magaz ne - L`information spécialisée de la Fabrication Additive
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Fabrication additive / Impression 3D / Prototypage rapide / Développement produit A 3D M OUTILLAGE Fabrication en thermoplastique ANALYSE Le rêve américain m a g a z ne PROJET R&D Le projet OptiFabAdd ÉVÉNEMENT FABRICATION ADDITIVE QUELS IMPACTS SUR LA CHAÎNE LOGISTIQUE ? www.a3dm-magazine.fr N°2 Mars-Avril 2016 Gratuit Assises européennes de la FA Le Lieu du Design A 3D M m a g a z ne FABRICATION ADDITIVE / IMPRESSION 3D PROTOTYPAGE RAPIDE / DÉVELOPPEMENT PRODUIT Bring Your Design to Life avec On Demand Parts Édité par : G+G MÉDIA GROUPE SAS SAS au capital de 14 000 € SIRET : 815 083 506 00015 10, rue de Penthièvre 75008 Paris Tél. : 01 60 11 57 46 Directeur de la publication – directeur de la publicité Guillaume Mouhat [email protected] Tél. : 01 60 11 57 46 Rédacteur en chef Gaëtan Lefèvre [email protected] Tél. : 06 67 09 01 76 Rédaction Alain Bernard, Éric Bredin, John Downing, Nicolas Gardan, Gaëtan Lefèvre, Giorgio Magistrelli, Stephen Warde Correctrice Astrid Rogge [email protected] Tél. : 09 51 45 14 80 Direction artistique Melissa Chalot [email protected] Tél. : 06 78 20 89 38 Fabrication Imprimerie ETC-INN 82, rue de Michel-Ange 75016 Paris Tél. : 01 47 43 76 76 Dépôt légal à parution Conception web 8D Concept Gautier Mouhat Tél. : 06 60 56 57 88 [email protected] Crédits photo Couv. : Gilles Azzaro - 5 : 3D System, F.Hrehorowski/Open Edge - 12 : Space/ NASA - 14 : Airbus Group 2016/Jean-Vincent Reymondon - 15 : Gamma/ NASA - 17 : NASA, NASA/courtesy of ASI - 18 : NASA/MSFC/David Olive - 20-21 : Granta - 22 : Renishaw - 23 : équipe WAAMMAt/Université de Cranfield - 24-26 : Stratasys - 28 : Concept Laser GmbH, courtoisie Dassault Aviation - 29 : courtoisie 3A - 32 : NASA - 33 : Gilles Azzaro - 34 : Digital Program Office/Smithsonian Institution - 36-37 : Kenyon Manchego - 37 : White House - 39 : Catherine Lubineau - 40 : Concept Laser GmbH - 44 : Philippe Bertrand - 45 : 3D Systems - 46 : Groupe AFNOR - 46-47 : Sculpteo - 48 : Airbus - 49 : courtoisie Galopoli - 50 : MICADO Toute reproduction, même partielle, des articles et iconographies publiés dans A3DM Magazine sans l’accord écrit de la société éditrice est interdite, conformément à la loi du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique. Tous droits réservés France et étranger. La rédaction n’est pas responsable de la perte ou de la détérioration des textes ou des photographies non demandés qui nous sont adressés. Remerciements tout particuliers à Grégory Breton et Djamil Lounes de la société abe (advanced business events). Impression 3D Prototypage Rapide Outillage Rapide Demandez un devis gratuit! +33 (0)2 43 51 20 30 [email protected] ZA Les Petites Forges | 72 380 Joué l’Abbé Rejoignez la communauté magazine www.quickparts.com/eu www.a3dm-magazine.fr ÉDITO Les enjeux d’aujourd’hui et de demain Pour ce deuxième numéro d’A3DM Magazine, nous continuons à avancer pas à pas dans l’univers de la fabrication additive. Le développement de cette technologie n’est pas anodin. Celle-ci bouleverse de nombreux secteurs et activités. Les chaînes logistiques, les lignes de production et de distribution ainsi que la gestion des stocks sont directement impactées par l’arrivée de la fabrication additive, comme nous l’abordons dans le « Dossier ». L’approcher et l’adopter n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. Nous avons, dans le premier numéro d’A3DM Magazine, traité les solutions qui s’offraient aux entreprises, les nouveaux défis que cette technologie impose, et notamment les enjeux de formation des nouveaux acteurs, le besoin d’une connaissance exacte des matériaux, etc. Le développement et l’utilisation de cette technologie nécessitent également la gestion des informations, par exemple sur les matériaux. Si l’on entend régulièrement parler de production métallique, les polymères répondent pareillement à de nombreux besoins et ce matériau s’adapte très bien à la fabrication additive. Le déploiement de la fabrication additive passera par ailleurs par la normalisation. Fabriquer des pièces est une chose, mais il faudra également les garantir dans le temps et certifier leur fiabilité. Des normes commencent à exister. A3DM Magazine a rencontré différents acteurs pour comprendre les enjeux de la normalisation et les travaux en cours. Actuellement, l’élaboration des normes se joue au niveau international. Les organismes français, l’AFNOR (Association française de normalisation) et l’UNM (Union de normalisation de la mécanique), travaillent en collaboration avec l’ISO (Organisation internationale de normalisation) et l’ASTM (organisme américain de normalisation dans le domaine des matériaux). Les Américains, qui ont pris la tête dans la course à la fabrication additive, ont également été les premiers rentrés sur le terrain de la normalisation. La France et l’Europe ont su réagir, mais elles devront continuer à assurer leur présence pour conserver la maîtrise de cette technologie et demeurer des acteurs influents. Pour conclure, l’équipe d’A3DM Magazine remercie les différentes personnes qui collaborent à la rédaction du magazine, les professionnels qui prennent le temps de répondre à nos questions ainsi que toutes celles et ceux qui participent de près ou de loin à l’élaboration de cette revue. Par Gaëtan Lefèvre, rédacteur en chef. La prochaine révolution industrielle est enclenchée La fabrication additive est en train de complètement changer les procédés de production. Au-delà des avantages de l’impression 3D pour la conception et le prototypage, la fabrication additive est aujourd’hui la technologie qui permet également de créer de nouveaux produits complexes avec des propriétés entièrement nouvelles - plus légers, plus solides, et sans gaspillage. Venez à Additive Manufacturing Europe 2016, au RAI d’Amsterdam, pour y voir les dernières avancées technologiques: systèmes d’impression en 3D complets, solutions logicielles, numérisation et équipement d’imagerie, solutions de finition, et innovations des matières. Tout l’écosystème de la conception et de la fabrication de pointe sera réuni en un seul endroit! Découvrez comment, même de petits changements peuvent avoir un impact sur les délais de mise en œuvre de vos processus de fabrication et venez écouter des études de cas issus des secteurs de l’aérospatiale, de l’automobile et de la santé. 2 HALLS | 3 JOURS | DES POSSIBILITÉS ILLIMITÉES! Réservez vos billets dès aujourd' hui sur www.amshow- europe .com Événement 30 La première exposition dédiée à la fabrication additive 08 Retrouvez les dernières news du secteur Du 1er avril au 9 juillet 2016, Le Lieu du Design, espace de 240 m2 de promotion du design industriel et de l’éco-design au cœur de Paris, présente la première exposition dédiée à la fabrication additive, « Impression 3D, l’usine du futur ». de la fabrication additive. Analyse Dossier 32 Le rêve américain – Comment les États12 Les impacts durables de la fabrication additive sur la gestion de la chaîne logistique La fabrication additive offre une série d’avantages tout au long de la chaîne de valeur. L’impact sur la chaîne d’approvisionnement est l’un des facteurs clés que les sociétés doivent prendre en compte, en plus des lignes de production et de distribution. Unis ont-ils pris la tête dans la course à la fabrication additive ? Depuis les premiers brevets déposés en 1984, les États-Unis mènent la danse concernant le secteur de la fabrication additive. Analyse d’une prise de dominance dans ce secteur. Rencontres Publi-rédactionnel 20 Gestion de données « matériaux » pour la fabrication additive Découvrez la technologie de gestion de données « matériaux » pour la fabrication additive. Outillage 24 Fabrication additive – Les outillages en thermoplastiques hautes performances Comment réaliser une économie de temps et d’argent en produisant des outils de fabrication personnalisés au moyen du procédé FDM d’impression 3D. 38 Normalisation – Définitions, acteurs, objectifs et intérêts A3DM Magazine est parti à la rencontre d’acteurs qui aident à définir les normes : Catherine Lubineau, directeur technique de l’UNM, Philippe Bertrand, directeur des études à l’École nationale d’ingénieurs de Saint-Étienne et animateur du groupe de travail international ISO/TC 261, ainsi qu’Olivier Peyrat, directeur général d’AFNOR. Projet R&D 48 Projet OptiFabAdd – L’optimisation Les échos de l’AFPR 28 Assises européennes de la fabrication additive Les Assises européennes de la fabrication additive, organisées par l’AFPR, vont être cette année encore accueillies par CentraleSupélec sur le site de Châtenay-Malabry, près de Paris. topologique au service de la fabrication additive OptiFabAdd est un projet de R&D dont l’objectif est de coupler l’optimisation topologique à la fabrication additive, de développer un système intégré qui permettra d’optimiser une pièce et ses éventuels supports dans le contexte de la fabrication additive. SOMMAIRE News NEWS MACHINES ET MATÉRIAUX Une nouvelle résine en céramique Aux États-Unis, des chercheurs du laboratoire HRL ont inventé une nouvelle résine céramique pour l’impression 3D par stéréolithographie. D’une grande résistance, le matériau peut supporter des températures très élevées, audelà de 1 700 °C. Sa résistance est dix fois plus importante que celle de matériaux similaires. Les céramiques sont des matériaux beaucoup plus difficiles à traiter que des polymères ou des métaux, car ils ne peuvent être coulés ou usinés facilement. Traditionnellement, les pièces en céramique sont consolidées à partir de poudres par frittage. Cependant, cette technique laisse une surface poreuse. Cette étude a été publiée dans la revue scientifique Nature Biotechnology. Impression et greffe de tissus et d’organes Aux États-Unis, une équipe de scientifiques du centre médical Wake Forest Baptist, sous la direction du docteur Anthony Atala, a mis au point un outil de bio-impression 3D pour concevoir des os, du cartilage et des tissus musculaires. Ce « système intégré d’impression de tissus et d’organes » (Integrated Tissue-Organ Printing System) imprime à la fois une structure solide et des cellules vivantes englobées dans un gel à base d’eau. Une fois l’organe implanté, le moule externe se décompose afin que l’organe prenne sa place et se vascularise. Pour tester la greffe, les chercheurs ont implanté, avec réussite, des oreilles sous la peau de souris et de rats. Les structures de ces oreilles ont été remplacées par un tissu cartilagineux vascularisé. Des microcanaux ont été prévus dans la structure pour faciliter la vascularisation des tissus. Une impression 3D à partir de métal d’astéroïdes La société d’exploitation minière spatiale Planetary Resources, en collaboration avec son partenaire 3D Systems, a mis au point la première impression 3D de poudres métalliques d’astéroïdes. Cette technologie a été dévoilée lors du Consumer Electronics Show 2016 (CES) à Las Vegas. La pièce imprimée en 3D est un élément du module spatial Arkyd. Pour la concevoir, Planetary Resources a utilisé un morceau d’astéroïdes provenant de Campo del Cielo, un groupe de météorites trouvées en Argentine. L’astéroïde, composé de fer, de nickel et de cobalt, a été pulvérisé, transformé en poudre puis imprimé par 3D Systems sur sa machine ProX DMP 320. 8 A3DM magazine n°2 Regardez la vidéo de présentation. NEWS Mcor ARKe, lauréat des CES 2016 Best of Innovation Awards La société Mcor a remporté le prix CES 2016 de la meilleure innovation dans la catégorie des produits d’impression 3D avec son imprimante 3D Mcor ARKe. Cette dernière est une machine de bureau en quadrichromie. Utilisant une tête d’impression intégrée, elle fonctionne avec un nouveau procédé de dépôt adhésif qui réduit le temps de construction et permet l’impression de modèles plus complexes. XJet lève 25 millions de $ La société XJet, basée à Rehovot en Israël, a clôturé un financement de 25 millions de $ auprès d’Autodesk et du fond d’investissement Catalyst CEL. Cette levée de fonds permettra de développer et de commercialiser un nouveau procédé d’impression 3D, « NanoParticle Jetting », reposant sur la déposition de fines particules de métal. La catégorie « innovation » est sélectionnée en fonction des qualités d’ingénierie, d’esthétique et de conception des produits, ainsi que de leurs fonctions et de leurs valeurs. Le titre de « Meilleure innovation » reflète une conception et une ingénierie novatrices parmi des produits et services technologiques les plus à la pointe arrivant sur le marché. Le prix a été décerné par un jury composé de designers industriels, d’ingénieurs et de membres des médias spécialisés. Regardez la vidéo de présentation. Eratum – Machine EOS Dans le premier numéro d’A3DM Magazine, dans l’article « Fabrication additive, quelles solutions pour les entreprises ? », nous donnions des ordres de grandeur pour les prix de machines parmi les plus remarquées en 2013. Ce tableau était issu du rapport Wohlers de 2013. Une erreur de prix s’est glissée pour l’imprimante EOSINT P395 : son prix était alors de 240 K € et non de 230 K €. Cette imprimante n’est plus au catalogue de la société EOS. Elle est remplacée par la machine plastique EOS P396 (photo ci-dessous), dont le budget est compris entre 340 et 420 K € suivants les équipements périphériques, les logiciels et les services. TPU, le matériau ultra-souple Sculpteo a présenté, au CES de Las Vegas, son plastique polyuréthane (TPU) ultra-souple. Ce nouveau matériau, développé exclusivement pour l’impression 3D par frittage laser, est inédit pour le procédé. Il permet de réaliser des objets fonctionnels avec un shore de 65A ainsi que des complexités mécaniques. Ses applications sont multiples. Sculpteo a présenté ses possibilités d’usage dans trois secteurs : la santé, les biens de consommation et le textile (photos ci-dessous). « Avec ce nouveau type de matériau, l’impression 3D égale les moyens de production traditionnels en permettant, enfin, de réaliser des objets mous et souples, qui sont fonctionnels, et non plus seulement des prototypes. [...] Du médical au monde du textile, nous souhaitons accompagner les leaders d’aujourd’hui et de demain », explique Clément Moreau, cofondateur de Sculpteo. Découvrez des applications de ce matériau sur le site d’A3DM Magazine. A3DM magazine n°2 9 NEWS RECHERCHE ET INNOVATIONS Premium Aerotec passe à la fabrication additive La société Premium Aerotec a ouvert sa première usine de production par fabrication additive, à Varel, en Basse-Saxe, en Allemagne. Elle utilise cette technologie pour produire des composants d’avions en titane, notamment des pièces complexes pour des avions de transport militaire A400M d’Airbus. Pour développer la technologie de fabrication additive, la société Premium Aerotec a entrepris une vaste modernisation d’une de ses usines de production existantes. Rapidement, elle a commencé la production en série d’un coude à double paroi d’un système de carburant pour l’A400M. Ces pièces, anciennement fabriquées par soudage de plusieurs éléments, pourront être fournies à Airbus Defence and Space après certification. Un nouveau partenaire pour la division aéronautique et spatiale de Prodways La société Prodways, filiale du Groupe Gorgé, a annoncé la signature d’un partenariat stratégique pour sa division aéronautique et spatiale avec Nexteam Group. Cette association a pour but de développer une activité de fabrication additive métallique de pièces de série embarquées et appliquées au secteur de l’aéronautique et du spatial. « En nous associant à Nexteam Group, qui nous apportera son savoir-faire dans les prestations d’usinage et de parachèvement, nous sommes sûrs de porter nos procédés de fabrication à une échelle industrielle compatible avec les exigences techniques des grands acteurs du marché de l’aéronautique et du spatial », explique Philippe Laude, directeur général délégué de Prodways Group. Attention aux particules fines Une étude franco-américaine, publiée dans la revue Environmental Science & Technology, démontre l’importance des émissions de particules fines et de composés organiques volatiles, potentiellement dangereux pour la santé, lors de l’utilisation d’imprimantes 3D. Airbus Ventures, un fond de capital-risque et un centre d’innovation Airbus a annoncé l’ouverture d’un fond de capital-risque baptisé « Airbus Group Ventures » ainsi que d’un centre d’innovation technologique et commerciale, dans la Silicon Valley. Ces deux structures ont pour objectif de renforcer la présence internationale du groupe ainsi que d’identifier et d’investir dans les technologies du futur. Possédant actuellement une enveloppe d’investissement de 150 millions de dollars américains octroyée par le groupe Airbus, le fond vient de réaliser son premier investissement auprès de la société Local Motors, dans l’Arizona, afin de développer cette société. Il investit aussi en Allemagne pour créer des micro-usines et des laboratoires spécialisés dans l’aérospatial. Retrouvez plus d’informations sur les investissements d’Airbus Ventures. 10 A3DM magazine n°2 Ces chercheurs de l’Institut de technologies de l’Illinois, de l’université du Texas et de l’École des ingénieurs de la ville de Paris ont comparé les émissions de nanoparticules et de composés organiques volatils (COV) dans l’air, en utilisant 5 imprimantes 3D différentes, et jusqu’à 9 types de filaments différents comme l’ABS ou le PLA, en blanc ou en couleur, ainsi que des filaments plus originaux comme du nylon semi-transparent, de l’imitation bois, de l’imitation brique ou encore de l’imitation de verre. Leurs résultats montrent une variation conséquente d’émissions en fonction de l’imprimante et surtout du type de filaments choisi. Les COV émis en plus grande quantité comprenaient notamment du styrène présent dans les plastiques ABS, alors que ce composé est considéré comme un possible cancérigène par le Centre international de la recherche sur le cancer. Ces chercheurs concluent que ces doivent être améliorées pour des utilisateurs, en mettant par systématiquement des parois pour diffusion des particules. machines la santé exemple limiter la NEWS Pose d’une prothèse de cheville grâce à la fabrication additive Une équipe du service de chirurgie orthopédique et traumatologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), en Suisse, a réalisé la pose d’une prothèse de la cheville grâce à l’imagerie et la fabrication additive. Des objets conçus par FA dans l’espace En coopération avec Thales Alenia Space et l’Institut Italien de Technologie (IIT), la société Altran a réalisé des objets par fabrication additive dans l’espace. Ces derniers ont été produits à l’aide de l’imprimante 3D « Portable Onboard Printer 3D ». Coordonnés par l’Agence spatiale italienne, ces objets ont été produits à bord de la Station Spatiale Internationale (ISS). La méthode de chirurgie a consisté à réaliser, après un scanner de l’articulation, une reproduction des os du patient par fabrication additive. Cette technologie a permis de simuler l’emplacement idéal de la prothèse. Des guides de positionnement et de coupe (image ci-dessous) ont été produits à l’aide d’une imprimante 3D. « Ces guides, précis au millimètre près, ont été utilisés et placés directement sur le tibia et le talus, ce qui permet de passer à la coupe osseuse très rapidement », explique le docteur Victor Dubois-Ferrière. Pendant près d’une heure, de petits objets ont été imprimés en PLA (acide polylactique). Ils ont ensuite été comparés avec des pièces géométriquement identiques imprimées, sur Terre, au Center for Space Human Robotics de l’Institut Italien de Rechnologie (CSHR-IIT). Développement d’implants rachidiens La société LDR, spécialiste de dispositifs médicaux, s’est associée à Poly-Shape afin d’utiliser la fabrication additive pour le développement d’implants rachidiens. Christophe Lavigne, président de LDR, soutient l’importance d’utiliser les technologies de pointe « afin d’apporter des implants et des instruments pour la colonne vertébrale de haute qualité ». Cet accord a été signé à la fin de l’année 2015. Irepa Laser renforce son attractivité grâce à la fabrication additive La société Irepa Laser a validé, au mois de décembre 2015, le lancement d’un plan de développement industriel Alsace 3D, comprenant le programme Usine du Futur « Fabrication Additive Métallique Laser » (FAML 2020). Ce dernier vise le développement de solutions pour la fabrication de pièces techniques à moindre coût, en combinant des matériaux et/ou en associant au procédé de fabrication additive Construction Laser Additive Directe, CLAD®, d’autres procédés comme le SLM (Selective Laser Melting). Ce programme, s’étalant sur quatre ans, est cofinancé par la région ACAL, l’Eurométropole de Strasbourg et l’État, à hauteur de 1,5 M € pour un budget total de 4,5 M €. Outre l’acquisition de matériels innovants (machines de grosse capacité, outils de parachèvement...), le projet prévoit l’agrandissement des locaux techniques d’Irepa Laser. « Les clients de la société pourront accéder à ces outils », a affirmé JeanPaul Gaufillet, directeur d’Irepa Laser. A3DM magazine n°2 11 DOSSIER Ice House, l’habitat créé par Search/Clouds Architecture Office a remporté le concours 3D Printed Habitat Challenge lancé par la NASA et America Makes. LES IMPACTS DURABLES DE LA FABRICATION ADDITIVE SUR LA GESTION DE LA CHAÎNE LOGISTIQUE La fabrication additive impacte et modifie les chaînes de logistiques traditionnelles. Les sociétés doivent, dès aujourd’hui, prendre en compte cette technologie et réfléchir à leur modèle de production de demain. Par Giorgio Magistrelli, expert fabrication additive, gestionnaire d’entreprises et de projets. L a fabrication additive part de l’utilisation de dessins numérisés en trois dimensions (3D), d’un produit réalisé par conception assistée par ordinateur (CAO). Elle passe ensuite par un stade de fabrication par processus additif de couches successives de matériau sous contrôle informatique. La conception d’un nouveau produit par fabrication additive a donc des impacts directs sur les chaînes logistiques traditionnelles. Le producteur, le consommateur et le « prosommateur » Le processus de fabrication additive est généralement indiqué en cinq grandes étapes (figure 1) : à 12 A3DM magazine n°2 partir d’un modèle 3D, il est généré un fichier .STL ou .AMF sur lequel sont calculées des coupes perpendiculairement au sens de fabrication (le processus de « tranchage »), la fabrication elle-même et le traitement final de la pièce. La fabrication additive modifie l’échange traditionnel entre le producteur et le consommateur. Par exemple, les systèmes de production peuvent se situer dans les locaux du consommateur. L’utilisateur devient donc à la fois producteur et consommateur, soit « prosommateur » (= producteur/professionnel et consommateur). Les designers, quant à eux, peuvent indifféremment travailler dans les mêmes locaux ou travailler à distance. DOSSIER 1 Source : Deloitte University Press Enchaînement des processus de fabrication additive Les impacts sur la chaîne logistique La fabrication additive présente de nombreux avantages, dont la plupart sont strictement liés à des effets positifs sur la gestion de la chaîne logistique, tout en réduisant fortement le temps de développement des produits et des coûts. Étant une technologie liée au numérique, elle permet d’augmenter la qualité du design, tout en réduisant le temps de mise sur le marché, notamment en diminuant les transports entre les différentes phases de fabrication. Le schéma, ci-dessous, montre bien les principaux avantages de la fabrication additive. Les flèches indiquent les transports de moules et de produits qui pourraient être évités ou réduits en utilisant ces techniques, en supposant évidemment que le fabricant possède les matériaux nécessaires. Réduction des cycles de production L’impact de la fabrication additive sur les chaînes logistiques traditionnelles pourrait être énorme. La réduction des cycles et des coûts de développement de produits peuvent être réalisés en même temps que les cycles d’innovation rapides. La fabrication additive a été utilisée, dans un premier temps, en tant que prototypage rapide pour l’examen de designs et la validation concernant le développement de nouveaux produits. Elle offre également la possibilité de créer un nombre limité d’essais et de modèles. À l’inverse, avec les technolo- Fabrication traditionelle Design Moulage Fabrication Stockage Utilisateur final Stockage Utilisateur final Fabrication additive Design Moulage Fabrication gies traditionnelles, créer des versions pilotes de produits est un processus coûteux et long. De Paris à Pékin, le coût pour la distribution d’un fichier numérique est universel. Il ne représente rien en comparaison de l’expédition physique d’un produit. Peu importe où vous vous trouvez dans le monde, les produits distribués numériquement peuvent être téléchargés à un coût minime. Secrets industriels Un aspect souvent sous-estimé et spécifiquement lié à l’impact de la fabrication additive sur la chaîne logistique est la protection renforcée de la confidentialité du design industriel et des secrets et informations commerciaux. Bien que de nombreux États européens – comme la France – prévoient des sanctions pour les entreprises en matière de responsabilité pénale1 et civile2 pour la violation des secrets commerciaux commise au nom ou pour le compte d’une société, il est toujours conseillé de se protéger et de prévenir, plutôt que d’obtenir une compensation après une infraction. Dans les chaînes de fabrication additive, la proximité des designers en CAO avec les services de fabrication limite le partage de fichiers, repoussant ainsi la protection du secret industriel au plus haut niveau. Lorsque les multinationales utilisant des systèmes de fabrication additive sont situées à distance des centres de R&D, la sécurité porte sur la cybersécurité, les systèmes de technologies de l’information et de la communication (TIC) ainsi que la protection des infrastructures. Bien que limitées dans la transmission des fichiers et des TIC, des mesures de protection doivent être mises en place afin de se protéger de cyber-attaques. A3DM magazine n°2 13 DOSSIER Fabrication finale, distribution instantanée et mondiale Le temps de production réduit et la personnalisation des produits sont des impacts directs de la fabrication additive. Chaque produit peut être fabriqué sans machine d’usinage ou nouvelle ligne d’assemblage. Les coûts de production sont donc considérablement réduits. Cette technologie s’intègre parfaitement au monde moderne qui exige des produits « à la demande » et personnalisés. Les gains de coûts et de temps sont directement liés à la substitution du transfert physique de marchandises ou d’outils par un simple envoi de fichiers numériques. En revanche, les entreprises doivent prendre en compte les matériaux nécessaires à la production. Dans certains cas particuliers, les compagnies pourront même produire leur matériau, par exemple atomiser dans le cas du titane, et donc s’adapter en interne. Approvisionnement Dans la fabrication traditionnelle, l’approvisionnement centralisé peut avoir des effets négatifs sur l’efficacité de la chaîne d’approvisionnement, en particulier pour les multinationales. L’utilisation de la fabrication additive modifie grandement les chaînes d’approvisionnement et de fabrication, notamment en relocalisant en Europe la production anciennement externalisée. Même si, pour de nombreux produits standardisés, la production traditionnelle de masse reste toujours l’option la plus avantageuse, les techniques de fabrication additive représentent une grande opportunité. L’exemple le plus représentatif porte sur la conception et la fabrication de pièces complexes. Pour répondre à cette demande, certains fournisseurs peuvent être substitués par des sous-traitants rodés à la fabrication additive et produisant sur place (voir l’article « Quelles solutions pour les entreprises ? » paru dans le premier numéro d’A3DM Magazine ou sur le site Internet). Consommation de matériau Un autre impact direct sur les marchés, portant particulièrement sur la réduction des coûts, est la possibilité de réduire la consommation de matériaux, de diminuer la production de déchets et de limiter, voire supprimer totalement, la surproduction. Comme les exigences de nouveaux matériaux continuent d’évoluer, les défis pour les achats sont liés à l’identification de fournisseurs compétents et au travail commun. Les matériaux pour la fabrication additive restent encore chers pour une production de grande quantité (voir l’article « Les Matériaux – chiffres, descriptif et standardisation » dans le premier numéro d’A3DM Magazine ou sur le site Internet). Une analyse des coûts et des avantages des pièces pourrait également être réalisée en interne. Il faudra tenir compte de facteurs tel que la nature exclusive de certains designs ainsi que la commodité en matière de timing et de coût de fabrication par rapport aux techniques de soustraction. Pièces de rechange disponibles en permanence et instantanément Au cours du processus de fabrication traditionnelle, la production nécessite des stocks de pièces de rechange pour pouvoir réparer les produits et les outils dans le cas où ceux-ci se cassent ou sont endommagés. Le coût de production, de stockage et de distribution de ces pièces de rechange est important. Avec la fabrication additive, les pièces de rechange peuvent être fabriquées sur place et à la demande. Leur coût ainsi que le temps de fabrication et de livraison sont donc considérablement réduits. Et la production porte uniquement sur les pièces nécessaires. Le délai de mise sur le marché et la production de pièces de rechange sur place et à la demande sont des avantages importants de la fabrication additive dans la chaîne d’approvisionnement. Généralement, lorsqu’une pièce est cassée ou détériorée, il faut attendre plusieurs jours, voire plusieurs semaines, pour pouvoir recevoir la pièce de rechange. Ce processus est long et coûteux. En cas de pièces ou de systèmes dont la production a été arrêtée, la situation peut devenir encore plus complexe. Lorsque les produits ont été numérisés, les pièces de rechange peuvent toujours être téléchargées et les besoins de stockage sont faibles. La fabrication additive permet de simplement télécharger et imprimer la pièce demandée, à condition, bien sûr, qu’il y ait un accès à des imprimantes sur place ou à proximité. 14 A3DM magazine n°2 DOSSIER L’habitat de l’équipe Gamma a terminé à la seconde place du concours de conception d’un habitat approprié sur Mars, 3D Printed Challenge, organisé par la NASA et America Makes. Le secteur aéronautique Différents secteurs peuvent bénéficier de ces avantages liés à la fabrication additive. L’industrie aéronautique en est un bon exemple. Contrairement aux entreprises de production de masse, elle est en grande partie basée sur des volumes limités et une faible production de pièces de rechange. Le dernier rapport portant sur les coûts de maintenance des compagnies aériennes, présenté par la Maintenance Cost Task Force de l’Association internationale du transport aérien (International Air Transport Association – IATA) en décembre 2015, sur la base des données fournies par 51 compagnies aériennes, a indiqué qu’en 2014, la flotte mondiale comptait 24 597 avions dont 76 % fabriqués par les sociétés Boeing ou Airbus. Globalement, les compagnies aériennes ont dépensé, cette même année, 62,1 milliards de $ en entretien, réparation et révision (MRO-Maintenance, Repairs and Overhaul), soit 9 % des dépenses totales. Parmi celles-ci, 23 %, soit 14,41 milliards de $, étaient liés aux coûts directs de maintenance (Direct Maintenance Costs-DMC). Les pièces de rechange et les stocks, quant à eux, représentent un total de 10,66 milliards de $. Il est particulièrement pertinent de considérer que pour chaque $ dépensé pour l’entretien, 1,1 $ est verrouillé pour les pièces détachées ! Dépenses des compagnies aériennes : 62,1 milliards de $ (FY2014) Carburant 32 % Coût des opérations 25 % A/C Propriété 11 % Charges 9 % Entretien 9 % Distribution 7 % Services pax 5 % Autres 2 % Source : IATA Economics (Juin 2015) A3DM magazine n°2 15 DOSSIER Pièces de rechange et inventaire Inventaire milliard de $/transporteurs aériens Moyennes : 2,6 milliards de $/transporteurs aériens ; 296 milliards de $/compagnies aériennes $M5,3 $M4,6 $M3,9 $M2,6 $M1,3 $M0,8 MENA ASPAC AFI LATAM EUR NAM $M0,6 $M0,6 CIS NASIA Moteurs $ : 46 % Rotables $ : 37 % Autres $ : 17 % Le secteur aérospatial La production par fabrication additive est encore plus efficace pour réduire les délais et les coûts lorsqu’elle est liée à des opérations spatiales. Actuellement, les composants, les pièces de rechange et les outils sont envoyés de la Terre par une fusée. Grâce à la fabrication additive, ces pièces pourraient être produites directement dans la station spatiale. Selon la NASA (National Aeronautics and Space Administration), une livre de charge utile dans l’orbite terrestre coûte, aujourd’hui, 10 000 $. Son objectif est donc de « réduire ce coût à quelques centaines de dollars par livre d’ici 25 ans et quelques dizaines de dollars par livre d’ici 40 ans ». En 2014, l’administration aéronautique et spatiale américaine, en collaboration avec Made in Space, Inc., a conçu le premier objet imprimé par fabrication additive dans l’espace. Le processus de fabrication additive fonctionne en microgravité comme sur la Terre. Cet objet a été conçu en plastique chauffé. Il serait donc possible de créer un « atelier d’usinage » dans l’espace, en réduisant ainsi les coûts et le risque d’envoi de matériels sur la station, et permettant de développer une chaîne sur demande pour les outils et les pièces requis dans l’espace. Cette réussite ouvre la voie à de futures expéditions spatiales d’expérimentation. Plus récemment, le 2 février 2016, Craig Auletti, ingénieur à la NASA, a déclaré que suite au succès de la mission ICESat (Ice, Cloud and land Elevation Satellite), la NASA prévoit le lancement en 2018 de la mission ICESat-2. Cette dernière sera équipée d’une partie imprimée en 3D en PEKK3, un thermoplastique semi-cristallin à haute résistance à la chaleur, avec endurance chimique, résistance à une charge mécanique élevée, un retardateur de flamme, une faible génération de fumées et une faible toxicité 16 A3DM magazine n°2 Source : IATA Economics (juin 2015) LES PRINCIPAUX IMPACTS DE LA FA SUR LA GESTION DE LA CHAÎNE LOGISTIQUE • Processus rapide, moins cher et plus flexible. • Cycle de développement de nouveaux produits accéléré. • Cycle de fabrication plus rapide et basé sur l’envoi des fichiers numériques. • Diminution des coûts de gestion des stocks. • Baisse du travail à fournir. • Réduction des délais de commercialisation. • Procédés de fabrication plus simples et polyvalents. • Suppression d’étapes, et donc des coûts, d’assemblage. • Possibilité de personnalisation des produits. • Réduction de l’outillage. • Diminution de la production de déchets dans les étapes de production. • Diminution du poids des pièces finies grâce à l’optimisation topologique. • Production relocalisée. DOSSIER Réduire l’impact financier des stocks Les coûts de stockage de pièces des rechange peuvent sérieusement affecter les entreprises des secteurs de l’aéronautique et de l’aérospatiale. Afin d’éviter des avions bloqués au sol, de nombreuses pièces ont depuis longtemps été stockées dans des entrepôts, malgré le fait que ces dernières soient produites à faible quantité, complexes et retirées de la production ou nécessaires dans des endroits éloignés. De nombreuses pièces de rechange restent donc inutilisées jusqu’à ce qu’elles deviennent obsolètes. Limiter ou même supprimer la nécessité d’un stock de pièces et d’outils entraîne une baisse des coûts importante. Or la fabrication additive permet de réduire ce stockage. Cependant, les pièces de rechange et les stocks qu’une compagnie aérienne conserve génèrent également un impact positif sur ses opérations en matière de disponibilité des avions et de ponctualité. Des solutions d’optimisation des stocks pourraient permettre aux entreprises de mieux rentabiliser leur chaîne d’approvisionnement, tout en intervenant sur l’offre et la demande à chaque étape du réseau. En gardant toujours en tête que la gestion précise de la demande est à la base d’une optimisation des stocks. La diminution des stocks impacte également la réduction des actifs à court terme. Elle implique des rendements plus élevés des actifs, tout en réduisant les fonds de roulement qui représentent la différence entre l’actif et le passif à court terme. Elle se traduit également par des frais d’intérêt sur les emprunts inférieurs, généralement utilisés pour financer le fonds de roulement. Gérer efficacement les stocks à travers une chaîne d’approvisionnement bien organisée et efficace peut avoir un impact financier positif4. • En affectant la rentabilité des actifs (Return On Assets – ROA) utilisés pour générer des profits. Le ROA est calculé comme le bénéfice net divisé par l’actif total de l’entreprise. Lorsque les stocks sont réduits, l’actif total de l’entreprise est également diminué, ce qui augmente le rendement. • En incisant sur le cycle de conversion de trésorerie. Le temps que l’entreprise met à convertir son investissement en retour est mesuré en jour comme la somme des jours de stocks (jours de stocks en circulation) et des comptes débiteurs (ou de délai de recouvrement), moins les comptes créditeurs (ou payables en circulation). La diminution de l’inventaire réduit les jours de stocks en circulation tout en raccourcissant le cycle de conversion de trésorerie. • En réduisant le besoin de fonds de roulement. Le maintien des stocks dans la chaîne d’approvisionnement réduit les frais d’intérêts d’une société, conduisant à un bénéfice net plus élevé, car l’intérêt est déduit du bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement (EBITDA, Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation and Amortisation). À une moindre mesure, le besoin en fonds de roulement conduit également à une baisse de la dette à court terme. Un plus faible niveau d’endettement améliore le ratio de ce dernier d’une entreprise et, en même temps, le ratio dette-capital propre. • La réduction des stocks augmente aussi la rotation de ceux-ci, c’est-à-dire le nombre de fois que la société est capable de vendre et remplacer son inventaire sur une période donnée. Cette rotation est calculée par le coût des marchandises vendues divisé par la moyenne des stocks évalués. Un ratio plus élevé de rotation des stocks représente de fortes ventes soutenues d’une planification des stocks et d’un réapprovisionnement efficaces. Machines et essais d’impression 3D dans l’espace par la nasa (en haut). Imprimante 3D « Portable onboard Printer 3D » utilisée à bord de la station spatiale internationale (en bas). A3DM magazine n°2 17 DOSSIER L’impact sur l’environnement et la durabilité À l’heure où la Commission européenne se concentre sur l’importance de l’économie circulaire, la technologie de fabrication additive apporte une série d’impacts positifs sur les aspects environnementaux de la chaîne d’approvisionnement et sur le développement durable. • Réduction des déchets de production L’une des caractéristiques spécifiques de la fabrication additive est d’utiliser uniquement les matériaux nécessaires. Le passage à cette technologie permettrait de réduire les déchets issus des méthodes de fabrication traditionnelle. Il diminuerait ainsi la consommation de matières premières, les coûts associés et rendrait quasi nuls les coûts de transport des déchets. • Réduction des emballages La dématérialisation d’une pièce en fichier numérique et sa production sur place éliminent la nécessité d’un emballage et la production de produits associés : manuels d’instruction en papier, inserts en plastique, etc. Même si de nombreuses entreprises utilisent actuellement des emballages recyclés pour leurs produits, l’ensemble de ce processus de recyclage, ainsi que les transports des colis, pourraient être évités. • Prise en charge de la fabrication verte La fabrication additive rationalise les méthodes de fabrication et de production traditionnelle en ayant notamment un impact significatif sur l’empreinte environnementale. Premièrement, la fabrication additive fonctionne à partir d’électricité, dont une quantité relativement faible suffit pour une production. À cela s’ajoute l’absence de production de déchets, ou à faible quantité. Certains matériaux comme les polymères peuvent également être recyclables. Enfin, l’optimisation topologique intervient sur l’utilisation de matériaux et donc le poids de la pièce, entraînant ainsi une consommation de carburant plus faible, par exemple pour l’aérospatiale ou l’aéronautique. La fabrication additive offre une série d’avantages tout au long de la chaîne de valeur. L’impact sur la chaîne d’approvisionnement est l’un des facteurs clés que les sociétés doivent prendre en compte, en plus des lignes de production et de distribution. Notes 1 - Exemple : abus de confiance (article 314-1 du Code pénal) ; contrefaçon de droits d’auteur (articles L335-1 et suivants du Code de propriété intellectuelle) ; divulgation de secret de fabrication (L1227-1 du Code du travail) ; recel (article 321-1 du Code pénal) ; vol de matériels informatiques (article 311-1 et suivants du Code pénal) ; délit d’initiés (L465-1 du Code monétaire et financier) ; atteinte au secret des correspondances (226-15 du Code pénal) ; violation du secret professionnel (226-13 du Code pénal) ; divulgation de données à caractère personnel (226-21 du Code pénal). 2 - Dans le Code civil, les articles 1382 (« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ») et 1383 (« Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. ») couvrent les engagements personnels et les sanctions prévues en cas de violations contractuelles de confidentialité qui pourraient avoir pour conséquence la résiliation du contrat et le paiement de dommages et intérêts. 3 - PEKK est l’acronyme de Polyetherketoneketone. Les spécifications de ce matériau, spécialement utilisé dans le secteur médical, sont illustrées dans la lien suivant : http: // www.astm.org/Standards/F2820.htm. 4 - Supply Chain as Strategic Asset : The Key to Reaching Business Goals de Vivek Sehgal, Wiley 2010. Attention, cependant, aux émissions de particules fines et de composés organiques volatiles (COV) dans l’air, potentiellement dangereux pour la santé. Essai d’un moteur de fusée dont 75 % des pièces ont été imprimées en 3D. 18 A3DM magazine n°2 PUBLI-RÉDACTIONNEL GESTION DE DONNÉES « MATÉRIAUX » POUR LA FABRICATION ADDITIVE Pour réussir dans la fabrication additive, il faut pouvoir appréhender les matériaux, leurs relations avec le procédé de fabrication et leurs implications sur les propriétés de la pièce produite. Les sociétés utilisant la fabrication additive savent que la gestion de données « matériaux » est un point critique pour garantir leur succès dans ce domaine. Elles cherchent à gérer au mieux ces informations pour en comprendre leurs impacts. Quelles technologies permettent de capturer les données issues de l’impression 3D pour les exploiter via des outils de comparaison, d’exploration et d’intégration aux modèles de simulation ? Par John Downing et Stephen Warde, Granta Design. T out lecteur de ce magazine comprend les enjeux et les atouts de la fabrication additive comme la production de pièces spécifiques dont les caractéristiques ne peuvent être obtenues par la fabrication traditionnelle. Cette méthode ouvre de nouvelles possibilités pour la réalisation de pièces plus légères, plus résistantes et, souvent, à moindre coût dans des secteurs variés comme le médical, l’automobile ou l’aéronautique. Mais pour réussir dans ce domaine, il est primordial de pouvoir comprendre et contrôler le procédé afin de garantir l’obtention des propriétés « matériaux » recherchées pour les pièces 20 A3DM magazine n°2 ciblées. Ce travail demande une compréhension détaillée de la matière, des procédés et de leurs effets sur les propriétés de la pièce. La relation matériau-procédé-pièce est cruciale comme c’est le cas dans l’élaboration de composites. L’accès et le contrôle des paramètres matériaux sont la clé du succès. Les chercheurs et les équipes de développement ont besoin de ces données pour analyser les performances, appréhender les relations de cause à effet et prendre les décisions adéquates. La certification des pièces demande, par ailleurs, une maîtrise totale de la traçabilité - c’est-à-dire la capacité de rendre PUBLI-RÉDACTIONNEL compte des paramètres retenus pour l’élaboration d’une pièce ou d’un composant. Capturer, gérer et utiliser les informations nécessaires est extrêmement complexe. Le volume d’informations mais également les relations entre les données rendent cette tâche particulièrement ardue. Il faut être en mesure de collecter des données depuis différentes sources sous des formats divers, de pouvoir les analyser pour générer une information utile et d’effectuer les changements après chaque série de tests. Expert reconnu dans le domaine de la gestion de données « matériaux », la société Granta a construit son expertise depuis de nombreuses années autour de la résolution de problématiques complexes tels que les matériaux composites. Nous avons identifié trois points clés : capturer et structurer les informations liées à la fabrication additive ; supporter les équipes de simulation en intégrant des données validées et permettre le partage des connaissances pour monter en compétence. Capturer et structurer les informations liées à la fabrication additive Les programmes de recherche sur la fabrication additive génèrent des quantités impressionnantes d’informations, que ce soient sur les matériaux, les caractéristiques des procédés, les tests, la simulation ou la qualification des pièces. Il n’est pas évident de mettre en relations ces données, souvent issues de machines spécifiques. Il est, également, compliqué d’identifier les paramètres à capturer. Les industriels doivent donc : • définir des protocoles pour la gestion des données et disposer d’outils logiciels permettant la structuration de ces connaissances ; • et se procurer des outils pour faciliter la capture et l’analyse de celles-ci. Récemment, deux projets collaboratifs se sont concentrés sur ces objectifs : AMAZE, un projet Européen FP7 sur la fabrication additive, et le Materials Data Management Consortium (MDMC). Nous aborderons le projet AMAZE un peu plus loin dans l’article. Le projet MDMC, quant à lui, regroupe depuis plus de 15 ans des entreprises leaders de leurs domaines (Boeing, Lockheed Martin, Honeywell, Nasa) qui travaillent à développer les meilleures technologies de gestion de données « matériaux » pour optimiser la valeur de l’ingénierie des matériaux. Ce groupe porte un intérêt particulier à la fabrication additive et aide la société Granta au développement de la plateforme GRANTA MI pour l’impression 3D. Suite à ces travaux, la plateforme GRANTA MI propose un schéma type de base de données dédié à la fabrication additive. Ce schéma est associé à des outils permettant d’adapter la structure de la base aux besoins spécifiques de chaque entreprise. Le schéma s’accompagne de modalités d’import et d’export permettant la capture automatisée et l’analyse de ces données. À terme, l’entreprise pourra capitaliser l’expérience acquise en impression 3D dans un système construit pour faciliter la recherche, l’analyse et l’exploitation des informations ainsi que l’identification des paramètres impactant. Supporter les équipes de simulation en intégrant des données validées La simulation est un élément clé pour comprendre et prédire les paramètres optimaux de fabrication. Plusieurs projets et institutions de recherche se concentrent sur ces thématiques comme le laboratoire de recherche américain Lawrence Livermore National qui a présenté une prédiction précise de la porosité de pièces basée sur une compréhension améliorée des comportements de déformations à température et validée ses résultats par la littérature. Page d’accueil de la base de données Granta MI montrant un schéma pour aider les utilisateurs à localiser les données dont ils ont besoin. A3DM magazine n°2 21 PUBLI-RÉDACTIONNEL Quelle que soit la méthode, la justesse d’une simulation dépendra toujours de la précision des données (matériau et procédé) sur lesquelles elle repose. Les résultats doivent également être validés par des tests physiques sur les pièces concernées. Ce cycle de validation doit s’appuyer sur une gestion de données structurée permettant le nivellement des informations, depuis les données d’essai brutes jusqu’à celles consolidées et validées pour la simulation. Granta soutient cette approche en permettant l’interfaçage de données contrôlées dans GRANTA MI avec les outils de simulation et d’éléments finis. Partage de l’expertise Les projets de développement visent à établir l’impression 3D comme procédé de fabrication robuste et certifié. Atteindre cet objectif demande des efforts de recherche et, souvent, une collaboration entre des sociétés mais il nécessite, également, la participation aux projets des industries, des universités et des gouvernements. Le partage d’informations est alors critique au succès de ces projets. Il s’agit non seulement de faciliter ce dernier entre les partenaires mais aussi de contrôler et de protéger les informations partagées afin de respecter les problématiques de propriété intellectuelle comme cela a été le cas pour le projet AMAZE. L’objectif du projet AMAZE est de réduire dramatiquement le coût de production de pièces métalliques et d’éliminer le rebut lors de la fabrication. Ce groupe de 28 partenaires, incluant entre autres Airbus Defence and Space, BAE Systems, European Space Agency et Renishaw, est le plus large et le plus ambitieux dans ce domaine. AMAZE vise à produire, rapidement, sans défaut et sans rebut en impression 3D des composants de grandes tailles pouvant aller jusqu’à 2 m et susceptible d’être utilisés dans l’aéronautique, l’aérospatial, l’automobile et le nucléaire. Quatre usines pilotes ont été construites pour donner aux industriels européens une position de leader dans ce domaine dès 2016. Granta fournit aux partenaires un système de gestion d’informations matériaux basé sur la plateforme GRANTA MI ; créant ainsi une source unique de connaissance sur les matériaux, les procédés, et leurs propriétés. Cette base soutient au mieux le raffinement et l’extension de l’expertise ainsi que le partage d’informations. Elle permet la capture de toutes les informations depuis l’achat de matières, les critères de fabrication, l’inspection et les tests. Une solution basée sur les bonnes pratiques pour la fabrication additive AMAZE démontre comment les technologies peuvent aider un projet complexe, multipartenaire et multinational avec un meilleur usage de la connaissance « matériaux » dans un domaine por- 22 A3DM magazine n°2 teur d’innovations. Le logiciel GRANTA MI, réputé et reconnu pour la gestion de données « matériaux » (métaux, composites, plastiques, etc.), a pu être optimisé pour répondre aux challenges de la fabrication additive via son module GRANTA MI : Additive Manufacturing™. Ce dernier propose : • un schéma robuste validé pour la gestion de données d’impression 3D, avec plus de 800 attributs pré-renseignés (informations « matériaux », détails de calibration, détails de fabrication...) et en évolution constante ; Pièce construite par fabrication additive sur un substrat (en haut). Imprimante 3D Renishaw AM250 RGB (en bas). PUBLI-RÉDACTIONNEL • des interfaces pour capturer les données efficacement et calibrées pour accepter des données machines de divers fabricants (par exemple les sociétés Renishaw ou EOS) ; • des instruments pour explorer les données et les exporter vers d’autres outils d’analyse comme Excel ou MatLab ; • la possibilité d’intégrer et d’échanger des données avec les outils de simulation, depuis les données d’entrée nécessaires jusqu’aux résultats liés à celles-ci. Le but de cette solution est d’aider à réduire les temps de développements, minimiser les coûts de production et promouvoir l’innovation. Pour tout renseignement contacter l’équipe française de Granta : www.grantadesign.com/FR/index. htm. Train d’atterrissage en titane conçu par farication additive à l’université Cranfield, l’un des partenaire du projet AMAZE. Image fournie par l’équipe WAAMMAt, de l’université de Cranfield. Gérer les données critiques pour la fabrication additive. Granta Design développe dans le programme européen AMAZE un logiciel sans équivalent pour la gestion et l’exploration de données matériaux pour la fabrication additive: Capturer et corréler les données matériaux et celles des machines Permettre la caractérisation Supporter les outils de simulation Identifier et comprendre les paramètres impactant Construire et structurer son savoir Plus d’informations: www.grantadesign.com/fr OUTILLAGE FABRICATION ADDITIVE LES OUTILLAGES EN THERMOPLASTIQUES HAUTES PERFORMANCES Comment réaliser une économie de temps et d’argent en produisant des outils de fabrication personnalisés, au moyen du procédé de modélisation par dépôt de fil en fusion (Fused Deposition Modeling, FDM). A3DM Magazine vous guide dans cette démarche. Par Éric Bredin, directeur marketing EMEA de Stratasys. L es objectifs essentiels de la fabrication – à savoir améliorer la qualité, réduire les délais et les coûts – sont les raisons principales de l’utilisation répandue des gabarits et des fixations. Que les opérations soient entièrement automatisées ou totalement manuelles, ces derniers sont utilisés tout au long du processus de fabrication, avec pour objectif de réduire les coûts tout en accélérant la production. Au-delà des gabarits et des fixations, il est possible d’inclure tous les outils de fabrication d’assistance opérationnelle, ceux-ci étant plus répandus. Cela comprend les rangements pour l’organisation et les supports d’outils pour 5S (une méthodologie d’organisation du lieu de travail), les modèles, les guides et les calibres, mais également les organes terminaux de robots (outils de préhension) et les plateaux, caisses et trieuses destinés au transport. Quels que soient le nom, la description ou l’application, les outils de fabrication augmentent le profit et l’efficacité, tout en maintenant un niveau de qualité élevé. Bien que ces outils de fabrication soient largement répandus, de nombreux sites ne les utilisent pas à leur pleine mesure. Les fabriquer demande du temps, de l’énergie et de l’argent. Pour tirer parti de ressources limitées, il existe une solution : l’impression 3D. Celle-ci est simple et automatisée, rapide et peu onéreuse. Elle permet de déployer un plus grand nombre d’outils de fabrication et d’optimiser leur performance. 24 A3DM magazine n°2 OUTILLAGE Abaisser le seuil de rentabilité En substituant, simplement, l’impression 3D à des méthodes actuelles de fabrication de gabarits et de fixations, il est possible de réduire les coûts et d’accélérer la production. Ces seuls avantages justifient aisément l’utilisation de systèmes de fabrication additive, notamment grâce à la rapidité d’approvisionnements. Mais c’est ignorer l’impact important sur toute l’activité : l’impression 3D abaisse le seuil auquel un nouvel outil se justifie, ce qui permet de répondre à des besoins non satisfaits tout au long du processus de production : • réduction des rebuts et du ré-usinage ; • réduction de la main-d’œuvre nécessaire ; 1 • optimisation des procédés ; • amélioration du contrôle et de la répétabilité d’un processus. Comment expliquer que les outils de fabrication ne sont pas utilisés actuellement dans toutes ces opérations, puisqu’ils sont si précieux ? La réponse la plus probable est que, jusqu’à aujourd’hui, ils n’étaient pas justifiés. Malgré l’avantage de disposer du gabarit ou de la fixation, le retour sur investissement calculé n’était pas suffisant. Le temps et l’argent étant toujours limités, la décision de concevoir un outil de fabrication repose en priorité sur : • les processus impossibles sans gabarit ou fixation ; • les besoins les plus urgents ; • les risques les plus importants et les problèmes les plus probables ; • la rapidité de mise en œuvre et de résultats ; • et la facilité de mise en œuvre. Décider de quand et où utiliser un gabarit ou une fixation ne diffère pas des autres décisions prises au quotidien. Le choix est réalisé lorsque les bénéfices surpassent l’investissement et/ou lorsque l’exécution est simple. L’impression 3D abaisse le seuil de justification en augmentant le retour sur investissement et en réduisant les obstacles entre l’idée et la solution. Cette technologie simplifie le processus, réduit le coût et diminue les délais. Par exemple, avec la technologie de modélisation par dépôt de fil en fusion (FDM, Fused Deposition Modeling) comme approche de fabrication additive de gabarits et de fixations, le processus ne compte que trois étapes : préparation du fichier CAO, fabrication de l’outil et post-traitement de la pièce. À la différence de la fabrication classique, la technologie FDM ne requiert que peu d’expérience et une main d’œuvre minimale. Dans de nombreux cas, les gabarits et fixations ne demandent pas plus de 15 minutes de travail. Selon Natalie Williams, responsable qualité chez Thogus Products, société de moulage par injection spécialisée dans la fabrication en petits volumes et en matériaux hautement techniques : « il est plus simple de modéliser une fixation et de l’imprimer soimême que de la concevoir et l’exécuter dans un atelier extérieur. Le délai pour une fixation usinée à 12 cavités externalisée était de 7 à 10 jours. Je l’ai construite en une nuit », conclue-t-elle. Les imprimantes 3D FDM permettent une réduction des délais de fabrication de l’ordre de 40 à 90 %. L’impression 3D peut également augmenter sensiblement le retour sur investissement en réduisant le coût d’un gabarit ou d’une fixation. Les sociétés réalisent généralement des économies de 70 % à 90 % par rapport aux fixations usinées ou fabriquées en externe. Pour la fixation à 12 cavités de Thogus, les économies se sont montées à 87 %. « L’atelier d’usinage demandait 1 500 $ pour la fixation. J’ai pu la fabriquer pour moins de 200 $ de matériaux », nous a déclaré Natalie Williams. 2 3 1. Pistolet doo de Thermal Dynamics. 2. Support de protection de sécurité Thogus. 3. Organe de préhension comportant des canaux sous vide internes sans tuyau externe. A3DM magazine n°2 25 OUTILLAGE Alors que les fixations usinées coûtaient 12 000 $ et demandaient un délai de sept jours, Thermal Dynamics a choisi de les fabriquer avec la technologie FDM et économise ainsi 10 000 $ et plusieurs jours de fabrication. Un autre exemple est celui de Joe Gibbs Racing, membre de l’association NASCAR, qui utilise la technologie FDM pour fabriquer des fixations, dont certaines ont été en service pendant plus de deux ans et ont permis de réduire les délais et les dépenses de 70 % en moyenne. En rendant le processus de fabrication d’outils plus rapide et plus abordable, l’impression 3D augmente le nombre de gabarits, fixations et autres outils de fabrication et améliore donc toute la chaîne. 4 Optimiser la performance des outils de fabrication L’impression 3D peut également optimiser la performance des outils de fabrication. Avant l’impression 3D, les conceptions suffisantes pour remplir leur office étaient acceptables pour les gabarits et les fixations. En raison des coûts et du travail nécessaires pour les redessiner et les fabriquer de nouveau, les révisions étaient exclusivement réservées à ceux qui ne fonctionnaient pas suivant les spécifications. L’impression 3D modifie cet état d’esprit. Pour quelques euros de plus, elle permet de produire l’outil de fabrication de la nouvelle génération à temps et prêt à être utilisé. Pour une pièce qui présente des performances moyennes, un peu de temps et quelques initiatives suffisent à redessiner une pièce. Le temps gagné sur une opération de montage est faible, mais ces secondes s’accumulent. Si la fabrication est de 500 fixations par jour et par ouvrier, une économie de deux secondes réduit la main d’œuvre de 70 heures par personne et par an. Pour la même pièce, une réduction de 1 % des rebuts fait économiser 1 250 pièces par an. Genesis Systems Group s’est orienté vers la FDM pour fabriquer plus rapidement des EOAT (End-of-Arm Tooling) plus légers et moins chers, remplaçant les outils de préhension métalliques construits de façon conventionnelle. Pour Doug Huston, conseillé technique chez Genesis Systems Group, la production « prendrait des semaines pour fabriquer des outils de préhension traditionnels. Avec les outils de préhension FDM, vous pouvez finaliser et équiper une nouvelle extrémité d’outil robotique en un jour ». De plus, l’outil nouvellement conçu, réalisé en plastique FDM léger, réduit également le poids des EOAT, passant ainsi de 16 kg à seulement 1,3 kg. Huston a souligné que la réduction de poids permettait d’utiliser des robots plus petits et moins chers. L’impression 3D abaisse le seuil de justification, ainsi les utilisateurs peuvent mettre en service plus de gabarits et de fixations optimisés, et devenir plus compétitifs. Mise en œuvre d’une approche d’impression 3D Avant de créer votre premier modèle CAO en 3D et de charger un système de production 3D, il faut tenir compte des matériaux et de la tolérance de dimensions. L’impression 3D est idéale pour de nombreux outils de fabrication, mais elle n’est pas adaptée à tous. La principale considération relative aux matériaux est de savoir si le plastique suffira. Les gabarits et les fixations sont traditionnellement fabriqués en métal. Pour certains, le métal peut être indispensable. Pour d’autres, il peut n’être qu’une option pratique puisqu’il est propice au fraisage, au tournage, au pliage et à la fabrication. Dans ce cas, l’impression 3D peut être une des options. Parmi cellesci, la gamme de matériaux FDM disponibles offre des propriétés de résistance aux produits chimiques (pétrole, solvants), de résis- 26 A3DM magazine n°2 BMW imprime des outils plus légers et plus faciles à manipuler, mais aussi certains outils impossibles à concevoir en fabrication traditionnelle. tance thermique (jusqu’à 200 °C) et de résistance mécanique. Les outils de fabrication en plastique peuvent également apporter des avantages inattendus. Par exemple, la société Thogus utilise des fixations pour robots, fabriquées par modélisation par dépôt de fil en fusion, qui absorbent les chocs. Si le bras du robot s’écrase contre un obstacle, la pièce FDM est capable d’éviter les détériorations sur le bras, supprimant ainsi des réparations et une immobilisation coûteuse des machines. Autre exemple, la société BMW utilise des outils portables en plastique, car ils sont plus légers et plus faciles à manipuler, réduisant ainsi la fatigue des ouvriers. La conception Les règles de conception pour la faisabilité (DFM) ne s’appliquent plus avec l’impression 3D. Elles n’ont pas de conséquence sur le temps, les coûts, la qualité, la performance ni la valeur concrète. Dans certains cas, le respect des anciennes règles DFM peut même avoir l’effet opposé. Il faut donc oublier ces règles et reprendre à zéro avec une nou- OUTILLAGE velle conception. La nature additive du processus offre une liberté de conception sans pareille. L’impossible devient réalisable et même raisonnable. Les outils de fabrication peuvent présenter des configurations complexes, de nombreuses caractéristiques et des formes libres, sans nécessiter plus de temps et d’argent. En fait, la plus grande complexité peut même réduire les coûts et les délais. Par exemple, les poches, les trous et les canaux réduisent la consommation de matériaux et le temps de fabrication. Grâce à la technologie FDM, BMW imprime des gabarits et des fixations impossibles à fabriquer avec l’usinage et la fabrication classiques. L’impression 3D les rend plus simples à utiliser et plus fonctionnels. La liberté de conception permet à des ouvriers sur une ligne de montage de disposer d’un outil qui atteint le dessous, l’arrière et l’intérieur d’un pare-chocs. Les ingénieurs se sont consacrés entièrement à cette fonction, ce qui a permis de concevoir un outil pour pare-chocs de forme organique (figure 4). La liberté de conception peut également améliorer l’ergonomie des outils de fabrication. Le poids, l’équilibre et la position de l’outil ont un impact direct sur le confort du technicien, la durée du processus et la simplicité d’accès et de stockage. Pour atteindre une ergonomie optimale, il suffit de l’intégrer dans la conception des outils. Par exemple, BMW a redessiné une fixation d’alignement d’insignes afin d’améliorer l’équilibre et de diminuer le poids. Cela a réduit la charge sur les ouvriers et amélioré les délais de fabrication de la fixation d’insignes. Une manière très simple de tirer profit de la liberté de conception consiste à consolider les assemblages en pièces simples. Souvent, les gabarits et les fixations sont composés de plusieurs pièces. L’impression 3D supprime ce besoin. La division en plusieurs pièces ne doit se faire que lorsque cela présente un avantage pour le fonctionnement du gabarit ou de la fixation. En effet, intégrer les pièces en un unique composant présente de nombreux avantages. Simplifier la gestion des outils de fabrication Les gabarits, les fixations et les autres outils de fabrication ne doivent plus être considérés comme des actifs, mais plutôt comme des dépenses et des éléments jetables. En tant qu’actifs, les gabarits et les fixations sont stockés (à l’inventaire) entre leurs utilisations. Ils restent en stock jusqu’à ce que la ligne de produits soit obsolète ou jusqu’à ce qu’ils ne soient plus réparables. En raison du temps, de l’argent et du travail consacrés à la fabrication d’outils au moyen des méthodes classiques, ceux-ci sont trop précieux pour être écartés comme des articles jetables. Toutefois, cette approche entraîne de nombreux coûts indirects : le coût de l’espace d’entreposage, le coût de gestion et de suivi des stocks ainsi que le coût de localisation d’un gabarit ou d’une fixation nécessaire. Pour les outils utilisés de manière sporadique, ces coûts peuvent être importants. De plus, le travail de stockage des gabarits et des fixations est parfois supérieur à celui de la fabrication. Les sociétés adoptent donc une approche de gestion numérique, où seul le fichier numérique est stocké. Il peut sembler impensable de mettre au rebut un outil de fabrication en parfait état, mais pour ceux qui ne sont pas souvent utilisés, cette approche réduit les coûts et la charge de travail. Cette approche d’impression à la demande est également pratique lorsque qu’il est nécessaire de remplacer un outil cassé ou de posséder des doubles pour augmenter la production et répondre à une augmentation inattendue des ventes. Conclusion L’impression 3D peut entraîner de grands changements permettant de maximiser les profits en supprimant des gâchis de temps et d’argent lors du processus de fabrication. S’il n’est pas aisé d’oublier des approches de conception établies de longue date, il est possible de commencer par remplacer simplement les processus de fabrication habituels par l’impression 3D. Quoi qu’il en soit, les économies sur la chaîne de production et sur la fabrication de gabarits et de fixations seront importantes. En disposant d’un dessin CAO en 3D et d’un accès à une machine de fabrication additive, la production d’outils de fabrication nécessitera seulement 15 minutes de travail pratique. En combinant la simplicité à des réductions de temps et de coûts de l’ordre de 40 % à 90 %, on comprend mieux pourquoi l’impression 3D incite les sociétés à fabriquer plus de gabarits, de fixations et d’autres outils de fabrication. • Éliminer les problèmes de tolérance. Si deux pièces correspondantes sont combinées en une seule, les coûts et les problèmes posés par le contrôle des tolérances des deux pièces sont supprimés. • Éliminer la durée de l’assemblage. L’assemblage nécessite du temps, en particulier pour les produits uniques comme les gabarits et les fixations, et les ajustements parfaits ne sont pas garantis. • Minimiser la documentation et les coûts généraux. Consolider les pièces réduit les coûts des actions comme la conception, la documentation, les devis, les commandes et la gestion des stocks. A3DM magazine n°2 27 LES ÉCHOS DE L’AFPR ASSISES EUROPÉENNES DE LA FABRICATION ADDITIVE Les Assises européennes de la fabrication additive (AEFA), organisées par l’Association française du prototypage rapide et de la fabrication additive (AFPR), vont être, cette année encore, accueillies par CentraleSupélec sur le site de Châtenay-Malabry, près de Paris, du 21 au 23 juin 2016. Par Alain Bernard, Professeur des Universités à l’École centrale de Nantes, vice-président de l’AFPR. C ette manifestation annuelle est un événement incontournable pour la communauté internationale de la fabrication additive. Il y a quatre ans, l’AFPR fêtait ses 20 ans en présence de nombreux spécialistes internationaux de la GARPA (Global Alliance of Rapid Prototyping Associations). Cette année encore, les nombreuses interventions seront de qualité tout à fait exceptionnelle parce que délivrées par de grands spécialistes nationaux et internationaux du domaine. Chaque présentation sera proposée à l’ensemble des participants simultanément en français et en anglais. Beaucoup d’acteurs clefs participant à la dynamique du développement de la fabrication additive viendront évoquer les tendances technologiques. Ils expliqueront en quoi la fabrication additive est au cœur de la chaîne numérique et comment elle apporte des possibilités uniques de diversité et de complexité de formes et de propriétés des objets fabriqués. encore montreront à quel point les applications concernent des domaines toujours plus nombreux et en quoi la fabrication additive impacte les pratiques et les chaînes de valeur. Une session apportera des réponses sur les avancées dans le domaine de la santé au sens le plus large du terme. Différents acteurs de l’association Ars Mathematica apporteront, comme chaque année, leur éclairage de la création artistique en appui sur la fabrication additive. Enfin, la démocratisation de la fabrication additive sera illustrée au travers d’exemples divers touchant au quotidien. Dans de nombreux cas, il sera montré combien cette technologie apporte des avantages concurrentiels, parfois avec un risque industriel maîtrisé et une volonté de produire à la demande et localement. Démonstration En parallèle des conférences, les participants pourront découvrir, dans un vaste espace de démonstration en accès libre, de nombreuses pièces et quelques-unes des dernières générations de machines de fabrication additive, dont certaines seront pour la première fois en France. À leurs côtés, des utilisateurs, des sociétés de Conférences Une session sera dédiée à la chaîne numérique et, plus particulièrement, à la conception des objets et de leur matériau, en appui sur des outils de génération topologique et de simulation toujours plus pertinents. Concevoir un objet par fabrication additive demande des principes nouveaux au service d’une diversité maîtrisée des produits et de leurs propriétés. D’autres conférences offriront des présentations relatives aux dernières avancées des technologies et des matériaux. D’autres 28 A3DM magazine n°2 Démonstrateur technique et économique des technologies SLM et DED-CLAD réalisé par IREPA LASER en collaboration avec Polyshape dans le cadre du projet FUI FALAFEL. Courtoisie de Dassault Aviation LES ÉCHOS DE L’AFPR service, des fournisseurs de matériaux, des éditeurs de logiciels, des laboratoires de recherche, etc. montreront la richesse et la dynamique touchant, aujourd’hui, le domaine de la fabrication additive. En préambule à ces trois jours, grâce à des acteurs de la recherche française pour la fabrication additive, se tiendra un workshop doctoral accessible sur invitation. Les doctorants qui présenteront leur travail seront encouragés à proposer un papier pour une présentation durant les conférences. Cet événement sera comme à son habitude un rendez-vous incontournable pour le monde de la fabrication additive, dans une période où l’innovation et la fabrication de produits à forte valeur ajoutée sont des vecteurs forts, porteurs d’espoir et d’enjeux clefs pour l’Europe en particulier. Pièce réindustrialisée par la société SNECMA DMS en collaboration avec la société 3A et fabriquée avec la technologie EBM (poids de la pièce réduit de 30%). Courtoisie de 3A L’AFPR et CentraleSupélec espèrent vous accueillir nombreux. Repensez la conception Support mécanique pour satellite spatial produit sur une AM250 Renishaw. Explorez le potentiel de la fabrication additive Les systèmes de fabrication additive de Renishaw utilisent la technologie de fusion laser sur lit de poudre pour produire des pièces métalliques complexes, entièrement denses directement à partir de CAO 3D. Souvent appelée impression 3D, cette technologie n’est pas bridée par les règles de conception de la fabrication traditionnelle. Elle crée des géométries complexes comme les canaux de refroidissement conformes pour les moules d’injection, réduit le poids des composants en ne plaçant de la matière que là où cela est nécessaire, optimise l’assemblage en limitant le nombre de composants. La fabrication additive est aussi complémentaire aux technologies d’usinage conventionnelles et contribue directement à réduire les délais, les coûts d’outillages et les déchets matière. Pour plus d’informations, visitez www.renishaw.com/additive Renishaw S.A.S. 15 rue Albert Einstein, Champs sur Marne, 77447, Marne la Vallee, Cedex 2, France T +33 1 64 61 84 84 F +33 1 64 61 65 26 E [email protected] www.renishaw.fr ÉVÉNEMENT LA PREMIÈRE EXPOSITION DÉDIÉE À LA FABRICATION ADDITIVE Du 1er avril au 9 juillet 2016, Le Lieu du Design, espace de 240 m2 de promotion du design industriel et de l’éco-design au cœur de Paris, présente la première exposition dédiée à la fabrication additive, « Impression 3D, l’usine du futur ». Celle-ci pose une réflexion sur cette nouvelle technologie. Les visiteurs seront amenés à porter un regard objectif sur la transformation des métiers et de l’industrie. Par Gaëtan Lefèvre, rédacteur en chef. Un panorama de réalisations et de projets venant du monde entier, des origines de l’impression 3D – il y a un peu plus de trente ans – à nos jours, sera exposé à travers différents supports : objets manufacturés, maquettes, prototypes, vidéos, etc. Les visiteurs pourront ainsi voir de nombreux projets : du mobilier design, des produits de mode, des réalisations de prothèses médicales, des pièces pour l’industrie des transports, des produits de bien de consommation, etc. Sept thématiques L’exposition sera organisée autour de sept thématiques. • « Savoir-faire et méthodologie » : imagine les applications et des pratiques différentes dans le futur. • « Sur-mesure et personnalisation » : expose des réalisations uniques et personnalisées comme des prothèses médicales conçues sur-mesure pour des patients. • « Hyper optimisation » : explique comment optimiser les processus de production, les formes et les fonctions. • « Nouveaux possibles, nouvelles esthétiques » : présente les nouveaux champs de création, l’impression 3D permettant de concevoir des pièces plus complexes. • « Mutation des processus de production » : interroge sur l’intégration de la chaîne numérique dans les chaînes de production. • « Nouveaux modèles économiques » : présente les émergences de ces nouveaux modèles avec des entreprises naissantes et d’autres diversifiant leurs activités. • « Maker, open source et do it yourself (DIY) » : expose de nouveaux modèles de consommation, de transmission d’informations… Conférences et ouvrage En complément de l’exposition, des conférences donnant la parole à des professionnels français et internationaux du secteur seront organisées par le Lieu du Design. Différents thèmes seront abordés. • L’impression 3D et l’usine du futur. • L’impression 3D et la propriété intellectuelle. • Quelles techniques d’impression 3D pour quels usages ? • L’impression 3D pour les designers. Les dates des conférences n’ont pas encore été dévoilées. Les éditions Dunod, qui ont notamment publié le livre Fabrication additive – Du prototypage rapide à l’impression 3D de Claude Barlier et Alain Bernard, sont associées à l’exposition. Un ouvrage de 128 pages permettra de retrouver son contenu qui sera enrichi d’un historique de l’impression 3D et des outils de CAO, d’un guide technique des différents procédés et d’un répertoire des acteurs du domaine. 30 A3DM magazine n°2 ÉVÉNEMENT 7days7stools © Franck Thorsten LE LIEU DU DESIGN Parc du Pont de Flandre 11, rue de Cambrai – 75019 paris + 33 1 40 41 51 02 www.lelieududesign.com Vulcan Pavilion © JiShi LeiYu Kinematics dress © Steve Marsel D Frame © PQ SPA/Ron Arad Bague Orbis © L. T. Dean Jewellery © Simon Edison Claveaux © StudioMinale-Maeda A3DM magazine n°2 31 ANALYSE LE RÊVE AMÉRICAIN COMMENT LES ÉTATS-UNIS ONT-ILS PRIS LA TÊTE DANS LA COURSE À LA FABRICATION ADDITIVE ? Depuis les premiers brevets déposés en 1984, les États-Unis mènent la danse dans le secteur de la fabrication additive. En plus de posséder quelques-unes des sociétés les plus influentes du secteur, le gouvernement américain fournit de nombreux efforts afin de concentrer ses compétences nationales sur le développement de cette technologie. La situation américaine en fait rêver plus d’un ! Analyse d’une prise de dominance dans le secteur de la fabrication additive. Par Giorgio Magistrelli, expert fabrication additive, gestionnaire d’entreprises et de projets. I l y a plus de trente ans, la France et les ÉtatsUnis ont été à l’origine de la fabrication additive (FA). Dans les faits, cette technologie est née en France. Le premier brevet a été déposé en juillet 19841 par Jean-Claude André, chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et à l’Institut polytechnique de Lorraine, Olivier de Witte et Alain le Méhauté, ingénieurs électrochimiques au centre de recherche de la Compagnie Générale d’Électricité (CGE), ancien Alcatel, à Marcoussis. Cette technologie a été le 32 A3DM magazine n°2 résultat d’une recherche sur la géométrie fractale et la manière de produire un tel objet. Compte tenu de l’impossibilité de fabriquer les pièces à géométrie fractale par usinage ou moulage, les chercheurs ont eu l’idée d’inventer l’impression en 3D. L’imprimante française fonctionnait avec des lasers de Cilas, une filiale de la CGE fondée en 1966 afin d’exploiter industriellement et commercialement les résultats des laboratoires de recherche sur les sources et les équipements laser. Malheureusement, les concepteurs n’ont pas été suivis par les fabricants et l’aventure française s’est rapidement arrêtée. Olivier de Witte est devenu, quelques années plus tard, le responsable de la société 3D Systems en France. ANALYSE La sculpture de Gilles Azzaro est une Œuvre monumentale représentant la voix du président américain Barack Obama imprimée en 3D (voir page 36). Au même moment, en 1982, aux États-Unis, Chuck Hull expérimente la stéréolithographie (SLA) et les possibilités de fabrication par couches successives. Le 11 mars 1986, il enregistre son brevet US 4,575,330. À ce moment, l’accent est clairement mis sur l’amélioration du prototypage rapide de petites pièces en plastique pour tester de nouveaux produits. Ce processus innovant introduit une technique révolutionnaire basée sur l’utilisation d’un laser Ultra-Violet (UV) venant frapper et durcir une zone ciblée de la résine. Ce brevet définira le format de fichier 3D «.stl» et permettra également, de créer l’entreprise 3D Systems Corporation, fondée à Valencia, en Californie. Ce géant de la fabrication des imprimantes 3D lancera à la fin de l’année 1988 le premier système SLA, la SLA-250, et le premier système de material jetting en 1996. 2012, une année décisive Au cours des années 1980 et 1990, la fabrication additive a été utilisée comme une méthode de prototypage rapide pour le moulage et l’outillage. Il faudra, cependant, attendre le début du siècle pour que son développement prenne vraiment de l’ampleur. Depuis cinq ans, la fabrication additive connaît une nouvelle phase de croissance. Le soutien d’organismes fédéraux, comme la National Science Foundation (NSF) et le Department of Defense (DOD), a été crucial pour la recherche et le développement initial de cette technologie aux États-Unis. Selon l’Institut de la politique scientifique et de la technologie (Science and Technology Policy Institute2), depuis 1986, la NSF a dépensé plus de 200 millions de $ pour la recherche sur la fabrication et les activités connexes. Aujourd’hui, plusieurs organismes fédéraux sont impliqués dans la R&D sur la fabrication additive : la National Aeronautics and Space Administration (NASA), l’Institut national des normes du département du Commerce des États-Unis (National Institute of Standards of the U.S. Department of Commerce – NIST), le Department of Defense (DOD) et le ministère de l’Énergie américain (Department of Energy). Au sein du DOD, plusieurs organismes de recherche sont impliqués, dont l’Agence de recherche de l’armée, la marine et la force aérienne (Defense Advanced Research Projects Agency – DARPA). Ces organismes fédéraux soutiennent les laboratoires de recherche et d’enseignement ainsi que les petites et grandes entreprises. Ils parrainent des conférences techniques et participent à l’élaboration et aux évolutions des nouvelles technologies. Pour soutenir les efforts de recherche et de développement d’emploi, les organismes de R&D fédéraux ont également mis en place le développement de plusieurs feuilles de route technologiques. En se concentrant sur le développement de la fabrication additive, en août 2012, dans le cadre de l’initiative We Can’t Wait, initiée par le président américain Barack Obama, sur les techniques avancées de production, les ÉtatsUnis ont établi l’America Makes et le National Additive Manufacturing Innovation Institute. Il s’agit d’un partenariat public-privé entre les agences du gouvernement fédéral, le secteur privé et les universités ouvrant à une collaboration pour trouver des solutions aux obstacles relatifs à la fabrication additive ; accélérer la recherche, le développement et la démonstration des opportunités et des applications ainsi que la croissance dans le secteur manufacturier. L’investissement prévu du gouvernement fédéral initial était de 30 millions de $ pour la période 2012-2014 avec une prévision jusqu’en 2017 d’un total de 55 millions de $. Lors de son discours sur l’état de l’Union en 2013, le président américain Barack Obama a annoncé que l’impression 3D avait le « potentiel de révolutionner la manière dont nous fabriquons presque tout ». « Notre priorité est de faire de l’Amérique un pôle d’attraction pour créer de nouveaux emplois et pour la fabrication. Après avoir perdu des emplois pendant plus de 10 ans, nos compagnies ont créé environ 500 000 emplois au cours des trois dernières années. Caterpillar a relocalisé ses emplois qui étaient au Japon et Ford du Mexique. Après avoir délocalisé des usines dans d’autres pays comme la Chine, Intel ouvre de nouveau une usine la plus avancée, ici, à la maison. Cette année, Apple recommence à produire des Macs en Amérique. Nous pouvons accélérer cette tendance. L’année dernière, nous avons créé notre premier institut d’innovation de fabrication à Youngstown, dans l’Ohio. Un ancien entrepôt désaffecté a été réhabilité en atelier de fabrication dans lequel les employés maîtrisent les techniques A3DM magazine n°2 33 ANALYSE de l’impression 3D. L’impression 3D a le potentiel de révolutionner la manière dont nous fabriquons presque tout. Il n’y a aucune raison pour que cela ne puisse pas arriver dans d’autres villes. Alors ce soir, je vous annonce le lancement de trois autres centres similaires, dans lesquels les entreprises travailleront en partenariat avec les départements de la Défense et de l’Énergie afin de transformer les régions délaissées par la mondialisation en bassin d’emplois high-tech. Et je demande au Congrès d’aider à créer un réseau d’une quinzaine de ces plates-formes et de garantir que la prochaine révolution industrielle sera Made in America ». trations à l’université d’État de Pennsylvanie et au Laboratoire national d’Oak Ridge pour faciliter le déploiement de technologies de fabrication additive. L’Institut national des normes du département du Commerce des États-Unis (NIST) finance des recherches dans la science des mesures afin de fournir une plus grande assurance dans la qualité des pièces produites. Il coopère également avec le comité ASTM F42 sur le développement de normes. Quelques années auparavant, l’institut Edison Welding a également créé, en 2010, le Consortium de la Fabrication Additive (AMC) pour soutenir le développement du secteur manufacturier dans les techniques émergentes de fabriL’impression 3D cation additive. Basé à Columa le potentiel bus, dans l’Ohio, ce consortium regroupe 17 industries axées sur de révolutionner le développement de la fabrila manière dont cation additive métallique, des nous fabriquons organismes gouvernementaux et des centres de recherches unipresque tout. versitaires. Le Réseau national pour l’innovation dans la manufacture (National Network for Manufacturing Innovation – NNMI), guidé par le Centre national pour la manufacture et l’usinage de la défense (National Center for Defense Manufacturing and Machining – NCDMM), réunit 45 instituts et finance des projets de recherche sur des comPrésident Obama - État de l’Union 2013 posants innovants. Ce réseau Parmi les efforts des États-Unis investit, par exemple, dans les de concentrer leurs compétences matériaux biorésorbables pour nationales sur le développement les dispositifs médicaux ou dans de nouveaux alde la fabrication additive, il convient de rappeler liages métalliques. Au sein de ce réseau, l’institut l’Organisation du gouvernement pour la fabriAmerica Makes, basé à Youngstown, dans l’Ohio, cation additive (GO additive), créée en 2014. Cet est devenu une référence. Selon le récent rapport organisme a été mis en place par le gouvernement du Government Accountability Office (GAO)3, le américain comme un groupe informel et rassemprogramme du gouvernement America Makes a blant 130 fonctionnaires bénévoles des institureçu des fonds supplémentaires grâce à des protions nationales. Ces membres viennent de l’arjets financés par l’État et le secteur privé. L’armée, mée américaine et des forces aériennes, du DOD, la marine, l’armée de l’air et l’Agence pour la lode la Federal Aviation Administration (FAA), de la gistique de la défense se sont engagées à travailFood and Drug Administration (FDA) et du NIST. ler en partenariat avec America Makes pour déveIl a pour but de faciliter la collaboration entre lopper une feuille de route inclusive entre tous les les organisations du gouvernement fédéral ayant ministères. Focalisée sur la fabrication additive, un intérêt dans la fabrication additive. Selon les cette feuille de route s’associera aux nombreuses responsables de la force aérienne, le groupe peut autres et prendra effet dans les prochains mois. développer une liste des matériaux qualifiés et Diverses agences américaines financent égalepièces certifiées. ment une grande variété d’activités de recherche et de développement. L’accent est mis sur l’utilisation de nouveaux matériaux, processus et applications pour la fabrication additive. Par exemple, le Department of Defense (DOD) réalise des recherches sur son utilisation dans les composants électroniques pour les circuits et les antennes mais aussi dans les biotechnologies comme l’impression de cellules vivantes d’un tissu biologique comme la peau, permettant le traitement de victimes de brûlures ou pour les transplantations d’organes. L’Agence de recherche de l’armée, la marine et la force aérienne (DARPA) et le département de l’Énergie ont créé des installations de démons- 34 A3DM magazine n°2 ANALYSE Les compagnies américaines dans le monde Parallèlement au développement de la société 3D Systems Corporation et des procédés SLA et material jetting, vu dans l’introduction de cet article, les États-Unis continuent à jouer un rôle de premier plan dans l’expansion de la fabrication additive comme pour la technique de frittage sélectif par laser (SLS – Selective Laser Sintering). Le procédé SLS est né en 1992 avec un brevet développé par la société Stratasys Ltd. Basée à Minneapolis, au Minnesota, et Rehovot, en Israël, elle est un des leaders mondiaux de solutions pour l’impression 3D et la fabrication additive. Relativement peu coûteuses, les imprimantes 3D « plastique » entrent sur le marché en 1996 avec la « Genisys » de Stratasys. Cette société continuera de se développer en rachetant Solidscape, une société fabricante d’imprimantes 3D qui fournit des applications de moulage dans les bijoux, les marchés médicaux, dentaires et industriels, en 2011. Puis, en 2013, elle acquiert MakerBot, producteur d’imprimantes 3D pour bureau et pour particuliers. Elle a également breveté les techniques d’impression 3D FDM et PolyJet pour produire des prototypes et des produits manufacturés directement à partir de fichiers CAO 3D ou autres fichiers 3D. Stratasys possède aujourd’hui plus de 3 000 employés et détient plus de 800 brevets accordés ou en cours d’approbation. Elle a reçu plus de 25 prix pour ses technologies et son leadership. Elle a vendu 6 665 systèmes industriels de fabrication additive en 2014 (à l’exception des imprimantes 3D). Avec 51,4 % de part de marché, contre 54,7 % l’année précédente, Stratasys reste leader4 pour la 13e année consécutive, malgré cette baisse. Cependant, depuis 2012, les États-Unis ne mènent plus le marché en matière de production et de vente. Ce phénomène s’explique par la fusion entre Stratasys et Objet Geometries Ltd et fait suite à l’enregistrement de la nouvelle entité juridique en Israël. Les autres principales sociétés dans le monde sont : EnvisionTEC (Allemagne), MCOR Technologies (Irlande), EOS (Allemagne), Roland DG (Japon) et Carima (Corée du Sud). Pourcentages de vente par fabricants à travers le monde. Stratasys 51,9 % 3D Systems 16,5 % Envisiontec 10 % Autres 9,9 % Mcor 4,7 % Roland DG 3,6 % EOS 2,2 % Carima 1,3 % Selon une analyse régionale, l’Amérique du Nord est en tête en termes de systèmes industriels, tandis que l’Europe et l’Asie partagent presque des pourcentages égaux. Amérique du Nord 40,1 % Europe 28,3 % Asie / Pacifique 27 % Autres 4,6 % Nombres de ventes par fabricants américains à travers le monde. De 1988 à 2014 Installations industrielles, les États-Unis en tête, suivis par le Japon et la Chine, l’Europe à la traîne. Stratasys (up to 2012) 21 293 3D Systems 10 763 Z Corp 7 029 Solidscape 3 784 DTM 434 Russie 1,4 % Helysis 377 Taïwan 1,6 % EXONE 274 Chine 9,2 % Optomec 250 Corée 2,7 % Schroff 172 Japon 9,3 % Sanders Design Int. 52 POM 18 Solidica 15 Asiga 29 Cubic Technologies 13 Fabrisonic 8 Sciaky 4 MarkForged 5 RPM Innovations 1 U.S. 38,1 % Autres 12,2 % Espagne 1,3 % Italie 3,4 % UK 4,4 % Wohlers report,2015 Suède 1,2 % France 3,2 % Alemagne 8,7 % Canada 1,9 % Turquie 1,3 % Source : Wohlers Associates, Inc. A3DM magazine n°2 35 ANALYSE La formation et les engagements des universités américaines Dans la fabrication additive, la mécanique, l’électronique et l’informatique deviennent cruciales tout comme l’ingénierie, le design et la fabrication. La préparation de la machine (ou de l’imprimante), la manipulation des matériaux, des tests de qualité ou la gestion des phases post-traitements sont importantes, ainsi que les différentes exigences en matière de contrôle de la qualité pour la production limitée et/ou en série. L’avenir de la production industrielle est interdisciplinaire. Le système éducatif doit donc s’adapter à la gestion de projets, la communication et l’organisation du travail. Une main-d’œuvre qualifiée est essentielle. Les métiers dédiés à la fabrication additive vont jouer un rôle dans le développement des marchés. En juin 2014, le Bureau exécutif du président des États-Unis a demandé aux collèges et aux universités américains de s’engager dans l’initiative Building a Nation of Makers (Construire un pays de Makers) et de soutenir le mouvement des Makers. Plus de 150 institutions ont pris ce chemin et adopté diverses mesures pour promouvoir ce mouvement, notamment en reconnaissant le rôle important des activités des Makers dans l’éducation, la recherche, l’entreprenariat, le développement économique, la science, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques. Voici une liste de mesures prises par les enseignements secondaires et supérieurs : • création ou extension de Makerspaces ouverts et innovants sur les campus ; • formation sur l’élaboration et l’entreprenariat dans les campus ; • création de technologies qui changent la vie en faisant through making ; • formation des jeunes Makers ; • croissance du mouvement des Makers et de développement économique dans les communautés locales ; • connexion des Makers universitaires à l’industrie et aux secteurs de production. 36 A3DM magazine n°2 Brevets L’expiration des brevets en fabrication additive influence le développement de nouvelles machines et applications aux États-Unis et à l’étranger. Par exemple, lorsque le brevet de fabrication par dépôt de matière fondue (FDM – Fused Deposition Modeling) a expiré en 2005, cela a permis la création de RepRap, un prototype à réplication rapide. RepRap est la première machine de fabrication additive à bas coût et bénéficiant d’une grande popularité dans la communauté open source. Le brevet de l’impression 3D par frittage sélectif par laser (SLS – Selective Laser Sintering), de l’inventeur Carl Deckard, de l’université du Texas à Austin, est également tombé dans le domaine public, en juin 2014. De nouveaux entrants vont apparaître sur le marché et seront à la base d’une hausse de la concurrence entre fabricants. Les principales sociétés demandeuses de brevets sont situées aux États-Unis (3D Systems, Stratasys, Hewlett Packard, Boeing), au Japon (Matsushita, Seiko-Epson, Panasonic, Sony, JSR, CMET) et en Allemagne (EOS, MTU, Fraunhofer, Degussa, Siemens). Au cours de la dernière décennie, l’office des brevets et des marques a reçu plus de 6 800 demandes de brevets liés à la fabrication additive. Depuis 2003, le bureau a accordé plus de 3 500 brevets relatifs à l’impression 3D et, depuis 2007, environ 680 brevets par an ont été déposés. Notes 1 - Fabrication additive – Du prototypage rapide à l’impression 3D de Claude Barlier, Alain Bernard, Éditions Dunod, 2015. 2 - GAO – 670960 and Science and Technology Policy Institute, The Role of the National Science Foundation in the Origin and Evolution of Additive Manufacturing in the United States, IDA Paper P-5091 (November 2013). 3 - Le Government Accountability Office (GAO) est le département de l’audit, d’évaluation et d’enquête du Congrès. Il soutient le Congrès face aux responsabilités constitutionnelles. Le GAO examine aussi l’utilisation des fonds publics. Il évalue les programmes et les politiques fédérales. Il fournit des analyses, des recommandations et assiste le Congrès pour prendre des décisions=»§(éèz politiques, de surveillance et de financement. 4 - Wohlers Report 2015. ANALYSE Next Industrial Revolution Next Industrial Revolution est la matérialisation du discours du président américain Barack Obama lors de l’état de l’Union, en 2013, à Washington DC. Cette œuvre a été entièrement réalisée en impression 3D au FabLab Artilect de Toulouse. Dévoilée au 3D Printshow en 2013, elle est interactive. Elle donne à voir, entendre et surtout à réfléchir sur le discours du président et la technologie d’impression 3D. Gilles Azzaro, son créateur, a réussi à rendre visible l’invisible. Une prouesse qui n’a pas échappé à la Maison-Blanche. L’artiste a été invité, le 18 juin 2014, dans le cadre de la première Maker Faire White House où l’œuvre a été exposée. Dans ce cas d’impression 3D, la technologie a permis de donner une forme à l’invisible, de créer une image de l’identité d’une empreinte vocale. www.gillesazzaro.com Amaloy™ Additive manufacturing of small and complex metal components Metal Powders for 3D printing Inspire industry to make more with less. www.hoganas.com RENCONTRE NORMALISATION Définition, acteurs, objectifs et intérêts Le déploiement de la fabrication additive passera par la normalisation. Fabriquer des pièces est une chose, mais il faudra être capable de garantir les machines, les procédés, les filières d’approvisionnement, les propriétés des pièces... Des normes commencent à exister : en terminologie, pour définir les procédés de fabrication, le cahier des charges, les formats de fichiers et le catalogue de méthodes d’essais. A3DM Magazine est parti à la rencontre d’acteurs qui aident à concevoir ces normes. Catherine Lubineau, directeur technique de l’UNM (Union de normalisation de la mécanique), nous introduit les organismes et la normalisation en fabrication additive. Philippe Bertrand, directeur des études à l’École nationale d’ingénieurs de SaintÉtienne (ENISE), est aussi l’animateur d’un des quatres groupes de travail international ISO/TC 261. Il nous explique comment fonctionnent ceux-ci. Pour conclure, Olivier Peyrat, directeur général d’AFNOR (Association française de la normalisation), nous présentera une « étude de l’impact économique de la normalisation » que l’AFNOR a récemment publié. Propos recueillis par Gaëtan Lefèvre, rédacteur en chef. 38 A3DM magazine n°2 RENCONTRE Catherine Lubineau Union de normalisation de la mécanique L’UNM, Union de normalisation de la mécanique et du caoutchouc, est le bureau de normalisation sectoriel du système français dans le domaine de la mécanique et du caoutchouc, travaillant par délégation de l’AFNOR. Agréé par le ministère chargé de l’Industrie, ce bureau a dans son domaine de compétences, les techniques de production dont la fabrication additive. Rencontre avec son directeur technique, Catherine Lubineau. Catherine Lubineau est directeur technique de l’UNM, bureau de normalisation de la mécanique et du caoutchouc, une société de 35 personnes. Elle a assuré la gestion de la commission UNM 920 « Fabrication additive » depuis sa création en 2010. Qu’est-ce qu’une commission française de normalisation ? Une commission de normalisation est une instance qui regroupe toutes les personnes intéressées par un sujet. À l’UNM, nous avons 100 commissions de normalisation sur des sujets aussi divers que les boîtes aux lettres, les pompes à chaleur et climatiseur, les véhicules de pompier, la fabrication additive, etc. L’objectif va être de sortir des textes de norme. Il faut que chaque partie prenante soit autour de la table pour écrire les normes les plus justes possibles. Quelles entreprises peuvent souscrire à cette commission ? Toutes les entreprises qui souhaitent s’impliquer ! Il y a, évidemment, un coût financier, un tarif pour chaque commission que vous pouvez trouver sur notre site Internet. Tout le monde paie son siège, à l’exception des organismes qui sont exonérés de ces participations financières comme les associations de consommateurs, les ONG environnementales, les EPST (établissements publics à caractère scientifique et technique) et les PME. Quels intérêts ont les entreprises à participer aux commissions de normalisation ? Tout d’abord, il existe de nombreuses participations possibles à la normalisation. La commission UNM 920, aujourd’hui, a pour principal rôle de placer les positions françaises sur le débat européen et international. En normalisation mécanique, nous avons 90 % de notre activité qui est européenne ou internationale. Il est possible de simplement participer à la commission française, de rester à ce niveau-là, et même de prendre la présidence de cette commission. Il est également possible d’aller à l’international comme expert dans un groupe de travail pour développer un projet de norme, ou encore d’être chef de projet pour amener un sujet à discuter, ou bien prendre l’animation d’un groupe de travail ou la présidence d’un comité technique. Chaque entreprise doit donc mettre au point sa stratégie et voir quels sont les différents impacts et avantages qu’elle peut en tirer. Si je reste au niveau de la commission française, je vais acquérir un ensemble de contacts dans le réseau français. Ce qui en matière de veille est très important. Je vais avoir une influence sur le contenu des normes en contribuant à les écrire. Donc le jour où les normes vont paraître, je vais pouvoir être le premier sur le marché à afficher que mes produits sont conformes à cellesci. Lorsque l’on connaît les normes de son domaine, on est aussi considéré comme quelqu’un de sérieux. Si je décide de m’impliquer au niveau européen et A3DM magazine n°2 39 RENCONTRE international, j’élargis encore mon champ d’action. La norme va me permettre de m’ouvrir à l’export, rencontrer des clients ou des confrères internationaux, ce qui est un enjeu important. Je vais écrire des normes qui vont être internationales. Il ne faut pas voir la norme comme un texte sorti d’un chapeau : les normes techniques sont rédigées par et pour les acteurs économiques. Ces derniers ont donc tout intérêt à être présents. En règle générale, les entreprises sont plutôt d’accord pour écrire des normes et celui qui tient le crayon a souvent raison. Il existe une étude de l’AFNOR, pas spécifique à la fabrication additive, qui démontre qu’une entreprise qui contribue aux travaux de normalisation ou qui achète des normes réalise 19 % de plus d’export et 20 % de plus de chiffre d’affaires que les autres entreprises (voir « rencontre » avec Olivier Peyrat, directeur général d’AFNOR, page 46). Quelle est la particularité du domaine de la fabrication additive en normalisation ? Il s’avère qu’en fabrication additive, nous avons un des seuls accords qui a été signé entre l’ISO et l’ASTM (organisme américain de normalisation dans le domaine des matériaux) pour faire des normes conjointes. Cet accord contient deux volets : soit l’un des organismes reprend la norme de l’autre sans changer une virgule et lui met le logo du voisin, soit ils travaillent ensemble et réalisent des normes conjointes. Nous, qui subissons cet accord, avons été favorable au deuxième volet. Grâce à l’AFPR (Association française de prototypage rapide) qui tient ses assises tous les ans au mois de juin (voir page 28), nous avons eu des 40 A3DM magazine n°2 contacts rapprochés avec les Américains. En 2013, la première réunion conjointe a été organisée. Cette dernière s’est très bien passée. Nous nous sommes rendu compte que les personnes ne se connaissaient pas. Et depuis, nous ne travaillons pratiquement plus que dans des groupes conjoints entre l’ISO et l’ASTM. Aujourd’hui, il s’agit d’une chance que les premières normes soient créées au plan de l’ISO et l’ASTM en même temps. Nous aurons un référentiel unique. C’est une particularité du domaine de la fabrication additive ! Quels sont les objectifs de ces normes ? Les premiers objectifs portent toujours sur le vocabulaire. Ensuite, nous avons créé un modèle de cahier des charges (publié sous forme XP E 67-030) que doivent s’échanger un client et un fournisseur lorsqu’une pièce est conçue en fabrication additive et achetée. Chaque client ou fournisseur peut ensuite rajouter des éléments par rapport à la norme mais au moins, il existe un cadre pour la négociation. Cette norme expérimentale française, nous l’avons poussée à l’international. Elle est en cours d’écriture. Ensuite, nous développons une norme plus spécifique sur les méthodes d’essais. Il existe aujourd’hui de nombreuses normes de méthodes d’essais, autres que pour la fabrication additive. Et il serait dommage que sous prétexte que la technologie est nouvelle, nous ayons tout à réinventer. Nous avons aussi écrit une norme de définition des procédés : des sept technologies différentes de fabrication additive. Maintenant, nous rentrons dans le vif du sujet en écrivant des normes pour des besoins plus spécifiques comme des normes sur des exigences de qualité de RENCONTRE pièces, sur le contrôle non-destructif de ces dernières, etc. Nous allons aussi fabriquer un ensemble de pièces types pour s’assurer que les machines ne dérivent pas. Ainsi, le fabricant pourra concevoir sur sa machine des pièces types pour vérifier certaines caractéristiques. On parle aujourd’hui d’« une norme pour un matériau, un procédé et un secteur d’activité ». Est-ce qu’il ne risque pas d’y avoir trop de travaux et de normes ? Tout dépendra du besoin que les entreprises vont exprimer. Je ne peux pas répondre à cette question. Aujourd’hui, nous avons un comité de normalisation internationale qui a imaginé un système de normes qui soit matriciel, c’est-à-dire qu’à partir de normes de base nous pourrons réaliser des normes spécifiques sur les poudres et les matières, puis sur les équipements, mais aussi sur les pièces finies. Le marché pousse dans un sens ou un autre en fonction des besoins. Pour l’instant, nous sommes dans un domaine où il n’y a pas assez de normes. La confiance dans la technologie est essentielle. Il est nécessaire de maîtriser à la fois le procédé mais aussi les contrôles sur les pièces pour qu’elles durent dans le temps. Il existe un besoin de normes important. Quel sera le grand défi à relever dans le futur en matière de normalisation pour la fabrication additive ? Je pense que le gros défi va être de garder de la cohérence dans tout le système. La fabrication additive arrive après de nombreux autres domaines en matière de normalisation. Imaginons que nous écrivions, pour la même technologie, une norme pour les implants dentaires et pour des pièces mécaniques dans des instances complétement séparées. Les uns et les autres peuvent dire le contraire sur les mêmes procédés. Réussir à garder tout cela cohérent et sous contrôle, voilà un défi. En Europe, les Allemands gèrent le secrétariat du comité international et la France, la présidence et le secrétariat du comité européen, avec Eric Baustert, président du comité technique. Ce comité européen a pour vocation de faire le lien avec les programmes de recherche. Il existe beaucoup de programmes de recherche financés qui ont donné lieu à des livrables. Et parmi ces derniers, certains peuvent donner lieu à des normes. Voici un deuxième gros enjeu ! Enfin, le troisième est celui de continuer à bien assurer la présence de la France à l’international pour garder la maîtrise et ne pas laisser les autres pays prendre le dessus. Organisation de la normalisation française Délégations nationales Délégations nationales Comités techniques ISO Comités techniques CEN AFNOR - UNM Commision française de normalisation Acteurs économiques : fabricants, utilisateurs, administrations, organismes de contrôle... A3DM magazine n°2 41 RENCONTRE Le système normatif... Le système normatif est à la disposition des entreprises, des organismes et des pouvoirs publics souhaitant établir des documents de référence utilisés comme base lors d’échanges ou comme document d’accompagnement de réglementations. Les normes ou d’une manière plus générale, les documents normatifs, constituent les produits élaborés par le système de normalisation. Il est régi par le décret 2009-697. ... français : AFNOR et UNM Association type loi 1901, créée en 1926, l’Association française de normalisation (AFNOR) anime le système normatif français, coordonne les actions de 24 bureaux de normalisation (BN), 23 sectoriels et un bureau de normalisation en son sein même, et représente la France dans les instances européennes et internationales de normalisation. et apportent le fond technique des documents, et les bureaux de normalisation, qui mettent en œuvre les moyens logistiques nécessaires à l’élaboration des documents. Cette complémentarité constitue la richesse de la normalisation. Chaque bureau de normalisation sectoriel est chargé de préparer les normes dans un domaine technique particulier. Le bureau de normalisation interne à l’AFNOR se charge de préparer les normes dans les domaines horizontaux ou en l’absence de BN sectoriel. L’Union de normalisation de la mécanique (UNM) est le bureau de normalisation des industries mécaniques et du caoutchouc. Le Comité européen de normalisation (CEN) élabore les normes européennes dans tous les domaines techniques à l’exception de l’électricité et l’électronique gérées par le CENELEC (Comité Européen de Normalisation pour l’Electrotechnique) et les télécommunications gérées par l’ETSI (European Telecommunications Standards Institute). Au 1er janvier 2012, basé à Bruxelles, il regroupait 32 instituts nationaux (27 membres de l’UE + Suisse + Norvège + Islande + Croatie + Turquie). Le bureau de normalisation abrite et anime des commissions de normalisation constituées d’un ensemble de représentants concernés par les sujets. Ces experts s’expriment au nom de leur profession, leur ministère et leur mandant. Composante essentielle du système normatif, ils apportent le fond technique nécessaire aux documents normatifs et représentent les clients des documents normatifs. La commission de normalisation élabore les projets de normes, prépare les positions françaises et les votes dans les travaux internationaux, et nomme la délégation française dans les instances normatives internationales. Le système de normalisation fait appel à deux composantes essentielles : les experts des commissions de normalisation, qui représentent les parties prenantes 42 A3DM magazine n°2 ... européen et international L’Organisation Internationale de normalisation (ISO), rassemblant les organismes nationaux de plus de 160 pays, est en charge de l’élaboration des documents normatifs internationaux dans les mêmes domaines que le CEN (la CEI - Commission Electrotechnique Internationale – gère les documents destinés aux domaines de l’électricité et l’électronique, et l’UIT Union Internationale des Télécommunications - les documents destinés aux télécommunications). C’est une organisation non gouvernementale ayant son siège à Genève. Texte issu du site Internet de l’UNM. RENCONTRE Philippe Bertrand ENISE-Comité technique ISO/TC 261/WG 3 Le comité technique international ISO/TC 261 s’occupe de la normalisation dans le domaine de la fabrication additive (FA) concernant les procédés, termes et définitions, chaînes de processus (matériels et logiciels), procédures d’essai, paramètres de qualité, accords de fourniture et tous types d’éléments fondamentaux. Il se divise, aujourd’hui, en quatre groupes de travail qui élaborent des normes : « terminologie », « méthodes processus et matériaux », « méthodes d’essai » et « traitement des données ». Rencontre avec Philippe Bertrand, animateur du groupe « méthodes d’essai ». Philippe Bertrand est directeur des études à l’École nationale d’ingénieurs de Saint-Étienne (ENISE). Professeur d’université, il est en charge des modules de fabrication additive au sein du laboratoire de tribologie et de dynamique des systèmes. Ces modules de fabrication additive sont dispensés aux étudiants dans les filières : génie mécanique, génie sensoriel, apprentissage et master recherche. Après avoir travaillé dans l’interaction flux d’énergie-matière, l’interaction laser-matière et l’interaction laser-poudre, il oriente, en 2005, sa carrière vers la fabrication additive. Il anime aujourd’hui le groupe « méthode d’essai » à l’ISO. Quel est l’intérêt de normaliser une technologie comme la fabrication additive ? Le premier intérêt est de rassurer. Il faut être capable de garantir un produit de qualité à un client ne connaissant pas la fabrication additive et souhaitant, par exemple, acheter une prothèse de hanche en alliage de titane. Il faut garantir la machine, la filière d’approvisionnement et le produit en termes de propriétés mécaniques, fonctionnelles, etc. Le premier axe est vraiment de rassurer. Le deuxième est d’apporter l’innovation technologique à la connaissance de tout le monde. Les sous-traitants doivent pouvoir proposer quelque chose apportant une plusvalue et de normaliser. Il faut amener l’innovation technologique à un stade mature et reconnu par une communauté. La normalisation permet aussi à tout 44 A3DM magazine n°2 le monde de parler le même langage. Par exemple, aujourd’hui, beaucoup de monde parle d’impression 3D, or la fabrication additive n’est pas que l’impression 3D. Plusieurs procédés traitent de la fabrication additive, l’impression 3D en est une. Vous animez le groupe de travail international ISO/TC 261/WG 3 « Méthodes d’essai ». Qu’est-ce que c’est ? Un groupe de travail définit un axe. Pour nous, l’axe est « méthodes et essais pour la fabrication additive ». Nous devons respecter « une feuille de route » définie par l’ISO. À partir de cette feuille de route, nous déclinons dans chacun des groupes des normes à développer. Nous avons décidé de travailler à identifier quelles étaient les méthodes d’essais qui pourraient correspondre ou être utilisées pour tester des pièces élaborées en fabrication additive. Il existe aujourd’hui quatre groupes : méthodes et essais, terminologie, un autre traitant des procédés et enfin un groupe s’interrogeant sur les échanges et les formats de fichiers. Quel est votre rôle ? Je prends le leadership sur l’écriture du projet. Nous travaillons en binôme : un secrétaire et un animateur. Le secrétaire est généralement issu d’un organisme de formation. Moi, je suis aidé par l’UNM (Union de normalisation de la mécanique), rodée et rouée à RENCONTRE l’utilisation des procédures de normalisation. Ils sont garants des mots utilisés et des procédures à respecter. Ensuite, dans une réunion, je suis l’animateur. Je suis un fil conducteur pour discuter d’un texte proposé par des experts. Généralement, dans mon groupe, la commission de normalisation UNM920 propose le texte. Nous faisons voter le texte avec des commentaires. Lors de la réunion, nous étudions les commentaires des autres experts et les intégrons, ou non, à la nouvelle version. Et rebelote, nous le renvoyons au vote, jusqu’à l’obtention d’un consensus. La normalisation est une affaire de consensus de tout le monde et tous les pays. Le temps d’obtention d’un consensus est-il long ? Le temps en normalisation est une étape que l’on apprécie rapidement. Le temps de création d’une norme est de une à deux années, si tout se passe bien. Il faut convaincre, savoir intégrer les commentaires d’autres experts pour que ceux-ci ne votent pas contre. Si nous avons bien travaillé en amont, si nous avons les bons experts autour de la table et si nous partons d’un bon texte, une année semble raisonnable. Vous travaillez donc avec d’autres pays. Est-ce qu’il vous arrive d’être en conflit avec les normes des autres pays ? À l’ISO, ce sont des experts internationaux tous compétents dans leur domaine et chacun avec un niveau de connaissance. Dans mon groupe, je travaille avec des Anglais, des Espagnols, des Japonais, etc. Il doit y avoir une quinzaine de pays. Il est assez facile de trouver un consensus. Dans des groupe sur des procédés, avec une entreprise autour de la table qui possède un brevet, il faudra sûrement faire plus de politique pour atteindre le consensus. Mais toutes les personnes autour de la table de la normalisation sont ouvertes d’esprit. Un pays accepte ou refuse de se mettre autour de la table. Souvent, il accepte car il possède des experts à placer à la table de discussion. Avant d’aller à l’ISO, la France avait déjà une commission de normalisation. Nous nous étions déjà organisés entre nous. Nous avions des experts à envoyer. N’y a-t-il pas trop d’organisations, de comités et de commissions ? Je dirais que ce nombre ralentit, peut-être, le processus. Mais il est nécessaire. Pour que la France aille à la table de l’ISO ou de l’Europe, il faut qu’elle ait une commission pour s’organiser. Quand je vais à une commission de normalisation, je ne parle pas au nom de Philippe Bertrand mais de la France. Il faut que nous ayons discuté du sujet en France. Et les autres pays aussi. Ensuite, il faut que l’Europe, vis-à-vis de l’Asie ou de l’Amérique, ait sa stratégie. Nous devons être au courant des besoins et bénéfices que l’Europe peut tirer de la normalisation. C’est nécessaire pour que nous puissions défendre les intérêts de chacun. L’Europe a une stratégie qui doit être intégrée au niveau international. Cette année, par exemple, il y a eu un appel à projet nommé « machines hybrides ». Beaucoup de laboratoires et d’industriels ont dû déposer des réponses à cet appel. Si un de nos fabricants français ou européen gagne ce projet, avec des partenaires français, et qu’il développe une machine, nous nous devons d’en tenir compte dans notre stratégie de normalisation. Car la normalisation peut jouer au niveau du développement économique et de la création d’emploi. A3DM magazine n°2 45 RENCONTRE OLIVIER PEYRAT ASSOCIATION FRANÇAISE DE NORMALISATION AFNOR a demandé au BIPE, organisme indépendant d’études économiques et de conseils en stratégie auprès des entreprises privées et des pouvoirs publics, une étude sur l’impact économique de la normalisation. Une nouvelle méthodologie a permis de travailler sur la causalité, une approche différente de la dernière étude similaire, en 2009, portant sur les corrélations. Olivier Peyrat, directeur général d’AFNOR, nous présente cette étude. Directeur général d’AFNOR, Olivier Peyrat est également administrateur du comité européen de normalisation et vice-président de l’organisation internationale de normalisation. Tous les deux ou trois ans, un des trois organismes européens, le DIN allemand, le BSI anglais ou l’AFNOR en France, publie une étude sur les impacts économiques de la normalisation. Cette année, la France a annoncé ses résultats. Qu’est-ce qui se dégage de cette étude ? Tout d’abord, nous devons préciser que l’étude porte uniquement sur les normes volontaires – et non les normes réglementaires – relatives à des sujets variés, du bouton utilisé en mécanique au format de fichier informatique. Ces normes volontaires sont définies par des acteurs souhaitant convenir de dispositions, tous ensemble. Ils sont co-intervenants. Ils ont un intérêt commun à définir ensemble les règles du jeu. Notre étude montre que des bénéfices de différents ordres sont en corrélation avec l’achat de normes, voire l’implication dans leur création et leur utilisation. Pour une entreprise, participer aux travaux de normalisation volontaire ouvre des marchés et provoque, statistiquement une croissance du chiffre d’affaires de 20 % supérieure à la moyenne. Nous observons également une plus grande capacité à l’exportation. Le taux à l’export est de 19 % supérieur pour les entreprises impliquées dans les travaux de normalisation. Nous avons aussi estimé le bénéfice pour l’économie nationale. L’application et le développement des normes volontaires se traduisent par une augmentation de 15 milliards d’€ de la production de produits ou de services. Plus de croissance, plus d’emplois, plus de bénéfices et donc plus d’impôts pour la collectivité. Est-ce que l’on retrouve les mêmes résultats dans les études au Royaume-Uni et en Allemagne ? Nous sommes les premiers à travailler sur la causalité et non plus la corrélation entre d’une part implication dans les travaux de normalisation et utilisation des résultats, et d’autre part croissance du chiffre d’affaires et conquête de marchés à l’exportation. Nos 46 A3DM magazine n°2 RENCONTRE amis anglais et allemands travaillent également sur des corrélations. Cette étude, à ma connaissance, est donc une première mondiale. Le taux de croissance annuel est de 4 % chez les entreprises parties prenantes des commissions de normalisation contre 3,3 % en moyenne pour l’ensemble des entreprises. Pouvez-vous nous expliquer d’où vient ce surcroît de croissance annuelle du chiffre d’affaires ? Si vous êtes capable d’anticiper les tendances, vous serez capable de les exploiter. Il est plus simple de rouler sur une route de jour, avec une belle visibilité, que de conduire de nuit. Vous serez capable d’anticiper plus vite. Vous pourrez rouler plus vite et mieux négocier les virages. C’est aussi simple que cela. Avec la normalisation, vous co-dessinez la route donc vous êtes capable de savoir l’existence de virages, leurs courbures, etc. Lorsque vous travaillez sur la création des normes de demain, vous êtes capable de mieux utiliser toute la chaîne de valeur. Vous pouvez développer de nouveaux services, mieux former vos employés et vos partenaires, mieux anticiper les usages. Par exemple, la création d’un format dans l’impression 3D, OBJ, a été un facteur important de démultiplication des chaînes de valeur. Elle permet aux acteurs de pouvoir recevoir un format de fichier, prendre la commande, pouvoir la produire et la livrer. Elle assure une interopérabilité. Les imprimantes 3D sont ainsi capables de lire le bon format de fichier. De nombreuses choses deviennent possibles avec l’existence de normes volontaires. La capacité d’anticiper crée très naturellement un surcroît de croissance pour les entreprises qui sont capables de peser sur le développement de ces normes. La normalisation impacte aussi le taux d’export, pour les entreprises acheteuses de normes ou parties prenantes des commissions de normalisation, qui est de 18,2 % contre 15,3 % dans l’ensemble des entreprises… Exactement, vous ne jouez plus sur un périmètre qui est strictement national mais dans un périmètre au minimum européen, voire international. Vous façonnez les règles du jeu et vous jouez partout comme si vous étiez chez vous. C’est toujours mieux de jouer à domicile qu’à l’extérieur ! Une grosse partie de l’étude porte sur la méthodologie et la bibliographie... Oui, nous avons voulu montrer que le travail ne porte plus sur une corrélation mais bien sur une causalité. S’impliquer dans les normes et les utiliser, mécaniquement, se traduit par un plus notable pour l’entreprise. Ceci implique un important travail de démonstration. En dehors de ces chiffres, d’autres éléments ressortent-ils de cette étude ? Nous nous sommes concentrés sur ces chiffres avant, le cas échéant, d’analyser des déclinaisons sectorielles ainsi que des situations particulièrement favorables. Nous analysons des logiques d’interchangeabilité et d’interopérabilité autour de l’innovation. Plus le monde est innovant et plus l’existence de normes peut accélérer la croissance à partir de l’innovation, à laquelle les normes volontaires apportent simultanément légitimité et effet de levier. Cependant, ce phénomène n’étant pas démontré en totalité, nous préférons rester prudents et évoquer une forte intuition, alimentée par de nombreux exemples concrets. Les brevets sont-ils des freins à la normalisation ? Nous avons des conditions claires d’utilisation et de référence aux brevets dans les normes volontaires. Toutes les entreprises participant à une commission de normalisation doivent déclarer l’existence de brevets qu’elles détiendraient dans les domaines discutés. Si nous définissons tel brevet comme intéressant, le propriétaire peut choisir d’embarquer ce brevet dans la norme. Les entreprises posséderont alors un accord de licence dans des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires. Le propriétaire du brevet s’engage à donner une licence à toute personne qui en fait la demande en échange, évidemment, de rémunération. Nous ne sommes donc plus dans une logique d’exclusivité mais de partage rémunéré. Le propriétaire du brevet peut se transformer en « bureau d’étude » auprès d’intervenants qui reverseront des royalties, par exemple. A3DM magazine n°2 47 PROJET R&D PROJET OPTIFABADD L’OPTIMISATION TOPOLOGIQUE AU SERVICE DE LA FABRICATION ADDITIVE OptiFabAdd est un projet de R&D dont l’objectif est de coupler l’optimisation topologique à la fabrication additive. Le but de ce projet est, à long terme, de développer un système intégré qui permettra d’optimiser une pièce et ses éventuels supports dans le contexte de la fabrication additive. Par Nicolas Gardan, responsable centre R&D DINCCS de MICADO L a première étape du projet a été une étude de faisabilité. Soutenue par Bpifrance, cette phase a débouché sur un démonstrateur de cet outil permettant de valider les concepts et de définir le cahier des charges du développement du logiciel. Un travail important sur la connaissance en optimisation topologique et en fabrication additive a été nécessaire. Le mariage entre la fabrication additive et l’optimisation topologique est extrêmement prometteur sur de nombreux points. • La possibilité de minimiser le volume de matière utilisé que ce soit pour la matière ou le support. Le gain peut être très important, par exemple, sur des pièces en acier, notamment pour gérer des problèmes de masse. • La fabrication d’une pièce respectant un cahier des charges de tenue mécanique. Dans le cas d’une non disponibilité du comportement de 48 A3DM magazine n°2 la pièce, l’objectif est de tester sa tenue à son propre poids tout en respectant le critère de minimisation cité précédemment. • Les libertés de formes fabricables grâce au procédé de couche par couche permettent d’imprimer directement les formes proposées par l’optimisation topologique. Une réadaptation du modèle n’est ainsi plus nécessaire si les contraintes métiers sont bien intégrées. Le caractère innovant repose sur la possibilité de marier les deux technologies que sont l’optimisation topologique (ou des algorithmes spécifiques dédiés au métier de la fabrication additive) et la fabrication additive. Ainsi, la modélisation de la connaissance dédiée à la fabrication additive pour l’optimisation topologique est également une innovation. Un autre point innovant est apporté par l’utilisation de la méthodologie développée pour alléger les pièces, en optimisant l’intérieur des modèles tout en gardant leur aspect extérieur. Cette technique d’optimisation pourra ainsi remplacer les formes répétitives non contextuelles utilisées classiquement pour l’allègement en fabrication additive comme les formes en nid d’abeille par exemple. L’exemple de la figure 1 présente un cas PME traité par le centre R&D DINCCS de MICADO sur l’optimisation topologique d’un tambour en plastique pour la fabrication additive. PROJET R&D 1 Exemple d’optimisation topologique pour la fabrication additive de l’intérieur d’un tambour en plastique (Courtesy of GALOPOLI). L’optimisation de formes Fabrication de pièces métalliques Les ingénieurs sont amenés à intégrer l’optimisation de formes de structures mécaniques dans leur démarche de conception dès les phases amont. Cette nouvelle démarche doit intégrer, dès le début de la conception, les exigences du cahier des charges comme les contraintes de fabrication, les performances thermomécaniques, les exigences de poids et de coût, etc., en accord avec tous les acteurs du projet. Par cette méthode de travail liée au développement des algorithmes mathématiques de résolution des problèmes d’optimisation de structures, on reproduit « de façon automatique grâce à des logiciels de modélisation numérique et d’optimisation ce qu’un concepteur réalise de manière manuelle, en y ajoutant de nombreux avantages »1 : Il existe de nombreuses technologies de fabrication additive. Notre objectif n’est pas de toutes les traiter dans le cadre du projet mais principalement celles qui permettent la fabrication de pièces en acier à partir d’un lit de poudre, soit les procédés SLS, EBM, etc. Le gain de masse grâce à l’optimisation peut être important. La méthode peut également être applicable pour les technologies plastiques poudre ou nettoyables grâce à un jet d’eau. • possibilité de balayer un espace de conception plus large ; • possibilité de réaliser des calculs automatiques ; • possibilité de mettre en place des plans d’expériences et de créer ainsi des fonctions d’approximation si besoin ; • possibilité d’atteindre un optimum grâce à des algorithmes de plus en plus performants. Dans le cas de l’optimisation de formes de structures mécaniques, les variables concernées sont les formes des structures elles-mêmes. Cette optimisation est plus compliquée que celle, traditionnelle, où les variables peuvent être les propriétés des matériaux. Nous distinguons trois grandes catégories d’optimisation de formes de structures en mécanique2,3. • L’optimisation de formes paramétriques où les formes sont paramétrées par un nombre réduit de variables (par exemple, une épaisseur, un diamètre, des dimensions). Cette catégorie d’optimisation ne permet pas l’exploration d’autres formes possibles ou admissibles mais elle permet de trouver (de calculer) les dimensions optimales des formes paramétrées (formes existantes dans le modèle). • L’optimisation de formes géométrique où, à partir d’une forme initiale, on varie la position des frontières de la forme. Cette optimisation grâce à la variation des frontières permet de trouver les contours optimisés pour les structures sans changer leur topologie initiale, c’est-à-dire le nombre de trous en deux dimensions. • L’optimisation de formes topologiques où l’on cherche, sans aucune restriction explicite ou implicite, la meilleure forme possible quitte à changer de topologie. Il existe, globalement, deux manières d’intégrer l’optimisation topologique à la fabrication additive. • La pièce est intégralement optimisée. Seules les fonctions qui contraignent la pièce sont conservées. • La peau extérieure (ou une partie) de la pièce est fonctionnelle et ne peut pas être modifiée. Notre objectif principal dans le cadre d’OptiFabAdd est de travailler sur l’optimisation de l’intérieur des pièces et des supports pour gagner en masse globale et en matière utilisée. La méthodologie globale consiste à intégrer la connaissance liée à la technologie de fabrication additive à l’outil d’optimisation topologique et à l’outil CAO (pour préparer le modèle au calcul d’optimisation topologique). Nous avons identifié trois grands facteurs sur les lesquels nous sommes en cours de travaux : • l’épaisseur minimale imprimable et nettoyable sans détériorer la pièce ; • le diamètre minimum imprimable et nettoyable, l’objectif étant de pouvoir concevoir des canaux d’évacuation de la matière (comme la poudre emprisonnée dans des cavités) ; • et la hauteur maximum acceptable pour éviter des affaissements de la matière. A3DM magazine n°2 49 PROJET R&D 2 Formes géométriques imprimées pour tester l’influence du laser, l’épaisseur, la hauteur des parois, l’orientation de la fabrication... Pour trouver ces dimensions, une approche par les features a été développée en modélisant diverses formes qui ont été fabriquées sur deux types de machine : une SLS (DTM) pour l’acier et une impression UV (Eden 250) pour le plastique. Le choix a été fait afin de tester deux types d’évacuation de la matière inutile : poudre pour la SLS et nettoyage par jet d’eau pour l’impression UV. La figure 2 montre des exemples de formes géométriques imprimées. Une approche par les features a été développée avec la mise en place de plans d’expériences (voir détail ci-contre) pour tester notamment l’influence du laser, l’épaisseur et la hauteur des parois, l’influence de l’orientation de la fabrication, etc. Les features testées sont des poches, des trous, des extrusions et des nervures. Plusieurs cas industriels ont été menés selon l’approche développée dans OptiFabAdd. L’exemple de la figure 3 présente par exemple l’optimisation de l’intérieur d’une prothèse de hanche permettant un gain de matière de 40 % pour une impression en titane. Le modèle intègre des canaux d’évacuation de la poudre. Pour des raisons de confidentialité, les copies d’écran ne présentent qu’un seul cas de charge testé. D’autres formes confidentielles ont ainsi été définies dans le cadre du projet. Formation et partenariat Le projet OptiFabAdd est en cours d’évolution sur deux axes. • Un axe « formation » sur le thème de la conception pour la fabrication additive. Il est d’ores et déjà intégré au projet SIMUL-PME, qui est un projet PIA sur la formation, la qualification et la certification des ingénieurs calculs (porté par MICADO). • Un axe « projet collaboratif » sur la liaison optimisation topologique (dont le développement de nouvelles méthodes d’optimisation) – fabrication additive. Le partenariat sur ce sujet est en cours de mise en place avec plusieurs déclarations d’intérêt déjà établies, notamment avec EnginSoft, CoreTechnologie et Siemens. Sources 1 - Allaire G., Aubry S., Bonnetier E., Jouve F., Optimisation topologique de structures par homogénéisation, 1998. http://www.cmap.polytechnique. fr/~allaire/cray_plaq.html. 2 - Allaire G., Introduction à l’optimisation des structures, cours de conception optimale de structures, 2010. 3 - Kwassi, Elvis Daakpo. Proposition d’une méthodologie pour l’optimisation de formes structures mécaniques, thèse centre R&D DINCCS de MICADO, université de Reims Champagne-Ardenne, 2012. http://www.theses.fr/2012REIMS007. 50 A3DM magazine n°2 3 Exemple d’optimisation de l’intérieur d’une prothèse de hanche. 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