Schweitzer, sous les pieds de Johnny

Transcription

Schweitzer, sous les pieds de Johnny
ECONOMIE
MARDI27NOVEMBRE2012 P
DÉVELOPPEMENT Soixante entrepreneurs qui font l’Alsace
SOCIAL
Les élus de GM
à la CUS
Une délégation syndicale CGT
et CFDT de General Motors a
été reçue hier après-midi au
centre administratif de Strasbourg par l’eurodéputée Catherine Trautmann, vice-présidente de la CUS, et le
député Philippe Bies.
Les représentants des salariés du constructeur de boîtes
de vitesse automatiques ont
fait part aux élus de leurs
interrogations, trois jours
après l’annonce du prochain
rachat de l’usine strasbourgeoise par le Belge Punch
Metals International.
Ils ont insisté surtout sur la
nécessité, pour eux, d’obtenir
des garanties de la part des
pouvoirs publics.
Ils réclament en effet, depuis
plusieurs mois déjà, l’assurance que les emplois, les
salaires et les acquis seront
maintenus jusqu’en 2020, la
promesse que le site sera
repris par GM Company si
Punch Metals devait faire
défaut ainsi que la création
d’un fonds de garantie de
250 millions d’euros.
18
Schweitzer, sous les
pieds de Johnny
Raymond Schweitzer est le créateur et patron du groupe Stacco, à Wasselonne, fournisseur du dispositif
scénique de Johnny Hallyday, en concert ce soir au Zénith de Strasbourg. Itinéraire atypique d’un
homme qui œuvre en coulisse au rayonnement de l’Alsace. Trente-sixième volet de notre série.
L’AGENDA
ÉCONOMIE
COLMAR
Actualité du crédit
d’impôt recherche
Q JEUDI 29 NOVEMBRE. La
volonté du gouvernement de
faire de l’innovation l’une de
ses priorités et le souhait de
sanctuariser le CIR – mais
d’en recentrer certains bénéfices vers les PME – pourraient avoir des conséquences sur la prochaine loi de
finances 2013.
Face à ces spécificités, et afin
d’apporter un éclairage concret sur le sujet, la CCI invite
à une conférence (à partir de
17 h 30 au CREF, 5 rue des
jardins à Colmar).
Cette réunion d’information
sera co-animée en partenariat avec le cabinet Sogedev,
Alsace Innovation, la DRRT
Alsace (Délégation régionale
à la recherche et à la technologie), et illustrée par deux
témoignages d’entreprises
implantées localement.
Inscription gratuite sur confirmation auprès de Philippe
Gumber, [email protected] ou ✆03 89 66 71 93.
STRASBOURG
Commerce
international :
rencontre d’experts
Belgique et Pays-Bas
Raymond Schweitzer, PDG de Stacco, à Wasselonne. Un rôle clé dans les coulisses du rock. PHOTO DNA – MARC ROLLMANN
O
eil pétillant de malice,
sourire mi-carnassier
mi-enjoleur, générosité
et fidélité sans faille en
amitiés, bosseur infatigable.
Raymond Schweitzer est assurément un « patron » au sens le
plus vrai du terme, mais aussi
un dirigeant d’entreprise atypique. Au service des stars, en
particulier ce soir pour le concert de Johnny Hallyday à Strasbourg, Raymond Schweitzer en
est une aussi, à sa manière.
Sa double origine
semble lui donner
une double énergie
Q VENDREDI 14 DÉCEMBRE.
CCI Alsace Export propose
des rendez-vous individuels
avec des experts de la Belgique et des Pays-Bas (à partir
de 8 h 30).
Cette journée, organisée en
partenariat avec la Chambre
française de commerce et
d’industrie de Belgique,
Ubifrance Belgique et PaysBas, s’inscrit en préparation
de la mission de prospection
qui aura lieu du 4 au 8 mars
2013.
Les entreprises intéressées
pourront profiter de la présence de ces experts pour
s’informer sur l’environnement des affaires et mieux
connaître les opportunités
commerciales qu’offrent les
deux marchés.
Participation gratuite, inscription obligatoire auprès
de : Lydia De Luca, [email protected]
Son job est d’attirer la lumière
sur les autres, mais il ne néglige
pas son image personnelle. Et il
a, au fil d’une carrière déjà longue et riche, beaucoup servi la
notoriété de l’Alsace. Difficile
de citer toutes les facettes de
l’homme : musicien, autodidacte, organisateur, manutentionnaire, motard, élu local, père de
famille, ferrariste… Sa double
origine, alsacienne et malgache
semble donner à Raymond
Schweitzer une double énergie.
Le patron de Stacco, 52 ans,
vient de fêter les trente ans
d’existence de la structure qu’il
avait contribué à créer avec
quelques associés, avant de la
racheter. À l’époque, il s’agissait
de répondre à une demande du
groupe AC/DC… Et de bouter les
Anglais hors du marché. Le nom
développé de l’entreprise, Stage
Commercial Company, aujourd’hui passé aux oubliettes, rappelle le monopole anglo-saxon
d’autrefois. Avec Fascen, l’atelier qui conçoit et fabrique les
praticables, scènes mobiles et
autres structures de spectacles,
le groupe de Wasselonne est devenu une référence française
dans sa spécialité. Un peu à
l’exemple d’Aquatique Show de
Dominique Formhals dans son
propre domaine. Les deux hommes, assez dissemblables, se
connaissent très bien pour travailler le même marché : celui
du spectacle et du grand événementiel.
Rien ne semble arrêter, en effet,
le goût de la démesure dans le
show-business. Et Stacco est
l’une des rares entreprises françaises ayant le pouvoir de dire
pratiquement toujours « oui ».
Oui aux projets les plus extravagants, oui encore aux fêtes de
village. Quitte à se faire payer, et
Raymond Schweitzer le raconte
sans se faire prier, « au cul du
camion » le soir du spectacle.
« Nous sommes obligés de re-
chercher tous les marchés possibles, nous ne négligeons rien.
Nous avons besoin d’une multitude de contrats on fera toujours
les fêtes de village et le local. »
En saison, le groupe traite une
centaine de festivals en France.
L’hiver, ce sont les tournées, les
défilés de mode ou les conventions qui soutiennent l’activité.
Principalement française dans
son activité, l’entreprise alsacienne a fait quelques incursions remarquées à l’étranger. À
Tripoli, au temps du colonel,
mais aussi à Dakar, au Sénégal,
pour le Festival mondial des
Arts nègres qui a nécessité l’expédition de quarante conteneurs maritimes. Au total, le
groupe emploie une cinquantaine de permanents, auxquels
s’ajoutent les intermittents en
tant que de besoin. Il réalise
10 millions d’euros de chiffre
d’affaires.
L’icône rock et le
président : 20 %
de croissance
L’année 2012 s’est révélée être
un millésime exceptionnel, avec
une croissance de 20 % du chiffre d’affaires grâce à deux
clients pas ordinaires, François
H. et Johnny H.
Le premier, que l’on n’imaginait
pas forcément, en 2011, vainqueur de la présidentielle française, a fini par donner tout son
dispositif de meetings à Stacco :
« Après la deuxième date, François Hollande a décidé de nous
confier toute la campagne, c’està-dire trois villes par semaine,
avec des changements dans la
nuit. Ils voulaient une réactivité
exemplaire », explique le PDG
de Stacco. Qui a dû aussi assurer
en toute urgence l’estrade du
président élu au soir du 6 mai,
place de la Bastille à Paris :
« Nos camions attendaient discrètement en banlieue. On a
monté la scène en trois heures,
la moitié du temps dont nous
avons besoin d’habitude », se
souvient Raymond Schweitzer.
Le second a choisi Stacco pour
assurer le décor de sa tournée
2012 et son épuisante logistique. Le barnum Johnny Hallyday, ce sont des dizaines de
semi-remorques de matériels
pour vingt concerts. La scène
comprend un écran de 300 m²
de panneaux led inclinables.
« Cela fait vingt-cinq ans que
nous travaillons avec Johnny,
mais on est quand même toujours remis en concurrence.
Toutes les réalisations de la
tournée nous ont été confiées.
Pour nous, c’est évidemment
une marque de fabrique exceptionnelle ».
Raymond Schweitzer sait pourtant mieux que personne que ce
n’est pas la populaire et vieillissante rock star qui assurera
l’avenir de Stacco. L’entreprise
ne cesse de proposer des innovations. Dernière en date, la
plus grande scène mobile de
France, l’Easy Stage, qui nécessite dix camions pour la transbahuter, utilisée par Johnny
Hallyday mais aussi au festival
des Vieilles Charrues. Autre aspect de l’activité de Stacco, bien
moins connu, la conception
d’un filet de sécurité, le Safety
Rig, permettant de réduire les
risque de chute de grande hauteur, deuxième cause d’acci-
dents mortels liés au travail.
Le chef d’entreprise qui laisse
désormais sa guitare s’empoussiérer au pied de son bureau sait
très bien que les sociétés de
prestation de services, en France, doivent faire face à un redoutable défi de compétitivité.
Société de services :
un défi de
compétitivité
« La question est posée. Comment faire pour rationaliser,
rester compétitif et rentable ? À
l’heure actuelle, tout nous coûte
trop cher et nous sommes concurrencés par des matériels qui
viennent de Chine… Ce n’est pas
bien ! Si Stacco existe, ce n’est
pas grâce à moi, c’est par la
réactivité des gens qui travaillent avec moi. Les institutions ne comprennent pas toujours notre caractère hybride.
Nous sommes une société complètement à part », réfléchit
Raymond Schweitzer.
L’homme d’affaires, qui a fait
rentrer son fils dans la société
de travail temporaire qu’exploite le groupe avec Tempor, a décidé de réorganiser la structure de
ses sociétés en créant la Financière Raymond Schweitzer.
Homme de l’instant, des paillettes et de la séduction, le dirigeant se projette aussi désormais dans l’avenir.
ANTOINE LATHAM
R
Q Dernière parution dans cette
série créée à l’occasion des
soixante ans de l’Adira : Françoise
Lécuyer le 17 novembre.
RTE 06