s). clinique psychosomatique. Lieu : Centre International des Lieu : Fondation Vasarely, Congrès, Palais des Papes. 1 av. Marcel Pagnol, Contact : Tél : 04 90 23 99 35 13090 Aix-en-Provence [email protected] Contact : [email protected] Boulogne (92) une identité entre-deux. Nanterre (92) universitaire International Séminaire “1er Chapitre” organisé Contact : Séminaire Inter- Séminaire Inter-universitaire Inter- sur la Clinique du Handicap. par S. Missonnier, la Waimh fr., universitaire International national sur la Clinique du Handicap [email protected] l’APEA et le laboratoire PCPP Paris sur la Clinique du Handicap. (SIICLHA). Descartes (le mercredi 18h-21h). [email protected] 1er jeudi du mois (20h30). 3 avril : Dr Gilles Levy : Le père et l’accoucheur. 11 mai : Dr Marie-Noëlle Vacheron : 7 avril 2016 : Promotion des Soins Somatiques Périnatalité). CYCLE 2016 CYCLE 2015-2016 l’Association Nationale pour la Aix-en-Provence (13) Contact : Séminaire Inter- Les mots alliés ou traitres. 14e Congrès organisé par Recherche et l’Information en CYCLE 2015-2016 périnatalité Paris l’ARIP (Association pour la Le handicap, Clinique et annonce du handicap. u 28-29-30 juin 2016 La consultation d’Information, de u 30 septembre - 1er oct. 2016 Nantes (44) 13e Congrès National Corps & Psyché. Soigner le corps. Le corps du malade et le corps de la médecine : un grand écart, une inquiétante étrangeté. Lieu : Odyssée d’Orvault, Nantes. Contact : Tél : 07 62 33 20 03. Paris Handicap comme figure u 7-8 avril 2016 Journées de formation de stigmatisation. Sérignan (34) femmes suivies pour troubles psy- de l’ASM13. Le poids des mots. Journées de Périnatalité chiques, enceintes ou présentant Des maladies mentales Marcela Gargiulo. & Parentalité. un désir d’enfant (CICO). au handicap psychique. 2 juin 2016 : Le temps des uns, 8 juin : Emmanuel Devouch : Nantes (44) 19-20 mai et 29 et 30 sept. Violence des mots et des actes. le temps des autres. La prise de tour dans la relation 33e Congrès annuel de la Société Lieu : ASM13. Albert Ciccone. Lieu : La Cigalière. mère/nouveau-né. Française de Psycho-Oncologie Contact : [email protected] Lieu : Hôpital Pitié Salpétrière. Contact : [email protected] Contact : www.rap5.org (SFPO). Conseils et d’Orientation des [email protected] u 7-9 décembre 2016 Le corps fragmenté : 2-3 juin 2016 évolutions thérapeutiques Mont-Saint-Aignan (76) et enjeux psychiques. Journées organisées par Lieu : Cité des Congrès. l’Association Internationale pour le Contact : Tél : 05 57 97 19 19. Développement de l'Observation du Bébé selon Bicket (AIDOBB) et l’Association Mon Ti’ Loup. société Prévention des violences intrafamiliales chez les 0-4 ans. u 11-12-13 juillet 2016 Paris 14e Congrès de l’International Association of Human - Animal Interaction Organization (IAHAIO) organisé par la Fondation Sommer. Contact : [email protected] Lieu (2 juin) : Maison de l’Université. Lieu (3 juin) : Faculté de psychologie, amphi 400, Bât. Tillion. Contact : Tél : 01 47 40 90 08 ou 06 62 77 72 88. [email protected] u 16-17 juin 2016 Brest (29) thérapie familiale et de groupe, thérapie de couple 11e Congrès national sur la parentalité et les liens familiaux. De quelles violences les liens familiaux sont-ils l’occasion ? Lieu : Facultés de Lettres et des Sc. Sociales Victor Ségalen. 2 avril 2016 Contact : www.parentel.org Paris CYCLE 2016 Colloque de la revue Dialogue et de Paris PSYFA (Psychanalyse et Famille), Journées de formations du Centre en collaboration avec le Centre de d’Information et de Recherche en Recherche-médecine-psycha- Psychologie et Psychanalyse nalyse-société - UFR d’Etudes Appliquées (CIRPPA). psychanalytiques Paris-Diderot. Contact : Tél : 01 42 40 41 12. Familles au risque de la justice. [email protected] Quels accompagnements ? Quels soins ? Lieu : Université Paris Diderot, CYCLE 2016 Amphi A “Les grands moulins”, Paris et province esplanade Pierre Vidal-Naquet, Journées de formation de l’Institut 75013 Paris. Français d’Analyse de Groupe et de Contact : [email protected] Psychodrame (IFAGP). - Séminaires de 1ère approche 4-5-6 avril 2016 Paris Journées d’études de la Société de Thérapie Familiale d’Ile-de-France. Périnalité et groupalité. Contact : Tél : 01 74 71 71 66. [email protected] 21 mai 2016 Nice (06) d’analyse de groupe et de psychodrame. Paris : 10-12 juin, 18-20 nov, 9-11 déc. Avignon : 18-20 nov 10 juin 2016 Emotions et développement des Issy-les-Moulineaux (92) capacités de prise de décision : Rennes : 4-6 nov. Colloque de l’Institut du Virtuel. les rôles contrastés du contexte - Séminaire de perfectionnement Robots : vertus et vertiges. Bordeaux : 2-4 déc. Lyon : 18-20 nov. des praticiens de groupe et de psychodrame : Paris : 4-6 nov. 7 le Carnet PSY • avril 2016 Agenda virtuel 20 mai 2016 L'androïde sur le divan ? Lieu : Espace Andrée Chedid social réel versus virtuel. Lieu : Espace Andrée Chedid. Contact : [email protected] Journée du Groupe Méditerranéen - Groupes d’analyse de groupe et Paris de la SPP (GMSPP) avec André de psychodrame (10 séminaires) : Colloque de l’Association Européenne Carel, Président du Collège de Paris, Avignon, Bordeaux, Lyon, de Psychopathologie de l’Enfant et Psychanalyse Groupale et Familiale. Nantes (à partir d’avril-mai). de l’Adolescent (AEPEA). La souffrance familiale et ses - Groupes de formation La psychopathologie de l’enfant défenses par la paradoxalité, la au psychodrame : et de l’adolescent face CYCLE 2015-2016 Rouen (76) perversion narcissique, Paris et Montpellier (à partir de mai). aux défis du web. Issy-les-Moulineaux (92) Soirées “Une soirée, un auteur” l’incestualité suivie de - Groupes de travail théorico- Lieu : Théâtre Adyar, Cycle de conférence organisé par organisées par l’Université de Jouer en famille. cliniques. 75007 Paris. l’Institut du Virtuel. Rouen et PsyNCA (Psychologie, Lieu : Hôtel Le Saint-Paul. Contact : Tél : 01 45 88 23 22. Contact : AEPEA. Le Robot. Neurosciences, Cognition, Contact : Tél : 04 93 85 64 78. [email protected] [email protected] 10 mai 2016 : Pr. Sylvain Moutier. Affectivité). Contact : [email protected] conférence-débat 3 juin 2016 Agenda 8 le Carnet PSY • avril 2016 SPÉCIAL FORMATIONS À PARAÎTRE : N uméro de juillet/août (n°200) S PÉCIAL F ORMATIONS 2016 Présentation des différents diplômes (DU, DIU, DESU, ...), Masters, stages, formations, cycles, séminaires, colloques, offres d’emploi, etc. Parution le 4 juillet 2016 et diffusion jusqu’au 26 septembre 2016 Pour obtenir les tarifs publicitaires (revue et/ou site) : Estelle Georges-Chassot : +33 (0) 46 04 74 35 - [email protected] Réserver votre encart au plus tard le 10 juin 2016 Violences intra-familiales. u EXPO 2016 EXPO 2016 L’observation selon Paris Marseille (13) E. Bick, un moyen de prévention : Exposition L’esprit singulier. Exposition Made in Algeria, Lieu : Studio des Ursulines, 75005. Contact : [email protected] AGENDA INTERNATIONAL Bernard Golse, Didier Houzel. Collection de l’Abbaye d’Auberive. généalogie d’un territoire. Contact : [email protected] Jusqu’au 26 août 2016. Jusqu’au 2 mai 2016. Lieu : La Halle Saint-Pierre. Lieu : MuCEM. Paris Contact : www.mucem.org 3e épisode de la trilogie Nathalie Bruxelles (belgique) Joly chante Yvette Guilbert Journée de la WAIMH Contact : Tél : 01 42 58 72 89. expo u EXPO 2016 radio Paris u EXPO 2016 Paris Exposition Anselm Kiefer. Jusqu’au 18 avril. Lieu : Centre Pompidou. Exposition L’art et l’enfant. Chefs- RADIO d’oeuvre de la peinture française. Paris Jusqu’au 3 juillet 2016 Cycle Musique & Cerveau 2016 Chanson sans gêne. belgo-luxembourgeoise. Adoptions. Matrices corporelles La Cartoucherie. et transmissions psychiques. Contact : www.la-tempete.fr Lieu : ULB, 44 av. Jeanne, Bât. S, u 27-29 mai 2016 Contact : Tél : +32 (0)475 908 106. 1er étage (salle Dupréel). organisé par Radio France. Contact : www.marmottan.fr 4 juin : Créativité, Bordeaux (33) cerveau et musique. Festival CinoPSY’s organisé par la u EXPO 2016 Paris Exposition Persona, étrangement humain. Jusqu’au 13 nov. 2016. Villeneuve d’Ascq (59) Lieu : Musée du Quai Branly. Exposition organisée par le Lille Contact : www.quaibranly.fr Métropole Musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art brut EXPO 2016 (LaM) et la Réunion des Paris u 15 avril 2016 Lieu : Théâtre de la Tempête Lieu : Musée Marmottan Monet. Contact : www.centrepompidou.fr u EXPO 2016 13-22 mai 2016 10 septembre : Musique du futur / Fédération Française de Psycho- Cerveau du futur. thérapie et Psychanalyse (FF2P). 18-19-20 avril 2016 Jérusalem (Israël) Lieu : Maison de la Radio. La psychothérapie fait son Colloque international et Contact : [email protected] cinéma. La traversée du temps. interuniversitaire organisé Contact : [email protected] par l’association Schibboleth-Actualité de Freud. théâtre/cinéma u 7-30 juillet 2016 Avignon (84) u 13 avril 2016 If it was Jerusalem. Lieu : Begin Heritage Center. Contact : [email protected] Pièce de théâtre de W. Mouawad et musées nationaux - Grand Palais. Exposition Mental désordre. Paris B. Vermeulen, mise en scène par la Amedeo Modigliani. Changez de regard sur les “Actualité de la clinique et des arts” Compagnie Le Bruit de la Rouille. L’oeil intérieur. troubles psychiques. (20h30) proposé par P. Sullivan, Assoiffés. Barcelone (Espagne) Jusqu’au 5 juin 2016. Du 5 avril au 28 août 2016. A. de Canove et L. Lalu. Lieu : Théâtre de l’Alizé. 23th International Symposium about 28-29-30 avril 2016 Lieu : LaM. Lieu : Cité des Sciences. “L’Exercice de l’Etat” de P. Schoeller, Contact : http://www.theatre- Current Issues and Controversies in Contact : www.musee-lam.fr Contact : www.cite-sciences.fr en présence du réalisateur. contemporain.net/spectacles/Assoiffes/ Psychiatry (ISCP). Agenda Gerpen GROUPE D'ÉTUDES ET DE RECHERCHES PSYCHANALYTIQUES POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L'ENFANT ET DU NOURRISSON 21 et 22 mai 2016 à Paris Le Gerpen a le grand plaisir d’annoncer la venue de Jonathan BRADLEY Psychanalyste, Consultant de Psychothérapie de l’Enfant et de l’Adolescent. Directeur du Département pour Enfants et Adolescents du Tavistock Centre « L’Adolescent et son Corps » Travail sur un cas clinique à partir de matériel de thérapie analytique Jonathan Bradley dirige le Département de psychothérapie d’enfant et d’adolescent du Tavistock Centre, où il exerce des fonctions de consultant. Il est responsable du Diplôme approfondi d’études psychanalytiques organisé par le Tavistock Centre et l’Université d’East London. Auteur de nombreux ouvrages portant sur l’enfant et l’adolescent, il dirige une série destinée à aider les parents à mieux comprendre leurs enfants (Undestanding Your Child). Il s’intéresse tout particulièrement aux troubles d’expression corporelle chez l’adolescent. Ses recherches ont porté également sur la dynamique de groupe. Accessible aux personnes inscrites sur la liste du Gerpen. Pour toute nouvelle candidature, psychanalystes et psychothérapeutes devront prendre contact avec l’un des membres du Gerpen. Lieu : ASIEM, 6 rue Albert de Lapparent, 75007 PARIS Préinscription obligatoire 01 45 94 16 30 - [email protected] - gerpen.org Déclaration d’existence n°11 94 06 758 94 - Siret : 394 349 229 000 28 Borderlines of psychiatry. 26-27 mai 2016 Signes discrets dans les CYCLE 2015-2016 Lire Freud aujourd’hui. Contact : Liège (Belgique) psychoses ordinaires. Bruxelles (Belgique) I. Découverte de la psychanalyse www.controversiasbarcelona.org Colloque organisé par Parole Clinique et traitement. Cycle de conférence organisé par 1895-1910. d’Enfants.Tout ce que vous Lieu : The Printworks, Dublin Castle. l’APPCF. L’approche II. Années de maturité 1911-1920. n’auriez jamais voulu savoir sur le Contact : www.amp-nls.org 5-8 mai 2016 sexe...Quand l’intime s’invite dans Bruxelles (Belgique) les interventions psychosociales. 76e Congrès des Psychanalystes Lieu : Palais des Congrès. de Langue Française organisé par la Contact : [email protected] SPP, la Société Belge de Psychanalyse, avec le concours des Sociétés composantes psychanalytique groupale de III. Nouvelles perspectives couple et de famille. Une clinique 1920-1939. u 19-23 septembre 2016 psychanalytique des liens. Lieu : Société Belge de Psychanalyse. Liège (Belgique) 30/04, 28/05, 25/06/2016 : Contact : [email protected] 2e Colloque de la Fédération Liens sociaux et groupaux. 28 mai 2016 Trauma Suicide Liaison Urgence. Lieu : Le Méridien, 1210 Bruxelles. Genève (Suisse) Evaluer pour agir. Contact : [email protected] du CPLF. XXIIIe Journée de l’Association Contact : Fédération Trauma Suicide Liaison Urgence. CYCLE 2015-2016 Le “Moi inconscient”. Genevoise de Psychosomatique. Ombres et lumières du temps. Tél :+32 (0)423 727 43. Bruxelles (Belgique) Lieu : Centre de Congrès. Contact : SPP. [email protected] Tél : +33 (0)1 43 29 66 70. (du lundi au jeudi de 9h30 à 13h). www.spp-asso.fr Lieu : Uni Mail (salle à préciser). Contact : www.agepso.ch u 3 juin 2016 Waterloo (Belgique) Journée d’étude organisée par 20-21 mai 2016 Séminaires du mercredi organisées L’inoubliable en psychosomatique. l’équipe du SSM Le Méridien. Le Méridien, sa pratique d’hier, Liège (Belgique) d’aujourd’hui et de demain. 3es Rencontres contextuelles Lieu : Centre culturel J.Franck. du Service de santé mentale (SSM) Contact : Le Méridien. Les dégats psycholo- [email protected] CYCLE 2015-2016 Bruxelles (Belgique) Séminaires de lecture organisés par l’Association pour la Psychothérapie Psychanalytique de Couple et de la Famille (APPCF). - “La Haine de l’Amour La perversion du lien” de M. Hurni et G. Stoll (Ed. Harmattan) : 6/04, 1/06/2016. par la Société Belge de Psychanalyse. Emotions et Affects. 27 avril 2016 : Les sentiments de culpabilité, un regard psychanalytique. P. Paduart. Cycles de conférences “Maladies d’amour” organisé par la Ligue Bruxellois Francophone pour la Santé Mentale (LBFSM). Clinique de l’Amour. 13/04, 11/05, 8/06/2016. Lieu : LBFSM. Contact : [email protected] 25 mai 2016 : Des émotions pour penser et rêver. D. Messina et M. Van Bourgonie. Lieu : Société Belge de Psychanalyse. Contact : [email protected] CYCLE 2016-2017 Bruxelles (Belgique) Cycle du Groupe d’Etude en Clinique Familiale Psychanalytique de la Petite Enfance (GERFAPPE). Lieu : rue Berkendael 97. - “Recherches sur les petits giques liés aux coupures du lien CYCLE 2015-2016 Bruxelle (Belgique) CYCLE 2016 Formation au travail psycho- affectif parent-enfant. Impossibilité u 2-3 juillet 2016 groupes” de W. Bion (Ed. PUF) : Bruxelles, Liège (Belgique) thérapeutique parents-bébé. de donner, imposibilité de vivre. Dublin (Irlande) 22/04, 20/05, 17/06/2016. Cycle de 3 ans de séminaires Lieu : Hôpital Edith Cavell. Lieu : Auberge Simenon. XIVe Congrès of Psychoanalysis Lieu : Le Méridien. ouverts organisés par la Société Contact : Contact : [email protected] de la New Lacanian School (NLS). Contact : Tél : +32 (0)496 147 565. Belge de Psychanalyse. [email protected] le Carnet PSY • avril 2016 9 le Carnet PSY • avril 2016 10 Parutions du mois Actes, n°5 Le meurtre et l'inceste Paris, In Press, 22 € Allouch Jean L’Autresexe Paris, EPEL, 20 € Annuel de l’APF, 2016 Guy Rosolato : passeur critique de Lacan Paris, PUF, 26 € AREPS Rêve(rie) Paris, L’Harmattan, 19 € Corcos Maurice Rimbaud. Le trauma adolescent Paris, L’Esprit du Temps, 21 € Grosz Stephen Les examens de conscience Genève, Slatkine & Cie, 17 € Masson Marie Introduire l’enfant au social Bruxelles, Yapaka.be Criquillion Sophie, Doyen Catherine (coord.) Anorexie, boulimie. Grotstein James S. Un rayon d’intense obscurité. Meynard André Des mains pour parler, des yeux pour entendre Toulouse, Erès, 28 € Nouveaux concepts, nouvelles approches Darchis Elisabeth Clinique familiale de la périnatalité Paris, Dunod, 26 € Duflot Carole L’art-thérapie en soins palliatifs : l’entre-temps Toulouse, Erès, 14 € Bazalgette Gérard La folie et la psychanalyse Paris, Campagne Première, 27 € Egge Martin La cure de l’enfant autistique Paris, L’Harmattan, 25,50 € Bonnet Gérard (dir.) Le désir. Eiguer Alberto Une maison natale. L’objet qui nous fait vivre Psychanalyse de l’intime Paris, In Press, 10 € Paris, Dunod, 13,90 € Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, 55 Hypnose, EMDR et thérapie familiale Bruxelles, De Boeck, 35 € Chimères, n°87 Politiques de la communauté Toulouse, Erès, 20 € Montreuil, Ithaque, 34 € Paris, Lavoisier, 35 € Bayle Benoît (dir.) Le déni de grossesse, un trouble de la gestation psychique Toulouse, Erès, 25 € Bréchon Geneviève, Emmanuelli Michèle (dir.) Les troubles des conduites alimentaires chez l’enfant et l’adolescent Toulouse, Erès, 15 € Ce que Bion a légué à la psychanalyse Ferenczi Sandor Confusion de langue entre les adultes et l’enfant Paris, Payot, 5,10 € Freymann Jean-Richard, Patris Michel Du délire au désir : les dix propriétés de la clinique analytique Toulouse, Erès, 18 € Garcia-Fons Tristan, Solal Jean-François L’événement juvénile dans la cure de l’adolescent et de l’adulte Paris, PUF, 14 € Groupe AEMO / ADSEA Puy de Dôme L’abus sexuel intrafamilial. L’approche spécifique d’une équipe d’Action Educative en Milieu Ouvert Paris, L’Harmattan, 28 € Halpern Catherine Identité(s). L’individu, le groupe, la société Paris, Ed. Sc Humaines, 25,40 € Journal des Psychologues, n°335 Les idéologies : de l’individu au groupe. Paris, Martin Média, 7,50 € Journal Français de Psychiatrie, 42 Psychose maniaco-dépressive ou troubles bipolaires ? Toulouse, Erès, 26 € Juffé Michel Sigmund Freud, Benedictus de Spinoza. Millêtre Béatrice Le burn-out des enfants Paris, Payot, 16 € Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, 64/1 Genre - Psychiatrie transculturelle - Autisme Paris, Elsevier Nkayé Emiléa Une problématique de la douleur chronique Paris, L’Harmattan, 23,50 € Pérouse de Montclos Marie-Odile, Poggionovo Marie-Paule (coord.) Adoption internationale. De la rencontre à la filiation. Paris, Lavoisier, 29 € Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe, 65 Transmission psychique et transformations Toulouse, Erès, 26,50 € Revue Française de Psychanalyse, 5 (2015) Le sexuel infantile et ses destins Paris, PUF, 31 € Paris, Gallimard, 24,50 € Santé mentale, 205 Troubles du sommeil en psychiatrie Paris, Ed. Actes Presse, 18 € Le Dorze Albert La chair et le signifiant Paris, L’Harmattan, 22,50 € Semi Antonio Alberto Contes de faits. Correspondance 1676-1938 Scènes de la vie consciente Paris, Gallimard, 20 € Collinet Philippe Je est un autre, la psychanalyse aujourd’hui Paris, L’Harmattan, 17,50 € Gozlan Angélique L’adolescent face à Facebook. Lepastier Samuel L’hystérie. Enjeux de la “virtualescence” Une souffrance méconnue Paris, In Press, 19 € Paris, In Press, 10 € Tisseron Serge Comment l’esprit vient aux objets Paris, PUF, 19 € Bloc-notes perspicacité les processus de différenciation, qu’ils se déclinent entre le statut du fantasme et de ses articulations avec la réalité, entre moi et autre, masculin et féminin. Temps paradigmatique de la métamorphose, du changement et des expériences de séparation qui organisent l’alternance de la présence et de l’absence, entre attraction et perte, séduction et renoncement. Dunod, 2015, 208 pages, 22 € Avec La jeune fille et le psychanalyste, C. Chabert poursuit son œuvre de pensée entée dans une expérience clinique vivante, habitée, à la source de laquelle elle puise la force de ses élaborations, centrées ici sur l’expérience du transfert avec des adolescentes et des jeunes femmes. Se dessinent ainsi de multiples portraits, soutenus par des réflexions théoriques subtiles et profondes mises en valeur par une écriture sensible, toujours respectueuse de l’énigme que chacune de ces jeunes filles porte à son insu. Le titre choisi déploie d’emblée des harmoniques faisant résonner des variations associatives autour des termes qui le composent. Entre braises incandescentes et cendres, une première évocation s’impose : celle du quatuor de Schubert nommé La jeune fille et la mort, titre donné au dernier chapitre sur lequel s’achève l’ouvrage. Evocation qui noue au plus serré le fol espoir de vivre et la révolte contre l’inéluctable : l’expérience de la perte dont la mort constitue la figure radicale. Se trouve ainsi immédiatement convoquée la dialectique qui articule le registre de la problématique œdipienne et de la sexualité avec celui de la perte. Dialectique tributaire de la capacité à renoncer, dont les destins seront divers, modulés par la complexité des jeux identificatoires au sein desquels les mouvements sexuels ordonnent des configurations singulières. Double courant intimement lié, qui parcourt l’ensemble de ce nouveau recueil au sein duquel nous retrouvons déployées les perspectives offertes dans deux précédents ouvrages centraux de l’auteure : Féminin mélancolique (2003) et L’amour de la différence (2011). Aux excès narcissiques et leur potentialité de dérive mélancolique qui engagent une logique d’effacement des distinctions, répond la logique des courants de la bisexualité, celle de la différence « qui soutient et affirme l’existence et la reconnaissance d’objets internes pris dans les réseaux de la sexualité quels qu’en soient les registres ». Ce double courant est interrogé à l’aune de l’adolescence féminine, le choix des termes de « jeune fille » mêlant d’emblée le présent au passé d’un temps (celui de l’enfance) non tout à fait révolu. Une temporalité aux repères incertains, qui indique déjà finement la difficulté qu’il y a à circonscrire ce que l’on nomme communément « l’adolescence », et le vivant d’un infantile intemporel qui marque de son empreinte toute vie psychique, colorant singulièrement pour chacun chaque épreuve que la vie lui impose. Choix d’une période dont les lisières mal définies permettent d’interroger avec Dans le choix du masculin pour « psychanalyste » « la bisexualité de l’analyste s’y présente d’emblée », celle qui permet que se déploie dans le transfert le jeu des différences et des identifications, sans que soit négligée pour autant l’importance du sexe de l’analyste. Comment ignorer d’ailleurs que cette écriture témoigne de l’œuvre du féminin, celui qui recueille davantage qu’il ne cherche à saisir, qui fait place au mystère plus qu’il ne prétend l’élucider ? C’est bien le talent de C. Chabert que de pouvoir rendre compte de l’unicité de chaque rencontre, de conjonctions qui tissent en leur sein une multitude de fils issus des profondeurs et qui ne se rencontreront nulle part de nouveau ainsi, car tout processus analytique s’origine d’une rencontre chaque fois singulière. « Entre-eux-deux » (la jeune fille et le psychanalyste), pour reprendre le jeu de mots souligné dans L’amour de la différence, qui dialectise la référence de la scène primitive à celle de l’« entre-deux » winnicottien, une autre sorte de conjonction. Une conjonction de coordination « et », qui pose d’emblée l’altérité comme consubstantielle à la situation analytique. Un « et » qui fait écart, ouvre la voie aux déplacements possibles, et au surgissement de l’inattendu. Dans cet entre ouvert de la rencontre, l’intime, qui relève étymologiquement de l’être auprès, pourra naître, se déployer, et autoriser dès lors l’expression de « l’étrangèreté du transfert ». le Carnet PSY • avril 2016 CATHERINE CHABERT La jeune fille et le psychanalyste 11 le Carnet PSY • avril 2016 12 Bloc-notes L’intime se partage et ne se représente pas. Ainsi, l’ouvrage s’organise autour de quatre parties dont les titres évocateurs soulignent, entre espoir et perte, les destins variables de la construction féminine dont je ne soulignerai que quelques perspectives transférentielles. En prélude, L’espoir et la nostalgie, en référence au roman de Carson Mc Cullers, Le Cœur est un chasseur solitaire, roman d’une adolescente plutôt que sur l’adolescence. Le travail psychique sollicité spécifiquement à l’adolescence est abordé à travers la métaphore de la « chambre intérieure », comme espace secret particulièrement sensible aux jeux des différences. Différences actualisées par le changement, la sexualité et la séparation. Ce motif en forme de triptyque traverse l’ensemble de l’ouvrage. La métaphore se déplace alors du côté du site analytique. S’il n’y a pas selon l’auteure une « psychanalyse de l’adolescent », l’essence du transfert se caractérise par une centralité des enjeux narcissiques, ceux-là même que Freud a pu reconnaître comme obstacle majeur dans les cures. Mais les cures d’adolescentes montrent que « les butées narcissiques ne sauraient être considérées seulement comme des obstacles inaltérables (…) elles montrent que la part narcissique du transfert est constitutive de son essence, de sa force et de son attraction ». Certaines situations cliniques illustrent l’acharnement du « négatif » auquel l’analyste doit pouvoir survivre, en se saisissant des paradoxes violents inhérents au travail d’adolescence qui animent le transfert, au risque sinon que ce dernier ne s’enferre dans la catégorie du neutre (telle que l’a défini Green) dans le refus obstiné de tout effet mobilisateur du lien analytique. Comment « Devenir quelqu’un » ? Une des caractéristiques de l’adolescence est sa propension à externaliser les conflits. La place du corps et des recours en acte est alors essentielle servant une sorte d’extraterritorialité dans le cadre de laquelle la scène psychique est située au-dehors et nécessite le recours à un metteur en scène pour « se sentir exister ». C. Chabert interroge le devenir de cette inclination dans l’intimité des cures analytiques, soit à son incarnation dans le transfert. Question non séparable de la problématique centrale des effets de présence/absence auxquels s’articulent le jeu des perceptions/représentations. Le corps de l’analyste et l’intimité qu’il représente « dit sa paradoxale présence à la fois séductrice et interdictrice ». Se trouve convoqué un double risque : celui de la tentation liée à l’offre de séduction et celui de la trahison liée à la peur d’abandonner les premiers objets d’amour au bénéfice de ce nouvel objet incarné par l’analyste. Quand les différenciations rencontrent des zones d’incertitudes trop vives, la négativité, qui témoigne de l’éprouvé d’une blessure narcissique fondamentale, est sollicitée avec force contaminant corporellement l’analyste. Du côté de l’adolescent, le corps peut être engagé dans un destin sacrificiel, les aménagements pervers tentant de répondre aux dérives mélancoliques. Il se trouve alors « désobjectalisé dans le refus de le voir se constituer comme source du désir de l’autre, (et) devient lieu de désaveu des fantasmes originaires ». La question des affects dans le transfert, notamment dans leurs liens avec la perception et les possibilités de représentation de l’absence, se trouve dès lors soulevée, autour de ce que C. Chabert nomme les perceptions intérieures. Car, pour que le travail psychique devienne effectif, il faut que les images « réactivent des traces d’affect qui lui donneront droit d’existence et sens dans un champ interne ». Cette possibilité s’ouvre quand un transfert de l’éprouvé de la patiente s’opère sur la scène intérieure de l’analyste. Les Incertitudes œdipiennes explorent les voies de passage entre fille et femme et entre femme et mère telles qu’elles s’actualisent dans le lien transférentiel. Travail inhérent à l’activité identificatoire qui s’opère inéluctablement dans un contexte de perte, lié à la manière dont le renoncement aux objets (originaires puis œdipiens) s’est éprouvé. L’angoisse de perte de l’amour de la part de l’objet est particulièrement activée chez les filles car l’invitation à se tourner vers leur père par détournement déceptif de la mère est appréhendée comme identification à l’être aimé perdu. Dans certaines organisations fantasmatiques, la conviction incestueuse, liée à la croyance qu’avec leur nouveau corps de femmes, les jeunes filles exercent une source d’excitation extrême chez l’autre, détermine une angoisse majeure de perte d’amour et un retournement haineux contre le moi des attaques destructrices visant l’objet. Ce retournement s’opère au nom d’une culpabilité inconsciente importante nourrie par le masochisme moral. L’inefficacité de la part protectrice du surmoi « mal-différencié » donne force à sa nature tyrannique, appelant des conduites sacrificielles qui relèvent d’un « mouvement mélancolique ». Un portrait clinique en donne un magistral exemple à partir d’une quête quasi compulsive de nouveaux objets d’amour à peine idéalisés qu’ils se trouvent déchus, nommée « amour maniaque » par C. Chabert. Situation actualisant répétitivement la tragédie œdipienne dans une quête compulsive d’amour immense et partiellement méconnue, qui dévoile « l’infini rabaissement d’un moi soumis à une culpabilité déchirante et à l’attraction de la mort qu’elle entraîne ». Si cette dynamique prend aisément force au temps de l’adolescence, C. Chabert soutient dans La perte et la mort que toute cure traverse un « moment mélancolique » déterminé par la lutte contre la passivité : refus actif de reconnaître l’empreinte de l’analyste et des modifications qu’elle implique. Les formes radicales du masochisme sont interrogées dans leur paradoxalité : quand il s’agit d’opérer un meurtre de la pensée au sein duquel seule la pensée de la mort constitue un recours possible pour le maintien de la vie ; mourir pour survivre. Dans ce très bel ouvrage centré sur des portraits de toutes jeunes femmes, C. Chabert témoigne de la manière dont deux « appareils d’âmes », dans le respect d’une place différenciée pour chacun, se trouvent mobilisés par la force de l’expérience du transfert pour l’animation ou la réanimation de ce qui s’est un temps figé ou perdu. L’intime, consubstantiel à la situation transférentielle, œuvre dans sa force constituante pour la construction de l’analyse et de la singularité, chaque fois, de son histoire. C’est l’expérience inouïe du transfert que C. Chabert nous offre en partage pour notre joie renouvelée. Catherine Matha Psychologue, Maître de Conférences, Paris 13 SYLVAIN PIRON Dialectique du monstre. Enquête sur Opicio de Canistris Bruxelles, Zone sensibles, 2015, 208 pages, 26 € « Tu es l’Egoceros, de ego qui veut dire chèvre et ceros qui est la corne » (Opicino, ms. P 20r). Les œuvres ainsi que les concepts sont empiriques et, comme tels, historiques. Leurs dispositifs de production (culturels, sociaux, psychiques) relèvent d’univers symboliques complexes et hétérogènes. Moins une œuvre est académique, plus est grand le risque d’anachronisme dans son approche, même venant d’un contemporain, car le temps de l’œuvre résiste parfois à toute prise - et le risque s’accroit avec n’est pas entièrement réductible aux normes de son temps, en ce qu’il déchire l’étoffe de son savoir d’historien, y laissant comme un trou et la saveur exquise d’une ignorance. l’éloignement socio-historique du récepteur. Aussi, est-ce avec prudence qu’il convenait d’aborder l’œuvre d’Opicino de Canistris, scribe de la Pénitencerie d’Avignon au XIVe siècle, dont les notes auto-biographiques et les singulières cartes psychogéographiques, longtemps inaccessibles au grand public, révèlent aujourd’hui à l’œil du XXIe siècle leur insaisissable beauté. C’est avec une telle modestie méthodologique que Sylvain Piron, historien médiéviste, se propose de re-problématiser ce que fut l’œuvre de ce vivant parlant singulier, né à Lomello, près de Pavie, en 1296, passé par la République maritime génoise et mort à Avignon vers 1353, en ses fonctions de prêtre et de scribe pontifical. En ses pages introductives, l’auteur rappelle « l’effort d’accommodation requis » (p. 7), le « travail de restauration imaginaire » (p. 7) à faire, l’absence de « compréhension spontanée » (p. 7) et la nécessaire déprise des « conventions liées aux habitudes visuelles » (p. 8) pour aborder ce singulier corpus : le savoir de l’historien est ici requis, soit ce que l’on peut reconstituer comme ayant fait cadre psychique et social aux productions d’Opicino. Mais, si le travail d’Opicino intéresse l’auteur, c’est aussi et surtout en ce qu’il Et c’est bien par là que ce livre peut intéresser le champ analytique et les cliniciens actuels : en ce qu’il nous parle d’un sujet humain ayant eu à affronter un « réel inconnaissable » (Freud) qui lui fut propre, une « bestialité » (p. 45) ou du « sauvage » (p. 75) comme Opicino le nomme, qu’il tenta de « domestiquer » (p. 75) par ses cartes, plans et notes. La teneur des références de l’auteur à Bleuler, Kraepelin, Freud, Kris, Jung, Binswanger, Lacan et d’autres sont de ce point de vue significatives, en ce qu’elles constituent l’esquisse d’une façon nouvelle d’entrer en dialogue avec les sciences cliniques : moins convaincue que dans les années 1970, plus exigeante et critique, mais résolument intéressée, ce qui devrait constituer pour les cliniciens un appel à une réinvention de leurs rapports avec l’anthropologie et l’histoire, comme cela est en train de se produire aujourd’hui. Pour donner un aperçu de l’énigme d’Opicino, évoquons ces cartes d’Europe colorées en vert, rouge, noir et brun, à visages vivants et mobiles, lisibles à double ou triple sens, livrant leurs images renversantes, en négatif et positif, superposant d’autres schémas d’intelligibilité comme ces « lignes de conversion » mystiques ou ces réseaux fluviaux redimensionnés, jouant avec les analogies, les étymologies, les projections et les points de rencontre entre signifiants majeurs pour lui (Jésus, Marie, le pape, Pavie, Venise, Jérusalem, Alexandrie, Antioche, Constantinople et Rome), générant ainsi des images uniques, très différentes de ce que produira, à partir du XVIIIe siècle, la tradition des cartes anthropomorphes, plus réglées dans leur sens de l’allégorie. Certes l’on trouve une carte où l’Europe est femme et l’Afrique le Carnet PSY • avril 2016 13 le Carnet PSY • avril 2016 14 Bloc-notes homme. Mais la femme est nue, chaussée de bottes de cuir, et reçoit un coup de poing dans sa matrice (où une Europe miniature est en gestation) ; une méditerranée-monstre lui enfonce encore un bras au bas-ventre. Certes, l’Afrique apparaît en prêtre vêtu, exhibant une croix, mais la dimension allégorique semble submergée par des bouts de corps obscurs : une bouche béante, un monstre marin, un phallus éjaculant, un vagin ensanglanté, un regard féroce, des jambes à moitié dévorées. Si le cadre socio-psychique d’Opicino est bien pour part l’« analogisme », tel que défini par Philippe Descola dans Par-delà nature et culture, et s’exerçant ici en contexte médiéval et chrétien, il y a dans la richesse de ces planches plus qu’une inventivité analogique propre à ce schème anthropologique : une prolifération féconde, plutôt, dont ce scribe du XIVe siècle tente de trouver le point d’arrêt par et pour lui-même. On ne peut s’empêcher ici de penser aux Mémoires du président Schreber, tant les thèmes de la vie, de la mort, de la génération ou de la dévoration s’y retrouvent ici comme là enchevêtrés ; tant la recherche d’un ordre manquant y est dans les deux cas présente. Mais l’on doit reconnaître ici la spécificité médiévale et chrétienne de l’enveloppe formelle des productions d’Opicino, témoignant d’une historicité du délire, tant dans ses contenus que dans ses procédés formels (voir l’extrait de son journal, p. 125-126). En un point du travail de Sylvain Piron se produit donc un lien à la clinique, mais dont celui-ci montre qu’il a jusqu’ici été problématique, car pensé à distance et ex cathedra, les psychiatres ou psychanalystes enseignant doctement sur Opicino, du point de vue des catégories de leur temps, sans être réciproquement enseignés par le réel de son œuvre. L’auteur revient sur l’histoire de ces manuscrits. Il est important de rappeler qu’Opicino n’a pas divulgué ceux-ci de son vivant, à la différence de ses traités théologiques aujourd’hui perdus. Il écrit lui-même en 1337 : « Jusqu’à présent, cette œuvre n’a été révélée à personne, si ce n’est à certains qui ne pouvaient comprendre, tandis que je gardais le silence » (p. 76). On note une réticence légitime. Si l’histoire les a conservés, c’est en vertu d’un « droit de dépouille » de la Papauté qui, lors du rapatriement de ses archives à Rome, en a saisi le codex, décrivant « un livre plein de figures difficilement compréhensibles, concernant Pavie et d’autres parties de l’Église, avec de nombreux mystères » (p. 15). L’œuvre y restera, sans commentateur identifié, jusqu’au début du XXe siècle. lui, un réveil où il n’avait plus « qu’une compréhension sauvage des mots » (p. 75) (intellectu silvestri verborum), jusqu’à ce qu’il puisse en témoigner quelque chose « ayant toutefois du sens » (p. 75) (sententialium tamen). A partir de cette maladie, il cessera de désigner les années par leur millésime et leur donnera des noms - année de l’attente (1335), de la récompense (1336), de la rénovation (1337) de la perfection (1338), de la révélation (1339), du couronnement (1340), de la tranquillité (1341) (p. 151) -, au fil de sa re-théorisation globale du sens de l’Église, du peuple chrétien et de sa propre vie, témoignant ainsi du passage à un ordre supérieur de temporalité, plus mystique et parfaitement signifiant et donnant l’exemple d’un processus médiéval de stabilisation psychique. Il est important, d’un point de vue clinique, de mentionner que les saisissantes images sont toutes postérieures à une certaine « maladie » (infirmitas) qu’a eu Opicino en 1334, maladie jugée si grave par ses nombreux proches qu’on est allé jusqu’à lui administrer l’extrême onction. Il s’en fait le scribe dans son journal : « 31 mars. Ce jour est survenue la maladie. Ayant reçu tous les sacrements nécessaires. (...) Avril. Pendant le tiers de ce mois, je fus presque mort. Respirant encore, je ne pouvais rien faire de mes membres. Je crois que je me suis rétabli pour avoir donné témoignage de mon obéissance aux clés (c’est-à-dire au pape). (...) 3 juin. Ce jour, après les vêpres, avec un serviteur comme témoin, j’ai vu un vase dans les nuages. Étant demeuré muet, à la suite de cette maladie, et le bras droit sans vigueur, j’ai étonnamment perdu une grande part de ma mémoire littérale » (p. 43). Ces notes semblent indiquer ce que Lacan désigne du nom d’« événement de corps » (Joyce, le symptôme) et que l’on repère sémiologiquement comme « phénomènes élémentaires » dans les récits de sujets témoignant de vécus dits « psychotiques ». Opicino évoque, L’auteur retrace également l’histoire de la réception d’Opicino. Les cartes et notes sommeillèrent pendant près de six siècles aux archives du Vatican, avant d’être exhumées en 1913 par Franz Ehrle, jésuite allemand, alors préfet de la Bibliothèque apostolique. Il les signala à Fritz Saxl, lequel travaillait pour Aby Warburg à un catalogue des œuvres astrologiques. Celui-ci ne retint pas l’œuvre pour son catalogue, mais en commanda quelques clichés pour la bibliothèque de Warburg, suscitant d’intenses curiosités. A partir de 1925, Opicino devint un objet de recherche important du cercle Warburg (Saxl, Salomon, Heimann, Krautheimmer, Kris). Aussitôt, fut posée la question de sa « folie », de sa « psychose » et du rapport entre art et souffrance psychique. Saxl envoya un exemplaire à Jung qui énonça : « Je reconnais qu’une telle cohérence et un art si extraordinairement soigné militent contre l’idée d’une schizophrénie ordinaire ; toutefois, il existe aussi des formes raffinées dans lesquelles il y a de la méthode dans la folie » (p. 22). Ernst Kris, historien de l’art devenu psychanalyste, consacrera un article de son ouvrage Psychanalyse de l’art à Opicino, proposant d’appliquer l’idée d’une fixation libidinale infantile. Sylvain Piron en pointe la fragilité : « Cette lecture, qui invente des soupçons de sexualité infantile en comprenant mal certaines phrases latines, est trop rapide et désinvolte pour être pleinement convaincante » (p. 22). L’auteur est tout aussi sceptique concernant le diagnostic de « paraphrénie fantastique », formulé par Muriel Laharie, en collaboration avec le psychiatre Guy Roux, dans son ouvrage Art et folie au Moyen Âge (1991). D’une manière générale, dans l’approche diagnostique, il relève la « lecture imprécise des documents, souvent biaisée par les hypothèses de départ » (p. 24). On ne peut que le suivre sur le faible intérêt d’un diagnostic sans rencontre, sans transfert et sans perspectives thérapeutiques. De même, il est difficile de défendre les « trop nombreuses confusions, contresens et erreurs de traduction du latin » (p. 24) auxquelles se livrent parfois les cliniciens, pressés de comprendre et de nosographier. L’auteur donne un exemple parmi d’autres : la traduction, dans l’ouvrage sus-cité, de « papa stupor mundi » (« le pape est l’éblouissement du monde ») en « le pape est la honte du monde », pour appuyer le préjugé d’une hostilité paranoïaque d’Opicino à l’encontre de Benoit XII, qui nous dit Sylvain Piron, « n’existe que dans l’esprit des deux auteurs » (p. 183), car, au contraire, on trouve chez Opicino nombre de suppliques aimantes au pape et un constant arrimage psychique à cette figure idéalisée. De quoi réfléchir, surtout si l’on a en tête la célèbre erreur de traduction de Freud, à propos des Carnets de Léonard de Vinci ! Sylvain Piron recense par ailleurs d’autres catégories d’approches non cliniques de l’œuvre et de son auteur - « mystique », « écrivain cryptique », « prêtre tiraillé par les contradictions de l’Église », « exemple d’art brut » - en en montrant à chaque fois la valeur heuristique et les limites. L’intérêt de sa réflexion est qu’il critique, dans le même temps, les approches qui feraient d’Opicino un cas représentatif de prêtre pontifical de son temps : « En cherchant, par différent biais, à ramener Opicino dans le cadre d’une normalité, elles tendent à araser les aspérités les plus marquées de son expression - ses jeux de mots rocambolesques, les coq-à-l’âne qui ponctuent de nombreux développements. A force de contourner l’hypothèse de troubles mentaux, elles ignorent une question qui devrait au contraire être centrale dans une tentative de restituer, de l’intérieur, le sens d’une activité expressive aussi intense. Cette question est celle de la souffrance psychique d’Opicino » (p. 25-26). En effet, sitôt ordonné prêtre en 1320, Opicino dépeint une vive angoisse et les affres impossibles de devoir, par sa fonction, absoudre les pénitents de leurs péchés, alors qu’il se vit comme le plus impur des pécheurs. C’est ce long conflit - et très probablement les perturbations psychiques qu’il finit par engendrer, jusqu’à sa crise dissociative de 1334 - qu’il cherche à résoudre par ces « instruments spirituels à usager unique » (p. 164) - comme les nomme judicieusement l’auteur que sont ces notes et ses cartes. Dialectique du monstre, au-delà de son intérêt historique et esthétique (car c’est un beau livre, aux nombreuses reproductions judicieusement encastrées - et il faut saluer ici le travail de l’éditeur Zones sensibles), pose ainsi aux cliniciens la question, non encore résolue, des conditions d’une interdisciplinarité renouvelée : comment recherches cliniques et recherches historiques - aux terrains, concepts heuristiques et pratiques différenciés - pourraientelles dialoguer de façon rigoureuse et féconde, à propos d’un cas socio-historiquement documenté ? Guénaël Visentini Psychologue clinicien, psychanalyste DIDIER LAURU De la haine de soi à la haine de l’autre Albin Michel, 2015, 200 pages, 16 €. Avec son nouveau livre, Didier Lauru semble se détourner de l’amour, le thème de prédilection de ses précédents ouvrages : Pèrefille, La folie adolescente, ou Folies d’amour. Un livre destiné à un public averti mais non spécialisé, qui lui donne l’occasion d’adresser à ses lecteurs son inquiétude de psychanalyste : dans la vie de ses patients, dans les séances, la haine infiltre tous les rapports sociaux qu’ils soient amoureux, familiaux, politiques ; la haine menace, selon lui, l’essor de la culture. Il introduit son propos par une question universelle : « Pourquoi tant de haine ? » et son dernier chapitre pré-conclusif est aussi une question : « Faire reculer la haine ? » Autant dire que l’ouvrage n’apportera pas les réponses qui apaiseraient l’inquiétude de l’auteur. « Ne pouvant prendre pour loi une parole qui énoncerait : « Tu haïras ton prochain comme toi-même », le principe religieux est édicté au nom de l’amour », Lauru propose ainsi le renversement de la parole biblique qui fait lien obligé entre l’amour et la haine, la première contre-investissant la seconde. L’auteur est sur le droit fil de la pensée freudienne évoquée dans son premier chapitre : « l’amour de soi fonde la haine », écrit-il à propos du bébé - ruthless, sans égard, aurait préféré écrire Winnicott. La haine se développe ensuite entre narcissisme et Œdipe. Difficile alors d’établir un lien de causalité univoque entre haine de soi et haine de l’autre. Qui de soi ou de l’autre est cause de haine ? L’auteur hésite entre les deux options selon qu’il privilégie un narcissisme primaire pré-objectal, ou une altérité qui serait à l’origine du narcissisme. 15 le Carnet PSY • avril 2016 Bloc-notes le Carnet PSY • avril 2016 16 Bloc-notes Peu importe l’ambivalence des sentiments, l’amour-haine est protecteur tant que la haine ne prend pas le dessus et transforme le binôme en haïr/se haïr. La rivalité fraternelle du couple biblique Abel et Caïn est un paradigme de la haine, Didier Lauru se montre convainquant. La jalousie de Caïn est inaugurée par l’injustice que constitue le regard de Dieu, un « regard asymétrique » adressé à Abel qui a su le complaire. La haine du frère se fonde sur le déficit d’attention et de valorisation du père. Un paradigme qui permettra à l’auteur de former le vœu d’une éducation bienveillante, respectueuse des évolutions singulières des enfants et des élèves. Un vœu pieux ? Peut-être, mais qui, sinon l’analyste qui accueille les souffrances des enfants et des adolescents, serait légitime pour en formuler l’urgence ? Ce livre est émaillé de vignettes cliniques et de références littéraires, théâtrales, cinématographiques qui déclinent les innombrables figures de la haine : à l’adolescence, dans le couple, dans le rapport à son propre corps et dans les occurrences de la pathologie : obsession, paranoïa, dépression. C’est une des qualités de cet ouvrage que de proposer le prisme de la haine pour éclairer autrement la vie libidinale. Un exemple issu de la clinique de l’auteur auprès d’adolescents : c’est un sujet que Lauru ne prénomme pas, contrairement aux autres cas. Un oubli ? Probablement pas, ce garçon est innommé parce que d’abord, il ne s’est pas reconnu dans le miroir et ensuite qu’il « s’est mal vu ». En l’occurrence, non par l’autre, dans un moment persécutif, mais par lui-même, dans un mouvement dissociatif. Il se lacère alors le visage : « Il s’est vu comme si un autre le regardait avec une dimension de malveillance et de haine (…) Il lui fallait rayer son inscription dans une lignée pour advenir enfin comme sujet » écrit son psychanalyste à l’issue d’une thérapie qui fut productive. Bien sûr, la dimension transférentielle de ces mouvements haineux envers soi-même, envers les autres, affleure dans chacune des vignettes : la haine maltraite le psychanalyste, dont chaque interprétation, chaque regard, chaque geste est l’occasion d’une déferlante haineuse dont on se demande comment l’analyste en subit le contre-transfert sans dommage. Lauru semble encaisser les attaques avec fermeté et bienveillance, et ses interprétations portent. On aurait toutefois aimé en savoir un peu plus, connaître ses errances ou ses ratages. Il faudra probablement attendre un autre ouvrage adressé aux psychanalystes. Je donnerai un second exemple cette fois-ci des plus banals : la haine est d’autant plus forte dans le couple que l’amour a connu un intense investissement par l’un et l’autre partenaire. Lauru donne l’exemple du roman de Simenon, le Chat, adapté à l’écran par Garnier-Deferre avec Simone Signoret et Jean Gabin. Le couple de retraités vit dans une méfiance réciproque depuis que le chat de l’homme est mort : l’homme soupçonne sa femme de l’avoir empoisonné. Une haine « qui ne s’encombre d’aucun semblant ». Leur folie n’est pourtant pas paranoïaque, mais ordinaire : Lauru écrit : « Ils agissent par amour, en ce sens que la haine est venue s’insérer précisément en lieu et place de l’amour. Exemple d’une haine qui persiste à unir un couple, une fois brûlés les feux du désir. » Un exemple parmi d’autres d’une pulsion de mort au service de la libido. L’intrication des pulsions est une règle qui suppose qu’amour et haine se conjuguent ; on se demande in fine si « faire reculer la haine » peut être un objectif social et politique crédible. Par contre on comprend mieux l’objectif que l’auteur se donne dans certaines cures : pacification, réconciliation sont des mots souvent utilisés, comme résolutoires de passions haineuses qui ne connaissaient plus l’ambivalence, l’ambitendance des sentiments avant la cure de parole chez l’analyste. Didier Lauru, attentif au langage de la haine constate que le fameux « J’ai la haine » est l’exemple éloquent d’une démétaphorisation dans l’acte de langage : « puisque l’autre ne m’aime pas, je le hais » doit être entendu comme un défi transférentiel lancé à l’analyste. Ce défi doit être relevé pour réduire ses conséquences délétères sur la vie culturelle. Quant au fait que nous soyons entrés dans une « civilisation de la haine », je laisserai cette opinion pessimiste à l’auteur. Il me semble que la créativité, évoquée dans ses cures et dans la vie de ses patients, restera en toute circonstance et malgré les vicissitudes, l’indice de vitalité de la culture. Jean-François Solal Psychiatre, psychanalyste MARIE DOMINIQUE AMY Autismes : les inquiétudes d’une psychanalyste Erès, 2015, 252 pages, 13 €. Marie Dominique Amy nous avait déjà donné quelques livres importants pour mieux comprendre et aider les enfants autistes et accompagner les processus de parentalisation avec un bébé. Nous la savions engagée dans la défense d’une pensée et de pratiques ouvertes au service des enfants autistes et psychotiques, et notamment dans ses fonctions de présidente militante de la CIPPA (Coordination Internationale de Psychothérapeutes Psychanalystes et membres associés s’occupant de personnes avec Autisme, fondée avec Geneviève Haag, Bernard Golse et beaucoup d‘autres). Mais là, elle signe son grand œuvre en nous livrant un ouvrage puissant, argumenté et intelligent, mettant en évidence les outrances inacceptables des dernières années en matière d’autisme, tout en nous faisant part de sa « colère d’avoir à affronter des méconnaissances inouïes de la pathologie autistique et des méconnaissances tout aussi consternantes de ce en quoi et sur quoi la psychanalyse intervient dans le champ de l’autisme » et de son « inquiétude, quant aux projets à venir, ceux dont les contours se dessinent et qui vont mettre en danger professionnels, parents et autistes eux-mêmes ». En effet, la pluie récente de textes réglementaires, de recommandations et autres plans Autismes relève plus de l’affirmation d’une idéologie dominatrice que d’une proposition raisonnée d’approches complémentaires d’un phénomène extrêmement complexe tel que celui des autismes et autres TED/TSA (Trouble Envahissant du Développement / Trouble du Spectre Autistique). Le trépied que Marie Dominique Amy défend à partir de ses pratiques et de sa très grande expérience est affirmé à nouveau comme la base d’une position générale ouverte, autorisant pour chaque cas particulier, l’utilisation d’éléments en provenance de ces trois champs éminemment complémentaires : l’éducatif, le pédagogique et le psychothérapeutique. Plutôt que d’opter pour un protocole standard dérivant de je ne sais quelles recherches factices, relevant de démonstrations fondées sur les seules invectives, notre auteure décrit par le menu les interventions les unes après les autres pour mieux en penser les articulations nécessaires. Elle est bien mieux placée que quiconque pour aborder ces questions, puisqu’elle a eu le mérite et le courage de ne pas en rester à des approximations en matière d’éducatif, mais bien au contraire de s’y former depuis longtemps déjà, que ce soit à la méthode TEACCH (Treatment and Education of Autistic and related Communication handicapped CHildren), à la méthode ABA (Applied Behavior Analysis = Analyse Appliquée du comportement) ou aux interventions PECS (Picture Exchange Communication System = Système de communication par échange d’image), Makaton (Programme d'Aide à la Communication et au Langage) ou autres approches éducatives et pédagogiques. De ce fait, sa connaissance des problèmes rencontrés par l’inclusion des petits enfants à l’école l’a amenée à réfléchir aux modalités optimales de ces accueils d’enfants TED/TSA par les pédagogues, et soutenus par les éducateurs. Enfin, lorsque les angoisses des enfants ainsi pris en charge continuent de désorganiser leur développement, sa formation de psychanalyste et de thérapeute familiale lui permet de parler des indications de psychothérapies en sachant de quoi elle parle, quand les messages qui circulent en boucle sur les forums à ce sujet sont d’un niveau affligeant de désinformation. Sans compter que ces raccourcis voire ces erreurs systématiques sont trop souvent utilisées de façon perverse pour discréditer l’adversaire sans aucun débat, évitant ainsi la conflictualisation nécessaire à tout débat démocratique. Son livre commence par une prise en considération extrêmement respectueuse de la demande des parents, non conforme à la plupart des propos avancés par des médias complaisants, celle de ne pas continuer d’accepter les attaques et propos diffamatoires sans réagir par des réponses cohérentes et argumentées. Ce premier point est essentiel, car notre expérience montre à l’envi que les propos présentés comme majoritaires par les campagnes calomnieuses orchestrées contre les approches pédopsychiatriques ne le sont pas toujours, dans la mesure où nous avons reconnu que des pratiques prônées par certains psychanalystes étaient tout simplement inacceptables, non pas en raison de la psychanalyse, mais du fait des personnes concernées. Il est d’ailleurs bien dommage que les parents blessés à juste titre par de telles conduites n’aient pas pu en 17 le Carnet PSY • avril 2016 Bloc-notes le Carnet PSY • avril 2016 18 Bloc-notes dénoncer les auteurs plutôt que les bannières sous lesquelles ils se rangeaient « par défaut ». J’espère qu’un jour, la leçon sera tirée par les historiens de ces errances pénibles pour tout un ensemble de professionnels de l’autisme qui ne s’y reconnaissent pas. Puis Marie Dominique Amy raconte l’histoire de l’autisme telle qu’elle l’a vécue, agie et accompagnée en accueillant dans la structure qu’elle a créée de jeunes enfants autistes, non sans dénoncer, elle aussi, son vécu antérieur dans une équipe de pédopsychiatrie où « l’on attendait la demande… ». Mais avec toutes ses expériences multiples des prises en charge, elle ne craint pas aujourd’hui de continuer à dénoncer les insuffisances de moyens, de formations de professionnels, de places d’accueil des enfants et de préoccupation pour des parents démunis quand ils ne sont pas désespérés. Pire, elle s’insurge devant les torrents de haine qui déferlent sur les professionnels de formation psychopathologique sous le seul prétexte de recommandations de la HAS qui ne tiendront pas dans la durée, et qui, pourtant, ont déjà fait tant de mal à tous ceux qui accueillent chaque jour les enfants autistes et leurs parents. L’éditorial publié par la revue Prescrire, dont l’indépendance et l’absence de conflits d’intérêts n’est plus à démontrer, dit d’ailleurs à quel point ces recommandations ne sont absolument pas conformes aux prétentions scientifiques qu’elles affichent. Elle montre à quel point ces clivages entretenus par les plus hautes instances de l’Etat viennent mettre à mal la nécessité de s’articuler avec plusieurs compétences autour des prises en charge des enfants autistes. Le comble semble réalisé dans le « troisième plan autisme » qui balaye d’un trait de plume tout ce sur quoi insistait les recommandations Haute Autorité de Santé (HAS), « à savoir les approches intégratives et pluridisciplinaires, les politiques de réseaux, les choix laissés aux parents ainsi que l’importance des articulations entre sanitaire et médico-social ». Mais ne se satisfaisant point des seules critiques, Marie Dominique Amy fait le point sur les diverses hypothèses que l’on peut retenir aujourd’hui qui tentent d’allier des paramètres génétiques et épigénétiques, sensoriels et interactifs, des neurosciences et de la psychopathologie. Partisane de la complexité plutôt que de la simplification, elle nous montre comment cette ouverture au niveau des hypothèses étiologiques vient conforter celle de la pluralité des modes de prises en charges. Et le diagnostic prend ainsi une grande place dans les recherches entreprises à ce sujet. Mais elle insiste avec juste raison sur l’importance de prendre en considération les aspects institutionnels, aussi bien au niveau de l’enfant lui-même que de celui des parents et des professionnels. Les partages entre ces différentes personnes sont essentiels à la réussite des alliances entre les membres du réseau ainsi créé autour d’un enfant, et sous l’égide de ses parents. Seules ces précautions instituantes pourront faciliter le projet personnalisé de l’enfant en le faisant vivre authentiquement pour lui et sa famille et non pas seulement en satisfaisant à de nouvelles obligations formelles et/ou bureaucratiques comme nous en connaissons de plus en plus. Elle insiste également sur les dimensions du faire semblant et de l’humour qui sont à la fois les marques de la vivance émotionnelle de ceux qui accompagnent l’enfant mais également de leurs capacités à penser de façon métaphorique là où les angoisses archaïques viennent enliser les processus de partages d’expériences. Tout cela nécessite évidemment un temps considérable accordé à la formation, aussi bien à ceux qui forment qu’à ceux qui sont formés. Il est évident, pour le pédagogue que je suis, que ces deux aspects sont en fait les deux faces d’un même processus, celui qui consiste à théoriser au fur et à mesure des expériences rencontrées et traversées, les pratiques utilisées, validées ou invalidées, transmises ou critiquées. Ces mouvements de pensée déclenchés par le côtoiement ordinaire des enfants autistes se travaillent beaucoup plus facilement en équipe, lieu d’une élaboration groupale propice à transformer les projections nombreuses qui l’atteignent et qui aident à mieux faire connaissance avec l’enfant. Dans ce nouvel ouvrage constitué à la fois de réflexion et d’engagement, Marie Dominique Amy, non seulement, dénonce les aspects idéologiques qui empêchent un vrai débat en revenant sur la plupart des mauvais procès intentés en sorcellerie contre la psychopathologie d’inspiration psychanalytique, tout en essayant de les analyser et de les comprendre dans un contexte particulier de notre société, mais nous engage également à continuer les recherches des neurosciences, les innovations psychopathologiques et les pratiques intégratives entreprises avec les enfants TED/TSA dans une logique d’ouverture renouant avec un esprit de découverte et de nécessité des complémentarités, seul susceptible de faciliter l’accès à la complexité du sujet en question. Nul doute que tous les acteurs, parents, professionnels et personnes concernées à un titre ou à un autre par l’autisme, doivent lire ce manifeste pour en tenir compte dans leurs théorisations et leurs pratiques afin de transformer les apories actuelles en autant de pistes pour l’avenir. Pr Pierre Delion Professeur à la Faculté de Médecine de Lille 2, Psychanalyste EXPOSITION l’enfance, une interrogation profonde, l’espoir et l’inquiétude, l’attente si caractéristique de l’enfance. L’art et l’enfant. Chefs-d'œuvre de la peinture française Musée Marmottan Monet, Paris. L’art et l’enfant dans la peinture française en une seule exposition, c’est une gageure ! Evidemment l’accrochage ne peut réellement développer une thématique aussi vaste et intéressante, et manque de moyens pour répondre à son ambition. On est frappé par la grande diversité des enfants représentés qui correspondent à des aspects multiples de l’enfance, mais cela manque d’une problématique d’ensemble. Il y a des peintres connus et moins connus, et les tableaux ne sont pas tous des chefs-d'œuvre comme l’annonce le titre assez racoleur. On y voit néanmoins de très belles toiles. Beaucoup d’enfants bien sûr, mais aussi de très jolies mamans. Le 18ème et le 19ème siècles sont les mieux représentés. Pour ces périodes, la plupart des peintres donnent une image idéalisée de l’enfant et la famille. Cette idéalisation est en contradiction avec le texte très intéressant de l’historien Jacques Gelis (catalogue), qui rapporte la mortalité infantile, la mise en nourrice et les conditions de vie difficiles des enfants malgré l’importance qui leur était accordée du fait qu’il fallait absolument assurer sa descendance. Quelques œuvres cependant donnent une autre image de l’enfance, plus douloureuse, mais elles sont isolées, et insuffisantes pour aborder un thème à peine évoqué qui mériterait pourtant un développement : l’enfant mort, l’enfant pauvre, l’enfant au travail, l’enfant à la guerre, l’enfant puni. Pour le 20ème siècle, l’exposition prend un raccourci trop rapide, faute d’œuvres pour démontrer son idée pourtant très pertinente : la modification radicale du statut de l’enfant dans la société et l’intérêt des artistes pour le dessin de l’enfant. Dès lors, l’enfant n’est plus seulement un sujet à représenter, mais on va s’intéresser à ses propres productions. Il devient source de créativité. L’intérêt grandissant pour l’enfant dans l’art du 20ème siècle ne peut se limiter à des œuvres françaises. En effet, comment parler de l’art et l’enfant sans Paul Klee ? Le Bauhaus et le mouvement Cobra ? Qui se sont intéressés aux dessins des enfants comme de véritables réalisations artistiques, source d’inspiration pour les peintres. Peut-être faudrait-il commencer d’ailleurs par la dernière toile de l’exposition, L’enfant et le peintre de Picasso, qui, avec son génie habituel, condense en un seul tableau tous les enjeux du thème. L’enfant qui tient des pinceaux comme le peintre. Le peintre proche de l’enfant, dont l’œuvre est issue de l’art enfantin. On rappellera ici la fameuse phrase de Picasso : « Quand j’avais leur âge, je dessinais comme Raphaël. Mais il m’a fallu toute une vie pour apprendre à dessiner comme eux ». Dans cet ensemble, il y a des visages d’enfants qui nous accrochent. Ceux-là évoquent autre chose, le mystère de Que voit le jeune garçon au toton (L’enfant au Toton) de Chardin ? A quoi pense-t-il ? Et les petits princes de Philippe de Champaigne ? On est séduit par l’incroyable charme des jeunes filles de Renoir. Le merveilleux Enfant au pâté de sable de Bonnard. Une étonnante petite tête de Julie Manet, bébé, par Manet. Ou encore le portrait de son fils par Cézanne. Ceux-là sont de vrais chefs-d’œuvre. Les portraits de Pierre et Marguerite, les enfants de Matisse, dont les visages réduits à quelques traits, au regard profond et énigmatique, rendent bien compte de ce que disait l’artiste : « Il faut regarder toute la vie avec des yeux d’enfant. » Simone Korff-Sausse Psychanalyste, SPP NOUVEAUTÉS dans la collection “CARNET PSY” Ed. ERES Retrouvez tous les livres de la collection sur www.editions-eres.com 19 le Carnet PSY • avril 2016 Exposition 20 le Carnet PSY • avril 2016 ACTES DU COLLOQUE 7 NOVEMBRE 2015- PARIS Père ou mère ? Entre bisexualité psychique et différence des sexes Christophe DEJOURS Jean-François CHIANTARETTO Bisexualité, genre et corps érogène Deux en un, un pour deux : l’interlocution interne de l’analyste en question Françoise NEAU L’angoisse de redevenir père Bernard GOLSE L’écart ou l’entre au regard de la différence des sexes Manuella DE LUCA Benoît VERDON La petite sirène Retrouvailles œdipiennes et audace de la bisexualité chez l’homme vieux Bisexualité, genre et corps érogène ? Père ou mère ? partie 2 Christophe DEJOURS Introduction La question de la bisexualité, traditionnellement, renvoie à la différence entre homme et femme, soit directement entendue comme différence anatomique entre les sexes, soit indirectement comme différence entre masculin et féminin, ce qui est tout autre chose. Aujourd’hui en raison de l’introduction du genre dans la théorie sociale, il faudrait ajouter une troisième dichotomie : la différence entre virilité et muliébrité. Soit trois couples qui renverraient successivement à la biologie - le corps -, à la psychanalyse - la sexualité -, à la sociologie - les rapports de domination -. Mais cette belle classification ne résiste pas bien à l’épreuve de la clinique et de la théorie. I- Corps et sexualité originaire Pour essayer d’aborder la controverse sur la bisexualité, je propose de suivre l’ordre génétique de la construction de la sexualité. Dès le début de cette construction, le corps est convoqué. Mais même si le corps du nouveau-né est morphologiquement mâle ou femelle, ce n’est pas, me semble-t-il, l’anatomie sexuelle qui est en cause dans cette construction. Pour la genèse de la sexualité, la question anatomique est au second plan derrière la question physiologique. Ce qui compte, en effet, à l’orée de la vie, c’est l’immaturité des fonctions ou, mieux, des régulations physiologiques. En raison de cette immaturité, la vie au sens biologique du terme, ne peut pas se poursuivre sans assistance ou sans soin apporté à ce corps, de l’extérieur. Mais les soins du corps apportés par l’adulte, on le sait, ne peuvent pas se jouer exclusivement sur le plan de l’instinctuel et de la conservation. L’autoconservation est portée chez le nouveau-né par des comportements instinctuels que l’on convient de réunir sous la description de l’attachement. En retour, même si les soins prodigués par l’adulte sont aussi portés par des montages instinctuels, décrits sous le nom de « retrieval », ils ne peuvent pas se situer exclusivement sur le plan instrumental de l’hygiénodiététique. Le soin, en effet, passe toujours par un corps à corps entre l’adulte et l’enfant, qu’il s’agisse de lui donner le sein, de le porter dans ses bras, de le laver ou de l’habiller. Et dans ce corps à corps, les comportements de l’adulte sont contaminés par des fantasmes et des affects sexuels qui viennent de son inconscient sexuel à lui. Dans la communication originelle entre l’enfant et l’adulte, où s’échangent des messages auto-conservatifs entre « attachement » et « retrieval », la communication est inégale en ceci que les messages de l’adulte sont compromis, c’està-dire contaminés de contenus sensuels et sexuels qui ont un pouvoir excitant sur le corps de l’enfant. Dans le même temps où l’adulte donne un soin à l’enfant en touchant son corps avec le sien, il « implante » dans le corps de cet enfant une excitation sexuelle. Commence alors pour l’enfant un travail psychique que Laplanche caractérise comme une traduction, qui consiste à traduire le message compromis et excitant de l’adulte. Traduire pour l’enfant, c’est lier l’excitation en une signification qui, au plan économique, lui permet de maîtriser ce qui se produit dans son corps, du fait de ses rapports avec l’adulte. Ce deuxième temps - traductif - est un temps actif de l’enfant. passivement exposé. Ce dernier ne peut pas échapper à la séduction de l’adulte qui l’entraîne nolensvolens, dans la sexualité humaine. Mais cette passivité n’est ni masculine, ni féminine, ni mâle, ni femelle. Car elle est à l’origine de la sexualité aussi bien chez le petit garçon que chez la petite fille. Ou, pour le dire autrement, la sexualité originaire n’a pas de sexe. Mais il a été précédé par un premier temps, passif, celui de l’implantation. Cette archi-passivité de l’enfant face à l’implantation, est consubstantielle à la séduction de l’enfant par l’adulte. Et elle est le truchement par lequel le corps s’affranchit de ses déterminations biologiques, pour initier la formation d’un deuxième corps, issu du premier : l’implantation est le truchement par lequel passe la subversion libidinale des fonctions biologiques au profit de la formation du deuxième corps, le corps érogène. Une étude plus approfondie montrerait que la traduction n’est pas seulement une production qui procède du génie de l’intelligence de l’enfant. Dans le temps même où il traduit le message, l’enfant acquiert un début de maîtrise sur ce qu’il subissait jusque là passivement. Il peut commencer à jouer autour de cette excitation avec l’adulte, et même à entraîner l’adulte dans ce jeu, au point de le faire tourner en bourrique. Mais par le truchement de ce jeu, dans le corps-à-corps avec l’adulte, il déploie de nouvelles habiletés grâce auxquelles il commence aussi à s’émanciper des contraintes de son corps biologique. Et lorsqu’il a faim, il peut différer son besoin de nourriture, et jouer pendant un temps à bavouiller, à suçoter, à mordiller le mamelon ou la tétine, à jouer donc, au lieu de se nourrir. Ainsi se profile peu à peu un procès d’émancipation grâce auquel se développe, à la marge du corps biologique, un deuxième corps : le corps érotique, d’une part ; et se forme une capacité de maîtrise, d’autre part, par laquelle il s’émancipe de l’archi-passivité qui caractérisait au départ l’implantation du message excitant de l’adulte. II- L’inconscient a-t-il un sexe ? Peut-être faudrait-il compléter cette première proposition en ajoutant qu’à ce stade, il n’y a pas de différence père-mère. Il y a seulement un adulte qui prodigue des soins. La différence ne se situe pas à ce niveau. Ce qui compte, ici, c’est l’asymétrie des positions entre l’enfant et l’adulte, ou plus précisément l’inégalité des positions, dont le corollaire est la passivité de l’enfant. Et cette passivité de l’enfant dans le premier temps de la genèse de la sexualité, confère au masochisme primaire érogène un rôle primordial dans l’organisation de la sexualité. Poursuivant cette investigation dans le sillage de Laplanche, on arrive à l’étape de la traduction par l’enfant des messages compromis et énigmatiques venant à lui par l’adulte. Cette traduction, on le sait, n’est jamais complète, elle laisse un reste non traduit, ni compris, qui vient se déposer dans l’inconscient sexuel et refoulé - de l’enfant. C’est de cette façon, par accumulation de ces restes non-traduits, que se forme l’inconscient sexuel. La traduction et, dans son ombre, les résidus non-traduits qui forment l’inconscient constituent le principe même du refoulement : la théorie de la séduction est aussi une théorie traductive du refoulement. La question qui vient alors est la suivante : l’inconscient sexuel refoulé a-t-il un sexe ? Ou encore : l’inconscient sexuel est-il sexué ? Question embarrassante dont la réponse ne peut être examinée qu’en deux étapes : - la première étape est celle du genre, et non celle du sexe. Réponse contre-intuitive, fondée sur la précédence chez l’enfant de la différence de genre sur la différence de sexe. Dans ses Problématiques II, Laplanche s’attarde sur deux textes de Freud : Théories sexuelles infantiles et Quelques conséquences psychiques de la différence des sexes au niveau anatomique (1925). Dans le premier texte (1908), Freud écrit : « Si, en renonçant à notre corporéité, nous pouvions, êtres purement pensants, arrivant par exemple d’une autre planète, envisager d’un œil neuf les choses de cette terre, peut-être rien ne frapperait-il davantage notre attention que l’existence de deux sexes parmi les humains qui, par ailleurs si semblables, accentuent pourtant leur Père ou mère ? Si j’insiste sur cette archi-passivité, c’est pour indiquer qu’à ce stade existe une inégalité fondamentale entre un adulte actif et séducteur, et un enfant 21 le Carnet PSY • avril 2016 Actes le Carnet PSY • avril 2016 22 Actes Père ou mère ? partie 2 caractère distinct par les indices les plus extérieurs. Or il ne semble pas que même les enfants choisissent ce fait fondamental pour point de départ de leurs recherches sur les problèmes sexuels. Etant donné qu’ils connaissant père et mère aussi loin qu’ils se souviennent de leur vie, ils acceptent leur présence comme une réalité qu’il n’y a pas lieu de soumettre davantage à investigation » (OCFP, VIII, p 229). Freud revient sur cette affirmation en 1925 (OCFP, XVII, p 196, note n°1). Voici le commentaire de Laplanche : « Je dirai pour reprendre un terme qui est actuellement remis en avant à la suite de travaux de langue anglaise, que, à cette époque - et Freud le reconnaît là, mais de façon évidemment trop passagère - il y a, dans une étape pré-castrative, une reconnaissance d’une distinction des genres précédant la différence des sexes » (souligné par Laplanche. Problématiques II, PUF, 1980, p 32-33). Il précise plus loin citant Freud : « La première de ces théories (sexuelles infantiles) est liée au fait que sont négligées les différences entre les sexes, négligence dont nous avons souligné dès le départ qu’elle était caractéristique de l’enfant. Cette théorie consiste à attribuer à tous les êtres humains, y compris les êtres féminins, un pénis, comme celui que le petit garçon connaît à partir de son propre corps » (Freud, 1908). « Les deux genres sont admis mais leur distinction ne passe pas par la différence sexuée ». « Il y a (donc) une différence de genre, écrit Laplanche admise sans être théorisée par l’enfant, préalablement à la différence des sexes. L’enfant est plongé dans un univers adulte, il désigne d’emblée le masculin et le féminin qui sont d’abord connotés par des marques sociales ; - ou plutôt il admet sans d’abord la questionner cette distinction masculin-féminin ». (Problématiques II, p 170). Laplanche reviendra par la suite sur la question dans un autre texte : Le genre, le sexe, le sexual (2003). Il prendra alors clairement position en faveur du genre comme source précoce du questionnement ou comme message énigmatique premier adressé à l’enfant par le socius, dès les tout débuts de la vie. Qu’est-ce que le masculin, qu’est-ce que le féminin ? Qu’est-ce qu’être un homme ? Qu’est-ce qu’être une femme ? Sur quelles différences l’enfant peut-il bâtir la distinction et son origine ? Pourquoi ces questions s’imposent-elles à l’enfant avec une telle force ? Parce qu’elles lui arrivent sous une forme incontournable : l’assignation de genre qui commence dès la déclaration à l’état civil et le choix d’un prénom. Assignation qui se mute chez l’enfant en exigence de travail à traduire ce message. Que signifie donc d’être assigné garçon ou fille ? Pour traduire l’assignation, l’enfant recourt au code, ou à « l’aide à la traduction », qui lui sont fournis par le socius ou par la culture, à savoir : c’est avoir un pénis ou n’en point avoir. Traduction binaire qui convoque donc la différence anatomique des sexes, cette fois, pour traduire le genre en phallique/châtré. Le sexe anatomique donc est convoqué dans un temps second par rapport au genre. La différence de genre masculin/féminin précède donc la convocation de la différence anatomique des sexes. Dans ce travail de traduction, du genre par le sexe, toutefois, comme dans toute traduction, il y a des restes non traduits qui s’inscrivent dans l’inconscient sexuel refoulé. Mais ces restes sont en état de déliaison, et comme source d’excitation venant désormais de l’intérieur ils ont perdu leur liaison signifiante avec le genre. C’est pourquoi on aboutit à la conclusion que l’inconscient refoulé est sexuel, (source d’excitation interne) mais non sexué, c’est-à-dire ni masculin, ni féminin. Les restes déposés dans l’inconscient seraient plutôt polyvalents, indistinctement masculins et féminins, ou mieux masculins et féminins simultanément. Ou, pour caractériser la force potentielle contenue dans l’inconscient qui est au principe du « sexual », on pourrait dire que l’inconscient sexuel refoulé est pansexuel, voire pansexualiste. Ou, pour le dire autrement, l’inconscient sexuel refoulé n’a que faire des différences, il peut faire feu de tout bois ! Vient alors la seconde étape : celle de la différence anatomique entre les sexes, plus précisément l’interrogation de l’enfant sur l’origine de cette différence entre les sexes. Freud en parle longuement dans le texte sur les Théories sexuelles infantiles. Mais ici s’intercale une discussion qui, donnée par prétérition par Freud, est sans doute inaperçue de la plupart des psychanalystes. « (La petite fille) remarque le pénis, visible de manière frappante et bien dimensionné, d’un frère ou d’un compagnon de jeu, le reconnaît aussitôt comme la contrepartie supérieure de son propre organe, petit et caché, et elle a dès lors succombé à l’envie de pénis ». Puis Freud parle de petit garçon : « Une opposition intéressante dans le comportement des deux sexes : dans le cas analogue, quand le petit garçon aperçoit pour la première fois la région génitale de la fille, il se montre indécis, tout d’abord peu intéressé ; il ne voit rien, ou il dénie sa perception, l’atténue, cherche des expédients pour la mettre en harmonie avec son attente. Ce n’est que plus tard, lorsqu’une menace de castration a acquis de l’influence sur lui, que cette observation va devenir significative pour lui ; le souvenir ou le renouvellement de la menace Freud affirme donc, ici, que la différence anatomique des sexes (qui a pris le relais de la différence de genre), est traduite différemment par le garçon et la fille, en raison précisément de leur anatomie différente. Mais un peu plus loin, Freud écrit : « La différence dans cette part du développement sexuel chez l’homme et la femme est une conséquence compréhensible de la diversité anatomique des organes génitaux et de la situation psychique qui s’y connecte, elle correspond à la différence entre la castration accomplie (chez la fille) et la castration simplement proférée en menace (chez le garçon)…(ibid. p 200). Or la castration proférée comme une menace, passe par le langage. En raison de la différence anatomique, le garçon et la fille ne reçoivent donc pas l’énigme de la castration de la même façon. Pour la fille c’est une perception, pour le garçon, c’est une menace. La fille est d’emblée dans la reconnaissance du réel, le garçon commence par un déni de perception, qui devient déni de la menace. D’où résulterait une différence fondamentale entre l’homme et la femme vis-à-vis du réel d’une part, vis-à-vis de l’ordre du discours d’autre part. C’est cette différence qui a été analysée par Serge Leclaire dans un texte où il laisse entendre « qu’animé d’une passion de clairvoyance l’homme mâle peut être amené à tenter d’en reconstruire l’hypothèse (de la castration primaire), d’articuler laborieusement les preuves de l’existence du phallus. A la recherche de la castration sans le savoir, il deviendra « chercheur », se révèlera parfois inventeur. Encore faut-il pour cela qu’il conserve quelque vigueur pour dépasser les chemins ravinés de séduisantes ornières, tracés sur la carte du savoirvivre de l’honnête homme : philosophie, recherche scientifique, création artistique, exploration, ethnologie… psychanalyse ; ou qu’il sache conserver quelque ironie à l’égard d’activités si parfaitement « viriles » que celles de tous les bâtisseurs de famille, de fortunes, de routes, de barrages (!), de cités, de sociétés, d’empires » (S. Leclaire, 1975,On tue un enfant, p 42-43, Editions du Seuil). « La femme est autrement engagée dans cette voie de l’amour (…) Rien de ce qu’elle peut attendre de l’homme, et elle en attend tout, n’est recevable qu’en surcroît de cette reconnaissance qu’elle est femme et qu’elle parle d’un lieu de certitude du sexe » (ibid. p 43) (c’est-àdire de la « castration accomplie »). Si donc il y a place pour une bi-sexualité, cette dernière renvoie maintenant à une différence entre masculin et féminin qui se concrétise dans une différence de posture par rapport au savoir et au discours, et non dans une opposition supposée entre activité et passivité, on entre sadisme et masochisme. Et de surcroît cette bi-sexualité ne s’enracine nullement dans la différence anatomique des sexes. Cette bisexualité est secondaire et convoque la différence anatomique comme argument d’une démonstration seulement et non comme inclination ou disposition « naturelle » des motions sexuelles à s’orienter dans une direction soit masculine soit féminine. III- Du genre au choix d’objet Leclaire : « Ce qui importe dans cette approche du sexe qu’impose le travail psychanalytique, c’est que la détermination sexuelle est un fait de discours, une position subjective radicale, qui fait apparaître qu’il n’y a pas de discours universel qui soit légitime : parce qu’il n’y a pas de discours asexué ». (Leclaire p 40-41). Plus loin il précise : « Discours marqués, en leur « origine », du clivage de sexe (…) qui constituent ce qu’on a repéré depuis longtemps comme « bi-sexualité » ; ajoutons que cette intrication (entre les discours sexués) peut aller jusqu’à inverser pour chacun la dominance « naturelle » du discours de son sexe » (S. Leclaire p 41). La question, me semble-t-il, n’est pas l’inversion des discours sexués qui est certes possible, mais exceptionnelle (c’est la question du transsexualisme), c’est plutôt celle de l’ambiguïté du genre, de l’ambivalence que ce dernier génère, et des conflits qu’il fait surgir dans le moi. Virilité et muliébrité sont deux catégories de discours et de pensée qui sont aussi deux catégories de comportement et d’habitus, socialement construits, essentiellement à partir de la référence au travail. En effet la virilité exalte dans le travail l’endurance à la douleur, la revendication du recours à la force et à la violence, et le primat de la rationalité instrumentale et de son critère, l’efficacité. La virilité est en fait une construction défensive, produite collectivement par les hommes pour maîtriser la peur face au danger dans les métiers à risques de la navigation ou du bâtiment jusqu’au métier des armes. La muliébrité au contraire célèbre le renoncement, la disponibilité face à la volonté de l’autre, et la vocation à servir. C’est le produit d’une stratégie de défense contre la souffrance imposée par les contraintes parfois exténuantes du travail domestique. Virilité et muliébrité dissimulent derrière le masculin et le féminin, des positions dans l’ordre de la domination sociale des hommes sur les femmes qu’on désigne actuellement sous le nom de « genre ». Père ou mère ? suscite en lui une terrible tempête d’affects et le soumet à la croyance en la réalité effective de la menace proférée dont il se riait jusque là » (Freud, OCFP, XVII, p 195). 23 le Carnet PSY • avril 2016 Actes le Carnet PSY • avril 2016 24 Actes « La théorie du complexe de castration revient à faire jouer à l’organe mâle un rôle prévalent, cette fois-ci en tant que symbole, dans la mesure où son absence ou sa présence transforme une différence anatomique en critère majeur de classification des êtres humains », écrivent Laplanche et Pontalis dans le Vocabulaire de la psychanalyse à l’article Phallus. Dans son texte sur l’introduction du genre dans la théorie sexuelle, Laplanche entend le genre comme une catégorie plurielle : « il est d’ordinaire double, avec le masculin-féminin, mais il ne l’est pas par nature. Il est souvent pluriel, comme dans l’histoire des langues, et dans l’évolution sociale » (Laplanche J. (2007), Sexual, p 153). Mais si l’on fait référence aux « gender studies », on aurait plutôt tendance à insister sur le fait que le genre n’est pas pluriel, justement. Homme et femme, ou, mieux, virilité et muliébrité ne sont pas deux genres séparés. Ils sont au contraire indissociables l’un de l’autre et se définissent voire se construisent toujours l’un par l’autre. Il n’y a qu’un seul genre, parce que le genre est un rapport d’opposition dont la vérité est un rapport de domination. Père ou mère ? partie 2 L’assignation de genre dès le début de la vie, n’est pas seulement un message sur la place que le socius donne à l’enfant dans l’une des deux catégories homme ou femme. C’est toujours en même temps un message sur la domination. Classer l’enfant en garçon ou fille, c’est aussi lui signifier, de facto, qu’il entrera dans la société par le côté des dominants ou par celui des dominés. Les messages d’assignation de genre vont par la suite faire l’objet de multiples opérations de traduction détraduction - retraduction. On a déjà insisté sur le fait que la différence binaire phallique-châtré (qui renvoie à la différence anatomique des sexes) s’offre comme code de traduction du genre, selon la formule : c’est le sexe qui interprète le genre ; ou encore : c’est par le truchement du recours à la différence anatomique des sexes que le message compromis relatif au genre est traduit par l’enfant. Dans la suite du développement sexuel, l’énigme de la domination de genre va revenir principalement par l’intermédiaire du rapport au travail, à l’emploi, au chômage, et, en amont par l’intermédiaire de l’école qui préfigure les rapports de domination dans le monde du travail, et prépare non sans cruauté, les enfants à les affronter. L’orientation, dans l’ordre de la domination, vers l’une ou l’autre des positions virilité ou muliébrité - ne va pas sans entraîner des conflits intrapsychiques qui passent par des conflits d’identification qui commencent à l’école communale et culminent à l’adolescence. Les identifications successives qui scandent l’adolescence sont autant de tentatives pour traduire les messages d’assignation de genre à l’heure de prendre une place dans le monde des adultes. Force est de constater en clinique, qu’aujourd’hui, c’est surtout à l’adolescence que la question de la bisexualité se fait entendre avec le plus de force. L’adolescent, en effet, est sommé de se définir dans sa position de genre. Surgissent alors nombre de difficultés à choisir sa situation dans le gradient qui sépare les deux extrêmes que sont la virilité machiste et la muliébrité drapée dans un niqab. Si l’on admet, donc, que la bisexualité renvoie à la construction sociale du genre et non à des données de l’anatomie ou de l’embryologie comme le soutenait Fliess, dont Freud est parti pour penser la bisexualité, alors il faut écouter comment la bisexualité est thématisée aujourd’hui dans la société. Le terme en effet est désormais utilisé aussi pour désigner l’orientation sexuelle, homo et hétérosexuelle, ce que Freud pensait en termes de choix d’objet. Bisexualité désigne alors le choix chez un adolescent ou plus tard à l’âge adulte, de pratiquer la sexualité dans les deux registres homo - et hétérosexuels. De prime abord, cette acception de la notion de bisexualité est totalement étrangère à la bisexualité référée à l’assignation de genre. Pour Freud, le choix d’objet homosexuel a une généalogie spécifique, dont il donne des versions différentes dans les textes comme Des théories sexuelles infantiles (1908), « Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci (1910) ou Pour introduire le narcissisme (1914). Mais en fin de compte il semble que le choix d’objet homosexuel, dans la mesure où il se rattache au choix d’objet narcissique, est finalement présent chez tous les individus, y compris chez ceux qui ne sont pas homosexuels, avec toutefois l’idée que dans le développement normal, le choix d’objet narcissique cède progressivement la place au choix d’objet hétérosexuel. Judith Butler, quant à elle, soutient que l’orientation hétérosexuelle résulte d’une répression, voire d’une amputation du potentiel homosexuel originellement présent chez tout individu par le truchement d’une mélancolie de genre. La difficulté théorique, c’est que la bisexualité pratique ne dit rien de la bisexualité référée au genre dont il a été précédemment question. Qu’un homme ait une orientation sexuelle hétéro, homo ou bisexuelle ne permet en rien d’inférer en quoi que ce soit ce qui se joue pour lui dans son identité de genre. Il y a des homosexualités masculines qui s’expriment par un habitus efféminé, mais dans d’autres cas Conclusion En 1930, Freud écrivait « La doctrine de la bisexualité demeure encore dans une grande obscurité, et nous ne pouvons en psychanalyse que ressentir comme une grave perturbation le fait qu’elle n’ait pas encore trouvé de connexion avec la doctrine des pulsions » (Malaise dans la culture, OCFP, XVIII, p 293). La grande obscurité dont parle Freud à propos de la doctrine de la bisexualité demeure. On peut surtout dire à son propos ce qu’elle n’est pas. La bisexualité psychique ne renvoie pas au mâle et à la femelle, ou à la différence anatomique des sexes. Il n’y a pas de différence psychique entre un mâle et une femelle car la sexualité ne vient pas du corps biologique. La transsexualité est la récusation radicale de tout biologisme et de tout essentialisme. S’il y a une bisexualité psychique, elle ne peut être que secondaire. Elle renvoie à un autre corps, à savoir le corps érogène. De surcroît on ne peut pas établir de relation nomologique, c’est-à-dire de loi entre orientation sexuelle (hétéro, homo ou bisexuelle) et problématique de la bisexualité. La bisexualité semble être surtout en rapport avec la problématique du genre, c’est-à-dire avec une construction sociale et non avec une donnée d’ordre biologique (Chiland C. (2011) : Changer de sexe : illusion et réalité, Paris Editions Odile Jacob). D’avoir à se positionner dans le gradient virilité-muliébrité, il semble qu’aucun individu ne puisse s’y soustraire. Mais, là encore, il faut prudence garder, car ce gradient lui-même est aujourd’hui soumis à des turbulences sous l’effet des nouvelles pratiques de la sexualité (sexualité queer) d’une part, des nouvelles productions théoriques (Gender Studies), en particulier lorsqu’elles font une place à part entière aux différentes formes d’hermaphrodisme, et remettent en cause l’universalité de la différence anatomique entre les 2 sexes mâle ou femelle (Anne Fausto-Sterling (1993 et 2000) : Les cinq sexes : pourquoi mâle et femelle ne suffisent pas. Traduction française, Paris, Editions Payot et Rivages, 2013), ou encore lorsqu’elles ont des incidences jusque sur la législation en matière d’assignation de genre, qu’il s’agisse du changement d’état civil des transsexuels ou de l’inscription dans l’ordre de la filiation pour les enfants de mères porteuses ou de couples homosexuels. Judith Butler parlait de « Trouble dans le genre ». Pour le psychanalyste, cela se traduit par un trouble dans la doctrine de la bisexualité. Et pour nos contemporains, il semble bien que cela se manifeste par un trouble des repères identificatoires qui génère l’éclosion d’une kyrielle de nouvelles configurations cliniques et psychopathologiques inédites dont on n’a pas fini, je crois, de débattre dans la communauté psychanalytique. Pr Christophe Dejours Psychiatre, Professeur à la chaire de PsychanalyseSanté-Travail au Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM), directeur de recherche au Laboratoire PCPP, président du conseil scientifique de la Fondation Jean Laplanche, psychanalyste, membre de l’Association Psychanalytique de France ACTES (partie1) ducolloque PÈREOUMÈRE? dansleCarnetPSY n°196/mars2016 aveclesinterventionsde: JACQUES ANDRÉ ANDRÉ BEETSCHEN CATHERINE CHABERT MAURICE CORCOS CATHERINE MATHA SYLVAIN MISSONNIER Père ou mère ? l’homosexualité exalte la virilité jusqu’à la caricature, dans le body-building, aussi bien que dans le mépris machiste des femmes. Et dans un couple homosexuel, le travail dans la sphère privée n’est pas toujours réparti de façon égale, en particulier lorsqu’il y a des enfants, l’un des deux partenaires faisant plutôt fonction de mère tandis que l’autre joue le rôle du père. Enfin il existe de nombreuses formes différentes de l’homosexualité comme le montre bien l’étude de Léo Bersani sur Gide, Proust et Genet, et il faut bien en arriver à la conclusion qu’entre bisexualité pratique dans la sphère érotique et bisexualité par rapport au genre dans la sphère sociale il n’y a aucune relation nomologique. 25 le Carnet PSY • avril 2016 Actes le Carnet PSY • avril 2016 26 Actes Deux en un, un pour deux : l’interlocution interne de l’analyste en question Jean-François CHIANTARETTO Ou qu’est-ce que la cure analytique si ce n’est (…) non plus commander ou persuader, ce qui implique toujours de faire pression et de forcer en faisant appel à quelque transcendance de la parole (devenant message), mais simplement activer de l’entre entre l’analysant et son analyste ? 1 Père ou mère ? partie 2 La formulation même du titre de ce colloque, avec le « ou » qui suppose le « et », est essentielle dans les temps troublés où nous sommes en matière d’identité. Et le sous-titre oblige non seulement à aborder la question du père et de la mère dans les termes d’un entre-deux, mais en outre situe cet entredeux entre la bipolarité psychique masculin/féminin et la différence corporelle des sexes. Est ainsi maintenue et revivifiée la dimension de l’énigmatique, au cœur du lien entre le sexuel infantile et ce que j’appellerais la composition relationnelle de l’être. Au-delà des remerciements adressés aux organisateurs, je voudrais faire état de ma reconnaissance à l’égard de Catherine Chabert. Dans L’amour de la différence 2, elle nous offre un apport théorique et clinique décisif pour cette journée et trouve une forme d’écriture en pleine connivence avec l’expérience analytique, sans céder à la tentation fictionnelle, une écriture qui sait nous faire ressentir le contre-transfert et nous en parler. Ma reconnaissance va également à Catherine Matha, qui m’a fait découvrir la pensée de François Jullien, ce penseur de l’entre-deux et de l’écart abordant les notions de différence et d’altérité à partir d’une théorisation de l’intime. Il aura été une source d’inspiration décisive pour mon propos. Et il me semble tellement essentiel de garder à l’esprit que nous ne cessons de nous former, en tant que psychanalystes, aussi, de l’extérieur de la psychanalyse. Dans un rapport qu’il faut espérer créatif et singulier à ce que Freud nommait les « sciences connexes », mais surtout, à partir de ce qui nous est donné à vivre. Ecrire, analyser, aimer. Qui écrit qui, qui analyse qui, qui aime qui ? L’énigme du désir ? Plutôt l’énigme de l’amour, là où s’associent le besoin et le désir, c’està-dire là où il aura fallu que s’intriquent suffisamment bien le désir et le besoin du père et de la mère. La rencontre de l’énigme de l’amour et de l’énigme de la cure, communément appelée amour de transfert, si elle a bien lieu dans l’espace analytique, n’est pleinement officialisée que lorsque l’analyste passe à l’écriture et accepte de voir dans les mots qu’il écrit, la preuve des éprouvés liés à son dialogue intérieur en situation. Le dialogue intérieur de l’analyste 3 met en mots un ensemble de polarités, un espace tendu et déployé entre deux pôles, émissif et réceptif, actif et passif, le différent et le semblable, la parole dans l’écoute et l’écoute dans la parole… Et avec ces différentes figures de la séparation et de l’accueil, il s’agit bien des différents aspects des pôles masculin et féminin déterminant la vie psychique, dans ses multiples croisements avec les figures paternelles et maternelles. Le deux en un de ce dialogue intérieur chez l’analyste déploie un entre-deux générant le un pour deux de l’offre contre-transférentielle accueillant par anticipation la demande transférentielle - un pour deux dont vient témoigner l’écriture de l’analyste lorsqu’il s’y risque et lorsqu’il consent à ne pas témoigner pour l’analysant, à ne pas occuper toute la place, mais à donner sa version de l’entre-deux du transfert et du contre-transfert, laissant ainsi la place à une version potentielle, autre, de l’autre. L’analyste s’affirme par là, jusque dans l’après-coup, comme tiers garant du cadre, c’est-à-dire aussi garant du caractère irréductiblement énigmatique du fonctionnement de l’un et de l’autre comme de la relation de l’un avec l’autre. Le un pour deux est ici supposé se situer très précisément à l’opposé du un en deux de la non-séparation, de la complétude imaginaire que cherchent à maintenir par l’agir les patients chez qui prédomine une problématique limite, pour lesquels l’angoisse de la perte prévaut sur l’angoisse de castration. Première scène. Père ou mère ? Un garçon de dix ans voit son père poignarder à mort sa mère devant lui. Il est placé dans un foyer d’accueil et pris en charge par une psychologue qu’il semble investir. La prise en charge est interrompue après quelques mois, du fait du placement dans une famille d’accueil. L’éducatrice référente propose alors à l’enfant de rencontrer un analyste. Lors du premier rendez-vous, hors la présence de l’enfant, elle raconte la chose à l’analyste et précise les troubles du sommeil et de l’attention qui, outre la tristesse envahissante, l’ont amenée à proposer cette rencontre. Puis, en présence de l’enfant, elle souligne le besoin de l’enfant de parler de tout ce qui lui est arrivé. L’enfant sourit et restera souriant et dans le désir de communiquer les deux premières séances, pendant lesquelles il parle de sa famille d’accueil puis dessine silencieusement. Il dessine, d’une part, la scène du meurtre de sa mère, d’autre part, une scène familiale de facture apparemment « classique », à ceci près qu’y manque le père ! L’analyste est troublé car il n’est plus sûr de la scène de meurtre évoquée par l’éducatrice et il se Dans ces premiers mois de psychothérapie, l’analyste est investi transférentiellement comme le père qui supplante la mère (la psychologue, voire l’éducatrice) et pourrait non seulement la planter mais aussi et surtout planter le fils, témoin du meurtre et venant en témoigner. Planter : poignarder et concevoir. La figure transférentielle du père associe le meurtre et la conception, l’angoisse du meurtre et la demande d’amour. L’analyste est ainsi d’emblée amené à prendre la mesure de son offre contre-transférentielle : l’accueil du besoin vital qu’a l’enfant d’être accueilli, c’est-à-dire, pour Ferenczi, investi comme gratifiant aux plans narcissique et libidinal, indissociablement. Deuxième scène. Un homme quitte une femme. La mère de ses enfants. Pour une autre femme, elle aussi mère. Il est plus âgé que celle-ci, leurs parents et leurs enfants ont toutefois le même âge. Avec la première femme, il s’aimait survivant et il l’aimait pour sa capacité, à elle, de survivre à leur autodestructivité. Il sollicitait alors l’analyste comme témoin impuissant et interdit d’écoute, maintenu dans une position de mère toute-puissante venant menacer un lien conjugal fondé sur l’investissement d’un penser commun. Avec la seconde femme, il entreprend de s’ouvrir au risque de l’amour et de permettre à l’amour de survivre à son autodestructivité, qu’il peut enfin ressentir et expérimenter dans le transfert sur l’analyste. L’analyste est autorisé maintenant à occuper et une position tierce, de garant du cadre, et une place de père tuable - tuable parce que vivant et capable de survivre à la haine. Avec la première femme, l’homme, à défaut de disposer en lui de quelqu’un pour l’aimer, cherchait à se rendre aimable comme enfant déprimé et mal accueilli. Du même geste, il récusait sa dépression dans le recours à l’agir. Un agir visant à déplacer la haine sur la femme, particulièrement lorsqu’elle est devenue mère - une haine autodestructrice du féminin malade chez sa mère et son père. Avec la seconde femme, qui ne supporte pas ses postures d’enfant mal aimé, il tend à accepter de s’aimer mieux en prenant contact en lui avec l’enfant déprimé. Il paraît pouvoir suffisamment désirer et être désiré par la femme dans la mère et la mère dans la femme, tout en jouant, semble-t-il avec mesure, hors toute confusion, le rôle fantasmatique attendu par elle et pour elle, de père et de mère, différents et complémentaires. L’analyste aura dû pour cela, et pendant une longue période, supporter le labeur du contre-transfert. Un labeur contre-transférentiel lui permettant de suffisamment incarner dans le transfert une figure hybride mêlant le féminin malade du père et de la mère : incapable d’accueillir, c’est-à-dire de prendre soin, et impuissant à séparer, c’est-à-dire à penser. Troisième scène. Une femme rencontre un homme qui quitte une femme pour elle. Elle vient juste de commencer une analyse et sera longtemps occupée par un fantasme obsédant : l’analyste lui aurait adressé cet homme, comme une sorte d’auxiliaire, pour l’aider à la fois à vivre et à faire son analyse. Elle se précipite dans une vie commune avec cet homme et commencera une manière de travail analytique avec lui - travail dont elle parle de manière détaillée à l’analyste, réduit à la position silencieuse d’une complicité vis-à-vis de son dessaisissement. Lorsqu’enfin la femme pourra interroger ses sentiments amoureux dans son analyse, l’analyste répondra par un agir contre-transférentiel, peut-être inévitable : il voudra la rassurer en lui confirmant qu’elle aimait son compagnon. La femme pourra alors commencer à haïr l’analyste et par là même, commencer son analyse, c’est-à-dire commencer à utiliser l’analyste, au sens winnicottien du terme. L’agir de l’analyste a rendu manifeste le refoulement de sa haine pour la patiente qui le dessaisissait de sa position au profit de l’homme « aimé ». Et de ce fait, il a autorisé la patiente à exprimer sa propre haine et non plus à l’agir - sa haine pour l’analyste, qui prenait projectivement la défense de l’homme et se protégeait ainsi tant de sa haine à lui que de sa haine à elle ; et sa haine pour l’homme, qui en jouant à l’analyste exerçait une emprise sur elle d’autant plus forte qu’elle la requérait, elle, pour se protéger du risque de l’amour. Car l’enjeu que recélait et révélait ce début d’analyse, c’était bien le remède coûteux utilisé face à l’angoisse de perdre l’amour : la haine pour l’autre là où il est empêché d’aimer, une haine ayant fonction de désaveu chez soi du besoin de l’amour au cœur du désir. Et la confrontation à l’angoisse de la perte supposait de sortir de la confusion entre l’analyse et la vie. Père ou mère ? sent pris dans une position du type double contrainte, où il ne peut ni interroger l’enfant, ni y renoncer. Et l’enfant, à partir de la séance d’après, où il déchire le dessin du meurtre, s’installe durablement dans un silence provocateur, sur le mode surjoué du « Quoi ? Pourquoi tu me regardes ? ». La période silencieuse débouche sur une période de plus en plus provocatrice, explorant les limites du cadre sur un mode relativement tempéré, jouant l’agressivité plutôt que l’agissant. Au fil des séances, de brefs moments d’humour partagé se font jour pour accompagner les provocations. Ces moments apparaissent après deux séances marquées par des larmes liées à une peur réactionnelle, suite à une intervention de l’analyste marquant la limite à ne pas dépasser. Dans ce même mouvement, la préoccupation obsédante de l’enfant, concernant la fiabilité de l’engagement de l’analyste à ne pas parler des séances à l’éducatrice ou à l’assistante maternelle, s’apaise notablement. 27 le Carnet PSY • avril 2016 Actes Père ou mère ? partie 2 le Carnet PSY • avril 2016 28 Actes Quatrième scène. Un homme perd sa femme et sa sœur dans la même période, toutes les deux décédées d’un cancer foudroyant. Pendant des années, il reste fidèle à l’épouse morte, s’occupant avec soin des enfants dans une maison restant strictement inchangée. Rencontrant une nouvelle femme et s’installant dans un lien amoureux durable, il est saisi d’angoisses corporelles extrêmes qui l’amènent vers un analyste - il en a déjà rencontré plusieurs à différents moments de sa vie, sans jamais parvenir à véritablement les utiliser, toujours au sens winnicottien. Ces angoisses, qui ne relèvent pas en propre d’un registre hypocondriaque, ont pour lieu exclusif le ventre et se manifestent électivement en relation avec l’engagement amoureux actuel. Après un accident somatique grave, ayant nécessité une opération en urgence, les angoisses de façon surprenante s’apaisent plutôt et la fidélité à l’épouse morte commence à apparaître comme un écran protecteur visà-vis d’une mère au phallicisme triomphant : impossible à perdre et impossible à aimer, en place d’amante mortifère et de meurtrière d’un père décédé depuis déjà longtemps d’une maladie grave. Cette mise en œuvre de l’après-coup est confirmée par le discours sur l’écriture, qui peut se reconnaître libérée da la tâche qui lui était allouée jusque-là : combler le vide de père pour la mère - pour la mère et non pas pour lui. Les mots deviennent aptes à exprimer l’angoisse et montrent à l’analyste la scène fantasmatique de la rencontre en l’homme de ses père et mère. Ils l’autorisent à se voir en train de mettre à l’œuvre père et mère : autrement dit, de naître à lui-même. L’écriture viendrait donner un corps à cette naissance, non plus assigner une place vidée mais désigner une place vacante, à occuper. L’absence et l’écart se sont possiblement substitués au vide et à la confusion dans et par la représentation du vide et de la confusion - la mise en mots permettant d’associer plus librement éprouvé, affect, représentations de mot et de chose. Et à la fin de cette séance si particulière, l’homme demandera à l’analyste de revenir pour des séances épisodiques, programmées en fonction de ses voyages - ce que l’analyste acceptera. Peut-être comme pour mettre en jeu l’absence et mettre du jeu dans l’identité, là où il y avait l’identique de la répétition. Quelques mois plus tard, la mère meurt et le fils vend la maison qui le rattachait à l’épouse morte. Il part s’installer avec sa nouvelle compagne dans la ville de son enfance, à bonne distance de sa maison natale, qui était habitée par sa mère et qu’il décide de conserver comme maison familiale de vacances, lui permettant d’accueillir enfants et petits-enfants. La psychothérapie est ainsi interrompue, au bout de quelques années. Et les angoisses reviennent rapidement. L’homme appelle l’analyste au téléphone, qui lui en avait proposé la possibilité. Après deux entretiens téléphoniques, l’homme profite d’un voyage pour solliciter une séance, laquelle sera exceptionnelle, dans tous les sens du terme. Écrivain reconnu vivant de sa plume, son discours associe alors de façon saisissante deux éléments apparemment étrangers. D’une part, il constate une évolution de son écriture, qui abandonne ce qu’il nomme « un roman familial » centré sur la lignée paternelle, pour une écriture pleinement fictionnelle. D’autre part, il met en mots de façon inédite ses angoisses corporelles au niveau du ventre : « un trou », comme « une fermeture éclair qui s’ouvre ». Ces situations cliniques sont délibérément diverses. Diverses quant au type de matériel : le tout début d’une psychothérapie, la dernière phase d’une longue analyse, la résistible mise en place d’une analyse, l’interruption d’une psychothérapie. Et diverses aussi quant aux problématiques : un garçon confronté au meurtre de sa mère par son père ; un homme se séparant de la mère de ses enfants avec laquelle il s’enfermait dans la haine du féminin malade de ses père et mère ; une femme cherchant la haine de l’analyste pour ouvrir la possibilité de l’analyse et de l’amour ; un homme qui trouve comme écrivain une manière de combler le vide de père pour la mère. Avec cette diversité clinique, je voulais suggérer la diversité des problématiques caractérisant la psychopathologie des limites, qui convoque comme on sait les limites de la psychanalyse et des psychanalystes. La catastrophe, qui avait trouvé son lieu dans le corps, peut enfin avoir lieu dans des mots trouvant la bonne adresse transférentielle. Les angoisses habitant le ventre et qui permettaient la rencontre catastrophique du père et de la mère, se délivrent dans une parole qui s’ouvre et s’offre à l’analyste. L’homme met en œuvre l’après-coup : l’après-coup de la mort de sa mère, de la vente de la maison le séparant de l’épouse morte et de la séparation d’avec l’analyste. Il reste qu’une modalité d’écriture clinique s’est imposée à moi, très sélective et orientée, avec quatre « scènes cliniques » l’une à la suite de l’autre, le recours à la troisième personne et surtout, une présentation particulière des patients - revendiquant sa nature contre-transférentielle et mettant au premier plan la reconstruction de la dynamique de vie du patient, plutôt que la reconstruction de la dynamique de la cure. L’essentiel d’une cure se joue autour de la capacité de l’analysant à créer seul et dans le lien maintenu à l’analyste, entre les séances, dans sa vie intérieure et relationnelle, ce qu’il trouve avec l’analyste pendant les séances - ce qu’il trouve : les potentialités créatrices d’un écart de la réponse de l’analyste par rapport à la demande transféren- Le dialogue intérieur de l’analyste conditionne chez les patients dominés par une problématique limite l’expérience de l’intériorité comme espace de l’entredeux, de l’écart intérieur entre soi et l’autre, de la tension entre les pôles masculin et féminin croisés avec les figures paternelle et maternelle de la séparation et de l’accueil. Ce dialogue intérieur prend en charge en l’analyste la confrontation entre la demande transférentielle et l’offre contre-transférentielle. L’analyste se parle pendant la séance, autre manière de dire qu’il écoute son écoute, que son écoute a besoin d’un interlocuteur interne, semblable différent en soi qui ouvre l’au-delà à l’intérieur de soi, dans les mots, à travers l’expérience du deux en un. L’au-delà : en termes plus convenus, est désignée ainsi la fonction tierce du cadre, telle qu’elle est garantie par le tiers interne ou le cadre interne de l’analyste. Le deux en un, le dialogue en l’analyste vient matérialiser l’espace intérieur de celui-ci comme espace de l’entre-deux générant et mettant à l’œuvre le cadre interne dans sa fonction de différenciation et de contenance. La dimension du tiers n’est pas possible sans le cadre interne et avec une problématique limite, il faut d’abord rendre possible cette dimension, qui ne peut advenir pour le patient qu’avec l’expérience du dialogue intérieur chez l’autre. Paul Denis l’a rappelé dans un livre récent 4, le concept même de contre-transfert a constitué un enjeu central tout au long de l’histoire de la psychanalyse jusqu’à aujourd’hui. Les controverses concernent la légitimité même du concept, contestée par Lacan. Elles portent aussi sur la conception restreinte ou élargie du concept : désigne-t-il seulement les réactions préconscientes et inconscientes de l’analyste au transfert ? Je me situe quant à moi dans la lignée des travaux de Michel Neyraut 5 puis André Green 6, qui ont définitivement théorisé l’idée d’une précession du contre-transfert sur le transfert, d’une offre contre-transférentielle précédant et conditionnant la demande transférentielle - Neyraut allant même jusqu’à penser le contre-transfert en termes de demande. Il s’agit bien de définir le contre-transfert comme l’implication du fonctionnement psychique de l’analyste par le transfert de l’analysant. Et l’implication porte sur l’ensemble du fonctionne- ment psychique de l’analyste : non seulement tout ce qui a trait à sa pratique analytique (son expérience clinique, sa formation, ses appartenances institutionnelles, sa conception de la psychanalyse et ses engagements théoriques), mais tous les investissements relationnels, sociaux et culturels qui le constituent dans la dynamique de ses identifications. Il faut bien préciser néanmoins que cet ensemble est relatif, à trois égards : du fait qu’il est évolutif et par nature non totalisable au regard du parcours de vie et de formation de l’analyste ; du fait qu’il est au moins potentiellement modifiable à chaque séance et bien sûr avec chaque patient ; et surtout du fait que cet ensemble est impliqué chaque fois différemment et partiellement avec chaque patient - inégalement aimanté dans la singularité toujours inédite du transfert. Reste le plus important : le transfert implique toujours l’inanalysé de l’analyste, qui active le destin en l’analyste de l’inanalysé de ses propres analystes. Tel est bien le cœur du contre-transfert, c’est-à-dire le cœur vivant et instabilisant de la position d’analyste. Cette instabilité est constitutionnelle et se révèle dans le dialogue originel et originaire de Freud et Ferenczi, dialogue qui vient déployer de façon à la fois féconde et malheureuse la polarité, la dualité créatrice au principe même du processus créateur chez Freud. Le dialogue Freud-Ferenczi vient matérialiser le passage, d’un auto-transfert dans l’écriture, caractérisant la création d’abord solitaire de Freud, à un croisement transférentiel dans l’alliance du commencement freudien et du recommencement ferenczien 7. Comme pour tout analyste, la théorie a chez Ferenczi une fonction d’auto-observation et d’auto-théorisation, enjeu d’une lutte entre levée et renforcement du refoulement - à ceci près qu’elle prend chez lui une charge dramatique particulière. Une charge qui tient autant à la donne structurale de leurs places respectives dans la scène originelle de la psychanalyse qu’à la personnalité de Ferenczi et Freud notamment l’emboîtement catastrophique de leur relation au registre maternel. Freud est un analyste définitivement sans analyste, pour lequel la place de l’analyste est occupée par l’invention de la psychanalyse. Face à lui, Ferenczi est un analysant définitivement sans analyste, condamné à faire comme Freud alors qu’il ne peut, lui, que réinventer la psychanalyse : réinventer la psychanalyse afin d’occuper pour Freud la place de l’analyste, c’est-àdire donc de l’analyste de l’analyste, dans l’espoir ou l’attente d’avoir un analyste et d’être un analysant. Dans l’après-coup de cette impossibilité inaugurale, chaque analyste, dans l’intimité de l’affectation transférentielle des patients, doit apprendre à renoncer à faire l’analyste et pour Freud et pour Ferenczi. Cela Père ou mère ? tielle. Or, cette capacité à être seul dans l’absence et la présence de l’autre est plus ou moins défaillante avec une problématique limite. Elle doit être gagnée à partir du façonnage de cet entre-deux du transfert et du contre-transfert, dans la séance, par le dialogue en l’analyste (deux en un). Et le but consiste précisément ici à montrer l’œuvre de ce dialogue intérieur au travers d’une présentation clinique unifiée par le travail d’élaboration contre-transférentielle. 29 le Carnet PSY • avril 2016 Actes le Carnet PSY • avril 2016 30 Actes signifie qu’il revient à l’analyste d’assumer pour luimême d’investir fantasmatiquement la place d’analyste de son propre analyste et d’autoriser le patient à rivaliser avec lui à cet endroit - la responsabilité de l’analyste étant de maintenir un écart différentiel suffisant entre les fantasmes de l’un et les fantasmes de l’autre. Pour cela, il appartient à l’analyste de distinguer, d’un côté, sa réponse contre-transférentielle en réaction à l’affectation transférentielle et d’un autre côté, ce que j’appellerais l’œuvre contretransférentielle. L’œuvre contre-transférentielle, soit un travail élaboratif démêlant ce qui reste agissant - susceptible d’induire un agir - de son transfert sur son propre analyste, et ce qui relève de son offre au transfert du patient. Père ou mère ? partie 2 Le dialogue entre Freud et Ferenczi n’a pu trouver son lieu - lieu que chaque analyste a la charge de trouver/créer en lui, dans la situation analytique. Autrement dit, la rencontre analytique de Freud et Ferenczi, si elle n’a pas lieu dans la mesure où n’advient qu’une relation, qui plus est à dominante passionnelle, donne vraiment lieu à la mise en œuvre, entre eux deux, d’un inanalysé qui n’appartient en propre, ni à l’un, ni à l’autre. Après eux, chaque analyste, dans son penser hors la cure ou à partir de la cure, est supposé affronter la tâche d’avoir à rendre vivable, élaborable et créatif le travail en lui de l’inanalysé de ses analystes, tel qu’il rencontre ses propres résistances à l’analyse dans la pratique même de l’analyse. C’est sans doute dans cette perspective qu’il faudrait reconsidérer beaucoup des questions qui nous agitent en tant qu’analystes autour du contretransfert, telles qu’elles sont rendues plus vives avec les problématiques limites. On a longtemps schématiquement opposé l’idée de neutralité et le primat des exigences scientifiques, chez Freud, à l’analyse mutuelle et au primat des exigences thérapeutiques, chez Ferenczi. Et ce schéma pèse aujourd’hui encore lorsqu’il s’agit d’opposer fonction miroir et fonction empathique de l’analyste, opposition que la clinique des limites obligerait à penser en termes de tension nécessaire plutôt qu’en termes d’exclusion. Plus fondamentalement, l’investissement sexuel et narcissique du fonctionnement psychique du patient par l’analyste, en tant qu’il est source d’une autoinvestigation de son propre psychisme, caractérise toute cure. Mais il devient l’enjeu central avec une problématique limite. L’analyse n’est possible que si le patient peut faire l’expérience de se retrouver dans le fonctionnement psychique de l’analyste, ce qui suppose pour ce type de patients de pouvoir le haïr : haïr l’analyste là où le patient est haï par lui, c’est-à-dire là où il peut adresser son auto-destructivité et donc la transformer en destructivité, puis en agressivité, si l’un et l’autre y survivent. L’attaque portera bien sûr au plus vif de l’inanalysé de l’analyste, au plus vif de ce qui reste inanalysé voire inanalysable de son transfert sur ses propres analystes. L’acte interprétatif devra être avec ces patients chèrement gagné, dans la mesure où, comme l’a bien théorisé Neyraut, il a pour origine un affect contre-transférentiel en prise directe avec l’inanalysé de l’analyste. Le dialogue intérieur de l’analyste comme lieu et vecteur d’auto-observation devient ainsi essentiel, en ce qu’il produit et constitue du tiers, seule manière de sauver la distinction entre le cadre et l’analyste, distinction que les problématiques limites attaquent. Pour le dire autrement, l’enjeu est ici le maintien pour le patient d’un écart entre l’analyste interprète et l’analyste affectuable le registre limite faisant du patient un tueur d’affects en mal d’adresse. Laurence Kahn l’a souligné récemment avec force 8, après André Green : la scène analytique se joue à quatre et non pas à deux, activant l’altérité interne de l’analyste et de l’analysant. À ceci près qu’avec un patient aux prises avec une problématique limite, le contact avec son altérité interne doit être (r)établi dans et par l’attaque de l’altérité interne de l’analyste. Je terminerai néanmoins en revenant à un registre plus névrotique, en résonance avec L’amour de la différence, de Catherine Chabert et L’écart et l’entre, de François Jullien. Et si l’intime créé à deux dans l’analyse permettait de repenser l’entre-deux entre père et mère, dans l’alliance et l’écart du masculin et du féminin en chaque un des deux ? Jean-François Chiantaretto Psychologue clinicien et psychanalyste, Professeur de psychopathologie à l’Université Paris 13 - SPC Notes 1- Jullien F. (2012), L’écart et l’entre, Galilée, pp. 65-66. 2- Chabert C. (2011), L’amour de la différence, PUF. 3- Cf. Chiantaretto J.-F. (2011), Trouver en soi la force d’exister. Clinique et écriture, Campagne Première. 4- Denis P. (2010), Rives et dérives du contre-transfert, Paris, PUF. 5- Neyraut M. (1974), Le transfert, Paris, PUF. 6- Cf. notamment Green A. (1974), « L’analyste, la symbolisation et l’absence dans le cadre analytique », in Green A., La folie privée, Paris, Gallimard, 1990. 7- Concernant le dialogue Freud-Ferenczi : cf. Chiantaretto J.-F. (2016), « Au commencement était le meurtre », Le Coq-Héron, n°224, 2016/1. 8- Kahn L. (2014), Le psychanalyste apathique et le patient postmoderne, Paris, Editions de l’Olivier. Françoise NEAU « Tu vas être père » Dans un provoquant récit de quelques pages signé d’ « Un certain Plume », alias Henri Michaux, intitulé Tu vas être père 1, un homme qui va l’être accepte plutôt mal cette idée ; père, il le devient pourtant, jusqu’au jour où l’enfant, à trois ans, pour sa première grande promenade dans le monde, s’approche trop près de la fosse de l’ours. Issue fatale : « Peut-être me serais-je fait un jour à l’idée d’être père », ainsi se termine le texte publié en 1943. Sous l’événement autobiographique - la femme du poète est enceinte, à un mauvais moment : c’est la guerre au-dehors et dans le couple -, apparaissent, avec l’ironie du conte cruel, haine et fantaisie meurtrière à l’égard de l’enfant. Dans la réalité, une fausse-couche résoudra l’épreuve, que le texte exorcise avec ruse, selon une méthode chère à Michaux. Quatre ans plus tard, Winnicott confirmera l’intuition de l’artiste : « la sentimentalité est inutile chez les parents, car elle nie la haine et la sentimentalité chez une mère ne vaut rien du point de vue du petit enfant »2. Pas de sentimentalité non plus chez le père - passé à la trappe d’une ligne à l’autre de Winnicott, on l’aura remarqué : pas de différence, un parent suffisamment bon est un parent à la haine bien tempérée, autrement dit une mère non sentimentale. Pas de différence, ou plutôt si : « elle, elle doit l’aimer lui, ses excréments et tout, au moins au début, jusqu’à ce qu’il (l’enfant) ait des doutes sur lui-même », écrit Winnicott 3. Et lui, le père, écrit Michaux, que je ne résiste pas à citer un peu longuement, il « fait docilement le dada (pour un enfant son père sera toujours infiniment moins intéressant qu’un cheval), mais pas trop souvent (…), et puis il faut redevenir père et commander, commander à l’enfant, commander à sa voix, commander à ses yeux, commander à la mère, commander des choses. A ce moment, il arrive que par la fenêtre on voit passer au galop un grand chien, dont l’enfant est aussitôt occupé, sentant en lui des mouvements quadrupédiques, agréable accroissement de l’être, et il se détourne de vous, dans un oubli insolent ». Comment se priver de l’insolence de la littérature ? Papa, maman, la fenêtre et le galop du grand chien qui traverse, telle la charge pulsionnelle : voilà réunis les acteurs de la scène primitive. Laissons Michaux protester : « Freud, il veut me refiler une famille ! », disait-il 4. Restons un instant encore dans la chambre de l’enfant, où se pressent derrière « le père » différents genres de père : le Daddy au dada, qui fait l’enfant, docile compagnon de jeu, « inguérissable fils de fils » peut-être (et là encore c’est une expression de Michaux), et le père Commandeur – ici père Ubu, ivre de sa toute puissance. S’y glisse aussi, celui-ci écrit d’un pays lointain, l’ombre d’un autre père, idéal et idéalement aimé de cet amour œdipien que la psychanalyse nomme inversé, ou négatif, pour décrire (chez le garçon) cet attachement amoureux trouble, dirigé vers le père, tout aussi essentiel à la constitution et surtout au déclin du complexe d’Œdipe que l’autre : toujours Michaux, qui s’embarque pour l’Equateur l’année où Freud écrit L’Avenir d’une illusion : « j’aurais tant désiré avoir un père. J’entends : comme une femme… qu’on cherche, qu’on choisit, et si l’on trouve c’est un émerveillement »5 (Ecuador, OC I, 163). Au lieu de ce père merveilleux de papier, se présente un père plus réel : dans « la plus autobiographique de ses fictions de légende »6 , intitulée « Le Portrait de A » (A est un fils à la vie insignifiante), Michaux brosse un portrait de ce père là, vu par le fils : « Son père avait ceci pour idéal : se retirer. Jamais il n’eut rien d’offrant. Il était prudent, très prudent, d’humeur égale et triste. Il s’effaçait parfois comme une tache. Il avait aussi de ces énervements terribles, douloureux et extrêmement rares comme en ont les éléphants lorsque, quittant une tranquillité qui leur a coûté des années de surveillance, ils s’abandonnent à la colère pour une bagatelle »7. Père ou mère, mais quel père - ou quelle mère ? C’est que l’un comme l’autre ont de multiples visages. Côté père, chez Michaux, et ma recension est loin d’être exhaustive : le Daddy père-enfant, le Commandeur, père-éléphant, le père effacé comme une tache, le père désiré comme une femme et le père à fuir - lui, et tous les ancêtres 8…. Autant d’ombres ou de fantômes que le poète vient déposer dans le mot, et la chose, « père ». A sa manière à elle, sur un autre ton, la métapsychologie freudienne dit elle aussi la multiplicité des figures paternelles, et l’impossibilité d’essentialiser Père ou Mère : elle distingue par exemple (et ces distinctions sont de vraies différences, fondatrices et de l’objet « père » et de la métapsychologie, qui lui doit beaucoup) le père originaire, celui de la horde primitive et celui du père de la préhistoire individuelle, le père du complexe d’Œdipe, haï et aimé, le Père ou mère ? L’angoisse de redevenir père 31 le Carnet PSY • avril 2016 Actes le Carnet PSY • avril 2016 32 Actes père séducteur dans la réalité et dans le fantasme, et puis encore le père qu’on a et celui qu’on devient. Les identifications dans lesquelles viennent se sédimenter ces gisements d’objets de haine et d’amour constituent autant de couches géologiques, mêlées dans les sols et sous-sols de la réalité psychique (primaires et pré-œdipiennes, secondaires et post-œdipiennes…), bien difficiles à distinguer, elles, d’autant qu’elles sont, comme on sait, d’étoffes et de textures variées (hystérique, narcissique, mélancolique…). Dans le patient dont j’ai choisi de parler, un homme d’une quarantaine d’années, plusieurs de ces figures de père, et d’autres encore, se croisent, se nouent et combattent - comme en chacun de nous. Père ou mère ? partie 2 L’angoisse de Dominique, qui va redevenir père Sueur froide, colère froide, vague joie, écœurement, haine pour l’enfant à naître, écrivait Michaux…. Moins qualifiée, moins spécifiée, c’est d’angoisse que Dominique a été saisi à l’annonce de la grossesse de sa compagne, après presque un an de traitement (je le vois alors deux fois par semaine, en face à face). D’un précédent mariage, il a déjà deux filles, au bord de l’adolescence, et il espèrait bien « s’arrêter là ». La compagne avec laquelle il vit avec bonheur depuis quelques années n’avait pas d’enfant. A la douleur causée par ce que la médecine appelait une infertilité, Dominique compatissait, secrètement soulagé. La nouvelle de cette grossesse inespérée est pour lui « comme un coup de tonnerre ». L’orage s’approche ; bien pire, c’est « une catastrophe » qui le « met plus bas que terre », et l’angoisse terriblement, dit-il, tandis que son amie, elle, est toute à sa joie. De cette angoisse qui lui fera visiter les sous-sols, Dominique se dégagera peu ou prou au fil de nos rencontres ; s’il est un peu plus apaisé vers la fin de la grossesse, la naissance de l’enfant suscite pendant plusieurs mois une élation massive. Délibérément je n’évoquerai pas ici un phénomène de couvade, dont G. Delaisi de Parseval 9 a souligné toute la complexité, pas plus que je n’attribuerai ce tableau clinique aux « vissicitudes de la paternalité » 10. Mon point de vue ici n’est pas celui d’une psychopathologie de la paternité, mais bien davantage d’une clinique singulière : de quels mouvements psychiques l’angoisse, qui saisit Dominique à l’annonce de sa prochaine paternité 11, et entrave fortement ses capacités de travailler et d’aimer pendant presque toute la grossesse de sa compagne, témoigne-t-elle ? Une « enfance fermée » Dominique avait souhaité consulter six mois plus tôt à cause d’éprouvés de violence intense, notamment envers ses filles, qu’il dit adorer pourtant, et reçoit en garde alternée : presque jamais agie, cette violence l’effrayait, et venait renforcer les auto-reproches de n’avoir pas été un « bon père » dans leur petite enfance, tant la mésentente conjugale qui s’était vite installée lui faisait fuir le foyer. Cette peur de sa propre violence avait rapidement disparu, et des séances et du quotidien familial. Les premiers mois de la cure avaient été occupés par l’histoire et les motifs de cette mésentente, à laquelle les désaccords permanents à propos des filles et les procédures sans fin de leur mère continuaient à donner une vive et pénible actualité. L’histoire d’enfant de Dominique, restée dans l’ombre ces premiers mois du traitement, laissaient apercevoir « une enfance fermée »12. Ses efforts pour la banaliser et la laisser dans l’imprécision me donnaient à penser qu’elle avait été douloureuse : « moi aussi mes parents ont divorcé », dit-il, blessé des conséquences de son propre divorce sur ses filles. Il avait 4 ans, ses grands-parents maternels l’ont alors « récupéré », sans qu’il sache ni n’ait voulu savoir pourquoi, puis c’est son père qui l’a « pris » ensuite, vers 6-7 ans, ou bien 8. Vers 10 ans, il a décidé seul de repartir chez sa mère parce que sa belle-mère le « malmenait » décidément trop - comme le fera son ex-femme. Chez sa mère, remariée avec un homme riche, la vie matérielle est beaucoup plus facile, mais la solitude domine une adolescence « triste » et « très moyenne » au lycée. Il ne brille que dans une matière, celle dont il va faire son métier : bon qu’à ça. Que ce père n’ait pas même tenté de retenir l’enfant fugueur à dix ans le confirme à Dominique : décidément il compte peu dans la vie de ce père, content finalement, pense-t-il, d’être débarrassé du fils…Il ne le reverra presque pas - son père ne cherchera pas non plus à le revoir, pas même à la naissance de ses filles. Dans les premiers mois du traitement, ce père n’apparaît quasiment pas : « de mon père, moi aussi je me suis débarrassé ». Revient en séance, au détour d’un récit de rêve, une image, comme un motif supplémentaire pour s’en être débarrassé. Elle s’impose comme un souvenirécran, le « dégoûte » : il est petit, son père se promène dans l’appartement, nu, le sexe en érection. « Comme si je n’étais pas là, comme si je ne comptais pas. Vous vous rendez compte ? Il faut vraiment être taré ». Petit comment ? Plutôt vers 8-10 ans, d’après le décor : pas si petit… Derrière l’éprouvé d’abandon, le souvenir refoulé d’une excitation énigmatique, et traumatique, qui m’est adressé. Ou derrière l’excitation, le sentiment de ne pas compter, qui lui aussi m’est adressé ?13 L’annonce de la grossesse de sa compagne, quelques mois après le début du traitement, désoriente ainsi le cours de notre travail : l’angoisse de redevenir père va occuper le devant de la scène plusieurs mois, dans sa vie et dans la cure, presque jusqu’à l’arrivée de l’enfant, avec parfois des accents d’allure mélancolique. C’est de ce moment là que je vais parler. Qu’est-ce qui angoisse ainsi Dominique, de quoi a-t-il peur ? Je maintiens les deux questions, Freud proposant de distinguer peur et angoisse bien que l’Angst allemand puisse recevoir les deux traductions : même si « le rapport de l’angoisse à la peur reste fluctuant », en première analyse l’angoisse n’a pas d’objet, « fait abstraction de l’objet pour mettre l’accent sur la préparation au danger », comme l’a souligné Jean Laplanche, « tandis que pour Freud l’objet suppose un objet défini dont on a peur »14. C’est de redevenir père que Dominique a peur, c’est aussi de cet enfant à venir, on va le voir ; mais l’invasion par l’angoisse dépasse ces seules représentations. Si l’angoisse est avant tout signal de danger face à la menace de perte dans toutes ses déclinaisons (perte d’objet, partiel ou total, perte d’amour de la part de l’objet, perte de la perception de l’objet), quel danger guette Dominique, au-dehors comme au-dedans ? Cette angoisse en tout cas le rend incapable de travailler, et même de penser, alors que son métier exige de lui dynamisme et créativité, sans lesquelles il se retrouve vite en grande difficulté financière. Il recommence à fumer du hasch chaque soir pour s’endormir, puis toute la journée, alors qu’il avait cessé peu avant le début du traitement, après avoir longtemps consommé, et beaucoup. Souvent incapable de se lever le matin, il manque des séances, ou bien il y vient sans y être, « zombie », et gêné de l’être. Grâce au produit, il parvient parfois à « se couper du monde », sans trouver aucun plaisir dans ce retrait. De toutes façons, l’anesthésie dure peu : dès qu’il pense à l’avenir qui s’annonce, le cauchemar reprend. Quel cauchemar ? Celui de son exclusion - tout s’écroule, son destin d’enfant rejeté le rattrape. Il avait enfin réussi à obtenir la garde partagée de ses filles, à construire une vie épanouie, avec des succès professionnels dont il n’osait même pas rêver, lui, l’homme sans héritage ni compromissions. Après ce mariage malheureux, enfin il aime là où il désire, et désire là où il aime. C’est à ce courant continu depuis quelques années, à la fois tendre et sensuel, que Dominique puise son sentiment d’exister enfin, et sa capacité à créer. Toutes ressources qui se tarissent avec l’annonce : plus rien ne peut sortir, « je suis constipé de rêves », me dit-il. Plus de métabolisation, plus de transformation psychique possible, le ventre noué sur un contenu inexpulsable. Comme sa compagne ? La douleur en plus, et puis l’enfant n’est pas de rêve, il est de cauchemar : « je suis fichu ». Les motifs conscients de l’angoisse ne manquent pas. Il a le sentiment d’être pris au piège : il se sent « refait », dit-il. Vont recommencer les nuits sans sommeil, et, pour citer encore Michaux, la « nouvelle et tenace amarre qui va venir s’ajouter aux cordages innombrables qui le tiennent déjà »15. Là encore, Winnicott confirmera : « au début il faut que l’enfant fasse subir sa loi ». Face à cette loi là, celle-là même à laquelle en fuyant le foyer conjugal il s’est plus ou moins soustrait malgré ses deux très petites filles, il sait bien cette fois-ci qu’il ne pourra pas « se défiler ». Apparaît alors toute la culpabilité consciente liée au « mauvais père » qu’il a commencé par être, et qu’il ne cesse d’essayer d’effacer. Et puis surtout, même si ce motif là, moins avouable, commence par être caché sous le tapis des nuits sans sommeil, Dominique a peur que cet enfant à naître ne lui fasse perdre sa compagne, et le désir qui les enflamme depuis leur rencontre : il pourrait perdre son désir à lui, pour un corps qu’il ne reconnaîtrait plus, et son désir à elle, occupée ailleurs. Peur d’être supplanté dans le cœur de sa compagne par cet enfant, peur de perdre sa place 16. Ces dangers là, Dominique les identifie sans difficulté. En somme, il craint de perdre sa liberté et la femme qu’il aime. Avoir honte de cette peur ne change rien à l’intensité de son angoisse. Davantage : il a peur de ne plus avoir de place nulle part, de « devenir rien », de n’avoir jamais été quelqu’un. D’ailleurs, il n’est déjà plus rien : après avoir cultivé l’illusion qu’il avait « percé » dans un milieu difficile, à la seule force de son travail, il a maintenant le sentiment d’une imposture. Sous l’angoisse. C’est l’ambivalence transférentielle qui va permettre d’accéder, derrière ces accents mélancoliques, à des mouvements moins manifestes. Et d’abord, l’ambivalence envers le cadre lui-même : l’extrême difficulté à maintenir le rythme du traitement, sous couvert de restrictions financières - effets concrets de la « constipation de rêve ». L’idée de s’allonger sur le divan et la peur de régresser coexistent avec une attente anxieuse des séances que l’anesthésie volontaire ne suffit pas à abraser tout à fait. « Refait », par cette grossesse qui lui tombe dessus ? Fait une deuxième fois, pour le pire : l’enfant à venir, c’est lui autrefois. Arrivent peu à peu en séance, avec Père ou mère ? L’angoisse devant l’annonce 33 le Carnet PSY • avril 2016 Actes le Carnet PSY • avril 2016 34 Actes Père ou mère ? partie 2 les rêves, des traces de ce passé trop encombrant : souvenirs déformés-remaniés, traces de théories infantiles, fragments de constructions et reconstructions fantasmatiques, affects douloureux. Sa mère lui annonce qu’elle part avec un autre homme : à quatre ans, l’enfant comprend que loin d’épouser sa mère, comme il se souvient l’avoir un temps rêvé, il va la perdre pour de vrai. Si les grands-parents l’ont « pris » à ce moment là, c’est peut-être parce qu’ils jugeaient sa mère incapable de l’élever. Mais pourquoi ? De ce séjour chez les grand-parents, dont il avait tout oublié, remontent des sensations de pièces froides, de repas tristes, sans affection - ne faisaient-ils donc que leur devoir ? Est-ce pour cela, ou parce qu’ils étaient trop vieux, que son père l’a « repris » à son tour, alors qu’il s’était remarié ? Le « malmenage » cesse d’être un nom abstrait, et générique : la plus petite part du gâteau, à partager avec les autres enfants du couple, c’était toujours pour lui, son père n’intervenant jamais. Mais à ce père là, malgré la déception, étrangement il n’en veut pas : le ressentiment s’adresse tout entier à la belle-mère. Et à sa mère : quand en quittant son père il l’a rejointe, l’enfant ne manquait plus de rien, sinon d’amour : une fois - une seule - elle vient le voir jouer à l’entraînement de foot. Depuis le terrain, il guettera chaque semaine de l’année la voiture de sa mère, dit-il. Pas envie de redevenir père, de redevenir l’enfant dont cette paternité à venir charrie les blessures qu’il pensait cicatrisées ; de telles blessures, cet homme les traitait jusque là à sa façon, lui auquel, comme le héros du film de Truffaut, « la compagnie des femmes était indispensable – sinon leur compagnie, du moins leur vision ». Histoire banale à pleurer, d’ailleurs Dominique pleure parfois, et c’est l’enfant dédaigné 17 autant qu’abandonné qui pleure sur son destin tragique d’enfant œdipien. Séduit, avant d’être abandonné. Le père devant lui en érection ? La phrase est ambiguë, et la confusion de Dominique, qui peut entendre lui aussi la polysémie de la phrase, massive : indûment séduit et abandonné par l’adulte, mais excité aussi. Dans la même séance, Dominique rapporte un conflit avec un fournisseur par lequel il a le sentiment de « se faire avoir » sans que les circonstances lui permettent de rompre le contrat qui le lie à lui : impuissant comme il est ces temps-ci, il est incapable de réagir -« Comme vous l’étiez face à votre père, avec le sentiment de vous faire avoir ? ». Peu à peu, apparut une autre figure du complexe paternel : ce père « taré » et décevant avait été aussi très aimé par Dominique. Ce père en retrait, qui quittait la table familiale dès qu’il pouvait pour s’enfermer dans son cabinet de bricoleur-inventeur de machines inutiles, parfois l’enfant avait l’autorisation de le rejoindre, plein d’admiration. Le plaisir et l’émotion pris à cette évocation surprirent Dominique. « Dans son cabinet ? » Her Majesty the Baby. Dans mon cabinet à moi, nous partageons tous les deux, avec l’échographe, un secret : le sexe de l’enfant, que la mère veut ignorer. Il vient de l’apprendre, et en jubile : « Ce qui me sauve, c’est que mon vœu ait été exaucé, c’est que j’aie une fille ». « Comme ça, ajoute-t-il en riant, je reste le seul homme de la famille »18. Pour de rire et pour de vrai, toute menace de rivalité paraît d’emblée écartée, et l’angoisse va peu à peu se retirer, à partir de ce moment là, et la constipation de rêves s’éloigner. « Quand je touche ma fille, me dit Dominique en évoquant la séance d’haptonomie, c’est bien une fille que je touche », et il en est soulagé, de ces retrouvailles avec la fille-mère-femme : « il y a le même voile, comme transparent, que quand je regarde les femmes »19. Celle-là, l’homme qui les aimait toutes, cher à François Truffaut, ne l’avait pas encore croisée… La naissance d’Aurore va dissoudre l’angoisse de Dominique dans une marée de libido narcissique, où l’idéalisation garde elle aussi toute sa teneur libidinale : Aurore est d’emblée cette enfant « miraculeuse », « une miraculée de l’amour » dit le père énamouré comme il n’a pas été avec les aînées, chargées d’une relation ambivalente où la haine prévalait alors sur l’amour. L’enfant à venir du fantasme, porteur de tous les dangers, et d’abord de cette haine accumulée aussi comme un rempart contre la détresse et la solitude de cet enfant « mal accueilli »20 s’efface devant Her Majesty the Baby : le bébé sauve son père de presque tous les dangers. Lorsqu’Aurore paraît, elle a d’emblée tous les pouvoirs des recommencements : toutes les qualités, tous les talents et tous les charmes, à l’intérieur du cercle de famille qu’elle « cimente », dit Dominique, et au-dehors ; le monde entier s’étonne de la petite merveille - les grandes sœurs, les amis, la crèche. Dominique retrouve « magiquement », sous la baguette de la fée Aurore, son désir pour sa compagne et leur intimité érotique, sa capacité à travailler et sa créativité, en même temps qu’un surmoi bien plus bienveillant que cruel : « maintenant, dit-il près d’un an plus tard, je m’aide, je ne me détruis plus comme pendant ces six mois ». Ainsi Aurore serait-elle venue réanimer l’instance idéale du moi, dont l’enfant à naître avait fantasmatiquement fragilisé l’édification en faisant revenir sur la scène psychique le fils détrôné et des pères sans majesté : le « mauvais père » qu’il fut, avec ses deux filles aînées, et le « mauvais » père qu’il eut, dégoûtant Qu’Aurore soit une fille compte infiniment dans cette fonction de restauration narcissique qu’il lui prête. La chaîne des identifications peut être croisée avec la trame des choix d’objet : grâce à sa fille, l’enfant dans Dominique retrouve la voie d’une séduction œdipienne « positive », et active, dans laquelle il aura la main sans « se faire avoir ». C’est bien du sexuel infantile de l’adulte qu’il s’agit. Le père Dominique ne peut être dit un père incestueux, ni incestuel - sauf à méconnaître ce sexuel infantile synonyme d’inconscient : « je fuis la maternité avec ma femme, je plonge dans la maternité avec elle », me dit-il quelques mois plus tard. « Quand on ferme la porte de la chambre et qu’Aurore dort, nous ne sommes que des amants. Quand on s’occupe d’Aurore, on le fait tous les deux, mais alors il n’y a rien d’érotique entre nous, enfin moi j’y insiste beaucoup, quand elle m’embrasse devant la petite j’ai beaucoup de mal ». « L’enfant est le père de l’homme » : Freud emprunte la formule énigmatique à Wordsworth, encore un poète. Avec Aurore, Dominique trouve enfin un père à son goût, à sa mesure - un père tout puissant et sans danger, un père merveilleux et s’émerveillant, un père qui s’abandonne sans l’abandonner, tel le vieil Anchise porté sur le dos de son fils Enée fuyant Troie en flammes. Que cet enfant soit une fille rapproche davantage encore Dominique de ce père là - du père tant désiré par Michaux, peut-être : « comme avec une femme… c’est un émerveillement ». L’enfant ne serait-il pas plutôt le père et la mère de l’homme ? Même si Freud est formel - c’est de « la première et plus significative identification de l’individu, celle avec le père de la préhistoire personnelle »21 que naît l’idéal du moi-, une célèbre note en bas de page ajoute : « ou les parents » : tous les deux (et on sait qu’ils sont au moins quatre, voire seize, sans compter les autres) sources auxquelles puiseraient et l’identification primaire 22 et les identifications œdipiennes. Ces sources là alimentent l’enfant de la réalité psychique, qu’il prenne corps et âme et devienne un autre enfant, ou bien qu’il reste dans les limbes - celui qu’on refuse d’avoir, ou d’être, celui qu’on aurait voulu avoir, ou être : l’enfant de la pré-histoire en somme, sinon l’infantile. La note posthume de Freud (1938) est célèbre : « Avoir et être chez l’enfant. L’enfant aime bien exprimer la relation d’objet par l’identification : je suis l’objet. L’avoir est la relation ultérieure, retombe dans l’être après la perte de l’objet. Modèle le sein », écrivait-il en 1938 23. Modèle : le père ? Le père est un morceau de moi, je suis le père. Plus tard seulement, je l’ai. Plus tard encore, je le redeviens ? Modèle : père et mère, aux sources de la bisexualité psychique quelque soit leur genre ? J’y ajouterais bien la fenêtre, avec ou sans grand chien au galop qui la traverse - pour « l’agréable accroissement de l’être » qui occupe l’enfant selon Henri Michaux, une fourmi suffirait. Pr Françoise Neau Professeur de psychopathologie, Université Paris Descartes-Sorbonne Paris Cité, Laboratoire PCPP, Psychanalyste, membre du comité de publication de l’Annuel de l’APF Notes 1- H. Michaux (1943), « Tu vas être père », Œuvres Complètes I, Paris, Gallimard (Pléiade),1998, p.747-750. 2- D.W. Winnicott (1947), « La haine dans le contretransfert », in De la pédiatrie à la psychanalyse, Payot, 1969, p. 81. 3- Ibid., p. 80. 4- C’est par cette citation non référencée que JeanPierre Martin commence sa belle biographie du poète (J.-P. Martin, Henri Michaux, Paris, Gallimard, 2003). 5- H. Michaux, Œuvres complètes, I, op. cit., p. 163. 6- Selon le propos de Raymond Bellour dans son Introduction à l’édition des Œuvres Complètes de Michaux qu’il a dirigée en Pléiade, I, p. XIII. 7- H. Michaux, Œuvres complètes, I, op. cit., p.608. 8- « J’ai lutté contre mon père (et contre ma mère et contre mon grand-père, ma grand-mère, mes arrières grands-parents. ; faute de les connaître, je n’ai pu lutter contre de plus lointains aïeux »). Postface de Plume, OC I, p. 215. 9- in La part du père, Seuil, 1991. 10- G. Delaisi de Parseval traduit par « vicissitudes de la paternité » les « contingencies of paternal behaviors » de l’anthropologue américaine Harriet Kupferer (ibid.). 11- La peur, fear, fait partie de ce que les psychologues et les épidémiologues américains appellent les 3 F pour décrire les actings des futurs pères : fight, flight et fear : bagarres, fugues et peurs - ces dernières, précise G. Delaisi de Parseval, sont non des actings mais des manifestations névrotiques normales. 12- J’emprunte l’expression à Raymond Bellour, si fin lecteur et éditeur de Michaux (Michaux, OC, 1, Pléiade, XI). 13- Dans L’homme qui aimait les femmes, le film de Truffaut, c’est la mère qui a l’habitude de se promener à demi-nue devant l’enfant, se rappelle dans son journal le héros du film, Bertand Morane, alias le cinéaste. « Non pour me provoquer, évidemment mais plutôt, je suppose, pour se confirmer à elle-même que je n’existais pas. Tout, dans son comportement avec moi petit garçon, semblait dire : « J’aurais mieux fait de me casser Père ou mère ? et décevant, trop menaçant pour ne pas s’en débarrasser. Un homme trop aimé aussi, pour que Dominique puisse digérer sans douleur et cet amour et sa perte. 35 le Carnet PSY • avril 2016 Actes Père ou mère ? partie 2 le Carnet PSY • avril 2016 36 Actes la jambe le jour où j’ai enfanté ce petit abruti. » (A. de Baeque, S. Toubiana, François Truffaut, Paris, Gallimard, 1996, p489). 14- In « Une métapsychologie à l’épreuve de l’angoisse », La révolultion corpernicienne inachevée, Paris, Flamamion, 1992, p. 140. 15- Tu vas être père, op. cit., 748. Et Michaux d’ajouter les « Milliers de jours, milliers de nuits qui se préparent, où l’on devra faire bon visage au martyre abondamment administré par l’être (…) bouffi comme un melon enragé ». 16- Dans le complexe d’Œdipe, ne faut-il pas ajouter au vœu meurtrier de l’enfant celui du père, plus souvent jaloux à l’égard de l’enfant que ne l’est la mère, et davantage encore quand c’est un garçon ? Le « regard amer » du père envers le nouveau-né, écho de celui que lance le puîné délaissé au nouveau-né, en serait une forme atténuée, bien plus banale : « il n’y en a plus que pour lui (ou, moins souvent, pour elle). Et moi alors ? », s’indignent tels jeunes pères amers face à l’épouse ou la compagne en pleine préoccupation maternelle primaire. Les Indiens Mohave devancent ces revendications : chez eux, le nouveau père est rituellement baigné soit par sa femme (comme le bébé), soit par sa propre mère, comme s’il voulait régresser à cet état de dépendance néonatale dans laquelle son propre enfant se trouve alors » (G. Delaisi de Parseval, La part du père, Seuil, 1981). Georges Devereux, qui le rapporte, interprète cette couvade post-partum des Indiens Mohave « comme un moyen de contrôler les pulsions agressives du père à l’égard du nouveau-né dont celui-là peut être jaloux, le bébé devenant pour lui un rival vis à vis de sa femme » (ibid.) 17- Cf réf. à Au-delà, p.60, Petite Bibliotheque de Psychanalyse, PUF. 18- « C’est en jouant avec Ginette, écrit le héros du film de Truffaut, l’homme qui aimait les femmes, que je me suis aperçu que la compagnie des femmes m’était indispensable. Sinon leur compagnie, en tout cas leur vision ». Bertrand Morane joue-t-il avec la connotation sexuelle qu’a en argot américain le verbe « to play » ? 19- S. Ferenczi, « L’enfant mal accueilli et sa pulsion de mort » (1929), dans Psychanalyse IV, Paris, Payot, 1990. Voir le n° 224 du Coq Héron (2016/1) autour de ce texte, qui a donné lieu à une journée scientifique organisée par J.-F. Chiantatetto en septembre 2015. Voir en particulier F. Neau, « Les deux espèces de haine dans L’enfant mal accueilli » 20- S. Freud (1923), Le moi et le ça, O.C.F. XVI, PUF p. 275. 21- Dans cette autre région de la préhistoire personnelle, non plus celle du Vaterkomplex mais du Nebenmensch Komplex, c’est bien à l’autre secourable - plutôt la mère - que le petit d’homme va commencer à s’identifier, en identifiant la part de l’autre semblable à lui et en rejetant l’inconnu porteur de menace - expérience essentielle puisque Freud en fait la matrice du jugement et de la pensée. 22- S. Freud (1938), Résultats, Idées, Problèmes, t. II, PUF, 1985, p.287. L’écart ou l’entre au regard de la différence des sexes Bernard GOLSE Puisqu’on ne peut parler d’un sexe sans faire référence à l’autre, il importe de se centrer sur l’entre-deux Introduction Reconnaître sa mère, reconnaître son père, distinguer l’un de l’autre, voilà - sans nul doute - l’un des grands chantiers développementaux de l’enfant. Ceci pose à l’évidence la question du masculin et du féminin, question que l’enfant se doit d’élaborer conjointement en tant que sujet appartenant luimême à l’un ou l’autre sexe, mais aussi au niveau de ses objets relationnels qui sont homme ou qui sont femme. Il ne saurait donc y avoir de père ou de mère sans repérage préalable de la différence des sexes, repérage qui se joue de manière dialectique au niveau du sujet et au niveau de ses objets, puisque la découverte de soi et la découverte de l’autre s’avèrent inextricablement liées. Mais ceci ne suffit pas. Encore faut-il que l’enfant accède à l’appréhension du dosage du masculin et du féminin propre à chaque sexe et, plus encore, à la question de savoir si le masculin de l’homme et le masculin de la femme sont identiques ou non, la même question se posant bien entendu quant au féminin de la femme et au féminin de l’homme. Tout ceci n’est pas simple, on en conviendra aisément ... Après quelques rappels concernant les grandes étapes de cette problématique développementale, et quelques remarques concernant la bisexualité psychique et ses précurseurs, je proposerai ensuite une hypothèse selon laquelle le bébé ou l’enfant procèderait plutôt par une mise en opposition dynamique des deux genres que par la définition statique de chacun des deux sexes de l’espèce humaine. L’idée qui est la mienne, mais qui demeure toutefois à vérifier, est en effet que l’enfant va approfondir la question de l’écart et de l’entre, avant même que de pouvoir précisément définir chacun des deux sexes. Autrement dit encore, on aurait à faire, dans ce registre, plus à une structure des processus qu’à une structure des états, ce qui n’est pas, aujourd’hui, pour nous étonner dans le champ du dévelopement précoce. La différence des sexes en soi et en l’autre Il importe que l’enfant repère en lui (par l’éveil de ses organes génitaux), mais aussi autour de lui, des indices de l’existence de la différence des sexes. Ceci rejoint en fait la dialectique classique qui existe, je le répète, entre la découverte du Soi et du non-Soi puisque c’est en découvrant ses objets que le sujet se découvre lui-même et que, dans le même temps, c’est en se découvrant lui-même comme sujet qu’il peut repérer et investir ses objets. Tout commence par le repérage du sexuel Avant de découvrir la différence des sexes à proprement parler, le bébé a d’abord à repérer le registre du sexuel, comme l’a bien montré un auteur comme G. Rosolato, avec le concept « d’écart différenciateur des satisfactions ». Je n’y insisterai pas davantage ici, mais il s’agit à l’évidence d’un préalable important, puisqu’en découvrant qu’il y a des satisfactions pour l’obtention desquelles il peut ne compter que sur luimême (les auto-érotismes), et d’autres pour l’obtention desquelles il est contraint de s’en remettre à autrui du fait de sa néoténie fondamentale (les besoins auto-conservatoires), le bébé découvre du même coup que le registre du sexuel se trouve d’emblée connoté par une dimension d’intime, de secret et de privé. La découverte de la différence des sexes proprement dite Quoi qu’il en soit, une fois démarqué ce registre du sexuel, l’enfant va devoir découvrir peu à peu la différence des sexes et cette découverte est alors le fruit d’un processus qui va se jouer simultanément sur différents plans pour l’enfant : celui du soi, celui des objets matériels de son environnement, et celui de ses imagos parentales enfin. Sur le plan du soi, en termes de vécu subjectif, l’enfant ressent des excitations dans son corps, des choses différentes selon qu’il est garçon ou fille - les manifestations masturbatoires en témoignent - mais il les vit comme un absolu sans savoir que d’autres que lui éprouvent d’autres choses et donc, à l’évidence, sans point de comparaison possible avec autrui (adultes, autres enfants …), alors qu’en termes de marques objectives en revanche, l’enfant va pouvoir travailler l’accès à la reconnaissance de la différence des sexes. C’est là, on le sait, un chapitre classique de la métapsychologie freudienne et les différentes étapes de cette dynamique sont désormais bien connues. Disons seulement, ici, que d’une part cette dynamique est extrêmement progressive et conflictuelle dans la mesure où une grande énergie va se trouver en fait consacrée à la lutte contre cette perception de la différence qui s’impose à l’enfant de manière plus ou moins angoissante. Il s’agit d’une dynamique progressive en ce sens que l’accès à la reconnaissance de la différence des sexes ne se pose pas qu’au moment de la phase phallique-œdipienne. Le « en avoir ou pas » propre à cette période centrée sur la question du pénis est en effet précédé et préparé par toute une série d’interrogations dialectiques qui viennent s’inscrire dans le champ des problématiques orales et anales en amont du stade phallique : celle « de l’avaler ou du cracher » comme précurseur de l’opposition entre la réceptivité féminine et l’expulsion ou la pénétration masculine, celle « du retenir ou de l’évacuer » qui sous-tend en réalité les autres oppositions partielles (montrer/ cacher, actif/passif, grand/petit et fort/faible) qui annoncent et préfigurent certains de nos stéréotypes différentiels entre le masculin et le féminin. C’est également une dynamique conflictuelle en ce sens que l’enfant va longtemps lutter contre la perception et l’intégration de ces différences entre les deux sexes relevant de l’acceptation de la castration. Les ambitions phalliques des petites filles qui se comportent comme des « garçons manqués » (soit comme des garçons à qui il ne manque que cela, le pénis), les diverses théories sexuelles infantiles qui font penser au garçon que le pénis des filles leur a été coupé mais qu’il repoussera, le fantasme de mère pénienne qu’on peut retrouver dans les dessins des enfants des deux sexes comme dernier acte de résistance avant d’admettre que toutes les femmes sont effectivement dépourvues de pénis, et même le désir de la petite fille d’avoir un enfant du père en tant que pénis interne qui viendrait la dédommager de son manque de pénis externe, toutes ces formations et configurations psychiques ont en fait valeur de déni actif de la perception de la différence des sexes. Cette perception ne sera finalement intégrée par l’enfant qu’assez tardivement, vers deux ou trois ans dans le schéma freudien, et comme à regret, sur un mode quelque peu résigné, à son corps défendant pourrait-on dire. Les fréquents éléments dépressifs de la période œdipienne témoignent probablement en partie de ce renoncement à une vision unisexuée du monde, et l’on sait tous les mécanismes de désaveu de la Père ou mère ? Bien que je sois pédopsychiatre et psychanalyste, dans le cadre de ce travail mes propos seront formulés d’un point de vue peut-être plus développemental que strictement psychanalytique, ou plutôt ils le seront à partir d’un regard psychanalytique porté sur le développement. 37 le Carnet PSY • avril 2016 Actes le Carnet PSY • avril 2016 38 Actes castration féminine que l’on retrouvera encore, longtemps après, au niveau de l’élaboration des positions fétichistes qui représentent le dernier baroud d’honneur possible - si j’ose m’exprimer ainsi à l’encontre de la perception et de l’acceptation de la différence des sexes. Je rappelle, ici, les travaux de H. Roiphe et E. Galenson qui ont bien montré également l’existence « d’angoisses génitales précoces » que l’enfant va vivre, bien avant la période œdipienne, dans sa rencontre avec les différences perçues par lui au niveau des organes génitaux externes (les siens et ceux des adultes qui l’entourent). Père ou mère ? partie 2 Sur le fond de tout ceci, l’enfant va alors travailler ces différentes questions en les projetant sur son environnement matériel et G. Haag a ainsi décrit, de manière très parlante, le véritable travail de catégorisation auquel les bébés vont se livrer très tôt, en différenciant ce qu’elle appelle des « objetsmaman » (ronds, doux, mous, creux ou concaves ...) et des « objets-papa » (pointus, rugueux, durs, pleins ou convexes…). Enfin, au niveau non plus des objets concrets mais des objets parentaux eux-mêmes, les enfants vont également distinguer progressivement entre ce que D. Houzel appelle les « saillances paternelles » et les « prégnances maternelles », différences interactives qui vont participer à son élaboration de la différence des sexes et à son intégration graduelle. L’enfant semble ainsi capable de reconnaître et de différencier très tôt certaines caractéristiques parentales telles que la voix, l’odeur, le grain de la peau, la façon dont il est porté … (J. Mehler et E. Dupoux) et, de ce fait, il semble capable de se positionner beaucoup plus précocement qu’on ne le pensait par rapport à la triade, et pas seulement par rapport à la dyade qu’il forme avec sa mère (E. Fivaz-Depeursinge). De nombreuses recherches ont également montré que les pères et les mères n’interagissent pas de la même manière avec leur enfant, que ce soit en termes d’attachement, en termes d’utilisation des objets, et même en termes d’interactions comportementales. • Les schémas d’attachement des enfants peuvent être différents vis-à-vis de la figure primaire d’attachement (généralement la mère) et vis-à-vis des figures d’attachement secondaires (dont celle du père), et l’on sait que ces schémas d’attachement se mettent en place dès la première année de la vie. • Les mères, quand elles jouent avec leur bébé, utiliseraient plus souvent les objets dans leur fonction usuelle que les pères qui font davantage preuve d’inventivité symbolique ou semi-symbolique, comme si ces derniers voulaient activement capter l’attention de leur enfant vis-à-vis duquel ils peuvent se sentir coupables d’être souvent moins présents que les mères, avec une éventuelle envie à l’égard de celles-ci. • Il a également été décrit un lancer-des-bébés-enl’air, pour jouer, qui seraient davantage le fait des pères que des mères... Même si, finalement, d’un point de vue expérimental, nous n’avons pas encore beaucoup d’éléments qui nous permettent de dire avec précision comment, avant dix-huit mois, le bébé parvient à catégoriser le registre maternel et le registre paternel, on sent bien cependant que tout ceci concourt, progressivement, au repérage par l’enfant d’objets relationnels distincts et à son accès à la question de la différence des sexes. Cependant, tout ceci n’est pas très probant, chaque père et chaque mère fournissant sans doute à l’enfant un « répertoire » de signaux différentiels non pas généraux - mais au contraire spécifiques de chaque dyade ou de chaque triade - et alors explorables par l’enfant dans leur mise en perspective. Reste à savoir, cependant, si cette distinction des deux sexes porte seulement sur les fonctions parentales ou plus profondément sur les imagos parentales. C’est là une question difficile, car les fonctions parentales peuvent être assumées par des adultes très divers. Le passage des fonctions parentales aux imagos parentales se fait sans doute par injection dans le système interactif précoce de l’histoire parentale (par le biais des inévitables projections parentales), de la névrose infantile des parents et de leurs problématiques trans- et intergénérationnelles spécifiques, ce qui demeure une problématique complexe car, si l’instauration des fonctions parentales est désormais relativement bien étudiée ainsi que la délimitation de la place du tiers, comprendre précisément comment tel ou tel adulte va se spécifier comme tel auprès de l’enfant demeure, aujourd’hui encore, extrêmement délicat. Les travaux de l’Institut Pikler-Loczy à Budapest nous offrent à ce sujet, une piste de réflexion fort féconde, mais tout, dans ce domaine, n’est sans doute pas observable et c’est l’analyse, bien entendu, qui est susceptible de nous apporter également beaucoup sur la compréhension rétrospective de ces dynamiques précoces. La bisexualité psychique au regard des précurseurs de la différence des sexes C’est Didier Houzel qui insiste souvent sur le fait que la bisexualité psychique ne se joue pas seulement en termes d’objets totaux mais qu’elle reconnaît des Au niveau des enveloppes qui sont d’abord cutanées et corporelles, avant d’être dyadiques, triadiques, groupales et psychiques, les travaux d’Esther Bick ont bien montré la nécessité d’un équilibre satisfaisant entre les composantes féminines de contenance et les composantes masculines de limite, ceci en référence à nos stéréotypes symboliques habituels. Cet équilibre se retrouvera aussi, mutatis mutandis, au niveau du cadre psychothérapeutique, quelles que soient les modalités techniques des psychothérapies mises en œuvre. D. Houzel a précisé que chaque fois qu’un enfant rencontre un équilibre insatisfaisant de ces composantes masculines et féminines au niveau des adultes (parents ou professionnels) qui prennent soin de lui ou au niveau des fonctionnements institutionnels dans lesquels il s’inscrit, immanquablement il jouera le clivage, alors que s’il rencontre un bon équilibre de ces deux types de composantes, alors il pourra s’en servir utilement pour sa croissance et sa maturation psychique. Au niveau des objets partiels, les précurseurs de la bisexualité psychique peuvent être pensés au niveau de ce que j’ai déjà évoqué quant aux « objets-maman » et aux « objets-papa » décrits par G. Haag, cette distinction pouvant concerner non seulement certaines caractéristiques des objets matériels mais aussi diverses spécificités partielles des personnages adultes de l’entourage de l’enfant. La bisexualité psychique en termes d’objets totaux apparaît alors comme le fruit ou comme la résultante des précurseurs ainsi décrits au niveau des enveloppes et des objets partiels, et elle peut être appréhendée sous la forme du classique équilibre « animus/anima » propre à tout sujet humain, y compris névrotico-normal. Il est banal de dire que tout sujet comporte en lui-même une dimension de féminin et une dimension de masculin, et la référence à cet équilibre interne clarifierait sans doute des débats comme ceux qui ont trait à la résidence alternée à la suite d’un divorce, débats qui ne peuvent que se conflictualiser si on raisonne seulement en termes d’homme ou de femme, de père ou de mère. En tout état de cause, mais il nous reste un énorme travail pour spécifier qualitativement le féminin et le masculin des deux sexes : sont-ils comparables et seul l’équilibre quantitatif entre ces deux composantes différerait alors entre les hommes et les femmes, ou au contraire sont-ils intrinsèquement et qualitativement différents, et ceci indépendamment de leur équilibre quantitatif ? Le concept d’écart ou d’entre Rappelons maintenant, et c’est ce sur quoi je conclurai, l’hypothèse qui est de faire du travail du bébé quant au repérage de la différence des sexes, un travail qui renvoie à une structure des processus plutôt qu’à une structure des états. Le concept d’opposition dialectique nous vient en fait de la biologie. C’est ainsi que Jean-Didier Vincent a pu dire : « Au commencement, des molécules se reconnaissent et s’unissent en s’opposant entre elles. Une seule ne peut prétendre être vivante ; la présence contradictoire de l’autre est nécessaire. La vie naît de cette rencontre et de cet affrontement. Elle établit un lien fondé sur la confrontation entre des entités singulières. On pourrait presque dire qu’elle est un phénomène religieux, en donnant au mot son étymologie latine (re-ligare) ». Autrement dit, c’est le lien qui importe au premier chef, lien de convergence ou lien de divergence, et ceci au niveau le plus élémentaire, c’est-à-dire au niveau moléculaire. De manière isomorphe, peut-on alors penser qu’il pourrait en aller de même au niveau des deux sexes de notre espèce où la dynamique du lien entre le féminin et le masculin serait également susceptible de l’emporter sur les spécificités propres à chacun d’entre eux ? Ce qui nous renvoie à la Négation freudienne, encore et toujours Au point où nous en sommes, il me semble important, en effet, d’évoquer le texte célèbre de S. Freud de 1925 sur « La négation », texte dont on sait à quel point il nous aide à penser l’instauration de la frontière entre le dedans et le dehors, chez le bébé, instauration rendue nécessaire du fait d’une menace interne. En effet, si la première partie de l’article est consacrée à la négation en tant que mécanisme de défense chez des sujets adultes névrotiques alors en analyse avec S. Freud, la seconde partie se centre sur le mécanisme de la négation à l’aube de la vie, chez le très jeune enfant, comme moyen de séparer la réalité interne de la réalité externe, division participant probablement à la constitution de l’inconscient dit primordial 1. Ce que je voudrais souligner ici, c’est que le mécanisme de la Négation s’avère véritablement fondateur d’un certain nombre de liens d’opposition : entre le dedans et le dehors, entre le sujet et l’autre, et peut-être aussi, d’une certaine manière, entre le masculin et le féminin, et partant entre le père et la mère. Bien entendu, il ne s’agit en rien de dire que la distinction entre le père et la mère s’opérerait en référence à l’opposition plaisir/déplaisir mais seulement de supposer que la mise en lien d’opposition entre les deux se ferait selon un Père ou mère ? précurseurs au niveau des enveloppes psychiques et des objets partiels. 39 le Carnet PSY • avril 2016 Actes le Carnet PSY • avril 2016 40 Actes processus dynamique de dialectisation de part et d’autre d’une limite elle-même signifiante. L’article commence d’ailleurs par une projection et une négation devenues célèbres : « Vous allez penser que c’est ma mère, et bien non, ce n’est pas elle ». L’idée que ce soit ma mère est insupportable et si elle se fraye un chemin jusqu’à la conscience cognitive, c’est pour se voir immédiatement réfutée d’un point de vue émotionnel. N’y a-t-il pas là un modèle structural de l’accès à la différence des sexes ? Vous allez penser que c’est ma mère, vous allez penser que c’est mon père... Et bien non, ce ne sont pas eux et penser leurs différences serait tellement dangereux qu’il faut un double mécanisme de défense contre cette perception inquiétante - une projection et une négation car les défenses, on le sait bien, sont toujours à la hauteur des menaces. Sans doute est-il alors moins dangereux pour le bébé et pour l’enfant de penser conjointement les deux - le père et la mère - et de réfuter leurs différences, au moins dans un premier temps, afin d’inscrire dans sa psyché naissante ni l’un ou l’autre, mais l’un et l’autre dans leur rencontre sur un écart ou sur un entre-deux acceptable. Père ou mère ? partie 2 Le concept d’écart ou d’entre selon François Jullien nous servira alors de conclusion En 2012, François Jullien a prononcé sa Leçon inaugurale de la Chaire sur l’altérité sur le thème de L’écart et l’entre, texte qui a ensuite été publié dans la Collection « Débats » des Editions Galilée. C’est un écrit véritablement remarquable et heuristique probablement lié au fait que François Jullien, comme il le dit lui-même, est certes un philosophe spécialiste de la philosophie orientale mais que ce qui l’intéresse, ce n’est ni la philosophie occidentale en tant que telle, ni la philosophie orientale en tant que telle, mais la mise en perspective des deux et le travail de pensée à l’interface. On rejoint, ici et autrement, le concept de transdisciplinarité et de complémentarisme selon G. Devereux, mais avec un focus sur l’entre-deux. Est-ce que cela peut nous aider à penser la question de la différence des sexes ? Selon moi, oui puisque si l’on ne peut parler d’un sexe sans faire référence à l’autre, il importe alors, précisément, de se centrer sur l’entre-deux. Le bébé travaillerait ainsi non pas directement sur la mise en représentation mentale du père en tant que père ou de la mère en tant que mère, mais sur leurs différences, sur leurs écarts et sur leurs possibilités de permutation comme il le fait dans le domaine linguistique à propos de la découverte des différents phonèmes pertinents dans sa langue. De même que l’identité de genre ne découle pas de manière linéaire des spécificités propres à chaque sexe mais dépend fondamentalement de la manière dont une culture donnée traite et élabore la sexuation biologique de l’espèce en conférant du dehors des rôles spécifiques à chacun des deux sexes, le bébé aurait aussi à prendre acte de la différence des sexes biologiques pour attribuer à chacun des deux sexes des index de reconnaissance qui dépendraient plus de sa manière à lui d’articuler leurs différences dans l’écart et dans l’entre-deux que de spécificités véritablement inhérentes à chacun des deux sexes. Autrement dit encore, c’est le bébé qui attribuerait progressivement aux adultes qui prennent soin de lui une identité de genre en quelque sorte locale, intrafamiliale et personnelle, en se fondant moins sur des caractéristiques supposées inhérentes au fonctionnement des hommes et des femmes que sur la mise en perspective de leurs différences interactives, quelles que soient ce que celles-ci puissent être dans l’absolu. Alors père et mère, ou père ou mère ? Inclusion ou exclusion ? Je laisserai bien sûr la question ouverte, ouverte à toutes les possibilités et à tous les avenirs développementaux possibles en précisant toutefois que, posée de cette manière là, c’est-à-dire en se centrant sur l’écart et la différence et non pas sur les repérages statiques de chaque sexe et, en prenant en compte le masculin et le féminin des hommes comme des femmes, alors il devient peut-être possible de penser de manière non obligatoirement polémique les fonctions maternelles et paternelles pour des enfants élevés par des couples homoparentaux. Ce qui importerait toujours pour l’enfant, c’est d’être introduit à la différence dont la différence des sexes - en termes d’homme ou de femme - ne serait alors qu’un des paradigmes possibles : le plus visible, le plus clair, mais peut-être pas le seul ? D’où deux questionnements diversement mélancoliques : • la différence des sexes est-elle structurale en tant que telle, ou est-ce la différence en général (et pas seulement sexuelle) qui serait fondamentalement structurante avec, comme le dit si bien Catherine Chabert, L’amour de la différence en tant qu’espace d’oscillation et de dialectisation ? • l’être humain, qu’il soit homme ou qu’il soit femme, ne serait-il qu’un effet de bordure, bordure d’un trou physique et psychique (dans la suite des propos de Jacques André), et bordure dont la qualité féminine et/ou masculine ne serait finalement qu’un ornement ou une parure jouant comme support d’un double effet de marquage et de masquage ? Pr Bernard Golse Chef de service de pédopsychiatrie de l’Hôpital Necker-Enfants Malades, Paris. Professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à Paris Descartes, Laboratoire PCPP, psychanalyste APF. 41 Notes 1- On sait aussi que dans cet article dont l’architecture suit donc le mouvement régrédient de la cure, S. Freud effectue une sorte de coup de force épistémologique en inversant le point de vue académique selon lequel toute nouvelle expérience devrait d’abord être pensée comme existant ou non en tant que réalité externe (jugement de réalité) avant d’être évaluée comme bonne ou mauvaise (jugement d’attribution). Selon S. Freud, le bébé, à l’inverse, procède d’abord au jugement d’attribution (cette nouvelle expérience est-elle source de plaisir ou de déplaisir ?) avant de procéder au jugement de réalité (cette expérience existe bel et bien dans la réalité externe, et elle est donc susceptible d’y être retrouvée). Quoi qu’il en soit, rappelons que ce texte a été écrit en 1925, soit quelques années après la mise en forme par S. Freud de la deuxième théorie pulsionnelle (1920) opposant désormais les pulsions de vie et les pulsions de mort, et après la découverte de son cancer de la mâchoire en 1923, cancer qui allait l’emporter seize années plus tard en 1939. Autrement dit, ce travail sur la négation apparaît comme hanté par la question de la mort et par celle du mauvais ou du dangereux à extirper de soi, avec cette solution régressive qui consiste parfois à penser - ou à espérer ? - que le mauvais et le dangereux n’existeraient en tant que tels que dans la réalité externe... Finalement, dans ce travail de 1925, on comprend que dans un premier temps, le bébé va éjecter hors de lui tout le mauvais, et ne garde en lui que le bon, d’où un clivage initial radical entre la réalité externe entièrement mauvaise et la réalité interne entièrement bonne, clivage qui ne pourra se réduire que par l’accès à l’ambivalence, ce travail annonçant et préparant en quelque sorte les développements kleiniens ultérieurs. En tout état de cause, ce mécanisme physiologique de la négation porte en lui, en quelque sorte, les racines d’un fonctionnement de type paranoïaque puisqu’il donne lieu, ne serait-ce que transitoirement, à un extérieur entièrement mauvais et un intérieur entièrement bon. En 1925, le concept kleinien d’ambivalence n’avait pas encore vu le jour ... Père ou mère ? le Carnet PSY • avril 2016 Actes Père ou mère ? partie 2 le Carnet PSY • avril 2016 42 Actes Bibliographie La petite sirène G. Devereux,(1967), De l'angoisse à la méthode dans les sciences du comportement, Aubier-Montaigne, Paris, 1998. E. Fivaz-Depeursinge et A. Corboz-Warnery, Le triangle primaire - Le père, la mère et le bébé. Editions Odile Jacob, Paris, 1999. E. Fivaz-Depeursinge, « Le bébé et la triangulation », 63-74. In : Alliances autour du bébé - De la recherche à la clinique (sous la direction de M. Maury et M. Lamour) P.U.F., Coll. « Monographies de la psychiatrie de l’enfant », Paris, 2000 (1ère éd.). S. Freud (1920), « Au delà du principe de plaisir », 7-81 In : Essais de Psychanalyse, Paris, 1966. S. Freud (1925), « La négation », 135-139. In : Résultats, idées, problèmes, Tome 2 (S. FREUD) P.U.F., Coll. « Bibliothèque de Psychanalyse », Paris, 1985 (1ère éd.) G. Haag, Racines précocissimes de la détermination sexuelle ou la bisexualité dans la relation orale. In : Les petites filles, Journées du Centre Alfred Binet, 1983. D. Houzel, Le rôle du père dans la psychose. Discussion de l’exposé théorique de David Rosenfeld, Journal de la psychanalyse de l’enfant, 1992, 11 (« La fonction paternelle »), 39-46. D. Houzel, L’aube de la vie psychique - Etudes psychanalytiques. ESF, Coll. « La vie de l’enfant », Paris, 2002. F. Jullien, L’écart et l’entre (Leçon inaugurale de la Chaire sur l’altérité), Editions Galilée, Coll. « Débats », Paris, 2012. J. Mehleret, E. Dupoux, Naître humain. Editions Odile Jacob, Paris 2006. G. Rosolato, La différence des sexes, 11-35 In : Essais sur le symbolique (G. Rosolato) Gallimard, Coll. « TEL », Paris, 1969 (2ème éd.). H. Roiphe et E. Galenson, La naissance de l’identité sexuelle. P.U.F., Coll. « Le fil rouge », Paris, 1987 (1ère éd.) J.-D. Vincent, Biologie du couple, Robert Laffont, Paris, 2015 Manuella DE LUCA En accord avec l’auteur et pour des raisons de protection des patients et d’éthique, l’intervention de Karinne GUENICHE «La parabole de l’escargot» n’est pas publiée. Elle se tenait debout dans la salle d’attente. A peine assise, un flot de paroles jaillit. Elle parlait d’une voix à peine audible, avec un débit très rapide, saccadé, comme si une urgence la poussait à se livrer, peutêtre à se libérer. Elle avait de nouveau voulu mourir, elle ne se sentait pas à sa place depuis des années, depuis l’année de ses 13 ans, l’année de ses premières règles qui la dégoûtait et qu’elle subissait, mais aussi l’année où sa mère avait accepté qu’elle aille à l’internat. Malgré l’espoir de ne plus être tiraillée entre les semaines chez sa mère et les semaines chez son père, rien n’avait vraiment changé, les attaques méthodiques contre ce corps qu’elle détestait s’étaient amplifiées, elle se scarifiait tous les jours, plusieurs fois par jour. Ondine décrivait son urgence à se détruire à trouver un exutoire, une issue à sa douleur de n’être à sa place ni dans son corps ni dans sa famille. Elle avait pourtant la solution à l’impasse dans laquelle elle se trouvait : elle voulait être un garçon avec un esprit de femme. Le passage de l’adolescence à l’âge adulte s’accompagne pour les adolescents les plus fragiles d’achoppements dans le traitement de la perte inhérent à cet âge. Perte de l’idéal de tout ce qui pourrait se réaliser mais qui une fois « devenu grand » semble se dérober dans une confrontation cruelle à la banalité de son être et de l’existence. Perte aussi de figures parentales toutes puissantes, porteuses de consolation et de réassurance. Perte enfin d’une bisexualité infantile apaisante permettant d’être l’un et l’autre des deux sexes et de n’avoir à choisir ni l’un ni l’autre mais qui à l’adolescence peut tourmenter, faute de n’être ni vraiment l’un ni vraiment l’autre. Les transformations pubertaires, l’avènement des caractères sexuels secondaires, l’accès au plaisir orgasmique et à la potentialité reproductrice, réactivent la confrontation à la différence des sexes, en contre point d’une flambée œdipienne qui bouleverse la solidité et la sureté des identifications aux imagos parentales. Il faut combattre sur deux fronts : celui du corps perçu comme décevant, à l’origine d’un renoncement aux espoirs de grandeur dont il était porteur et celui de la psyché et du travail de transformation qu’elle exige tant pulsionnel qu’identificatoire et identitaire. Le processus adolescent actualise directement les enjeux de la bisexualité et souligne les contradictions dont elle est porteuse : il s’agit de renoncer à sa part infantile, renoncer aux sirènes de la toute-puissance narcissique qui l’accompagne, tout en la maintenant comme support de la vie psychique, de la dualité Ondine est une longue jeune fille filiforme de 18 ans. Son visage émacié, encadré par des cheveux très courts blonds presque blancs, est envahi par de grands yeux verts. Elle semble à la fois épuisée et tendue à l’extrême. Elle décrit ses difficultés avec une sorte de détachement : les scarifications depuis qu’elle a 13 ans, les deux tentatives de suicide, la première parce que sa mère ne voulait pas qu’elle vive chez son père, la deuxième il y a moins d’un mois parce qu’elle se dégoute, qu’elle est devenue une grosse larve. Devenue une grosse larve ? Oui parce qu’elle ne fait plus rien, ne quitte plus son lit, ne va plus à la fac, ne mange plus, ne se lave plus, parce qu’elle ne se sent à sa place nulle part. Bien sûr ditelle, on pourrait croire que la mort de son oncle qu’elle chérissait, qu’elle est allée voir tous les jours après son opération pour une tumeur au cerveau et qui est mort une nuit sans personne à ses côtés, a tout précipité, tout réactivé de ce malaise présent depuis bien plus longtemps en fait depuis toujours pense-t-elle. Ondine ne se sent pas à sa place dans son corps qu’elle hait et dont elle a honte. Elle déteste surtout ses seins qu’elle trouve énormes alors que les autres s’acharnent à lui dire qu’ils sont plutôt petits, elle déteste aussi tout son côté gauche mais plus particulièrement le pied et l’oreille. Elle s’est tatouée pour cela plusieurs étoiles sous le sein gauche, les étoiles des poupées Barbie qu’elle aimait tant enfant. Elle n’est pas plus à sa place dans sa famille car elle pense qu’elle est née pour réunir le couple de ses parents, qu’elle n’était donc pas désirée, même si sa mère lui répète que sa naissance était souhaitée. Sa sœur et son frère aînés, dit-elle, avaient été eux, voulus par le père et la mère. Pour elle le doute est là, lancinant, renforcé par l’injonction paternelle que la mère se fasse ligaturer les trompes dans les suites immédiates de sa naissance et, confirmé, quand le mariage de ses parents s’est brisé à ses 5 ans. Elle se désole des conséquences de cette séparation : le tête à tête avec sa mère, son frère et sa sœur ayant fait le choix de vivre chez leur père. Elle se désole encore plus de n’avoir aucun souvenir de la période où toute la famille était réunie. Aucun souvenir ? En fait si, un souvenir qui lui vient là tout de suite la prenant au dépourvu : elle se revoit assise sur les marches de l’escalier avec son frère et sa sœur, ses parents en train de se disputer, sa grande sœur et son grand frère leur disant « arrêtez on dirait des petits CP » et elle, répétant « arrêtez on dirait des petits CP ». Elle décrit ce souvenir avec netteté, la netteté des souvenirs de couverture. Elle est sûre qu’elle était en moyenne section de maternelle, c’était en fin de journée, elle était en pyjama ; à l’époque elle avait beaucoup ri et maintenant elle le trouvait pathétique ce seul, cet unique souvenir. Pathétique comme son père qui n’aime que les grosses voitures, l’argent et les jeunes femmes mais qui n’a pas été capable de satisfaire sa mère comme cette dernière le lui a raconté, pathétique comme sa mère qui a menacé de se suicider, quand à ses 13 ans, elle avait fait le choix de vivre chez son père. C’était vital de la quitter, ditelle, pour sortir de son emprise, des comptes qu’elle devait rendre sur ses sorties, ses fréquentations, son emploi du temps et ces dizaines d’appels téléphoniques « c’était comme un cordon ombilical entre elle et moi. A cause de cela je voulais qu’elle meure, j’avais envie de la pousser dans les escaliers. J’ai honte quand j’en parle ». Elle a finalement choisi l’internat et sa mère a dû accepter à cause de la tentative de suicide qu’elle a faite face à ce refus maternel. L’internat a été une période formidable, elle y a rencontré sa première petite amie, elle a éprouvé un sentiment de liberté, pourtant mis à mal en terminale au moment de son orientation, décidée par sa mère vers une classe préparatoire ou médecine alors que son désir à elle était une faculté d’archéologie. Elle décrit comment elle a délibérément, méthodiquement, avec application, raté ses contrôles de mathématiques et de physique, puis le jour du bac comment elle est sortie après une heure d’épreuve pour ne pas avoir plus de 8 sur 20 dans ses deux matières à fort coefficient pour mieux mettre en avant son excellence en philosophie , en histoire géographie et ainsi s’ouvrir les portes de la fac et celle d’un nouvel espoir de liberté. L’archéologie, un rêve de petite fille, car elle adore fouiller la terre, trouver des petits fragments d’objet, essayer de les recoller et surtout comprendre ce qui s’est passé. Elle souffre aussi dans ses relations amoureuses, elle a toujours peur qu’on l’abandonne, alors elle frise le harcèlement mais surtout si l’objet aimé n’est pas à la hauteur, elle se lasse et le quitte. Elle passe de conquêtes en conquêtes, féminines parce qu’elle a essayé deux fois avec des garçons mais elle a été déçue, elle s’est beaucoup ennuyée. Alors qu’avec sa copine actuelle « je ne me lasse pas de regarder le corps de ma copine, il est trop beau, quand on est au lit toutes les deux, nos deux corps, c’est magique, dommage personne ne peut le voir ». Les enjeux de la bisexualité sont vifs et complexes à l’adolescence. Ils peuvent s’exprimer dans une concrétude et une figuration à la fois leurre et le Carnet PSY • avril 2016 fantasmatique et identificatoire qu’elle comporte. La mise en tension de l’intégration de la bisexualité psychique et l’acceptation de la différence des sexes sollicite fortement les capacités de traitement psychique des adolescents. Ces capacités peuvent être débordées ou mises à mal conduisant à une mobilisation de supports concrets comme peuvent l’être certains comportements symptomatiques ou la sexualité. 43 Père ou mère ? Actes le Carnet PSY • avril 2016 44 Actes Père ou mère ? partie 2 séduction pour le thérapeute. Ainsi, le recours aux scarifications, la préférence d’un côté du corps, l’identité bisexuelle affirmée comme une solution, les choix d’objets plus féminins que masculins sont à la fois des manifestations de la bisexualité mais aussi du travail psychique permettant son intégration. Les scarifications peuvent venir figurer une volonté de maintien d’une bisexualité dans la réalité : l’adolescente faute de pouvoir accepter une castration subie en choisirait une a minima, retournant le vécu de passivité de la puberté en activité et détournant également le regard de la béance du sexe de la femme vers celui de l’incision provoquée. La forte part d’activité de la conduite comme la volonté de centrer le regard sur l’extériorité et la superficialité de la peau avec la coupure et la cicatrice souligneraient la dimension bisexuelle du symptôme comme le dit Freud « l’association de ces pulsions actives et passives dans notre vie psychique est le témoin de la bisexualité de chacun qu’il soit de l’un ou de l’autre sexe »1. La solution qu’elle propose « être un garçon avec un esprit de femme » tout comme la détestation affirmée d’un hémicorps, le gauche celui de la féminité pour Fliess, semble cantonner la bisexualité à sa part anatomique, alors que la part inconsciente de celle-ci, la bisexualité psychique réaffirmée par Freud est fortement mobilisée chez Ondine. Elle se fait tatouer les étoiles de Barbie sous le sein gauche haï et rejeté car doublement inscrit dans une féminité manifeste, dans une nostalgie de l’enfance et dans une bisexualité réparatrice des blessures infligées à l’adolescent par le vacillement narcissique et le flamboiement œdipien. Les deux termes de la formulation d’Ondine « être un garçon avec un esprit de femme » ne sont pas du même ordre : elle oppose garçon à femme, adulte à enfant, prégénital à génital, non sexuel à sexuel, fantasme à réalité. Elle réactualise dans le discours la conflictualité consubstantielle à toute vie psychique et à la bisexualité, mais inscrites dans une mise en tension et en opposition spécifique à l’adolescence. La différence est à la fois niée et reconnue dans l’accolement des deux propositions ni vraiment un corps de garçon ni vraiment un esprit de femme, enviant aux garçons leur assurance tout en leur reprochant leur égoïsme et restant fascinée par le corps des femmes. Etre un garçon n’est pas être un homme, même si elle dit envier les facilités qu’ils ont dans la vie : ne pas avoir de règles, ne pas tomber enceinte et risquer de perdre son travail, avoir de meilleurs salaires que les femmes. Elle donne en fait une description en négatif du masculin dans ce qu’il n’a pas et de ce qu’il n’est pas soumis aux contraintes de la passivité féminine les règles, la grossesse… La revendication phallique semble moins manifeste qu’une envie de puissance et de reconnaissance d’avant la prise en compte de la différence des sexes, illusion bisexuelle pour J. Mac Dougall « rêve de l’enfant incestueux (…) en quête de toute puissance d’avant la chute »2. Ondine déteste son corps, mais elle décrit la fascination pour le corps des femmes, celui de sa petite amie sorte de double et de prolongement d’elle-même, mais surtout pour l’être parfait qu’elles forment quand elles sont enlacées. La figure de Narcisse semble ici convoquée, le Narcisse de la version de Conon qui se mire dans l’eau à la recherche de sa jumelle morte. La recherche du même, d’un double de soi-même si fréquente à l’adolescence, semble pour Ondine une modalité de réassurance narcissique. Réassurance transitoire rapidement battue en brèche comme pour Hermaphrodite figure mythologique du désespoir de sa condition d’être comme le souligne Ovide à la fois l’un et l’autre et ni l’un ni l’autre : homme/femme, fille/garçon, père/mère. Au-delà de la figuration dans le discours manifeste de la bisexualité et de son apparente revendication consciente, elle s’inscrit dans la vie fantasmatique intriquée au commerce objectal dans les identifications et dans les choix d’objets. Dans le fantasme, l’identification à cette figure de garçon avec un esprit de femme, empreinte des caractéristiques de la mère dont Ondine reconnaît la réussite professionnelle et envie l’apparence physique « elle a gardé son corps de jeune fille, elle est toujours très mince malgré ses grossesses » mais aussi de celles du père qu’elle disqualifie tout en appréciant sa sollicitude et sa compréhension « la première fois où il nous a vues avec ma copine il a tout de suite compris et il a été super ». Supports identificatoires porteurs d’une négativité délétère : d’une mère égoïste si attachée aux apparences à la réussite de sa fille, déniant ses désirs et ses aspirations ; d’un père passionné de voitures et de jolies filles, impuissant à satisfaire sa femme. Ces imagos parentales doublement décevantes infiltrées de négativité et inscrites dans une configuration œdipienne fortement colorée de violence comme dans le récit du souvenir d’enfance, qui à l’excitation et du rire de l’enfance, laisse place à un vécu plus ambivalent voire pathétique, car liant étroitement amour et haine, sexualité et mort, comme dans le mythe d’hermaphrodite. Le risque est grand de ne voir alors les fantasmes bisexuels chez Ondine que du côté de la désexualisation, de la négation de la différence des sexes sans tenter d’y repérer les indices d’un processus de transformation et d’intégration de cette différence. Ondine a quitté sa région d’origine et sa mère, elle a sollicité son père pour qu’il la soutienne financièrement. Elle veut poursuive ses études dans la fac de son choix, avoir un appartement et commencer une thérapie « De toute façon je ne serais jamais comme dans le rêve de ma mère, une jolie petite fille rousse ». Les sirènes de la mythologie ne sont pas que des jeunes femmes mi humaine mi poisson ou mi oiseau, voire à la longue chevelure rousse comme dans le dessin animé de Walt Disney, elles sont aussi des êtres hybrides, médiatrices entre les humains et les dieux, porteuses d’une séduction et d’un message qui peut conduire celui qui l’entend à la mort ou à un destin héroïque tel Ulysse. La bisexualité porte en elle cette fonction de médiation entre fantasme et sexualité, entre identification et choix d’objet, entre rejet et intégration de la différence des sexes, elle peut menacer les adolescentes les plus fragiles mais aussi les accompagner vers des rivages plus accueillants. Manuella De Luca Psychiatre, Docteur en psychologie, chef du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolecsent de l’Institut Marcel Rivière à La Verrière, Membre du Laboratoire PCPP de l’Université Paris Descartes Notes 1- Freud S. (1905) Trois essais sur la théorie sexuelle, in OCF, vol. VI, PUF, Paris, 2006 : 58-182. 2- Mac Dougall J. « L’idéal hermaphrodite », Nouvelle Revue Française de Psychanalyse, Paris, 1974, p. 410. Retrouvailles œdipiennes et audace de la bisexualité chez l’homme vieux Benoît VERDON S’il importe de ne pas faire de l’expérience du vieillissement et de la vieillesse une maladie - il s’agit d’un phénomène naturel, bienvenu même en ce qu’il est toujours aujourd’hui lié au fait de n’être pas mort jeune - on ne peut cependant omettre, comme le disait Henri Danon-Boileau dans une formule subtile et laconique, que « vieillir est un exercice périlleux dont on connaît le dénouement » (2000, p. 9). Vieillir est difficile. Au plus intime du regard que chacun-e peut porter sur soi-même, se déploie pas à pas la confrontation à une vulnérabilité grandissante liée à la mise à mal de l’intégrité des fonctions somatiques et cognitives, voire à une insécurité liée aux pertes multiples qui ne cessent de solliciter un traitement psychique. Freud s’avère ainsi de plus en plus sensible à l’idée d’affaiblissement du moi, lequel peine à traiter les excitations, un moi par trop étreint par l’insidieux passage du temps et la douleur d’événements violents qui ne manquent pas de survenir : « L’ardeur contenue vous use ou use ce qui reste de l’ancien moi. Et ce n’est pas à 78 ans qu’on en recrée un nouveau » confie-t-il, en 1934, à Lou AndreasSalomé (1966, p. 250). Les hommes dont je vais parler ici sont des hommes qui vieillissent et qui trouvent dans cette expérience psychique singulière l’occasion de renouer des liens intenses avec des figures parentales desquelles est attendue avec ardeur une fonction tout à la fois secourable et source de plaisir. Ce qui s’observe là n’est pas généralisable. Il est des hommes pour lesquels passivité et régression n’engagent pas forcément la possibilité de mobiliser le courant tendre de la libido. La figure de Faust (Goethe) en est exemplaire criant. Ne plus appartenir à l’armée des gens d’aplomb Je vais vous parler d’hommes, mais je vais d’abord donner la parole à une femme, qui a écrit de bien belles pages sur l’expérience de la maladie. Car si je maintiens que vieillir n’est pas en soi une maladie, il est des mots que formule Virginia Woolf sur ce que tomber malade fait vivre que ne renieraient pas bien des personnes qui vieillissent. Elle évoque ainsi « la stupéfaction que nous cause, en cas de santé déclinante, la découverte de contrées jusqu’alors inexplorées, (…) les chênes antiques et inflexibles Père ou mère ? Les modalités de traitement pulsionnel sont d’abord narcissiques dans la recherche du même, du double, mais aussi partialisées dans une mobilisation scopique : avoir du plaisir à voir le corps de sa petite amie mais aussi à être vue. Cette recherche de complétude, nostalgie de la fusion avec l’objet primaire, est suivie par une tentative de différenciation et d’appropriation subjectale marquée et figurée sur le corps, comme premier temps du passage à un registre objectal. Les scarifications et les tatouages offrent un support à ce double travail psychique : marquer son corps pour se l’approprier et le signifier comme un corps différent de celui donné par la mère et séparé d’elle ; l’ouvrir pour se représenter un intérieur vivant et contenant indispensable à la reprise des processus de symbolisation. Ondine cherche à être vivante « Vivante dans le dedans ça je le sais, j’ai mal je saigne. Mais vivante avec les autres pas seulement un fantôme, une ombre ». Ne plus être l’ombre de sa mère, ne plus craindre d’avoir le même corps qu’elle, un corps porteur de mort, ne plus être un fantôme non désiré par son père et construire un féminin intégrant une bisexualité tempérée, plus uniquement un rêve ou un idéal restauré. 45 le Carnet PSY • avril 2016 Actes le Carnet PSY • avril 2016 46 Actes Père ou mère ? partie 2 déracinés en nous sous l’effet d’une indisposition, la façon dont nous sombrons dans l’abîme de la mort et sentons les eaux de l’anéantissement se refermer juste au-dessus de nos têtes. (…) Alors nous cessons d’appartenir à l’armée des gens d’aplomb : nous devenons des déserteurs. Eux marchent au combat. Quant à nous, nous flottons avec les bouts de bois au gré du courant - pêle-mêle avec les feuilles mortes sur la pelouse, irresponsable, indifférent et en mesure, peut-être pour la première fois depuis des années, de regarder autour de nous, de regarder en l’air, de regarder, par exemple, le ciel. (…) Nous sommes condamnés à nous tortiller tout le temps que nous restons accrochés au bout de l’hameçon de la vie » (1930, p. 23, 37 et 43). Nous sommes là sur une ligne de crête, oscillant entre le risque du découragement et de l’abdication face à des idéaux d’utilité, d’intégrité et de performance malmenés, et la possibilité dégageante de réaménagement des investissements narcissiques, identificatoires et objectaux permettant de vivre et de vivre avec plaisir, suffisamment. « Il y a, dit Virginia Woolf, avouons-le (car la maladie est le confessionnal suprême), une franchise tout enfantine dans la maladie : des choses sont dites, des vérités échappent étourdiment que la prudente respectabilité de la santé dissimule » (ibid., p. 35). Bel écho à ce que Freud soutient dans Le poète et l’activité de fantaisie : « l’adulte a honte de ses fantaisies et les dissimule à la vue des autres, il les choie comme ses intimités les plus personnelles ; il aimerait mieux, en règle générale, confesser ses manquements que communiquer ses fantaisies. (…) L’adulte sait d’une part qu’on attend de lui qu’il ne joue ou ne fantaisie plus, mais qu’il agisse dans le monde réel ; et d’autre part, parmi les souhaits générateurs de ses fantaisies, il en est beaucoup qu’il est absolument indispensable de dissimuler ; c’est pourquoi il a honte de son activité de fantaisie comme de quelque chose d’enfantin et de non autorisé » (1908, p. 163). Fantaisies intimes Comment ne pas repenser là à ces paroles saisissantes, ces confidences fortes écrites par ces hommes avancés en âge que furent Jean-Jacques Rousseau, Léon Tolstoï et François Mauriac ? Dans plusieurs de leurs écrits - et notamment leurs journaux, où s’expriment avec force, par un vigoureux regard surplombant, tant l’investissement et la préoccupation pour les choses du monde que l’intérêt et le souci de soi -, on peut saisir tant la vaillance des convictions politiques, philosophiques ou religieuses, l’appétence au travail de lecture et d’écriture, que l’aveu de la prégnance de la fatigue, de la somnolence et de l’insomnie, du doute et de l’intranquillité, de la vulnérabilité et, partant, du désir d’être porté/ investi psychiquement, voire physiquement, par une figure maternelle. Ainsi, Rousseau, dans ses Confessions, écrit, en parlant de sa tante - sa mère est décédée quelques jours après sa naissance - : « L’attrait que son chant avait pour moi fut tel que non seulement plusieurs de ses chansons me sont toujours restées dans la mémoire, mais qu’il m’en revient même, aujourd’hui que je l’ai perdue, qui, totalement oubliées depuis mon enfance, se retracent à mesure que je vieillis, avec un charme que je ne puis exprimer. Dirait-on que moi, vieux radoteur, rongé de soucis et de peines, je me surprends quelquefois à pleurer comme un enfant en marmottant ces petits airs d'une voix déjà cassée et tremblante ? » (1782, p. 40). Plus d’un siècle plus tard, Tolstoï, alors âgé de 78 ans, écrit : « Toute la journée, état hébété, déprimé. Sur le soir, cet état est passé à un attendrissement - un désir de douceur - d’amour. J’avais envie, comme dans l’enfance, de me presser contre un être aimant, compatissant, et de pleurer d’attendrissement et d’être consolé. Mais quel est l’être auquel je pourrais ainsi me presser ? Je passe en revue tous les gens que j’aime - pas un seul ne convient. Contre qui me presser ? Me faire tout petit et contre ma mère, comme je me la représente (sa mère est également décédée quand il avait deux ans). Oui, oui, maman, que je n’ai encore jamais appelée, ne sachant pas parler. Oui, elle, ma plus haute représentation du pur amour, mais non pas du froid amour divin, mais d’un amour terrestre, chaud, maternel. C’est à cela que tendait mon âme la meilleure, fatiguée. Toi, maman, toi, dorlote-moi. Tout cela n’a pas de sens, mais tout cela est la vérité » (1905-1910, p. 205). Enfin, évoquant une pénible situation de fatigue et de grippe alors qu’il doit voyager, « ahuri et flageolant », qu’il lui faut « trotter » derrière son fils, être « hissé » dans un wagon, « devenu bagage moi-même », Mauriac, 82 ans, écrit, lui qui peu avant se redressait face aux attaques d’un jeune collègue qu’il jugeait arrogant et clamait « ce n’est pas parce que j’ai un pied dans la tombe qu’il faut me marcher sur l’autre ! », il écrit : « Ma mère occupe beaucoup plus ma pensée aujourd’hui où je suis si près de la rejoindre, que lorsqu’elle était vivante. Le vieil homme, même s’il ne retombe pas en enfance, y retourne en secret, se donne le plaisir d’appeler maman à mi-voix. (…) Ces servantes au sourire docile qui me prenaient sur leurs genoux, je me redis Bisexualité et passivité Mais à côté de cette construction fantasmatique somme toute assez classique - les retrouvailles sont espérées avec une figure féminine maternelle en l’absence d’un tiers séparateur -, on peut aussi être à l’écoute de fantaisies où la bisexualité psychique permet un déploiement d’investissements identificatoires et objectaux particulièrement précieux où la fonction maternelle, toujours attendue, peut être portée par des figures masculines. Si Tolstoï, parlant de lui, convoque ainsi sans ambages sa mère comme figure d’étayage et de consolation aimante, il peut, par le truchement du déplacement sur la figure d’un personnage de roman, mobiliser un fantasme où la composante homosexuelle passive, liée à la régression consolatrice, est autrement plus lisible. Dans son roman La mort d’Ivan Ilitch, il décrit en ces termes la relation que tisse l’intransigeant juge Ivan Ilitch, vieillissant et malade, avec son jeune et robuste domestique : « De ses mains fortes, avec la même aisance que dans sa démarche, Guérassime mit Ivan Ilitch autour de son cou adroitement, doucement, et le retenant d’une main tandis que de l’autre il empêchait son pantalon de glisser, il voulut l’asseoir sur le vase. (… Ivan Ilitch dit à Guérassime de s’asseoir et de lui tenir les pieds. Il se mit à causer avec lui. Et, chose bizarre, il eut l’impression d’aller mieux tant que Guérassime lui tenait les pieds. (…) La santé, la force, l’énergie vitale chez tous les autres offensaient Ivan Ilitch ; tandis que la force et l’énergie vitale de Guérassime, loin de l’offenser, le rassérénaient. […] A certains moments, après de longues souffrances, il aurait voulu pardessus tout, bien qu’il eût honte de se l’avouer, il aurait voulu que quelqu’un le plaignît comme un enfant malade. Il aurait voulu être caressé, embrassé, et qu’on pleurât au-dessus de lui, comme on caresse et on console les enfants. Il savait qu’il était un magistrat important, qu’il avait une barbe grisonnante, et qu’il ne fallait donc pas y compter ; mais il ne désirait pas moins. Dans ses relations avec Guérassime, il y avait quelque chose d’approchant, aussi ces relations lui apportaient une consolation. Ivan Ilitch a envie de pleurer, il voudrait qu’on le caresse et qu’on pleure au-dessus de lui, et voilà qu’arrive son collègue Schebeck : au lieu de pleurer et de s’attendrir, Ivan Ilitch arbore une mine sérieuse, sévère, concentrée, et par routine expose son opinion sur la portée de l’arrêt de cassation et la soutient avec insistance. Le mensonge qui l’entourait et qui l’habitait lui-même empoisonna plus que tout les derniers jours d’Ivan Ilitch » (1886, p. 374 et sqq.). PUBLIER UNE NOTE DE RECHERCHE dans le Carnet/PSY La rubrique « Note de Recherche » publie des travaux évalués anonymement par un comité constitué de : Jacques Angelergues, Alain Braconnier Olivier Chouchena, Marie-Frédérique Bacqué Nathalie Boige, Taïeb Ferradji Nathalie Gluck, Nathalie Godart Bernard Golse, Antoine Guedeney Patrice Huerre, Simone Korff- Sausse François Marty, Sylvain Missonnier Lisa Ouss, Nathalie Presme François Richard, Laurence Robel. Chaque manuscrit doit être adressé par email à Estelle Georges Chassot <[email protected]> sous forme de document Word, police Verdana 12, interligne 1.5, pages numérotées, 25.000 caractères maxi espaces comprisincluant les références bibliographiques dans le corps du texte et en fin de document aux normes APA, un résumé de 10 lignes en français et en anglais, 5 mots-clefs en français et en anglais. En fin de ce document, pour chacun des auteurs dans lʼordre des signataires, sont précisés : Nom, Prénom, adresse postale, mail, tél, titres professionnels. Un accusé de réception est envoyé par email à réception. La décision du comité est transmise par email au premier auteur dans un délai minimum de 2 mois. Père ou mère ? leurs noms en une litanie dont je me berce comme d’une comptine d’autrefois » (1970, p. 495). Ces phrases fortes de ces trois hommes mûrs donnent ainsi à entendre l’actualité d’un sexuel infantile tendre qui se mêle à l’aspiration au holding, source d’un plaisir intimement intriqué au vœu d’apaisement des tensions et de l’angoisse. Une aire de repos face à l’âpreté du vieillissement est permise, susceptible de ne pas irriter par trop les censures, d’autant plus que les propos tenus ne sont pas indemnes de cette conscience du jeu joué avec l’interdit des retrouvailles œdipiennes et l’audace de la régression (« tout cela n’a pas de sens », « en secret », « à mi-voix »), de ce chemin emprunté où s’exprime le désir d’être physiquement/psychiquement porté, à défaut d’être assuré de pouvoir encore se porter soi-même physiquement/psychiquement. 47 le Carnet PSY • avril 2016 Actes le Carnet PSY • avril 2016 48 Actes La fantaisie peut même se déployer en mobilisant une figure paternelle, comme dans certaines représentations religieuses. Les mots latin, arabe et hébreu qui cherchent à dire la miséricorde de Dieu trouvent d’ailleurs leur racine dans des mots qui désignent tant l’amour maternel que le sein, le ventre, la matrice, le cœur. L’historien Jérôme Baschet a publié il y a quelques années une étude passionnante sur la figure d’Abraham et la thématique du « sein du père » dans le haut Moyen-Age. Patriarche fécond, disposé à tuer son fils Isaac, Abraham est là représenté vêtu d’un linge entrouvert au niveau de la poitrine créant une concavité où se pelotonnent les âmes des morts. Le lieu, si ce n’est la fonction, est appelé sinus - le sein - et désigne « l’espace compris entre la poitrine et les bras ouverts en avant. (…) Le propre du sinus serait ainsi de constituer un lieu à la fois accueillant, ouvert, et doté d’un puissant caractère d’intériorité. Autrement dit, une bonne ouverture, car contrôlée et atténuée » (2000, p. 208 et 196), portée par la figure d’un père aimant. Père ou mère ? partie 2 Le sein du père Bernard est âgé de 72 ans. Il est venu me voir suite à un accident vasculaire cérébral qui l’a plongé dans le coma pendant quelques jours. Après plusieurs mois de rééducation, et dans la continuité de la psychothérapie avec une collègue qu’il rencontra à l’hôpital et qui me l’adressa, Bernard parle encore avec précaution mais il a pleinement récupéré ses capacités de marche et sa dextérité gestuelle, et ses capacités cognitives sont tout à fait remarquables. Mais Bernard a vécu là « le déracinement des chênes antiques et inflexibles » dont parle Virginia Woolf. Et il n’est pas rare qu’il se réveille en pleine nuit, pétri d’angoisse, peinant à retrouver le sommeil. Il me dit alors, sans que cela ne suscite en lui, ni en moi, la moindre représentation morbide, combien est alors apaisante pour lui, lorsqu'il s'éveille ainsi haletant, de repenser à la dernière image qu’il a de son père, étendu sur son lit de mort, auprès de qui il aurait voulu se blottir, ce qu'il n'avait évidemment pas fait depuis des dizaines d'années et qu’il ne se permit pas de faire sur l’instant. Bernard voulait dire au revoir à son père, avoir un geste tendre pour lui, une dernière fois, et c’est cette image là de lui, étendu sur un lit, silencieux et absent, qui participe à apaiser l’angoisse nocturne. Bernard associe alors sur un autre souvenir, celui du visage de son père lorsqu’il s’éveilla de son coma. Lui, l’homme mûr, marié plusieurs fois et père de plusieurs enfants, toujours très actif au plan social, se découvrait étendu dans un lit, entouré de son père et de sa mère… Le visage de cette dernière était, comme à l’accoutumé me dit Bernard, fermé et peu compatissant ; elle n’aurait pas manqué, lorsqu’il alla mieux, de lui dire que son accident vasculaire était la claire conséquence de sa vie dissolue et de son irréductible indolence. Bernard insiste par contre sur la douceur du visage de son père, qui resta longtemps à son chevet, qui prenait le temps d’arranger ses oreillers, de lui parler, et de découper de petits morceaux de fruits mûrs qu’il insérait entre ses lèvres. Et c’est la figure de cet homme puissant, ardent travailleur, infatigable militant des droits de l’Homme, capable de tendresse, jouant avec son jeune fils, nourrissant son vieux fils, qui revient aujourd’hui sur la scène psychique et participe à apaiser Bernard. Retourner l’enfance Roger Dadoun et Gérard Ponthieu soutiennent avec justesse que « loin de “retourner à l’enfance”, loin de “retomber en enfance”, le vieillard peut se révéler enclin et apte à retourner l’enfance, c’est-àdire à reprendre à nouveaux frais, dans des conditions et pour des fins originales, des éléments constitutifs et caractéristiques de son enfance ; il tentera de retrouver et de récupérer des virtualités, des désirs, des valeurs et des élans demeurés en suspens » (1999, p. 75). Vieillir est une expérience qui peut s’avérer parfois si difficile, elle suscite de tels réaménagements internes, entre temps qui passe et temps qui ne passe pas, que l’on saisit combien l’investissement d’objet peut mêler quête de plaisir et auto-conservation, objet œdipien et objet secourable. Là où d’aucuns puisent volontiers l’argument de brosser des adultes qui vieillissent le tableau de personnes infantilisables à l’envi, il apparaît au contraire plus que précieux que des hommes s’autorisent - ce qui ne va vraiment pas de soi - de n’être plus incessamment endurant, performant, érigé, et de trouver du plaisir dans la passivité, sécurité et liberté dans la reconnaissance de la dépendance. C’est à 77 ans que Aragon écrira ces mots pour Elsa Triolet qu’il avait rencontrée 46 ans plus tôt, comme en écho à ce très beau texte, Le motif du choix des coffrets, où Freud évoque cette figure partagée de la mère en trois femmes dans la vie d’un homme : sa mère, qui lui donne la vie, sa compagne, qui chemine à ses côtés, et celle qui, au dernier jour, le prend dans ses bras. Aragon écrit : Donne-moi tes mains pour l'inquiétude Sauras-tu jamais ce qui me traverse Qui me bouleverse et qui m'envahit Sauras-tu jamais ce qui me transperce Ce que j'ai trahi quand j'ai tressailli Donne-moi tes mains que mon cœur s'y forme S'y taise le monde au moins un moment Donne-moi tes mains que mon âme y dorme Que mon âme y dorme éternellement. Pr Benoît Verdon Psychologue clinicien, psychanalyste Professeur des Universités Laboratoire « Psychologie Clinique, Psychopathologie, Psychanalyse » (EA 4056) Université Paris Descartes [email protected] Bibliographie Andreas-Salomé L. (1966), Correspondance avec Sigmund Freud (1912-1936), Paris, Gallimard, 1970. Baschet J. (2000), Le Sein du père : Abraham et la paternité dans l’Occident médiéval, Paris, Gallimard. Dadoun R. et Ponthieu G. (1999), Vieillir et jouir. Feux sous la cendre, Paris, Phébus. Danon-Boileau H. (2000), De la vieillesse à la mort. Point de vue d’un usager, Paris, Calmann-Levy. Freud S. (1908), Le poète et l’activité de fantaisie, Œuvres Complètes, VIII, Paris, Puf, 159-171. LE CARNET PSY Freud S. (1913), Le motif du choix des coffrets, Œuvres Complètes, XII, Paris, Puf, 51-65. Mauriac F. (1970), Bloc-notes, tome IV 1965-1967, Editions du seuil, 1993. Rousseau J.J. (1782), Confessions, Paris, Gallimard, 1973. Tolstoï L. (1886), La mort d’Ivan Ilitch, Paris, Flammarion, 1993. Tolstoï L. (1905-1910), Journaux et carnets III, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade. Verdon B. (2012), Jusqu’à la fin, le sein. Subversion dans le consentement au vieillissement, in Cliniques de l’extrême, sous la direction de F. Marty et V. Estellon, Paris, Armand Colin, 195-212. Verdon B. (2013), Le vieillissement psychique, Paris, Puf, coll. « Que sais-je ? », 2ème édition remaniée 2016. Verdon B. (2015), La sexualité à l’épreuve du vieillissement. A propos d’altération et d’altérité, in Janin-Oudinot M., Durieux M.C. et Danon-Boileau L. (eds.), La sexualité masculine, Monographies et débats de psychanalyse, Paris, PUF, 153-171. Verdon B. (2015), Le chemin vers l’inévitable. Freud, la vieillesse, la maladie, la mort, in Perron R. et Missonnier S. (eds.), Sigmund Freud, Paris, Cahiers de l’Herne, 74-80. Woolf V. (1930), De la maladie, Paris, Payot, 2007. 49 le Carnet PSY • avril 2016 Actes Comité scientifique et de rédaction : Pr Jacques André - Université Paris-Diderot Revue mensuelle éditée par les Éditions Cazaubon RCS Nanterre B 397 932583. Pr Marie-Frédérique Bacqué - Université de Strasbourg Dr Gérard Bayle - SPP, ETAP Rédaction et Publicité : Dr Alain Braconnier - Centre Philippe Paumelle 8 avenue Jean-Baptiste Clément, 92100 Boulogne Tél. 01 46 04 74 35. Pr Catherine Chabert - Université Paris Descartes Directrice de la Publication et de la Rédaction : Manuelle Missonnier <[email protected]> Pr Pierre Ferrari - Pr Honoraire Fondation Vallée Coordinatrice de rédaction Responsable Agenda et Publicités : Estelle Georges-Chassot<[email protected]> Dr Patrice Huerre - Maison de l’adolescent 92 Pr Pierre Delion - CHU Lille Pr Roland Jouvent - Hôpital Salpêtrière, CNRS Dr Vassilis Kapsambelis - Centre Philippe Paumelle Pr Serge Lebovici = Abonnements : Pr François Marty - Université Paris Descartes CRM-ART - Service abonnement Carnet Psy BP 15245 - 31152 Fenouillet cedex <[email protected]> Abonnement annuel (9 numéros). Le numéro : 8 e France - 10 e Etranger Abonnement : 50e/58e - Étranger : 85e/105 e Imprimerie Neuville. Dépôt légal : 2e trimestre 2016 Commission paritaire : 0917 T 82018. ISSN 1260-5921 Pr Sylvain Missonnier - Université Paris Descartes Pr Marie Rose Moro - Maison de Solenn Pr François Richard - Université Paris Diderot Pr René Roussillon - Université Lyon 2 Sylvie Séguret - Hôpital Necker Pr Daniel Widlöcher - Pr Honoraire Hôpital La Salpêtrière Pr Édouard Zarifian = Père ou mère ? Pr Bernard Golse - Université Paris Descartes, Hôpital Necker 50 le temps qui passe... par Alain de Mijolla h i s t o i re d e l a p s y c h a n a l y s e - h i s t o i re d e l a p s y c h a n a l y s e Mardi 15 avril 1884 - Lettre de Freud à Martha : « Comme tu l’écris : "Tout, oui, il faut que tout change". Les nouvelles que je vais te donner vont justifier ta confiance, elles annoncent un changement. Je n’aime guère le pathos bien que tout ceci me laisse rêveur. Disons donc qu’il semble, pourrait-on dire, que nous en sommes au second volume de notre passionnant roman familial (Richesse). Écoute bien, on dirait vraiment un chapitre de Dickens. Paneth et sa fiancée ont placé à mon nom un capital de quinze cents florins dont l’intérêt (84 florins par an) servira à payer un voyage annuel à Wandsbek ; toutefois cette somme sera toujours à ma disposition, surtout au cas où j’entreprendrais une démarche décisive pour notre mariage, par exemple en m’établissant. J’ai en tout cas déjà tant d’obligations envers d’autres personnes que cela me pèse beaucoup. Mais n’est-il pas très beau de voir un être humain, d’ordinaire avare, entraîné par la puissance d’un fidèle amour, tel que le sien et le nôtre, s’enflammer et être prêt à faire des sacrifices ? Et n’est-il pas très beau aussi qu’un homme riche cherche à atténuer l’injustice de notre naissance et l’illégitimité de sa propre situation privilégiée ? » Vendredi 1er avril 1921 - Article d’Albert Thibaudet dans la N.R.F : « On sait quelle influence considérable exercent aujourd’hui hors de France les théories psychologiques et les moyens de thérapeutique morale que Sigmund Freud a formulés sous le nom de psychanalyse. Je dis hors de France, car des étrangers et Freud lui-même ont manifesté plusieurs fois un étonnement un peu attristé en voyant que non seulement le public instruit mais même, ce qui est plus grave, les psychologues paraissent les ignorer à peu près. La Revue Philosophique n’y a guère fait attention, jusqu’ici, que par des comptes-rendus sommaires, un peu ironiques. Seuls des médecins en ont donné des exposés, mais la littérature dogmatique et courte des médecins est une chose, et la psychologie en est une autre. Pour des raisons qu’il serait peut-être possible de voir en se servant de fortes lunettes, la psychologie est une science qui prend à ses heures une figure curieusement nationaliste. Freud et ses disciples ont pensé que la psychanalyse jetait une très neuve lumière sur la genèse des œuvres littéraires ; ils ont essayé, parfois avec ingéniosité et parfois avec une bien lourde fantaisie, de l’appliquer à l’histoire intérieure des artistes et des écrivains. Il ne faut pas liquider dédaigneusement les livres qu’elle (la Psychanalyse) inspire en Suisse ou en Allemagne parce qu’ils nous rebutent d’abord par leur aspect d’excentricité et de lourdeur. » Vendredi 1er avril 1988 - Roland Jaccard écrit dans Le Monde autour d’Écrits sur le racisme : « Mathématicien dévoyé par la psychanalyse, Daniel Sibony aime se présenter comme un "métèque franc-tireur", un juif qui a grandi à Marrakech, entre un père émigré et une mère analphabète. Cette identité fêlée, Sibony la cultive, l’interroge d’un livre à l’autre. Le racisme ? C’est "vouloir définir l’autre de peur que, différent, il tourne au semblable, ou que, semblable, il fasse faux bond et se révèle différent". À chacun sa "constellation phobique", ses dégoûts, ses angoisses et son impuissance à jongler avec les vertiges de l’identité. Si l’étranger qui entre "chez nous" n’a rien donné, rien sacrifié (ses mœurs, sa langue ou même sa vie), c’est qu’il nous a volés, violés. D’où la tentation soit de définir l’autre, soit d’en finir avec lui. À travers Joyce, Kafka, l’Ancien Testament ou les faits anodins de la vie quotidienne, Daniel Sibony, qui ne dénonce ni ne s’indigne, traque la haine sous ses dehors les plus amènes : démagogie antiraciste, hystérie de l’"assimilation" à tout prix. » Alain de Mijolla [email protected] histoire de la psychanalyse-histoire de la psychanalyse-histoire de la psychanalyse-histoire de la psychanalyse histoire de la psychanalyse-histoire de la psychanalyse-histoire de la psychanalyse-histoire de la psychanalyse le Carnet PSY • avril 2016 h i s t o i re d e l a p s y c h a n a l y s e - h i s t o i re d e l a p s y c h a n a l y s e h i s t o i re d e l a p s y c h a n a l y s e - h i s t o i re d e l a p s y c h a n a l y s e - h i s t o i re d e l a p s y c h a n a l y s e - h i s t o i re d e l a p s y c h a n a l y s e - h i s t o i re d e l a p s @ La Réponse du Psy http://www.lareponsedupsy.info/ Avec 4 heures par jour en moyenne sur Internet, dont 1 heure et demi sur les réseaux sociaux, les Francais sont de grands utilisateurs du réseau. C’est vers lui qu’ils se tournent pour les choses importantes comme pour les questions futiles. Pourtant, les réponses que l’on peut trouver sur le réseau peuvent être peu pertinentes voire même erronnées. C’est à ce problème que s’attaque La Réponse du Psy, un blog qui s’attache à donner une information fiable sur les questions de santé mentale. Un conseil scientifique permet de valider les contributions avant qu’elles soient mises en ligne. Le blog par ailleurs est le compagnon de la collection “Savoir pour guérir” qui fait un travail de vulgarisation sur les questions de santé mentale. L’initiative est intéressante à plusieurs niveaux. Tout d’abord elle utilise habillement plusieurs médias sans les mettre en opposition. Il est aujourd’hui nécessaire d’être sur plusieurs plateformes pour toucher le plus de publics possible. Le livre est aussi important que Facebook ou un blog dans la dynamique de diffusion des savoirs. Les auteurs de La Réponse du Psy l’ont bien compris puisqu’ils utilisent avec la même habilité Facebook, Twitter et le blog ce qui leur permet de toucher des publics différents. La Réponse du Psy est tournée vers le grand public. Mais elle peut aussi être utile au professionnel. Le blog peut par exemple être utilisé en médiation. Il est en effet possible de donner l’adresse de la page sur les psychotraumatisme ou les Centres Médico Psychologiques lors d’une consultation psychologique. En effet le fait d’être confronté à un exposé clair et fiable d’un problème est bénéfique au patient Pour toute personne qui souhaite trouver des informations et des conseils sur la santé mentale, La Réponse du Psy est définitivement à suivre ! Yann Leroux [email protected] TARIFS ABONNEMENT “PAPIER” 2015-2016 SERVICE ABONNEMENTS Carnet PSY CRM ART - CS 15245 - 31152 Fenouillet - France Tél : 05 61 74 92 59 - Fax : 05 17 47 52 67 - [email protected] o Mme o Mr BON DE COMMANDE (frais de port gratuit) Nom 8 € LE NUMÉRO (France) - 10 € (Etranger) Prénom Je souhaite commander le(s) numéro(s) suivants : Adresse N° Soit un total de Code Postal Ville € BULLETIN D’ABONNEMENT (abonnement papier) Pays Tél. 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Discutant : Alain Braconnier Erotique de l’absence Catherine Chabert, Bernard Golse L’amour au prix de la haine Christine Frisch-Desmarez, Sylvain Missonnier Passage à l’acte et exaltation Paul Denis, Gérard Bayle L’addiction à la vie Christophe Dejours, Vincent Estellon, Florian Houssier Instituer / Destituer Régine Prat, Pierre Delion Destructivité / Constructivité René Roussillon. Discutant : Alejandro Rojas-Urrego La face cachée de la destructivité... François Ansermet, Anne Brun, Daniel Oppenheim Renseignements : Estelle Georges-Chassot - Le Carnet/PSY 8 avenue Jean-Baptiste Clément - 92100 Boulogne Tél. : 01 46 04 74 35 - [email protected] Tarifs : Inscription individuelle : 150 € - Étudiant : 80 € Formation permanente : 250 € Tarifs spéciaux pour les abonnés à la revue Le Carnet/PSY Offert (sur place) pour toute inscription le livre « Clivages » (Ed. 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