Quand les banques espagnoles souffrent de leurs origines

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06/02/11 | 13:28 | Jessica BerthereauQuand les banques espagnoles souffrent de leurs
origines
Les résultats annuels du secteur financier espagnol témoignent de la difficile
conjoncture économique, de la longue digestion de la crise immobilière et de la
reconfiguration du paysage bancaire qu'impose la restructuration des caisses d'épargne.
Pour une banque, il ne fait pas bon être espagnole en ce moment. La mauvaise conjoncture
économique, la crise de la dette souveraine et la longue digestion de l'explosion de la bulle
immobilière pénalisent les entités financières de l'autre côté des Pyrénées. Les cinq premières
d'entres elles, Santander, BBVA, Banco Popular, Caja Madrid et La Caixa, ont enregistré en
2010 une baisse de 5 % de leur bénéfice net cumulé, à 15 milliards d'euros.
En 2010, l'économie espagnole s'est contractée de 0,1 % et le taux de chômage, qui est le plus
élevé de la zone euro, a continué à augmenter (20,3 %). Une morosité économique qui pèse
directement sur les comptes des banques et caisses d'épargne opérant principalement sur leur
marché domestique. C'est ainsi que Banco Popular, la filiale de Santander Banesto et La Caixa
ont respectivement vu leurs profits chuter de 23 % (590 millions), de 18 % (460 millions) et de
13,4 % (1,3 milliard) en 2010.
Celles qui tirent leur épingle du jeu ont traversé l'Atlantique. Tant Santander comme BBVA, qui
réalisent respectivement 43 % et 46 % de leurs profits en Amérique latine, ont enregistré
d'importantes progressions de leurs bénéfices dans cette zone géographique composée
d'émergents à fort potentiel de croissance. Les profits de Santander dans la région ont ainsi
grimpé de plus de 25 %, à 4,8 milliards d'euros, tandis qu'ils progressaient de près de 12%, à
1,7 milliard d'euros, chez sa rivale BBVA.
Mais ces deux banques de dimension mondiale -Santander est le numéro un en zone euro par
capitalisation -restent espagnoles et souffrent de ce fait de la détérioration de l'image de leur
pays d'origine sur les marchés financiers. Ces entités ont vu leur coût de financement s'élever
au même rythme que celui de l'Espagne. Santander et BBVA ont ainsi dû concéder un spread
très élevé pour émettre des obligations sécurisées en début d'année. La difficulté à accéder aux
marchés interbancaires et institutionnels a de plus conduit les banques espagnoles à se livrer
une sanglante guerre des dépôts pour capter les fonds des particuliers, qui, en retour, a rogné
leurs marges.
A ces difficultés est venu s'ajouter un renforcement de la régulation espagnole selon deux grands
volets que sont la transparence et la solvabilité. Il s'agit, pour les autorités, de dissiper une
bonne fois pour toutes les inquiétudes des investisseurs et des marchés sur le secteur financier
espagnol.
Le premier volet consiste pour chaque entité à détailler son exposition aux secteurs de la
promotion et de la construction. Des données communiquées au régulateur boursier espagnol, il
ressort que les cinq premières entités financières espagnoles concentrent près de 130 milliards
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d'euros de crédits aux promoteurs et constructeurs, dont 22 milliards de créances douteuses
(c'est-à-dire impayés depuis 90 jours) et 19 milliards de prêts qui pourraient le devenir.
Santander, BBVA, Banco Popular, Caja Madrid et La Caixa détiennent aussi 27,5 milliards
d'actifs immobiliers saisis auprès de débiteurs défaillants.
Ces cinq entités concentrent ainsi la moitié des actifs immobiliers problématiques détenus par le
secteur financier, qui se montent à 133,5 milliards d'euros selon les calculs effectués par les «
Echos ». C'est moins que les 180,8 milliards identifiés par la Banque d'Espagne en juin dernier.
Outre le fait que certaines entités ne se sont pas encore livrées à cet exercice de transparence,
la Banque d'Espagne avait fait preuve de prudence en incorporant dans ce chiffre absolument
tous les crédits relatifs au « ladrillo » (brique en espagnol). Les données actuellement exigées
sont plus fines et n'intègrent par exemple pas l'activité relative aux travaux publics.
Quoiqu'il en soit, le taux de créances douteuses du portefeuille de crédits aux promoteurs et
constructeurs est très élevé, tournant en moyenne autour de 18 %. Ce ratio, bien supérieur la
moyenne de 11,8 % donnée par la Banque d'Espagne au troisième trimestre, fait dire à Joaquin
Maudos, professeur à l'Université de Valence, que « le chiffre de 180,8 milliards va augmenter
une fois que toutes les données seront connues » . Un tel taux d'impayés a obligé les entités à
effectuer d'importantes provisions, qui ont pesé sur leurs bénéfices. L'année dernière,
Santander, Banco Financiero y de Ahorros (Caja Madrid) et Banco Popular ont respectivement
provisionné 472 millions, 1,3 milliard et 1,8 milliard d'euros.
Le second volet du renforcement de la régulation vise à relever les ratios de fonds propres
(entre 8 et 10 % selon les entités). Ces mesures, qui doivent bientôt être précisées dans un
décret, « vont dans la bonne direction » , ont salué en coeur les présidents de Santander, BBVA
et Banco Popular. Les dirigeants des deux grandes caisses d'épargne du pays, La Caixa et Caja
Madrid, se sont montrés plus circonspects, applaudissant le principe mais dénonçant son
application différenciée selon le profils des entités. Les caisses d'épargne non cotées devront
s'acquitter d'un taux plus élevé, ce qui en a poussé certaines, dont les deux grandes, à
transférer leur activité financière à une banque, qu'elles vont coter.
Cette mutation des caisses d'épargne constitue l'acte II de leur restructuration, après une vague
de concentrations qui a réduit le secteur à 17 entités, contre 45 début 2010. Elle offre aussi des
« opportunités » aux banquiers espagnols et étrangers, selon leurs dires. Aucun n'a dévoilé ses
éventuels plans mais il est absolument certain que le paysage bancaire espagnol ne sera plus le
même d'ici la fin de l'année.
Photo : Bloomberg
JESSICA BERTHEREAU (CORRESPONDANTE À MADRID)
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