JACOB-BELLECOMBETTE dans l`Histoire des communes savoyardes

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JACOB-BELLECOMBETTE dans l`Histoire des communes savoyardes
Histoire des communes savoyardes
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
JACOB-BELLECOMBETIE
Appellation ancienne.' la commun e
remonte à la fu sion en 1497 du village
de Bellecombette, qui faisait partie de
la paroisse de Montagnole et de la seigneurie de Villeneuve à Cognin, et du
petit hameau de Ja cob qui dépendait
du prieuré de Lémenc.
Habitants .' les Ja cobins.
Population.' 14 71, 30feux - 1561 ,
234 habitants - 1729, 160 habitants 1806, 371 habitants - 1848, 327 habitants - 1911, 320 habitants - 1936,
562 habitants - 1956, 712 habitants 1968, 1074 habitants - 1976, 2410
habitants.
Altitude.' 365 m au chef-lieu, étagement de 300 à 560 m .
Superficie.' 24 7 ha.
A 3 km de ChambélY.
Pendant la Révolution , canton de
Chambéry - après 1800, canton de
Chambéry-sud après 1816, mandemenl de Chambéry, après 1860, canIon de Chambéry-sud, depuis 1975,
canlon de La Ravoire.
Ham eaux el lieux -dits.' Bellecombelle, Bellevue', Belvédère', le Biolley', le Chaney, la Grobette t, Jacob,
la Paisse.
Sur les premières pentes de la
C hartreu se, Jacob s'étire entre la
plaine calcaire des C harmettes et la
dépression marécageuse du Biolley
et de Cognin , et ce, par trois paliers
successifs séparés par des barres rocheuses embroussaillées, le plateau
de la Grobella dominant le coquet
va llon de Bellecombette, lui-m ême
au-dessus de la coll in e de Jacob, le
tout traversé par le Césa let, venu de
Montagnole, célèbre par ses ressa uts,
sa cascade et ses bassins.
Jacob-Bellecombette se mble avo ir
toujours . été trop petite et trop
proche de C hambéry pour bénéficier
d' une vie propre. En 1673, l'évêque
est surpris de voir le curé habite r
Chambéry, aussi... « les paroissiens
vo nt presque toujours à la messe en
ville si bi en que la paroisse est déserte et la popul ation mal instruite ... ». En 1807, par so uci de rentab ilité, l'admini stration napo léo nienne pensa rattacher la paroisse à
cell e de Maché à C hambéry. Après
la deuxièm e guerre, l'idée revi nt de
fusionn er la commune avec C hamb éry, d'où de séri euses discussions, de
graves débats qui aboutirent... au statu quo.
De grands propriétaires
Il n'empêche que les riches C ha mbériens jetèrent très tôt leur dévolu
sur le coteau enso leill é de Jacob,
pour y acheter de fructueux domaines où ils pouvaient passe r
d'agréabl es étés. Certes, la commune
profita largement de leurs libéralités,
mais les habitants devaient se résigner à laisser la meill eure part du so l
à ces propriétaires « forains ». Le cadastre de 1738 révèle un e cinquantain e de ceux-ci, dont un e trentaine
de nobl es et de bons bourgeois
chambériens. La moitié de la commune ap partena it alors à un e douza ine de « grands propriétaires » (de
plu s de cinq hectares). Ces domain es
changea nt souvent de mains se lo n
les héritages et les variations de fortune, peu de fa mill es peuvent prétendre ici à de vénérab les souve nirs hi storiqu es. On s'e norgue illi t néa nmoins d'avo ir co mpté à Jacob deux
grands arti sa ns de l'Annexion de
1860, deux ami s, tou s deux avocats
et membres de la Co ur d'A pp el,
C laud e-Amédée Greyfié de Bell ecombe (18 11-1 879) et C harl es Du179
Sous la direction de Philippe PAILLARD, avec la collaboration de
Michèle BROCARD, Lucien LAGIER-BRUNO, André PALLUEL-GUILLARD
Editions Horvath, Roanne, 1982
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Histoire des communes savoyardes
pasquier. Le premier, issu d'une
vieill e famill e de robe originaire
d'Annecy et anobl ie au XVII le siècle
avec une seig neurie en Tarentaise,
acheta le domaine du Chan ey en
1857, juste avant les grandes opérations diplomatiqu es et politiques du
rattac heme nt et du plébiscite. Il retrouvait ici so n ami Dupasquier, qui
ava it été syndi c de Jacob comme son
père et son fils et qui fut le dernier
go uvern eur de la Savoie, nommé à
cette fonction pour mieux ass urer le
changement de régime (son neveu et
héritier ici, le commandant Reve l, fut
très connu après 1918 comme officier, érudit et président de la Société
Savoisienne d'Histoire). Un autre
gouverneur de la Savoie, Alexis Gabet, avait d'ailleurs eu aussi sa propriété en ces li eux vers 1840.
Des pierres et des souvenirs
Il ne reste rien de l'ancienne église
consacrée à saint Maurice, qui avait
dépendu du prieuré de Lémenc. Elle
avait été construite en 1497 et desservie pendant longtemps par un moine
de Lémenc, qui ne montait à Jacob
que le dimanche ou en cas d'extrême
besoin. A Bellecombette, le culte
était assuré dans la chapelle de Notre-Dame de J'Annonciation . Il n'y
eut de presbytère qu'à la fin du
XVIIe siècle. Le tout étant très dégradé, il fallut se résigner à reconstruire
l'église en 1850. L'actif curé Georges
en fut l'a rtisa n avec J'architecte Dénarié. Il en coûta 21 500 francs. Le
Prince Roya l (Je futur roi Humbert
1er d'Italie) posa la première pierre et
offrit le maître-a utel de marbre
blanc, la Reine Mère offrant des vitraux aux armes de la Maiso n de Savo ie. L'église fut ouverte au culte en
1852. L' intérieur ne reçut jamais la
décoration initialement prévue, tou s
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
L' église peu après son édification
les crédits ayant été absorbés par les
travaux précédents. Qua nt au clocher postérieur « mollement tapi
dans les arbres, (il est) comme une
brebis dans J'herbe grasse» (Henry
Bordeaux: « la Peur de vivre ») .
Il ne reste rien du château de Jacob à Romagny, près de l'église (su r
J'actuelle propriété Gentil). Il remontait pourtant au XIIIe et appartint
pendant des siècles aux se igneu rs du
li eu, les Chabod. Ceux-ci, riches
marchands chambériens connus dès
le X IVe siècle par leurs libéralités en
faveur des hospices de Chambéry,
avaient été très tôt anoblis. Au
XVII e siècle, trois Chabod furent
success ivement ambassadeurs du
duc à Paris, grands maîtres de J'artillerie, gouverneurs de la Savoie. Ils
possédaient ici, en plus de leur fief et
de leur château , un canal au long duquel il s avaient .établi de fructueux
moulins. A la mort du derni er C habod de Œourg)-Saint-Maurice, en
1780, le fief passa à un e nièce du
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Prince Eugène, qui prit le nom de
Dame de Jacob .
Peu de restes aussi de l' ancienne
maison forte de Tirepoil , qui appartint aux XVII-XVIIIe siècles aux
Bret de Montmélian qui ve naient
juste d'être anoblis. La mai son forte
de Montgelat resta dans la famille de
ce nom jusqu'au XVe siècle où elle
passa aux Amblard de C hignin. En
1532, elle fut confisquée par le Duc
(Hugues Amblard s'étant permis de
chercher querelle à son frère en présence du Souverain). Au XVIIIe siècle, elle était aux mains des Garnerin , vieille famille de la Chambre des
Com ptes, qui s'illustra par sa branche bavaroise (un Montgelat n'étaitil pas Chef du gouvernement bavarois au temps de Napoléon ?). Henry
Bordeaux a situé ici (en le modifiant)
le cadre de son roman « l'Ombre sur
la maison ». Tout aussi célèbre, le
manoir de la Peysse est connu dès le
début du XIVe siècle. En 1500, il fut
achetè par Paul C apris, avocat et
bientôt sénateur, dont la famille resta
ICI
durant
deu x siècles.
Au
XVII Ie siècl e, il était aux mains de
Nicolas Garbillon, avocat fiscal généraI de Savoie, originaire d'Annecy,
qu i se fit connaître à Jacob en finançant la construction d' un pont près
de la casca de, mais surtout par son
rôle durant l'occupation espagnole
de 1742-48, à la tête de la délégation
générale établie pour assurer le ravitaillement des ennemis, ce qui lui valut d'être empri so nné à Miolans et le
titre de Co mte par la suite. Quant à
la mai so n forte du C haney, à la limite de Jacob, sur Chambéry, elle est
surtout connue pour avo ir été la propriété des Bellegarde, marquis des
Marches au XVIII e siècle. Jos eph introduisit en Savoie la Franc-Maçonnerie et réu nit ici la première Loge
chambérienne dite des « Trois Mor-
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
tiers». Il ava it auss i un puits très
profond que l'on disait commu niquer avec l'enfer. Faut-il li er ces
deux so uvenirs? En tous les cas, tout
ceci est bi en loin.
Le calme
Jacob es t co nnu depuis lo ngtemps
par les Chambéri ens par ses guinguettes, cafés, da ncings, jeux de
boule, où il faisait bon passe r le dimanche autrefois, au grand dam des
prêtres, des parents et parfois de la
police. Mais il se rait tendancieux de
ne voir que cet as pect dans cette
co mmune, qui s'est toujours vo ulu e,
bien au co ntraire, une zone de calme.
N'y a-t-il pas ici depuis le XVIIIe siècle des religieuses? Ce furent
d'abord des Visitandines qui profitèrent d'une donation de Marguerite
de la Chambre, co mtesse de La
Barre, Dame de Jacob , pui s d'un legs
de Claude-Aynard Rom anet, avocat
et homme d'affaires de la précédente. En 1729, les Ursulines remplacèrent les Visitandines à Bellecombette jusqu 'à leur expulsion en 1792.
Mais la tradition religieuse se perpétua avec la générosité de Louise Borrel , propriétaire des lieu x en 18 16;
elle se li a avec les sœurs de Saint-Joseph sitôt leur in sta llation à Chambéry et leur légua ses biens en 1820.
La co ngrégation n'utilisa réell eme nt
le dom ain e qu 'en 1850 pour y fonder
d'abord une école puis, dès 1902, un
noviciat et une maison de repos et de
retraite pour les religi euses âgées ou
malad es.
C'est encore à Bellecombette, et
grâce à un autre legs de C laudeAynard Romanet, que l'hôpital de la
Cha rité de Chambéry fut aussi longtemps propri étaire d'une belle ferme.
Ce rtes, l'étab li ssement possédait déj à
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ici des terres, mais Cla ude-Aynard,
qui en était un administrate ur, lui légua tous ses biens en 1668. Une autre
donation compléta celle-c i : en 1892,
Charles-Em manue l Grand, avocat et
maire de la commune (dont un imposant mausolée abrite les restes et entretient le souve nir) lègue aux Hospices C ivils de C hambéry sa propriété de Jacob, qui servit successivement de centre de vaca nces puis de
retraite et de so in s pour personnes
âgées. Du fait de ces biens, on ne
cessa pendant près d'une génération
d'agiter l'idée d'un transfert à Jacob
de l' Hospice et bientôt de l'Hô pital
de Cha mbéry. Rien ne se fit. Jacob
n'y tenait guère et C hambéry préféra
ne pas éloigner inconsidérément ses
étab li ssements hospitaliers.
Un seul transfert réussit, celui du
jeune Cen tre Universitaire de Savoie,
trop à l'étroit à C hambéry. De 1965 à
1975, tout le coteau du Chaney se
transforma en domaine universitaire
doublé bientôt, en 1970, par l'Ecole
de Commerce. « Ces deux établissements n'apportent rien mais ils ne
causent aucune gêne» remarque
M. le Maire Richard en 1980. Tournés vers C hambéry, isolés dans leur
« domaine », professeurs et étudiants ne sont pas près, en effet, de
transformer Jacob en vill e universitaire.
A défaut, la commune tend à devenir de plus en plus un vi llage-dortoir.
Bien des C hambériens ont élu domicile ici, près de la ville et au calme.
En vingt ans, le nombre des logements a quadruplé ici, record régional d 'expans ion. Résidences et pavillons s'étirent le long des routes, escaladant les collines surtout près de
Bellevue et du Biolley.
Tome I : Chambéry et ses environs, le Petit Bugey
L'agriculture d isparaît lentement;
douze exploitants, soit trois fois
moins qu'il y a trente ans, deux fois
mo ins de bovins, deux fois plu s de
bois. Peu ou pas d'industrie ici. Il n'y
en a jamais eu et l'on n'y tient guère
non plus. Certes, au milieu du siècle
les choses auraient pu changer, si la
gare de Cham béry s'était étab lie au
Petit Biolley, comme certains l'envisagaie nt. Il y eut bien quelques car- .
rières, mais la seule vraiment importante fut celle de ciment, ouverte à
Tirepoil vers 1880 et qui passa bientôt aux mains des frères Chiron,
ceux-ci poursuivirent l'exploitation
sur Montagnole mais laissèrent ici
leur concasseur. Encore fallait -il
transporter la pierre à l'usine de la
Revériaz, près de l'Hyère, en contrebas. Au début, on utilisait des chars
à bœufs, mais la commune refusant
l'autorisation d'une route spéciale à
cet objet, les industriels construisirent en 1908 un chemin de fer « Decauvi ll e» (à voie étroite), qui fut
remplacé par un câb le dès 1918. Le
transfert de l'usine à Montagno le
vers 1960 arrêta ce transit, pour la
plus grande joie des habitants. Jacob
conservait son calme...
.
A l'écart des grandes routes des
Echelles et de Chartreuse, Jacob se
veut modeste et sereine. La seule
audace de la première moitié du siècle fut la construction d'un des plus
beaux groupes scolaires de la région,
en 1932. Depuis la guerre, on s'efforce de diluer les ambitions et d'étaler les projets. Est-il loin le temps où
la cascade était un des buts préférés
des promenades dominicales des
C hambériens ? Jacob doit-elle se résigner à n'être qu'u n quartier résidentiel de l'agglomération chambérien ne ?
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