l`Express article « S`installer au Canada

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l`Express article « S`installer au Canada
S’installer au Canada
Au lycée français de Toronto, le
meilleur des deux mondes
Par Marjorie Roulmann-Murphy, publié le 25/08/2014 à 08:00 dans www.lexpress.fr
La France s'enorgueillit d'un réseau unique
d'établissements scolaires dans le monde. Ils
sont pas moins de huit au Canada. Reportage
dans le très réputé et très cher lycée français de
Toronto, où le savoir français allié au
pragmatisme nord-américain fait des heureux.
Marine range son cahier Clairefontaine dans son locker, et son invitation pour la
prom party de fin d'année. Depuis son arrivée au Lycée français de Toronto, la
jeune fille de 16 ans, actuellement en 1re, a l'impression de se trouver dans une
série télé américaine. C'est d'ailleurs dans cette ville qu'a été tournée Les
années collège, la série qui a fait rêver tous les jeunes Français dans les années
qua- tre-vingt-dix. "Le Lycée français de Toronto, c'est le meilleur des deux
mondes, explique Rémy Durand, professeur de sciences économiques et
sociales. Vous avez l'excellence et la rigueur de l'éducation française dans un
cadre et une ambiance nord-américaine."
Tout le monde s'en réjouit : professeurs, parents et élèves vivent cette
complémentarité avec un réel enthousiasme. On peut commencer cette immersion hexagonale en plein Toronto dès l'âge de 3 ans et ce, jusqu'au bac. Les
élèves aiment cette mixité. Même si les grands ont un foyer séparé, la plupart
des collégiens et lycéens sont jumelés à des élèves du primaire et font, plusieurs
fois dans l'année, une activité ensemble.
"C'est comme une grande famille, insiste le proviseur Eric Leborgne. Tout le
monde se connaît et s'entraide. Les élèves ne sont pas plus de 18 dans les
classes. Les professeurs ont donc le temps de s'occuper et de connaître chacun
des enfants, de la maternelle à la terminale. Ça donne une ambiance de village
très appréciée par tous." Pour Laurence Aubourg, mère de quatre enfants
inscrits au lycée, l'important, c'est de bénéficier de l'éducation française. "Du fait
du métier de mon mari, on passe trois ans dans une ville, puis dans une autre :
en passant du lycée français de Rio à celui de Toronto, on n'a pas eu
l'impression d'avoir changé d'établissement. C'est le même programme, celui de
la France, la même rigueur, avec l'esprit communautaire de l' mérique du Nord
en A plus."
"Nos enfants deviennent vite bilingues dans cette école", ajoute Ghislaine
Escudié, maman de deux très jeunes enfants. Contrairement aux écoles
publiques francophones (voir encadré), le lycée français de Toronto encourage
les élèves à parler anglais, ce qu'ils font de toute façon très naturellement, dans
la cour et dans la rue. Au programme, une heure de cours d'anglais par semaine
dès la primaire et tous les cours de sport et de musique dispensés par des profs
anglophones unilingues.
La vie du lycée est aussi fortement teintée par les us et coutumes canadiennes.
Chacun a son casier ou locker, dans le quel il dépose ses livres et cahiers et qui
accueille la lunch box pour déjeuner. Ici, il n'y a pas de cantine. A la fin de
l'année scolaire, la très attendue soirée prom de fin d'études provoque l'émoi des
jeunes filles qui préparent de longue date leur robe de soirée pour le bal qui suit
la graduation (remise de diplôme).
Cahiers Conquérants et stylos Bic
Côté artistique, on apprend un instrument différent presque chaque année (et
pas juste la flûte à bec...), personne ne redouble et tout le monde s'y met quand
il s'agit de repeindre les murs du foyer. En classe, on étudie avec des manuels
importés de France et on écrit sur des cahiers Conquérant avec des stylos Bic
offerts aux élèves. Thomas Morey, instituteur en CM2, enseigne exactement le
même programme qu'il y a dix ans à Bondy, en banlieue parisienne. A une
différence près : "On a le temps d'inclure des parties supplémentaires, vu le
nombre d'élèves qu'on a, explique-t-il. Je donne des cours d'histoire du Canada,
par exemple. Qui était Etienne Brulé ? Qu'est-ce qu'une cabane à sucre ? etc."
"Nous sommes passés du simple au double en terme de nombre d'élèves. De
281, il y a dix ans, nous en avons maintenant plus de 450", dit le proviseur, qui
regrette notamment que les locaux actuels ne soient pas assez grand pour des
installations sportives dignes de ce nom dans un pays où la pratique du sport à
l'école n'est pas un vain concept. En revanche, le lycée offre de véritables
perspectives d'avenir international à tout élève ayant passé une partie de sa
scolarité dans l'institution. "Je vois tous les élèves dès la fin de la 3e pour les
aider à choisir leur filière, puis définir dans quelle voie ils veulent aller, explique
Alban Ferrieu, conseiller d'orientation. On réfléchit sur les meilleures options
d'universités ou de grandes écoles en France mais aussi à l'étranger." Les
bacheliers du lycée peuvent en effet se prévaloir d'un diplôme reconnu, d'un
bilinguisme apprécié, le tout validé par un établissement à la forte notoriété.
Bref, étudier dans un lycée français est considéré comme une chance par les
enfants et leurs parents. Mais beaucoup trouvent également que c'est un
privilège qui n'est pas accessible à tous les Français expatriés. A Toronto, les
frais de scolarité s'élèvent à 15 000 $ CAN annuels (environ 10 000 euros). C'est
l'un des lycées français les plus chers au monde. Les moins onéreux
commencent à 4 000 euros par an. L'accès à l'excellence du système éducatif
français reste donc prohibitif pour de nom- breux ressortissants qui n'ont pas la
chance d'être détaché par une entreprise prenant en charge ce genre de frais ou
qui n'ont pas eu accès à une bourse de l'Etat français.
Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, celui-ci, dont le fils était scolarisé au
lycée français de New York (20 000 $ US par an), avait entrepris de rendre
totalement gratuites les études pour tous les élèves français, quels que soient les
revenus de leurs parents. Mais financer intégralement la scolarité de 130 000
élèves français (sur plus de 320 000, toutes nationalités confondues), répartis
dans presque 500 établissements à travers le monde a semblé excessif à son
successeur, qui est revenu sur cette décision en 2012. Pour des raisons de
budget et d'équité, les conditions d'accès aux bourses ont aussi été révisées et
celles-ci ne sont plus attribuées à des familles dont les revenus ne justifient pas
une aide financière. Cependant, l'affaire a eu pour résultat que le nombre de
Français inscrits à Toronto a baissé de manière assez conséquente, au profit
d'étrangers désireux de bénéficier du système français. Depuis vingt ans, le
nombre d'élèves dans ces établissements a d'ailleurs doublé. A Toronto, pour
l'année scolaire 2013-2014, 60 % des élèves étaient Canadiens, 30 % Français
et 10 % provenaient de pays tiers I
Les écoles françaises au Canada
En dehors du Québec, bilinguisme oblige, l'enseignement en français est un droit
et les parents peuvent inscrire leurs enfants dans le système francophone, dans
des établissements publics (et gratuits) du primaire et du secondaire. Il existe
parallèlement un système privé. L'enseignement "français" au Canada n'a
cependant rien à voir avec les programmes de l'Education nationale. Pour suivre
une scolarité conforme en tout point à celle en vigueur dans l'hexagone, il faut
s'inscrire dans un des 488 établissements de l'étranger homologués par le
ministère français. Il en existe huit sur le territoire canadien : trois au Québec,
deux à Toronto, un à Vancouver, Calgary et Ottawa. La Toronto french school et
l'Ecole Française Internationale Cousteau à Vancouver ont des statuts un peu
particuliers, mais sont néanmoins agréées par le ministère de l'Education
nationale. Selon les écoles, la scolarité peut débuter à la maternelle. Tous ces
établissements sont payants mais il est possible d'obtenir des bourses.
Pour plus d'information: l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger