Cours d`eau et écologie
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Cours d`eau et écologie
CHAPITRE 13 Cours d’eau et écologie 13.1 INTRODUCTION Les cours d’eau peuvent aussi être analysés d’un point de vue écologique, point de vue qui est loin d’être négligeable compte tenu que les cours d’eau et leurs berges sont les sites d’une vie biologique intense et diversifiée. Les cours d’eau et leurs berges ont un impact économique souvent sous--estimé car ils sont les lieux de la reproduction de plusieurs espèces de poissons, d’oiseaux, de reptiles et d’insectes. Il suffit que de penser à la pêche à la truite, la chasse au canard. L’impact de l’aménagement des cours d’eau ou des perturbations qu’ils peuvent subir n’est pas que local mais souvent régional. La diminution de la population de l’éperlan dans la région de Québec est attribuable en partie à la dégradation de la rivière Boyer et des sites de fraie. La reproduction du saumon de l’Atlantique est tributaire de la qualité des cours et des rivières dans lesquelles il fraie. Les travaux de curage, de reprofilage et de redressement des cours d’eau réalisés au cours des années passées ont dénaturés plusieurs cours d’eau. Dans plusieurs cas, les cours d’eau ont été transformés en de véritables canaux d’écoulement sans tenir compte de leur caractère naturel et de leur rôle écologique. De plus, les caractéristiques paysagères n’ont pas été prises en compte lors des projets d’aménagement de cours d’eau. Le texte qui suit est tiré principalement du chapitre 1 de Verniers (1995) et il traite principalement des berges. 188 13.2 LA BERGE La berge est la portion de terrain qui limite tout cours d’eau, elle est subdivisée en deux parties (figure 13.1) :: S le pied de talus, qui est la zone soumise à l’action quasi permanente du courant et qui est située sous le niveau moyen des eaux ; S le talus proprement dit, qui n’est qu’occasionnellement en contact avec le courant et qui est situé au--dessus du niveau moyen des eaux. La limite inférieure de la berge est le point le plus bas du pied (fond du lit); la limite supérieure étant le point le plus haut du talus au--delà duquel on considère la plaine alluviale. Ces limites déterminent ce que l’on appelle le lit mineur de la rivière. La berge, c’est surtout la zone de transition entre le milieu aquatique et le milieu terrestre. De par cette situation, elle possède une grande valeur écologique. En effet, la constitution d’une lisière augmente lu gamme des microhabitats favorisant de ce fait la diversité et la densité des espèces végétales et animales. Figure 13.1 La berge dans un cours d’eau (Verniers, 1995). 13.3 VÉGÉTATION DES BERGES La végétation des berges et des rives est soumise à des conditions de vie très contrastées. Elle doit s’adapter à des changements brusques, résister aux inondations, recoloniser des zones d’érosion, etc. En cas d’inondations, les plantes courent le risque d’être emportées, déchaussées ou ensevelies sous les alluvions. Elles doivent donc présenter une grande capacité de régénération (ex. saules). Par 189 contre, aux basses eaux prolongées, les talus sont affectés par une forte dessiccation superficielle, c’est pourquoi les végétaux de ces milieux possèdent de longues racines allant puiser l’eau jusqu’à la nappe phréatique. Les sols des zones régulièrement inondées s’avèrent très riches en éléments nutritifs. Les facteurs physiques locaux exercent une influence très visible sur la répartition des plantes. À mesure que les terrains s’élèvent, la fréquence et la durée des submersions diminuent, et avec elles l’apport des fertilisants et l’impact des crues, tandis qu’augmente la longueur des périodes sèches où la végétation n’est pas perturbée. En conséquence, une zonation végétale s’établit (Imboden, 1976). Cette zonation de la végétation (figure 13.2) depuis le milieu aquatique jusqu’au milieu terrestre dépend principalement de la forme, de la pente et du substrat du talus de la berge mais aussi de la profondeur des eaux, de leur richesse en éléments nutritifs, de la vitesse du courant et de l’éclairement. Cette végétation et plus particulièrement les espèces arborescentes ou arbustives jouent de nombreux rôles non négligeables à la fois vis--à--vis du milieu aquatique mais aussi par rapport aux zones terrestres adjacentes. La ripisylve, formation végétale ligneuse et herbacée, transition entre le milieu aquatique et le milieu terrestre, est donc une zone particulièrement riche du point de vue biologique, grâce à sa diversification procurée par l’effet lisière. La ripisylve consiste en un groupement de végétaux résultant de l’existence au sein du lit majeur de facteurs physiques tels que la vitesse d’écoulement des crues, la granulométrie des sédiments, la présence de la nappe, la durée des inondations. Deux types forestiers la caractérise principalement : S les bois durs qui colonisent les régions élevées du lit majeur où l’inondation est de courte durée, en étiage l’eau reste accessible aux racines (frêne, orme, peuplier... ), S les bois tendres qui peuplent les régions basses où l’inondation est de plus longue durée, celle--ci exerce un effet sélectif très marqué (saule, aulne ... ). Originellement, la plupart des rivières évoluaient à l’intérieur d’un large couloir occupé par une végétation ligneuse bien adaptée au milieu. Sa largeur était assez importante, ce qui lui permettait de jouer un rôle de tampon. Actuellement, peu de rivières possèdent encore une ripisylve. Le défrichement des terrains en bordure de rivière, l’aménagement artificiel des berges, la progression des terres agricoles ont réduit ou détruit la ripisylve. De plus, lorsqu’elle existe, cette zone n’est généralement pas entretenue; les arbres vieillissent et dépérissent. C’est le cas des têtards (saules) non taillés qui éclatent; des cépées d’aulnes qui prennent une ampleur démesurée menaçant la stabilité de la berge. La ripisylve ne peut donc plus répondre à ses fonctions naturelles essentielles qui sont de : S fixer et stabiliser les berges des cours d’eau, S participer à l’équilibre biologique de la rivière. 190 Figure 13.2 Zonation végétale de la coupe d’un cours d’eau (Verniers, 1995). 13.4 FAUNE RIVERAINE L’effet de lisière, la densité et la diversité de la végétation au niveau espèces mais aussi au niveau strates, la présence de l’eau, la variété des microclimats font que ce milieu riverain comporte aussi un grand nombre d’espèces animales qui y trouvent un habitat de qualité (abris, lieux de reproduction) et une nourriture abondante. Ainsi pour les insectes aquatiques, les végétaux aquatiques et semi--aquatiques des berges servent de lieu d’émergence pour le passage du stade larvaire aquatique au stade adulte terrestre. Par la suite, c’est sur ces plantes que les insectes vont pondre leurs neufs. Pour les populations piscicoles, la végétation riveraine (plantes, racines...) joue un rôle d’abri lors de conditions défavorables (crues) ou pour se protéger de prédateurs. C’est dans les zones riches en 191 végétation semi--aquatique que certaines espèces de poissons viendront pondre leurs neufs (brochet notamment); les jeunes poissons ou alevins y trouvant des conditions idéales pour leur croissance et leur alimentation. Les amphibiens, quand à eux, s’accouplent et se reproduisent dans les zones humides proches des cours d’eau. De nombreuses espèces d’oiseaux sont liées également au milieu riverain, certaines parce qu’elles nichent dans les berges hautes en terre comme le martin--pêcheur ou l’hirondelle de rivage. D’autres parce qu’elles préfèrent les berges riches en végétation (canards, poules d’eau, foulques) ou les plages de gravier (bergeronnette des ruisseaux). Il faut souligner aussi que les vallées sont des ”corridors” de passage pour certains migrateurs, qui peuvent trouver au niveau des berges nourriture et abris pour se reposer. Enfin, différents mammifères fréquentent les berges : le campagnol aquatique, le ragondin, le rat musqué, peu apprécié pour les galeries qu’il construit. Mais ce sont sans conteste la loutre et le castor, espèces très menacées et quasi disparues de nos contrées, qui sont les plus exigeantes quant au couvert végétal de la bande riveraine. 13.5 MULTIPLES FONCTIONS DES BERGES NATURELLES Selon Verniers (1995), les multiples fonctions des berges naturelles se définissent à plusieurs niveaux. Au niveau du bassin versant, elles se définissent : S rôle de régulation du micro--climat : en freinant l’évapotranspiration, en maintenant l’humidité et en favorisant les pluies. La présence d’arbres réduit les écarts de température défavorables aux cultures et aux élevages, S effets de régulation et d’assainissement des eaux, donnant aux pluies le temps de s’infiltrer dans le sol (pompage végétal) et limitant les risques de crues dans les cours d’eau. Au niveau de la vallée, elles se définissent : S effet brise--vent freinant l’érosion éolienne et protégeant les cultures, S effet de ”haie” et de protection du bétail contre le vent, le froid et le soleil, S rôle de protection du sol contre l’érosion, S rôle paysager, pôle attractif pour le tourisme et les loisirs, S lieu de passage pour les oiseaux. Au niveau du cours d’eau, elles se définissent : S apports exogènes de nourriture pour la faune aquatique, S rôle d’ombrage : 192 -- diminution des différences d’amplitude thermique; -- réduction du développement de la végétation aquatique; protection contre l’érosion, S rôle de protection du sol contre l’érosion, S rôle paysager, augmentation de la diversité, S accueil pour un grand nombre d’insectes adultes à stade larvaire aquatique, S rôle des racines d’arbres et de plantes herbacées comme support de ponte et caches pour la faune aquatique et les poissons en particulier. BIBLIOGRAPHIE Verniers, G. 1995. Aménagement écologique des berges des cours d’eau -- techniques de stabilisation. Presses Universitaires de Namur, Belgique, 77 pages.