Deux semaines de randonnée dans l`univers minéral du Mustang

Trek au Mustang
Deux semaines de randonnée dans l’univers
minéral du Mustang. Rencontre avec des sherpas,
des moines et un roi ! Magique. par vanessa dougnac
S
ur un plateau hostile et désertique, au cœur de
l’Himalaya, il est un petit royaume qui, longtemps,
est resté oublié du monde. Terres népalaises formant
une enclave dans le Tibet, le Mustang a traversé les siècles
dans le secret et le silence de ses montagnes.
Aujourd’hui, s’il n’y a toujours ni routes ni véhicules,
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le petit aéroport de Jomsom, au pied du flamboyant
mont Nilgiri, facilite l’accès du royaume. Et, dans ce village qui rassemble les voyageurs de passage, chacun est
à son affaire dès le lever du soleil. Des femmes hindoues
en sari sur leur poney partent en pèlerinage pour Muktinath, pendant que de vaillants trekkers révisent leur randonnée des Annapurnas et que des hommes au visage
buriné poussent leurs chevaux chargés de riz acheté en
Chine. Guide, cuisiniers, porteurs, sherpas et gardien des
mules, notre équipe a, quant à elle, des allures impressionnantes mais nous garantit ainsi deux semaines de ran-
chhikara
Destination | Népal
art presse
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1 - Le village de
Kagbeni, ancien
poste de douane
sur la route du sel,
consacre l’entrée
dans l’univers
minéral du Mustang.
2 - Sur la route de
Chele, les falaises
passent du jaune
au rouge,
célébration de la
poésie géologique.
3 - La caravane
du trek sur la route
de Trangman.
chhikara
dubois berranger/hémisphères
donnée autonome au cœur du Mustang. En remontant vers le nord, le long de la rivière Kaligandaki, nous laissons derrière nous la végétation et le monde hindou. Car le Népal, « royaume
mystique de l’hindouisme », vénère aussi Bouddha, et la culture tibétaine s’est épanouie comme
par miracle dans ces contrées stériles.
Kagbeni, ancien poste de douane sur la route
du sel et dernier village aux petits hôtels touristiques, consacre l’entrée dans l’univers mi1 néral du Mustang. Plus loin, sur une plaine sauvage dominant le village de Tangbe, deux bergers
se protègent du vent derrière un mur de pierres. Où sont
donc les moutons ? Les hommes rient puis montrent du
doigt, sur le versant abrupt d’une haute montagne, probablement à plusieurs heures de marche, des centaines
de petits points noirs. Ici, seule la patience peut vaincre
les distances.
Alors, au fil des sentiers, la cadence des heures s’oublie dans le seul rythme du crissement des pieds sur les
cailloux, du souffle violent des bourrasques et du tintement des cloches des mules. Certains voyageurs scrutent
le sol à la recherche des shaligram sacrés, ces ammonites
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noires qui, lorsqu’elles sont « mûres », se cassent comme
un œuf et s’entrouvrent sur les courbes lovées des fossiles marins, témoignage des temps où l’Himalaya était
sous l’océan.
Bientôt, le paysage devient une célébration de la poésie géologique : les falaises, sur la route de Chele, passent
du jaune au rouge, avant de se chevaucher au-dessus de
la rivière et, plus loin, les habitations troglodytiques du
mur de Lo Ghekar dessinent de surprenantes frises géométriques. A Samar, un sentier s’accroche à la falaise avant
de redescendre dans des vallées saignées par les rivières
et les ravins. Sur les hauteurs de Zaite, Ghemi ou Tsarang,
l’aridité, soudain, semble figer le temps.
A chaque passage de col, à près de 4 000 mètres d’altitude, derrière les drapeaux de prières fixés à des mâts,
une autre vallée spectaculaire surgit, solitaire et immense.
Le regard hésite et ne sait où se fixer, noyé dans un dédale infini de montagnes et de pics. Chez les habitants du
Mustang, l’isolement est un principe de vie qui, dans les
monastères accrochés aux crêtes des montagnes, a forgé
l’intensité des méditations des lamas bouddhistes. Pour
Tenzing Lama, le moine âgé de 71 ans reclus dans la grotte
sacrée de Tchoumgchi, il ne reste alors que l’écho de ses
prières et la compagnie muette des aigles, face au vertigineux canyon de la vallée de Kunga.
Jusqu’en 1992, le Mustang est ainsi resté un royaume
interdit, où seuls quelques rares Occidentaux avaient pu
accéder. Mais les Mustangi, fidèles à leur tradition millé-
Festival de Yar Tong : les chevaux franchissent la « ligne d’arrivée ».
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naire de commerce entre le Tibet et l’Inde, ne se sont jamais privés de voyager. Aujourd’hui, ils espèrent beaucoup de la route en construction qui doit bientôt relier le
Tibet au sud du royaume et qui marquera à jamais la fin
de l’isolement.
Ceinturé par des vergers, champs de blé, d’orge et de
fleurs roses, chaque village traversé se révèle une oasis.
Sur le toit des maisons à l’architecture tibétaine, les fagots
de bois sèchent au soleil d’été. Des crânes d’antilopes décorent les entrées des habitations d’où s’échappe le chant
aigu d’une femme. Apparaissent les visages rieurs des enfants, avec leur nez qui coule et des joues croûtées comme
des biscuits ronds trop cuits. A la tombée de la nuit, la
moindre auberge est un havre de confort. Autour des tablées, les filles ne sont pas farouches, invitant les hommes
à boire du chhang, l’alcool local à base de riz. Quant à leurs
mères, selon la polyandrie traditionnelle, il n’est pas rare
qu’elles aient épousé plusieurs frères à la fois !
Aux confins d’une vallée de sable, la capitale du Mustang, Lo Manthang, se dévoile tel un trésor et, après six
jours de marche, comme une victoire ! Soudain, nous nous
écartons pour laisser passer un convoi au grand galop,
dont les chevaux décorés martèlent le sol dans des nuages
de poussière. Les cavaliers, hommes, femmes et moines,
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1 - Tenzing Lama, moine reclus dans la grotte sacrée de Tchoumgchi.
2 - Le site de Tchoumgchi face au canyon de la vallée de Kunga.
3 - Jeunes filles mustangi.
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Nos coups de cœur
drapés dans des manteaux de soie qui flottent au vent,
font claquer leur fouet. Une noce de mariage vient de passer, et la poussière retombe. Etait-ce réel ? Dans l’enceinte
de la ville fortifiée de Lo Manthang, où vivent les 130 familles de haute caste, les voyageurs peuvent aller saluer
le roi dans son palais. A 71 ans, avec ses lunettes de soleil et ses boucles d’oreilles, le raja Jigme Parwar Bista,
vingt-cinquième de sa lignée, a toujours fière allure. « Je
suis juste le roi du Mustang », dit-il, affable, non sans rappeler que le puissant roi est celui du Népal, auquel ses ancêtres ont prêté allégeance en échange de cent pièces d’argent et d’un cheval. Aujourd’hui, suivant le système féodal,
il rend encore la justice dans les affaires d’héritage ou les
conflits fonciers.
« Le raja du Mustang est tout-puissant, et je suis sa servante ! » proclame ainsi humblement Among, 79 ans. La
vieille femme habite à une demi-journée de la capitale en
s’enfonçant vers la frontière chinoise. Sur les hauteurs de
la vallée de Sha, comme au milieu de nulle part, elle vit
sous une tente avec les nomades, les Dokpa, qui prennent
soin des 130 énormes yacks royaux, entre marmottes et
moutons. Parmi ces hommes aux airs de brigand, avec
leurs longues tresses et leurs couteaux ciselés attachés à
la taille, nous avons soudain la certitude d’être au bout
de notre voyage et peut-être, fugace et grisant, le sentiment d’être au bout du monde ■
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1 - Le raja Jigme
Parwar Bista,
vingt-cinquième
de sa lignée,
roi du Mustang.
2 - Sur les hauteurs
de la vallée de
Sha, un campement
de nomades,
les Dokpa.
Festival de Tiji.
Se loger
pour se reposer. Du charme, décoré avec goût, confortable. Jardins,
piscine, centre de beauté, coiffeur,
centre d’affaires…
147 € la nuit en plein tarif, jusqu’à
75 € négocié. 00.977.61.22.122.
www.hotelshangrila.com
● A Jomsom. Pour vraiment profiter de l’ambiance du village, rester
dormir dans un des nombreux chalets de la rue principale. Les
adeptes de la tranquillité pourront
aller au Jomsom Mountain Resort.
Grand complexe qui s’inspire du
style tibétain et des chalets traditionnels, il surplombe le village.
Chambres tout en pierre, confortables, négociables à 33 €.
00.977.14.42.71.50.
www.inspiration.com.np/hotel/jo
msom_mt_resort
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Toujours un accueil génial,
de l’hôtel de luxe à la chambre
d’hôtes. Les Mustangi sont des
gens chaleureux et serviables,
un bonheur pour les touristes….
● A Lo Manthang, le palais
du roi dispose d’une chambre
d’hôtes normalement réservée
aux diplomates, mais en négociant bien sur place les voyageurs lambda peuvent avoir leur
chance. Sinon, le seul bon hôtel
de la ville est le Mystique Himalayan Resort (20 € la nuit par
personne). Mais, malgré le nom,
c’est juste une maison traditionnelle du village : chambres un
peu confortables avec salle de
bains, ce qui est un grand luxe.
● A Pokhara, le Shangrila Village. Un village 4 étoiles de maisons de style traditionnel. Idéal
Musicien à Lo Manthang.
A ne pas manquer
Choung-Choung, en bordure du
plateau du Tibet : des centaines
d’énormes yacks, marmottes,
chèvres et moutons, que
surplombe un campement de
quelques familles nomades, les
Dokpa.
● Les festivals du Mustang, et
notamment celui de Tiji, prévu
le 25 juillet 2005. La date peut
encore changer, en fonction de
la position de la lune ! Cette
fête magnifique célèbre la
renaissance, le palais est
décoré, tous les habitants et les
moines y participent.
● Admirer à Lo Manthang les
restaurations murales des
peintures des deux monastères.
● A une journée à poney de
la capitale du Mustang, monter Lire
jusqu’à la superbe et verdoyante « East of Lo Manthang, in the
vallée de Sha, après le village de Land of Mustang ». Textes de
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Peter Matthiessen et photos de
Thomas Laird (Shambala
Publications). Le meilleur livre
pour découvrir le Mustang.
A commander sur Internet :
28,50 €.
« Mustang : royaume tibétain
interdit », de Michel Peissel
(deuxième étranger à avoir
pénétré au Mustang), édité pour
la première fois en
1967 (Arthaud). Devenu rare, on
le trouve sur www.livre-rarebook.com entre 8 et 15 €.
Guides
Lonely Planet « Nepal » (en anglais), 23,75 €. Guide du Routard
« Népal Tibet », Hachette Guides
Tourisme, 14,90 €.